Décisions | Chambre civile
ACJC/1134/2025 du 26.08.2025 sur JTPI/8155/2024 ( OO ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE C/14421/2019 ACJC/1134/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 26 AOÛT 2025 | ||
Entre
A______ GENEVE SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 juin 2024, représentée par Me Patrick VOGEL, avocat, Walder Wyss SA, rue du Rhône 14, case postale, 1211 Genève 3,
et
1) B______, sise ______ [GE],
2) Monsieur C______, domicilié ______ [GE],
intimés, tous deux représentés par Me Julie VAISY, avocate, Harari Avocats, rue Ferdinand-Hodler 23, case postale, 1211 Genève 3.
A. Par jugement JTPI/8155/2024 du 24 juin 2024, reçu le 26 juin 2024 par les parties, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a déclaré recevable la demande formée par A______ GENEVE SA (chiffre 1 du dispositif), déclaré irrecevable le courrier du 6 décembre 2023 et le titre 62 de celle-ci (ch. 2), débouté A______ GENEVE SA de ses conclusions (ch. 3), arrêté les frais judiciaires à 48'240 fr., compensés avec l'avance de frais versée par A______ GENEVE SA et mis à la charge de celle-ci, ordonné la restitution par l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, de 900 fr. à A______ GENEVE SA et de 300 fr. à B______ et C______ (ch. 4), condamné A______ GENEVE SA à verser 37'000 fr. TTC à B______ et C______ à titre de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).
B. a. Par acte déposé le 27 août 2024, A______ GENEVE SA a formé appel à la Cour de justice contre le jugement précité, dont elle a requis l'annulation. Elle a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à la condamnation, principalement de B______, subsidiairement de C______ et plus subsidiairement de B______ et C______ conjointement et solidairement, à lui payer 1'300'000 fr. plus intérêts moratoires à 5 % dès le 30 avril 2018.
Elle a produit six pièces nouvelles, à savoir la traduction libre du néerlandais au français des pièces 32 à 34, 36, 42 et 43 qu'elle avait déposées au Tribunal (pièces 102 à 107).
b. Par acte du 18 novembre 2024, B______ et C______ ont conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, principalement à l'irrecevabilité et subsidiairement au rejet de l'appel de leur partie adverse. Ils soulèvent l'irrecevabilité des pièces nouvelles de celle-ci.
c. Les parties ont répliqué les 22 janvier et 31 mars 2025, en persistant dans leurs conclusions.
A______ GENEVE SA a déposé l'arrêt CAPH/125/2023 rendu le 21 novembre 2023 par la Chambre des prud'hommes de la Cour dans la cause C/1______/2028-4 l'ayant opposée à C______ (pièce 108, correspondant au titre 62 produit par A______ GENEVE SA en première instance; cf. ch. 2 du dispositif du jugement attaqué et ci-dessous, let. C.f.b), pièce dont celui-ci et B______ contestent la recevabilité.
d. Les parties ont été informées le 17 avril 2025 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour :
a. D______ SA (ci-après : D______) était une société anonyme de droit suisse, sise à Genève, qui avait pour but la gestion de fortune. Son capital-actions était détenu par C______, directeur.
Par contrat du 20 novembre 2015 (cf. ci-dessous let. C.b), C______ a cédé l'entier du capital-actions de D______ à la société de droit français A______, sise à Paris (ci-après : A______ PARIS). C______ a été membre du directoire de A______ PARIS jusqu'au printemps 2017.
En novembre 2015, D______ est devenue A______ GENEVE SA (ci-après : A______ GENEVE). E______ en a été administrateur président jusqu'en juin 2024, C______ et F______ administrateurs, respectivement jusqu'en octobre 2017 et jusqu'en août 2020. G______ en est administrateur président depuis juin 2024.
B______ est une société en commandite inscrite au registre du commerce de Genève le ______ 2015, active dans le domaine du conseil économique et des analyses financières à l'exception de toute activité réglementée. C______ en est l'associé indéfiniment responsable, avec signature individuelle.
