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Décisions | Chambre civile

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C/5133/2024

ACJC/1185/2025 du 01.09.2025 sur JTPI/248/2025 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5133/2024 ACJC/1185/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 1ER SEPTEMBRE 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 9 janvier 2025, représentée par Me I______, avocate,

et

Monsieur B______, domicilié c/o CHC C______, ______, intimé, représenté par
Me J______, avocate.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/248/2025 du 9 janvier 2025, reçu le lendemain par A______, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure ordinaire, a notamment prononcé le divorce de A______ et B______ (chiffre 1 du dispositif), maintenu l'autorité parentale conjointe des précités sur l'enfant D______ (ch. 3), retiré aux parents le droit de déterminer le lieu de résidence et la garde de D______ (ch. 4), ordonné le maintien du placement de D______ dans un foyer (ch. 5), réservé à A______ un droit de visite sur D______, lequel s'exercerait d'entente avec les curateurs et le foyer (ch. 6), réservé à B______ un droit de visite sur D______, lequel s'exercerait dans le cadre thérapeutique de E______ [centre de consultations familiales], à raison d'une visite hebdomadaire de deux heures maximum au sein du foyer, selon les disponibilités du foyer et du père (ch. 7), autorisé un contact téléphonique hebdomadaire entre le père et l'enfant par l'intermédiaire du foyer (ch. 8), ordonné le maintien des mesures de protection instaurées en faveur de D______, soit: la curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles entre D______ et chacun de ses parents, la curatelle d'assistance éducative, la curatelle ad hoc de représentation thérapeutique concernant les soins psychothérapeutiques, pédopsychiatriques et somatiques de D______, la curatelle ad hoc afin d'organiser, surveiller et financer le placement de D______, la curatelle ad hoc pour faire valoir la créance alimentaire de D______ et la curatelle ad hoc afin de gérer l'assurance-maladie ainsi que les frais médicaux de D______ (ch. 9 à 14), limité l'autorité parentale des parents en conséquence (ch. 15) et dit qu'ils se partageraient par moitié les éventuels frais relatifs aux curatelles (ch. 16).

Le Tribunal a également fait interdiction à B______ de s'approcher à moins de 300 mètres du domicile de A______, de prendre contact avec cette dernière de quelque manière que ce soit, d'approcher de D______ en dehors du droit de visite prévu dans le jugement, prononcé les interdictions prévues sous chiffres 18 à 20 du jugement sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP (ch. 18 à 21), fait interdiction à B______ de quitter le territoire suisse avec D______ (ch. 22) et ordonné à la Police cantonale genevoise de maintenir l'inscription, dans le système de recherches informatisées de police (RIPOL) et dans le système d'information Schengen (SIS) de D______ à laquelle elle avait procédé suite au jugement du 13 juillet 2022 (ch. 23).

S'agissant des aspects financiers, le premier juge a fixé l'entretien convenable de D______, frais de logement non compris et allocations familiales non déduites, à 820 fr. par mois jusqu'à la majorité, voire au-delà en cas de formation professionnelle ou d'études sérieuses et régulières (ch. 24), dispensé A______ de contribuer à l'entretien de l'enfant, compte tenu de sa situation financière (ch. 25), condamné B______ à payer en mains des curateurs de D______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, un montant de 500 fr. à titre de contribution à son entretien et l'a dispensé, pour le surplus, de contribuer à l'entretien de l'enfant, compte tenu de sa situation financière (ch. 26), donné acte à A______ et B______ de leur engagement à prendre en charge, chacun par moitié, les frais extraordinaires de D______ et les y a condamnés en tant que de besoin (ch. 27), attribué aux parents, à raison d'une moitié chacun, la bonification pour tâches éducatives (ch. 28), donné acte aux parties de ce qu'elles avaient liquidé leur régime matrimonial (ch. 29), dit qu'elles avaient valablement renoncé au partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés durant le mariage (ch. 30), débouté A______ de ses conclusions en versement d'une contribution à son entretien (ch. 31) et donné acte à B______ de ce qu'il avait renoncé à toute contribution à son entretien (ch. 32).

