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Décisions | Assistance juridique

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AC/44/2022

DAAJ/56/2022 du 21.06.2022 sur AJC/2003/2022 ( AJC ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/44/2022 DAAJ/56/2022

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MARDI 21 JUIN 2022

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______[GE],

représenté par Me Anik PIZZI, avocate, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève,

 

contre la décision du 28 avril 2022 de la Vice-présidente du Tribunal de première instance.

 

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : le recourant), né en 1989, est marié à B______ le ______ 2013.

Trois enfants sont issus de leur union, C______, née le ______ 2014, D______, née le ______ 2015 et E______, né le ______ 2016.

b. B______ a quitté le domicile familial fin juin 2019 pour s'installer chez des proches, puis dans une chambre d'hôtel avec l'aide de l'Hospice général.

Les enfants sont demeurés vivre avec le recourant dans l'appartement familial jusqu'à leur placement en foyer prononcé le 2 février 2021 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (TPAE). Leur garde ainsi que le droit de déterminer leur lieu de résidence ont été retirés aux deux parents.

c. En raison d'actes de violence commis au préjudice de sa nouvelle compagne, le recourant a été arrêté par la police en date du 4 juin 2021 et placé en détention provisoire le lendemain. Il a également été inculpé pour menaces et injures proférées en décembre 2020 à l'encontre de son épouse.

d. Par jugement du 7 mars 2022, le recourant a été condamné à une peine privative de liberté ferme de 11 mois et un traitement ambulatoire a été ordonné. L'expertise psychiatrique ordonnée dans le cadre de la procédure pénale a retenu un risque élevé de récidive violente, compte tenu notamment de sa personnalité dyssociale, son utilisation nocive de l'alcool et de la cocaïne, ainsi que de ses antécédents de comportement violent.

B. a. Le 16 décembre 2021, B______ a introduit une procédure en divorce et sollicité, dans ce cadre, le prononcé de mesures provisionnelles en éloignement à l'encontre du recourant et en attribution du domicile conjugal (C/1______/2021).

Le recourant a obtenu l'assistance juridique pour assurer sa défense dans le cadre de cette procédure.

b. Par ordonnance sur mesures provisionnelles du 22 mars 2022 (OTPI/171/2022), le Tribunal de première instance a attribué la jouissance du domicile conjugal à B______. Il a considéré que, compte tenu du placement des enfants en foyer, il convenait de déterminer auquel des deux époux le logement était le plus utile. Si les époux étaient tous deux jeunes, en bonne santé et sans travail, le recourant entretenait des liens étroits avec sa famille, particulièrement avec sa mère et sa sœur, et aurait ainsi la possibilité de se reloger chez ses proches à sa sortie de prison, à tout le moins provisoirement, de sorte que le logement apparaissait plus utile à B______.

Le Tribunal a également fait interdiction au recourant d'approcher à moins de 100 mètres de B______ et à moins de 200 mètres du domicile conjugal, au motif qu'il avait très récemment fait l'objet d'une condamnation pénale pour des faits de violence, que l'expert psychiatre avait retenu un risque élevé de récidive et que, s'agissant de son abstinence à l'alcool et à la cocaïne depuis 9 mois, elle était relative puisqu'il était incarcéré pendant cette période. Il a en outre retenu que le principe de proportionnalité était respecté, s'agissant d'interdictions de périmètres et non de contacts, et que la préoccupation du recourant de pouvoir aller chercher les enfants à l'école était infondée, ceux-ci étant en foyer depuis plus d'une année.

c. Le 4 avril 2022, le recourant a formé appel auprès de la Cour de justice contre ladite ordonnance, concluant à son annulation, à l'attribution à lui-même de la jouissance du domicile conjugal et au constat de l'absence de nécessité de mesures d'éloignement.

S'agissant de l'attribution du domicile conjugal, le recourant a fait valoir s'être occupé seul des enfants depuis le départ de son épouse du logement familial en 2019, celle-ci ne souhaitant pas assumer leur prise en charge, de sorte qu'il récupérera "de toute évidence" leur garde à sa sortie de prison, prévue au plus tard le 2 mai 2022. Or, il était indispensable qu'il puisse accueillir les enfants dans l'appartement familial, dès lors qu'ils y ont leurs habitudes et qu'il se situe à proximité de l'école qu'ils fréquentent. Il serait en outre contraire à l'intérêt des enfants de leur imposer un déménagement à leur sortie du foyer pour permettre à son épouse de vivre seule dans un appartement de cinq pièces, ses proches étant dans l'impossibilité de l'accueillir avec ses trois enfants.