Dès sa création, B______ a fourni à D______, puis à A______ GENEVE, différents services, exécutés pour elle par C______, moyennant le paiement d'honoraires.
b. Le contrat de cession d'actions du 20 novembre 2015 prévoyait que C______ cédait à A______ FRANCE la totalité des actions de D______ contre paiement de 2'071'312 euros, prix fixé notamment sur la base des encours au 30 juin 2015, qui représentaient 94'483'905 euros (art. 4.1). La dernière tranche du prix des actions a été payée le 23 novembre 2017.
C______ conservait son mandat d'administrateur de D______ et s'engageait à accompagner A______ PARIS dans la transition. Un contrat de mandat allait être conclu entre D______ et B______ (art. 3.3).
Pour une durée de sept ans à compter de la date de la cession, C______ s'engageait "à ne pas créer directement ou indirectement, ni à participer ou s'intéresser directement ou indirectement à une activité concurrente à celle de [D______ et A______ PARIS], ni à recruter directement ou indirectement les salariés ou anciens salariés de [D______], ni solliciter ou traiter les clients de [D______]." L'activité couverte par cette clause de non-concurrence était "relative à toutes activités de gestion de fortune, directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit" et était applicable sur les territoires suisse et belge (art. 3.6).
Lors du rachat des actions, les encours des clients gérés directement par C______ représentaient environ la moitié des encours totaux de la société (interrogatoire E______, procès-verbal du Tribunal du 26 avril 2023, p. 3).
c. A______ GENEVE et B______ ont formalisé leur relation dans un contrat intitulé "contrat de mandat" conclu le 20 novembre 2015.
c.a En qualité de mandataire, B______ s'est engagée à assumer la gestion quotidienne des activités de A______ GENEVE, soit notamment à effectuer un certain nombre de tâches énoncées par le contrat, telles que le contrôle de la conformité des activités de gestion d'actifs de A______ GENEVE avec la réglementation applicable.
B______, dont il était rappelé qu'elle avait un statut de contractant indépendant, était tenue d'exécuter les tâches qui lui étaient confiées par la personne de son associé indéfiniment responsable, soit C______. Elle ne pouvait faire appel à aucun sous-traitant, ni à aucun auxiliaire, pour exécuter ses obligations. Par le biais de C______, B______ devait se consacrer à plein temps (100%) à rendre les services prévus par le contrat.
Sauf accord de A______ GENEVE, C______ ne devait pas exercer d'autres activités professionnelles pour le compte de tiers, à l'exception de la direction d'une société belge de courtage en assurances et des filiales de celle-ci, dont il était également associé.
c.b En qualité de mandante, A______ GENEVE s'est engagée à rémunérer B______ sur la base de notes d'honoraires mensuelles, qui lui seraient soumises par celle-ci.
Le montant des honoraires dus à B______ était fixé forfaitairement à 183'420 euros par an, TVA en sus.
A______ GENEVE s'est également engagée à rembourser à B______ les frais de déplacement, de téléphone et de représentation liés à l'exécution du contrat, sur présentation de justificatifs, ainsi qu'à mettre à la disposition de C______ un véhicule professionnel.
Pour sa part, B______ s'est engagée à supporter toutes les charges sociales, retenues à la source, impôts et taxes (à l'exception de la TVA) relatives à son activité et à celle de son associé indéfiniment responsable, C______.
c.c L'art. 5 du contrat, intitulé "Non concurrence", avait la teneur suivante :
"Dans le cadre de l'exécution du présent contrat, la Mandataire et son associé indéfiniment responsable C______ ont connaissance de secrets professionnels et ont accès à des informations confidentielles sur les activités ou les clients de A______.
Par conséquent et sauf accord écrit préalable de A______, la Mandataire ainsi que son associé indéfiniment responsable C______, s'engagent, pendant toute la durée du présent Contrat et durant l'année qui suit sa résiliation, à ne pas concurrencer A______, notamment en acceptant directement ou indirectement un mandat ou en concluant toute autre relation contractuelle avec une personne, entité ou client qui entre ou peut entrer en concurrence avec le but ou les activités de A______.