Le Tribunal a encore arrêté les frais judiciaires à 3'240 fr., les a répartis à raison de la moitié à la charge de chacune des parties et les a laissés à la charge de l'Etat, étant donné qu'elles sont toutes les deux au bénéfice de l'assistance juridique, dit que les parties, bénéficiaires de l'assistance judiciaire, pourront être tenues au remboursement des frais judiciaires dans les limites de l'art. 123 CPC (ch. 33), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 34) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 35).

B. a. Par acte expédié le 10 février 2025 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel contre les chiffres 3 et 28 du dispositif de ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation.

Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour lui attribue l'autorité parentale exclusive sur D______ ainsi que la bonification pour tâches éducatives.

b. Par réponse du 20 mars 2025, B______ a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, au rejet de l'appel.

Il a produit des pièces nouvelles.

c. Par réplique du 28 avril 2025 et duplique du 2 juin 2025, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été avisées le 4 juillet 2025 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______, née le ______ 1990 en Iran, et B______, né le ______ 1987 en Iran, tous deux de nationalité iranienne, se sont mariés le ______ 2008 à F______ (Iran), sans conclure de contrat de mariage.

Une enfant est issue de leur union, D______, née le ______ 2012 en Iran.

b. D______ et ses parents sont arrivés en Suisse en août 2018 en tant que requérants d'asile. Ils se sont installés à Genève en décembre de la même année d'abord logés dans un Centre d'hébergement collectif (CHC), puis dans un appartement à G______ [GE].

Tous les trois sont titulaires d'un permis F.

c. Les époux vivent séparés depuis le 24 octobre 2021, date à laquelle A______ a porté plainte à l'encontre de B______ pour des faits de violences conjugales.

Suite à la plainte précitée, B______ été mis en détention préventive à la prison de Champ-Dollon. Il en a été libéré en novembre 2021, moyennant la mise en place de mesures de substitution ordonnées par le Tribunal de mesures de contrainte jusqu'en mai 2022, soit notamment l'interdiction de quitter la Suisse, d'entrer en contact avec son épouse et leur fille ainsi que de s'approcher à moins de 300 mètres du domicile de son épouse.

d. Par jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 13 juillet 2022, le Tribunal a donné acte aux époux de ce qu'ils vivaient séparés depuis le 24 octobre 2021, attribué à A______ la jouissance exclusive du domicile conjugal ainsi que la garde sur l'enfant D______, réservé à B______ un droit de visite sur l'enfant, médiatisé puis évolutif au Point Rencontre, ordonné l'instauration d'une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, fait interdiction à B______, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP, de s'approcher à moins de 300 mètres du domicile de A______ et de l'intéressée, de prendre contact avec A______ de quelque manière que ce soit et d'approcher sa fille en dehors du droit de visite, fait interdiction à B______ de quitter le territoire suisse avec l'enfant D______, ordonné à la FEDPOL d'inscrire D______ dans les systèmes RIPOL et SIS, dit que l'entretien convenable de l'enfant D______ s'élevait à 1'003 fr. par mois et qu'en l'état, B______ n'était pas en mesure de contribuer à l'entretien de sa fille.

Le Tribunal a notamment pris en compte la situation très tendue entre les époux ainsi que les menaces évoquées par la mère de la part du père et de la famille de ce dernier d'emmener D______ en Iran.

e. Par décision superprovisionnelle du 25 octobre 2022, confirmée au fond le 23 novembre 2022, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection), sur recommandation du Service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) du 20 même mois, a suspendu les visites entre D______ et son père. En effet, la première visite du 1er octobre 2022 s'était très mal déroulée, D______ exprimant avec force et émotion son refus de le voir. Il convenait de trouver un espace thérapeutique adapté pour préparer la reprise de visites médiatisées entre D______ et son père et les accompagner.

f. À compter de septembre 2022, la situation de D______ a commencé à se péjorer à l'école au point qu'elle a cessé de s'y rendre début 2023. L'enfant passait un temps excessif devant les écrans et était désocialisée.