Concernant les mesures d'éloignement prononcées, le recourant a fait valoir que, à la suite des menaces et injures qu'il avait proférées à l'encontre de son épouse au mois de décembre 2020, des mesures d'interdiction de périmètre avaient été ordonnées pour une durée d'un mois. Or, à l'échéance de ce délai, son épouse n'avait pas sollicité leur reconduction et le TPAE n'avait pas jugé opportun de les prolonger en raison de la reprise du dialogue entre les époux. Ainsi, lors du prononcé des mesures provisionnelles litigieuses, il n'existait plus de menaces concrètes. Les mesures d'éloignement prononcées étaient par ailleurs disproportionnées puisqu'elles incluaient l'école des enfants, ce qui l'entravait dans ses contacts avec ceux-ci. En outre, aucune limitation temporelle n'avait été fixée. Or, un éloignement empêchait l'instauration d'une communication parentale sereine et apaisée, ce qui était contraire à l'intérêt des enfants. Enfin, ayant été condamné pour les infractions qu'il a commises et ayant purgé sa peine, le prononcé de mesures supplémentaires ne se justifiait pas.

C. a. Le 1er avril 2022, le recourant a sollicité une extension de l'assistance juridique afin de former appel contre l'ordonnance de mesures provisionnelles du 22 mars 2022.

b. Par décision du 28 avril 2022, notifiée le 30 du même mois, la Vice-présidente du Tribunal de première instance a rejeté ladite requête d'extension d'assistance juridique, au motif que les chances de succès de l'appel envisagé semblaient faibles.

Cette autorité a considéré que les griefs du recourant reposaient essentiellement, tant en ce qui concernait sa conclusion en attribution de la jouissance du domicile conjugal que celle en annulation des mesures d'éloignement prononcées, sur le fait qu'il pensait pouvoir récupérer la garde de ses trois enfants à sa sortie de prison au début du mois de mai 2022. Il apparaissait toutefois qu'il demeurait pour l'heure incarcéré et que rien n'indiquait qu'il obtiendrait à nouveau la garde de ses enfants à sa sortie de prison, de sorte que l'attribution de la jouissance du domicile conjugal à son épouse n'était en l'état pas critiquable. Par ailleurs, s'agissant des mesures d'éloignement prononcées, dans la mesure où le recourant avait récemment été condamné pour des faits de violence sur sa nouvelle compagne et qu'un risque de récidive violente avait été relevé par l'expert psychiatre mandaté, l'existence d'un risque concret de violence envers son épouse était rendue vraisemblable. En tout état, il n'apparaissait pas justifié de modifier les mesures provisionnelles ordonnées compte tenu de leur caractère temporaire et du prononcé prochain d'un jugement au fond.

D. a. Par acte déposé le 10 mai 2022 au greffe de la Cour de justice, le recourant a formé recours contre ladite décision, concluant à son annulation, à sa mise au bénéfice de l'assistance juridique sollicitée et à la condamnation de l'Etat de Genève aux dépens. Il a, à l'appui de son recours, allégué plusieurs faits nouveaux (allégués en fait no 7 à 9).

b. La Vice-présidente du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.

c. Par pli du 12 mai 2022, le recourant a été informé de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 En tant qu'elle refuse l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidente de la Cour de justice (art. 121 CPC et 21 al. 3 LaCC). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont le recourant n'a pas fait état en première instance ne seront pas pris en considération.

3.             3.1 Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 128 I 225 consid. 2.5.3).

Pour déterminer les chances de succès d'un recours, le juge peut prendre en considération la décision de première instance, en comparant celle-ci avec les griefs soulevés. De la sorte, l'examen sommaire des chances de succès auquel il doit procéder est simplifié. Cet examen ne doit toutefois pas conduire à ce qu'une partie voit quasiment rendu impossible le contrôle d'une décision qu'elle conteste (arrêt du Tribunal fédéral 5A_572/2015 du 8 octobre 2015 consid. 4.1).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance judiciaire sera ainsi refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés. Il en sera de même si, en droit, la démarche du requérant paraît d'emblée irrecevable ou juridiquement infondée (arrêt du Tribunal fédéral 5D_83/2020 du 28 octobre 2020 consid. 5.3.2).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

3.2 Selon l'art. 172 al. 3 CC, applicable par renvoi de l'art. 276 al. 1 CPC, le juge, au besoin, prend, à la requête d’un époux, les mesures prévues par la loi. La disposition relative à la protection de la personnalité en cas de violence, de menaces ou de harcèlement est applicable par analogie.

A cet égard, l'art. 28b al. 1 CC prévoit qu'en cas de violence, de menaces ou de harcèlement, le demandeur peut requérir du juge d'interdire à l'auteur de l'atteinte, en particulier, de l'approcher ou d'accéder à un périmètre déterminé autour de son logement (ch. 1) ou encore de prendre contact avec lui, notamment par téléphone, par écrit ou par voie électronique, ou de lui causer d'autres dérangements (ch. 3).