Si A______ rend vraisemblable que la Mandataire ou son associé indéfiniment responsable C______ a violé les obligations prévues par le présent article, une clause pénale correspondant à [CHF 50'000 (cinquante mille francs)] est immédiatement due par la Mandataire, respectivement l'associé indéfiniment responsable C______, à A______. Ce montant est dû à A______ pour chaque cas de violation de cet article que A______ rend vraisemblable. A______ aura également droit au paiement de dommages et intérêts pour tout dommage subi par A______ consécutif à la violation de cet article par la Mandataire ou l'associé indéfiniment responsable C______. Les poursuites pénales demeurent réservées. Le paiement de la peine conventionnelle n'exclut pas le droit de A______ d'exiger la cessation immédiate de l'activité concurrente."
c.d Le contrat était conclu pour une durée indéterminée. Il prévoyait que chaque partie pouvait le résilier en tout temps, moyennant un préavis de trois mois.
En cas de manquement au contrat non réparé dans les huit jours suivant mise en demeure, ou en cas de faute grave ou lourde, l'autre partie pouvait en outre résilier le contrat avec effet immédiat et sans préavis.
c.e Le contrat était soumis au droit suisse, notamment aux art. 394 ss CO.
c.f Il a été signé par C______ en qualité de représentant de B______, ainsi qu'à titre personnel "au vu de certains engagements", notamment ceux figurant dans la clause de non-concurrence.
d. Certains des clients gérés par C______ avaient investi dans un fonds dénommé "H______".
Par courriel du 23 juin 2017, F______ a informé C______ qu'à la suite d'une "due diligence" effectuée sur le gérant du fonds "H______", la décision avait été prise d'exclure ce fonds de la liste d'investissements de A______ GENEVE. F______ précisait en particulier que le fonds, malgré ses performances, n'avait pas répondu aux critères de sélection relatifs à la transparence et à la rigueur du processus de gestion. Le risque global de ce fonds était considéré comme excessif.
Le courriel contenait une liste de clients détenant des investissements dans le "H______" et demandait expressément à C______ d'exclure ce fonds de tous les portefeuilles concernés avant le 31 août 2017, sous réserve d'un accord exprès des clients.
Par courriel du 5 juillet 2017, C______ a contesté l'analyse de A______ GENEVE concernant le "H______". Selon C______ et B______, l'intention de A______ était de remplacer le "H______" par des investissements "maison", qui rapportaient davantage.
C______ a indiqué à F______ que certains clients ne voudraient pas renoncer au "H______". F______ lui a répondu que les clients souhaitant conserver ces investissements devaient écrire et le demander explicitement (interrogatoire C______, procès-verbal de l'audience du Tribunal du 15 décembre 2022, p. 6).
C______ a préparé un courrier-type, à l'usage des clients souhaitant conserver le "H______". Dans ce modèle de courrier, adressé à A______ GENEVE, le signataire exprimait ledit souhait. C______ a soumis ce courrier à ses clients, afin qu'ils le signent. Il a ensuite remis les courriers signés à A______ GENEVE. Certains clients avaient signé le courrier et d'autres non (interrogatoire C______, procès-verbal de l'audience du Tribunal du 15 décembre 2022, p. 6). I______, qui travaillait comme assistante et gestionnaire des aspects administratifs pour C______ chez A______, avait dactylographié lesdits courriers à la demande de C______ et sur la base d'un texte que celui-ci lui avait fourni (témoignage I______, procès-verbal du Tribunal du 16 février 2023, p.2).
e. Par courrier du 26 septembre 2017 adressé à B______, A______ GENEVE a résilié le contrat de mandat avec effet immédiat, en raison du désaccord relatif aux investissements dans le "H______".
f. Par demande déposée en vue de conciliation le 12 décembre 2018, déclarée non conciliée le 21 janvier 2019 et introduite devant le Tribunal des prud'hommes le 29 avril suivant (cause C/1______/2023), C______ a assigné A______ GENEVE en paiement de 160'625.30 euros, notamment à titre de salaire durant le délai de congé, soit du 26 septembre au 31 décembre 2017, et d'indemnité pour résiliation immédiate injustifiée, correspondant à six mois de salaire. C______ a également conclu à ce que le Tribunal des prud'hommes constate qu'il avait été lié à A______ GENEVE par un contrat de travail et que le licenciement immédiat qui lui avait été signifié était injustifié. Subsidiairement, il a pris les mêmes conclusions chiffrées en francs suisses.