g. En mars 2023, une Action Educative en Milieu Ouvert (AEMO) a été mise en place pour assister la mère, dès lors qu'elle se trouvait en grande difficulté pour fournir à D______ le cadre dont elle avait besoin.

h. Par ordonnance du 14 juillet 2023, le Tribunal de protection a maintenu la suspension des relations personnelles entre D______ et son père et donné pour instruction aux parents d'entreprendre avec la mineure, et le soutien des curateurs, une thérapie familiale auprès de E______ [centre de consultations familiales], d'abord séparément, dans le but de préparer la mineure et ses parents à la reprise de visites médiatisées entre l'intéressée et son père. Le Tribunal a également maintenu la curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, l'interdiction faite à B______ de quitter le territoire suisse avec D______ et l'inscription de l'enfant dans les systèmes RIPOL et SIS.

i. Le 16 octobre 2023, le SPMi a alerté le Tribunal de protection au sujet de l'état de santé psychique de D______. L'enfant, dont l'absentéisme scolaire depuis octobre 2022 était significatif, présentait d'importantes ruptures avec la réalité et des idées délirantes - elle était parfois persuadée d'être surveillée par le FBI - ainsi qu'une grande labilité émotionnelle et manifestait d'intenses et envahissantes angoisses de persécution l'empêchant de s'inscrire dans la collectivité, à l'école ou ailleurs, et de prendre les transports en commun. La psychothérapie seule n'étant plus suffisante pour soigner ses symptômes psychiques aigus, une hospitalisation était préconisée. Les parents rencontraient des difficultés pour se positionner et répondre adéquatement aux besoins de l'enfant.

j. Statuant le même jour sur mesures superprovisionnelles, confirmée sur mesures provisionnelles le 27 novembre 2023, le Tribunal de protection a instauré une curatelle ad hoc afin de pouvoir mettre en place tous les soins nécessaires à la santé psychique de D______ et s'assurer de leur évolution et leur adaptation, limité en conséquence l'autorité parentale de A______ et B______ et instauré une curatelle d'assistance éducative.

k. Par jugement du Tribunal correctionnel du 19 octobre 2023, aujourd'hui définitif et exécutoire, B______ a été reconnu coupable de lésions corporelles simples, de tentative de lésions corporelles simples, d'injure et de tentative de contrainte contre A______.

l. Du 21 décembre 2023 au 17 janvier 2024, D______ a été hospitalisée au Service psychiatrique de l'enfant et de l'adolescent (SPEA) des HUG, son état de santé psychique continuant à se dégrader.

m. Dans un rapport du 26 mars 2024, le SPMi a indiqué que l'hospitalisation de D______ avait été bénéfique mais que depuis lors, l'enfant avait rapidement recommencer à passer un temps excessif devant les écrans et à manquer l'école. L'état de la mineure se péjorait et la mère éprouvait toujours de grandes difficultés à exercer son autorité et à s'opposer à sa fille. Le placement s'imposait comme un outil pour travailler sur la problématique familiale mais ne visait pas à empêcher l'enfant de voir sa mère.

n. Faisant suite à ce rapport, le Tribunal de protection a, sur mesures superprovisionnelles du lendemain, retiré à la mère le droit de déterminer le lieu de résidence et la garde de D______, ordonné le placement de D______ dans une institution genevoise dans les meilleurs délais, cas échéant dans une structure d'accueil adéquate, instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles entre la mère et la fille, une curatelle aux fins d'organiser, surveiller et financer le placement, une curatelle pour faire valoir la créance alimentaire de D______, autorisé la reprise de contact entre B______ et sa fille, exclusivement dans le cadre thérapeutique [du centre] E______ et maintenu les mesures instaurées précédemment.

o. Le 16 avril 2024, D______ a été placée au foyer H______. Le placement est toujours en cours au stade de la procédure d'appel.