On entend par violence, l'atteinte directe à l'intégrité physique, psychique, sexuelle ou sociale d'une personne. Cette atteinte doit présenter un certain degré d'intensité, tout comportement socialement incorrect n'étant pas constitutif d'une atteinte à la personnalité. Les menaces se rapportent à des situations où des atteintes illicites à la personnalité sont à prévoir. Dans ce cas également, il doit s'agir d'une menace sérieuse qui fasse craindre à la victime pour son intégrité physique, psychique, sexuelle ou sociale, ou du moins pour celle de personnes qui lui sont proches (de ses enfants par exemple) et non pas d'une menace anodine (arrêt du Tribunal fédéral 5A_377/2009 du 3 septembre 2009 consid. 5.3.1).

Lorsqu'il prend des mesures pour protéger la victime, le juge doit respecter le principe fondamental de la proportionnalité. Il doit ainsi prendre la mesure qui est suffisamment efficace pour la victime et la moins incisive pour l'auteur de l'atteinte (arrêt du Tribunal fédéral 5A_377/2009 précité consid. 5.3.2).

3.3 En l'espèce, il ressort des faits allégués dans l'appel contre l'ordonnance de mesures provisionnelles litigieuse, que lorsque l'épouse du recourant a sollicité le prononcé des mesures d'éloignement contestées elle n'avait plus été victime de comportements violents de la part du recourant depuis le mois de décembre 2020, soit depuis une année, et que, postérieurement à cet épisode de violence, la situation entre les époux s'était apaisée, l'épouse n'ayant pas sollicité la reconduction des mesures d'éloignement d'une durée d'un mois ordonnées à l'époque et le TPAE n'ayant pas jugé opportun de les prolonger. Ainsi, il ne peut être exclu que l'autorité d'appel considère, si ces faits devaient être avérés, que le risque de nouvelles atteintes à la personnalité n'est pas suffisamment rendu vraisemblable, ce d'autant que le recourant était alors incarcéré. Le fait que le recourant ait été condamné à une peine privative de liberté en raison de violence sur sa nouvelle compagne et que l'expert psychiatre mandaté dans le cadre de cette procédure pénale ait retenu un risque élevé de récidive violente n'apparaît a priori pas décisif dès lors que son épouse n'était pas directement concernée.

Par ailleurs, l'argument du recourant selon lequel les mesures d'éloignement litigieuses ne respectent pas le principe de la proportionnalité n'apparaît, a priori, pas dénué de tout fondement s'agissant de l'interdiction qui lui est faite de ne plus approcher à moins de 200 mètres du domicile de son épouse. En effet, le périmètre visé inclut l'école des enfants, ce qui est de nature à entraver les contacts avec ceux-ci ainsi que la communication avec le milieu scolaire, étant précisé que lors du prononcé de l'ordonnance de mesures provisionnelles contestée, la sortie de prison du recourant était proche et que le fait que les enfants sont pour l'heure en foyer n'exclut pas que le recourant puisse devoir se rendre dans le périmètre de l'école, notamment lors de réunions scolaires ou dans le cadre d'une reprise du droit de visite dont il bénéficiait avant son incarcération. Or, ladite mesure ne semble pas indispensable, l'interdiction faite parallèlement au recourant d'approcher de son épouse à moins de 100 mètres apparaissant a priori suffisante pour empêcher toute atteinte à la personnalité de celle-ci.

Enfin, dans la mesure où rien n'indique qu'un jugement de divorce sera prochainement rendu, il ne saurait être considéré, à l'instar de l'autorité précédente, qu'une personne raisonnable plaidant à ses propres frais renoncerait à former appel contre l'ordonnance de mesures provisionnelles litigieuse.

Au vu de ce qui précède, il ne peut, sur la base d'un examen sommaire et au stade de la vraisemblance, être retenu que l'appel du recourant contre l'ordonnance sur mesures provisionnelles du 22 mars 2022 est dénué de chances de succès.

Dans la mesure où il suffit qu'un des motifs de l'appel pour lequel l'assistance juridique est sollicitée apparaisse fondé pour admettre que la condition des chances de succès est réalisée, il n'est pas nécessaire d'examiner si les griefs du recourant relativement à l'attribution de la jouissance du domicile familial sont justifiés.

La décision entreprise sera en conséquence annulée et la cause renvoyée à la Vice-présidente du Tribunal de première instance pour examen des autres conditions d'octroi de l'assistance juridique et nouvelle décision.

4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, l'Etat de Genève sera condamné à verser au recourant 400 fr. à titre de dépens (ATF 140 III 501 consid. 4).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 28 avril 2022 par la Vice-présidente du Tribunal de première instance dans la cause AC/44/2022.

Au fond :

Renvoie la cause à l'Autorité de première instance pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Déboute A______ de toutes autres conclusions de recours.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Condamne l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à verser la somme de 400 fr. à A______ à titre de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me Anik PIZZI (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.