A______ GENEVE a conclu à la constatation de ce que C______ n'avait pas la qualité pour agir et à son déboutement de toutes ses conclusions. Elle a également contesté la compétence matérielle du Tribunal saisi, dès lors que la demande se fondait sur un contrat de mandat.
f.a Par jugement JTPH/36/2023, le Tribunal des prud'hommes a considéré que l'existence d'un contrat de travail était vraisemblable prima facie, au vu des explications du demandeur, ainsi que des pièces produites par celui-ci. En application de la théorie des faits de double pertinence, la demande devait donc être déclarée recevable et l'existence d'un contrat de travail devait être examinée au fond.
Le Tribunal des prud'hommes est ensuite parvenu à la conclusion qu'aucun contrat de travail n'avait été conclu et que C______ n'était pas lui-même partie au contrat de mandat. Il ne disposait donc pas de la légitimation active en relation avec les sommes réclamées, de sorte qu'il devait être débouté des fins de sa demande.
f.b La Chambre des prud'hommes de la Cour a été saisie d'un appel de C______. Celui-ci n'a pas contesté la décision du Tribunal des prud'hommes d'admettre la recevabilité de sa demande et de statuer sur le fond, au motif que l'existence d'un contrat de travail constituait un fait doublement pertinent. Il reprochait aux premiers juges d'avoir nié l'existence d'un tel contrat et de l'avoir en conséquence débouté de ses conclusions.
Dans un arrêt CAPH/125/2023 du 21 novembre 2023, lequel n'a pas fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral, la Cour a procédé à l'interprétation du contrat litigieux et examiné les critères permettant de distinguer le contrat de travail et le contrat de mandat (consid. 2). Elle est parvenue à la conclusion que c'était à bon droit que les premiers juges avaient considéré que le contrat litigieux ne devait pas être qualifié de contrat de travail, mais de mandat, et que C______ n'était pas légitimé à réclamer à A______ GENEVE le paiement de quelconques sommes en relation avec la résiliation dudit contrat. Seule la société en commandite B______, qui n'était pas partie au procès, disposait éventuellement d'une telle légitimation (faits notoires résultant d'une autre procédure entre les mêmes parties; cf. ci-dessous, "En droit", consid. 2).
g. Par acte déposé en conciliation le 20 juin 2019, déclaré non concilié le 19 février 2020 et introduit le 18 juin 2019 au Tribunal, A______ GENEVE a formé une demande en paiement, dirigée contre C______ et B______. Elle a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à la condamnation, principalement de B______, subsidiairement de C______ et plus subsidiairement de B______ et C______ conjointement et solidairement, à lui payer 1'300'000 fr. plus intérêts moratoires à 5 % dès le 30 avril 2018.