p. Par ordonnance du 6 mai 2024, le Tribunal de protection a retiré aux deux parents la garde et le droit de déterminer le lieu de résidence de D______, placé l'enfant en foyer, réservé à la mère un droit de visite selon les modalités convenues entre la mère, les curateurs et le foyer, limité le droit de visite du père à la reprise de contact dans le cadre [du centre] E______ exclusivement, maintenu l'interdiction faite à B______ de quitter le territoire suisse avec D______, ordonné le maintien de l'inscription dans les systèmes RIPOL/S-NIS, maintenu les curatelles déjà ordonnées, étendu la curatelle de représentation thérapeutique de D______ à ses soins psychothérapeutiques, pédopsychiatriques et médicaux somatiques, limité l'autorité parentale de A______ et B______ en conséquence et instauré une curatelle aux fins de gérer l'assurance-maladie et les frais médicaux de D______.

Le Tribunal de protection a notamment relevé que D______ était fragilisée par un traumatisme psychique résultant de son exposition à la violence physique de son père contre sa mère, ce qui avait entrainé des difficultés émotionnelles et à des comportements de retrait ainsi que de dépendance aux écrans, lesquels avaient notamment causé son décrochage scolaire. Dans ces circonstances, la mère éprouvait des difficultés à poser à sa fille un cadre sécurisant pour lui redonner un rythme de vie stable. L'hospitalisation de l'enfant puis son placement en foyer avaient été bénéfiques, puisqu'ils lui avaient permis de se stabiliser, de réduire les temps d'écran, de retrouver un rythme et de retourner à l'école. Il importait donc de maintenir le placement de la mineure dans un foyer en attendant sa stabilisation complète, ce qui pouvait impliquer le transfert de la mineure dans un foyer à plus long terme. Enfin, tout en constatant que cela relevait de la compétence du Tribunal civil, le Tribunal de protection mentionnait qu'étant donné que c'étaient des souvenirs traumatisants liés au père qui avaient déstabilisé D______ et pour éviter leur résurgence, il n'était pas envisageable que la garde de celle-ci soit confiée au père.

q. Le 25 juin 2024, statuant sur mesures superprovisionnelles, le Tribunal de protection a élargi le droit de visite de B______ à une visite hebdomadaire de deux heures maximum au sein du foyer H______ à organiser selon les disponibilités du foyer et du père et autorisé un contact téléphonique par semaine entre D______ et son père par l'intermédiaire du foyer.

Cette décision faisait suite à un courrier du SPMi du 21 du même mois, dans lequel le Service indiquait au Tribunal de protection que plusieurs séances avaient eu lieu entre le père et la fille au sein [du centre] E______ depuis le 16 mai 2024, et que les thérapeutes avaient fait état d'observations positives. Le SPMi était ainsi favorable à une visite au sein du foyer en plus des séances auprès [du centre] E______. D______ avait en outre demandé à pouvoir téléphoner à son père.

D. a. Parallèlement à ces faits, A______ a formé le 4 mars 2024, une requête unilatérale en divorce.

Elle a notamment conclu s'agissant des points encore contestés en appel (cf. let. B.a. supra) à ce que le Tribunal lui attribue l'autorité parentale exclusive, la garde sur D______ et la bonification pour tâches éducatives.

A l'appui de ses conclusions, A______ a fait valoir que D______ avait été fortement impactée par le climat de violence subi pendant des années et était atteinte dans sa santé psychique. L'enfant faisait l'objet de plusieurs curatelles et refusait de voir son père, dont le droit de visite était suspendu (cf. let. C.e et h. supra). Elle était pour sa part terrorisée à l'idée de revoir ou de parler à B______, de sorte que les parents étaient dans l'impossibilité de communiquer pour prendre des décisions liées à leur enfant. Il était ainsi dans l'intérêt de D______ que l'autorité parentale et la garde exclusive de cette dernière lui soient attribuées.

b. Lors de l'audience du 30 avril 2024, B______ s'est opposé au divorce, déclarant qu'il aimait sa femme et qu'il contestait la condamnation pour violences, dont il avait fait l'objet (cf. let. C. k. supra).

c. Par réponse du 31 mai 2024, B______ a notamment conclu à l'attribution en sa faveur de l'autorité parentale exclusive, la garde exclusive sur D______ ainsi que la bonification pour tâches éducatives.

À l'appui de ses conclusions, il a soutenu que D______ était actuellement placée en foyer (cf. let. C. o. supra) et qu'il convenait d'attendre les déterminations du SEASP pour pouvoir déterminer les besoins de l'enfant. La mère ne pouvait prétendre à l'autorité parentale exclusive ou à la garde de l'enfant vu le placement de cette dernière.

d. Le 1er juillet 2024, le SEASP a rendu un rapport d'évaluation sociale duquel il ressort notamment que le placement en foyer de D______ apparaissait comme la mesure la plus adéquate permettant d'offrir à l'enfant le cadre dont elle avait actuellement besoin. Cependant, ce placement devait être accompagné d'autres mesures sur le long terme, notamment de thérapies individuelles et familiales, dans l'attente de voir une évolution sur le plan scolaire. D______ avait montré qu'elle disposait des ressources et compétences pour aller mieux dans le contexte hospitalier et depuis son placement. Cet aspect devait toutefois être confirmé sur la durée. Le SEASP rejoignait l'avis du SPMi et de la psychologue de l'enfant selon lesquels il convenait de maintenir une prise en charge globale de l'enfant et de confirmer le placement, de même que toutes les mesures en place.

En matière de garde, l'objectif était, à terme, le retour de D______ au domicile de sa mère. Cela étant, le placement était à maintenir au moins sur une année pour assurer une progression et une protection sur le long terme, dès lors qu'un changement durable ne pouvait être envisagé en l’espace de quelques mois. En ce qui concernait le père, la reprise du lien avec sa fille avait montré que les précités pouvaient avoir un échange adéquat et positif avec préparation, encadrement et une volonté exprimée par D______ dans ce sens. Une évolution plus large sur le long terme n'était pas exclue tant qu'elle profitait à l'enfant.

S'agissant de l'autorité parentale, A______ avait expliqué au SEASP qu'elle n'avait aucun contact avec son époux et n'en voulait absolument pas. Ce dernier refusait le divorce et continuait à faire pression sur elle à travers la famille. L'idée de le croiser suscitait encore beaucoup de stress chez elle. Le SEASP a relevé qu'elle n'avait pas évoqué d'exemples montrant que le maintien de l'autorité parentale conjointe aurait généré des tensions entre les parents ou des blocages concernant D______. De son côté, B______ a déclaré qu'il souhaitait prendre seul les décisions relatives à D______, précisant qu'il pourrait prendre en compte les suggestions du SPMi et de la mère. L'intervenant du SPMi a aussi relevé que le père exprimait des critiques et son désaccord envers la mère, les thérapies et le placement de l'enfant. Le SEASP avait expliqué au père que cette position était incompatible avec l'exercice conjoint de l'autorité parentale. La présence du réseau avait contribué, vu l'absence de contact entre les parents, au maintien de son autorité parentale et il était invité à adopter une posture différente.

Le SEASP a relevé que le passif et l'état de la relation parentale, de même que la posture de B______, pourraient conduire à une attribution exclusive de l'autorité parentale à A______. Cependant, l'exercice de l'autorité parentale était déjà très fortement encadré, voire limité, par les mesures en place, étant relevé que ce même réseau permettait d'une certaine manière, aux deux parents de donner leur avis quant au bien de leur enfant, sans que celui-ci se retrouve entravé par le conflit parental. Il n'était, par ailleurs, pas impossible que le maintien d'une responsabilité commune des parents envers D______ participe positivement à l'évolution de la situation, notamment suite à la thérapie familiale. Ainsi, dans ce contexte précis, l'autorité parentale pouvait demeurer conjointe. Il y avait cependant lieu de la limiter en conséquence de la curatelle thérapeutique et de retirer aux deux parents le droit de garde et de déterminer le lieu de résidence de D______.

e. Lors de l'audience de débats d'instruction, ouverture des débats principaux et plaidoiries finales du 9 septembre 2024, A______ a déclaré au Tribunal qu'elle avait pris connaissance des conclusions du rapport SEASP du 1er juillet 2024 mais qu'elle persistait à solliciter l'autorité parentale exclusive. Elle était, en outre, d'accord que sa fille reste en foyer mais souhaitait en obtenir la garde dès qu'elle quitterait celui-ci. D______ venait chez elle tous les week-ends, avec la nuit, ainsi que les mercredis.