g.a Elle a notamment allégué que dès le 11 décembre 2017, soit moins de trois semaines après le dernier paiement du prix de vente à C______ effectué le 23 novembre 2017, "un grand nombre de clients" avait "subitement mis un terme aux rapports contractuels" avec elle (allégué 65; offres de preuve: pièces 23 à 46, interrogatoire des parties et "audition de témoins"), que tous ces clients étaient auparavant suivis par B______ et C______ (allégué 66; offre de preuve: notamment "audition de témoins"), que certains courriers de résiliation avaient été envoyés par les clients aux tiers auprès desquels leurs avoirs gérés par A______ GENEVE étaient déposés, tels que des banques ou courtiers en assurance (allégué 67; offres de preuve: pièces 23 à 34 et interrogatoire des parties), que "sept courriers-types de résiliation" avaient notamment été adressés par des clients différents à la banque J______ au Luxembourg (allégué 68; offres de preuve: pièces 23 à 29), que ces sept courriers avaient un texte "parfaitement identique et la même police de caractères, seule la date, le numéro de compte concerné et la signature ayant été inscrits à la main par les clients en question (allégué 69; offres de preuve: pièces 23 à 29), qu'ils avaient "très vraisemblablement été préparés et remis aux clients" par B______ et C______, "qui reprenaient ainsi le modus operandi déjà utilisé pour contester le choix de A______ Genève et A______ Paris de ne plus investir les avoirs de ses clients dans le H______" (allégué 70; offres de preuve: pièces 23 à 29 et interrogatoire des parties), que le 27 décembre 2017, "la société de courtage en assurance K______ a[vait] également informé A______ Genève que 12 clients avaient adressé des demandes de changement de gestionnaire pour les avoirs placés dans des polices d'assurance-vie qui étaient gérées par A______ Genève jusque-là" (allégué 71; offres de preuves: pièces 30 et 31, interrogatoire des parties et "audition de témoins"), que certains clients avaient adressé leur courrier de résiliation à A______ Genève directement entre décembre 2017 et janvier 2018 (allégué 77; offres de preuves: pièces 35 à 40 et interrogatoires des parties), et que d'autres avaient confirmé leur souhait de résilier les rapports contractuels entre décembre 2017 et janvier 2018 (allégué 78; offres de preuves: pièces 41 à 46).
A______ GENEVE a également allégué qu'"entre le 31 octobre 2017 et fin avril 2018, ce n'[étaient] pas moins de 26 clients de A______ qui étaient suivis par B______ et M. C______ et qui avaient conclu au total 34 mandats de gestion avec A______ Genève (sans tenir compte des clients proches de M. C______) qui [avaient] mis un terme à leurs rapports contractuels avec A______ Genève" (allégué 87; offres de preuves: interrogatoire des parties et "audition de témoins").
g.b Elle a soutenu qu'il était "évident que plusieurs clients [avaient] utilisé des courriers-type, préparés à l'avance par B______ et M. C______. (…) force [était] de constater" que ceux-ci avaient "incité et assisté ces clients de A______ Genève à mettre un terme à leurs rapports contractuels avec A______ Genève et à couvrir leurs besoins en matière de gestion de fortune auprès d'autres prestataires ou d'eux-mêmes. Par conséquent, B______ et M. C______ [avaient] violé leur obligation de non-concurrence découlant de l'article 5 du Contrat de mandat du 20 novembre 2015, dans au moins 26 cas". Dans la mesure où les précités avaient "induit au moins 26 clients (…) à mettre un terme aux rapports contractuels avec A______ Genève pour confier la gestion de leurs avoirs un tiers, réduisant ainsi considérablement la masse des actifs sous gestion", ils lui devaient la somme totale de 1'300'000 fr. (26 x 50'000 fr.).