De son côté, B______ a notamment conclu à ce que le Tribunal donne suite aux conclusions du rapport du SEASP s'agissant de l’autorité parentale. Il voyait sa fille deux heures par semaine au foyer et lui téléphonait les lundis.

f. Le 21 novembre 2024, la cause a été gardée à juger par le Tribunal.

E. Dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu que le placement en foyer était actuellement la mesure la plus adéquate pour permettre à D______ de continuer sa reconstruction, de sorte que le maintien du placement serait ordonné. L'objectif à terme était que l'enfant puisse retourner vivre chez sa mère où elle passait actuellement les week-ends et les mercredis. Il n'était, en l'état, pas question que D______ vive avec son père, qui bénéficiait d'un droit de visite devant être exercé dans le cadre [du centre] E______. L'intérêt de l'enfant nécessitait aussi le maintien de toutes les curatelles instaurées depuis 2022. L'autorité parentale resterait ainsi conjointe conformément aux conclusions du SEASP et serait limitée en conséquence de la curatelle thérapeutique.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties après le 1er janvier 2025, les voies de droit prévues par la nouvelle procédure sont applicables (art. 405 al. 1 CPC).

1.2 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

En l'occurrence, le litige porte notamment sur les droits parentaux, soit sur une affaire non pécuniaire dans son ensemble, de sorte que la voie de l'appel est ouverte indépendamment de la valeur litigieuse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_611/2019 du 29 avril 2020 consid. 1).

1.3 Déposé en temps utile et dans la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l’art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.5 Les maximes d'office et inquisitoire illimitée sont applicables aux questions concernant l'enfant mineur (art. 55 al. 2, 58 al. 2 et art. 296 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_524/2017 du 9 octobre 2017 consid. 3.2.2), de sorte que la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties sur ces points (art. 296 al. 3 CPC), ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1).

2. L'intimé a produit deux pièces nouvelles.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Lorsqu'elle doit examiner les faits d'office, l'instance d'appel admet des faits et moyens de preuve nouveaux jusqu'aux délibérations (art. 317 al. 1bis CPC).

2.2 En l'espèce, les pièces produites et les faits nouveaux qui en ressortent sont recevables au vu de la maxime inquisitoire applicable au présent litige. Cela étant, elles ne sont pas pertinentes pour la résolution du présent litige.

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir maintenu l'autorité parentale conjointe. Elle fait valoir qu'elle n'est pas en mesure de communiquer avec B______ en raison des violences subies et qu'aucun élément au dossier ne permettait d'envisager une amélioration durable de la relation des parents. Elle sollicite ainsi l'octroi de l'autorité parentale exclusive sur D______.

3.1.1 En vertu de l'art. 133 al. 1 CC, le juge du divorce règle les droits et les devoirs des père et mère conformément aux dispositions régissant les effets de la filiation. Cette règlementation porte notamment sur l'autorité parentale, la garde de l'enfant et les relations personnelles (art. 273 CC).

En matière d'attribution des droits parentaux, le bien de l'enfant constitue la règle fondamentale (ATF 143 I 21 consid. 5.5.3; ATF 141 III 328 consid. 5.4), les intérêts des parents devant être relégués au second plan (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_932/2021 précité consid. 3.1).

3.1.2 L'autorité parentale sert le bien de l'enfant (art. 296 al. 1 CC). Aux termes de l'art. 296 al. 2 CC, l'enfant est soumis, pendant sa minorité, à l'autorité parentale conjointe de ses père et mère.

L'autorité parentale conjointe est la règle (art. 296 al. 2, 298a al. 1, 298b al. 2 et 298d al. 1 CC). Dans le cadre d'une procédure de divorce, le juge confie à l'un des parents l'autorité parentale exclusive si le bien de l'enfant le commande (art. 298 al. 1 CC). Il n'est qu'exceptionnellement dérogé au principe de l'autorité parentale conjointe, lorsqu'il apparaît que l'attribution de l'autorité parentale exclusive à l'un des parents est nécessaire pour le bien de l'enfant. Une telle exception est en particulier envisageable en présence d'un conflit important et durable entre les parents ou d'une incapacité durable pour ceux-ci de communiquer entre eux à propos de l'enfant, pour autant que cela exerce une influence négative sur celui-ci et que l'autorité parentale exclusive permette d'espérer une amélioration de la situation (ATF 142 III 53 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_489/2019 et 5A_504/2019 du 24 août 2020 consid. 4.1; 5A_153/2019 du 3 septembre 2019 consid. 3.3). L'attribution de l'autorité parentale exclusive à l'un des parents doit cependant rester une exception étroitement limitée (ATF 141 III 472 consid. 4.7).

Pour apprécier les critères d'attribution en matière de droits parentaux, le juge du fait, qui connaît le mieux les parties et le milieu dans lequel vit l'enfant, dispose d'un large pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; ATF 142 III 617 consid. 3.2.5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_53/2023 du 21 août 2023 consid. 3.1 et les références citées).

3.1.3 Pour trancher le sort des enfants, le juge peut avoir recours aux services de protection de l'enfance ou de la jeunesse pour demander un rapport sur la situation familiale. Il peut cependant s'écarter des conclusions dudit rapport à des conditions moins strictes que celles applicables lorsqu'il s'agit d'une expertise judiciaire (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_805/2019 du 27 mars 2019 consid. 4.1).

Si le juge n'est pas lié par les conclusions du SEASP, le rapport émanant de ce service constitue néanmoins une preuve au sens des art. 168 et 190 CPC et il est soumis à la libre appréciation des moyens de preuve consacrée par l'art. 157 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_382/2019 du 9 décembre 2019 consid. 4.2.2; ACJC/1209/2023/2023 du 19 septembre 2023 consid. 4.1.2 et les références citées). Cependant, une portée particulière peut être conférée au rapport d'évaluation sociale, qui prend en compte toute une série d'éléments objectifs, fondés sur les déclarations d'intervenants scolaires, médicaux ou sociaux. Il contient également des appréciations subjectives, découlant souvent d'une grande expérience en la matière, mais qui ne sauraient toutefois remplacer le pouvoir de décision du juge (ACJC/1209/2023/2023 du 19 septembre 2023 consid. 4.1.2 et les références citées).

3.2 En l'espèce, si la communication entre les parents est inexistante comme le soutient l’appelante, la présence du réseau, qui fait "tampon" entre les parents, a toutefois permis le maintien de l'autorité parentale conjointe, dont l'exercice est en l'état fortement encadré.

Or, le réseau et l'encadrement actuel paraissent destinés à durer dans le temps. En effet, à la connaissance de la Cour, D______ demeure toujours placée en foyer, étant relevé que tant le SPMi que le SEASP ont insisté sur le fait que le placement, d'une durée minimale d'un an, s’inscrivait dans une perspective à long terme. Le Tribunal, suivant le SEASP, a aussi conservé l’ensemble des curatelles considérant opportun de maintenir une prise en charge globale de l’enfant. Dès lors que l'objectif est d'instaurer un changement durable et pérenne, les mesures précitées devraient être maintenues sur une période de plusieurs mois, voire plusieurs années. Par conséquent, les parents ne seront pas en position, dans un avenir proche, de prendre seuls des décisions relatives à D______, qui atteindra la majorité dans cinq ans.

A cela s'ajoute que l'intimé est impliqué dans la vie de son enfant, dont il ne s'est jamais désintéressé. La reprise des échanges avec sa fille, qu'elle-même avait sollicitée, s'est avérée positive, ce qui a permis d’étendre son droit de visite à une durée de deux heures hebdomadaires au sein du foyer, une évolution plus large n'étant pas exclue par le SEASP sur le long terme.

De plus, l'absence de communication entre les parties découle exclusivement du refus de la mère, qui rejette tout contact avec l’intimé, en raison des violences survenues durant la vie conjugale. Or, s'il est concevable que l’appelante ne souhaite plus entretenir de contact avec son ex-conjoint au regard des violences subies du temps de la vie commune, il est néanmoins raisonnable d'attendre d’elle qu’elle puisse, au terme de plusieurs mois et de la levée des mesures, tolérer un contact électronique ponctuel, limité aux sujets relatifs à D______ dépassant la gestion quotidienne. Cette exigence s'inscrit dans l’intérêt supérieur de l'enfant, étant rappelé que les intérêts des parents passent au second plan en matière d'autorité parentale.

De son côté, l'intimé devra veiller à adopter une posture différente de celle précédemment adoptée comme le lui a déjà indiqué le SEASP, lequel tout en l'ayant mis en garde, n'a pas exclu une évolution favorable de la situation.

Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de déroger au principe de l'autorité parentale conjointe, étant rappelé qu'elle est pour le moment limitée par les différentes mesures en place.

Le grief est infondé et le chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris sera confirmé.

4. L'appelante fait encore grief au Tribunal d'avoir partagé par moitié entre les parents la bonification pour tâches éducatives. Elle fait valoir que l'entier de la bonification devrait lui être attribuée.

4.1 Le bonus éducatif est un revenu fictif ajouté automatiquement au montant total des cotisations AVS du père, de la mère ou des deux parents d'enfants âgés de moins de 16 ans (art. 29sexies LAVS).

Dans le cas de parents divorcés exerçant conjointement l'autorité parentale, le tribunal règle l'attribution de la bonification pour tâches éducatives en même temps que l'autorité parentale, la garde de l'enfant ou la participation de chaque parent à la prise en charge de l'enfant (art. 52fbis al. 1 RAVS).

Le tribunal impute la totalité de la bonification pour tâches éducatives à celui des parents qui assume la plus grande partie de la prise en charge des enfants communs. La bonification pour tâches éducatives est partagée par moitié lorsque les deux parents assument à égalité la prise en charge des enfants communs (art. 52fbis al. 2 RAVS).

C'est au regard des tâches éducatives assumées pour les enfants communs que le Tribunal se prononce sur le sort des bonifications pour tâches éducatives (ACJC/610/2023 du 9 mai 2023 consid. 7.1; ACJC/896/2020 du 23 juin 2020 consid. 4.1; ACJC/1871/2019 du 13 décembre 2019 consid. 7.1).

4.2 En l'espèce, s'il ressort en effet du rapport du SEASP et du jugement entrepris que l'objectif, à terme, est de confier la garde de D______ à la mère comme cette dernière le soutient, l'enfant est pour le moment toujours placée en foyer pour une durée indéterminée.

Il en résulte qu'aucun des parents n'assume actuellement la prise en charge de l'enfant, de sorte que la répartition par moitié entre les parents de la bonification pour tâches éducatives est équitable.

Partant, le grief est infondé et le chiffre 28 du dispositif du jugement querellé sera confirmé.

5. Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront fixés à 1'000 fr. (art. 30 et 35 RTFMC). Compte tenu de la nature familiale du litige, (art. 107 al. 1 let. c CPC), ils seront répartis par moitié entre les parties. Ces dernières plaidant toutes deux au bénéfice de l’assistance judiciaire, les frais mis à leur charge seront provisoirement supportés par l’Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 122 al. 1 let. b, 123 CPC et 19 RAJ).

Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens d’appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 10 février 2025 par A______ contre le jugement JTPI/248/2025 rendu le 9 janvier 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5133/2024.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d’appel à 1’000 fr. et les met à charge des parties pour moitié chacune.

Dit que les frais judicaires seront provisoirement supportés par l’Etat de Genève, sous réserve d’une décision contraire de l’assistance judiciaire.

Dit que chaque partie supportera ses dépens d’appel.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Monsieur
Cédric-Laurent MICHEL, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame
Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.