h. A______ GENEVE a produit avec la demande 24 pièces partiellement caviardées, notamment s'agissant des noms des clients (pièces 23 à 46), à savoir:
- 7 courriers adressés entre le 11 et le 14 décembre 2017 à J______ Luxembourg par des clients qu'elle désigne dans son bordereau de pièces comme "Monsieur L______", "Madame M______ et Monsieur N______", "Madame O______", "Monsieur P______ et Madame Q______", "Madame R______", "Madame S______", et "Monsieur T______". Les courriers, dactylographiés mais avec le lieu et la date ajoutés à la main, sont identiques et ont la teneur suivante: "Veuillez prendre note de mon instruction de mettre fin à effet immédiat au mandat de gestion octroyé à A______" (pièces 23 à 29);
- un courriel reçu le 27 décembre 2017 d'un expéditeur caviardé, qu'elle désigne dans son bordereau de pièces comme "K______", dans lequel celui-ci écrit: "nous avons reçu des demandes de changement de gestionnaire pour certaines polices qui sont actuellement gérées par A______". Suivent douze lignes intégralement caviardées, sous les mentions "U______", "V______" et "W______" (pièce 30);
- un courriel reçu le 26 janvier 2018 d'un expéditeur caviardé, qu'elle désigne dans son bordereau de pièces comme "K______", dans lequel celui-ci écrit: "Je tiens à vous informer que nous avons reçu une autre demande de changement de la gestion. Il s'agit de la police [suit un passage caviardé] auprès de W______" (pièce 31);
- un courrier rédigé en néerlandais, adressé à Banque X______ le 17 janvier 2018, qu'elle présente dans son bordereau des pièces comme le "courrier de résiliation de Y______" (pièce 32);
- un courrier rédigé en néerlandais, adressé à Banque X______ le 2 février 2018, qu'elle présente dans son bordereau des pièces comme la "demande de transfert de la famille Z______" (pièce 33);
- un courrier rédigé en néerlandais, adressé à Banque X______ le 6 février 2018, qu'elle présente dans son bordereau des pièces comme la "demande de transfert de Madame AA_____" (pièce 34);
- sept courriers datés du 12 décembre 2017 par lesquels lui est demandée la vente de dossiers titres, pièces qu'elle désigne dans son bordereau comme les "courriers de résiliation de la famille AB_____" (pièce 35);
- un courrier rédigé en néerlandais qui lui a été adressé le 13 décembre 2017, qu'elle désigne dans son bordereau de pièces comme "courriers (sic) de résiliation de Monsieur AC_____ et Madame AD_____" (pièce 36);
- un courrier qui lui a été adressé le 21 décembre 2017 afin de mettre fin avec effet immédiat au mandat qui lui avait été confié, qu'elle présente dans son bordereau de pièces comme le "courrier de résiliation de Madame AE_____" (pièce 37);
- un courrier qui lui a été adressé le 19 décembre 2017 afin "d'arrêter le mandat de gestion", qu'elle désigne dans son bordereau de pièces comme le "courrier de résiliation de Monsieur AF_____ et Madame AG_____" (pièce 38);
- un courrier qui lui a été adressé le 11 janvier 2018 afin de résilier mandat qui lui avait été confié, qu'elle désigne dans son bordereau de pièces comme le "courrier de résiliation de Monsieur N______ et Madame AH_____" (pièce 39);
- la "dénonciation" du 18 janvier 2018 avec effet immédiat d'un mandat, désignée dans son bordereau de pièces comme le "courrier de résiliation AI_____ SA" (pièce 40);
- la résiliation non datée d'un mandat, désignée comme le "courrier de résiliation de Monsieur T______" (pièce 41),
- un courrier rédigé en néerlandais qui lui a été adressé le 11 janvier 2018, qu'elle désigne dans son bordereau de pièces comme la "confirmation de résiliation de Madame AJ_____." (pièce 42);
- un courrier manuscrit en néerlandais du 11 janvier 2018, qu'elle désigne dans son bordereau de pièces comme la "confirmation de résiliation de Madame AK_____" (pièce 43);
- un courrier daté du 12 janvier 2018 confirmant la résiliation d'un mandat de gestion, qu'elle désigne dans son bordereau de pièces comme la "confirmation de résiliation de Monsieur L______" (pièce 44);
- un courrier daté du 19 janvier 2018 confirmant la résiliation d'un mandat de gestion, qu'elle désigne dans son bordereau de pièces comme la "confirmation de résiliation de Madame Q______" (pièce 45);
- un courrier daté du 22 janvier 2018 confirmant la résiliation d'un mandat de gestion, qu'elle désigne dans son bordereau de pièces comme la "confirmation de résiliation de Madame R______" (pièce 46).
Les courriers susmentionnés n'ont pas été dactylographiés par I______ (témoignage I______, procès-verbal du Tribunal du 16 février 2023, p. 3).
i. B______ et C______ ont conclu à l'irrecevabilité de la demande, au motif que le contrat en question devait être qualifié de contrat de travail et que le Tribunal n'était par conséquent pas compétent pour connaître de la demande. Subsidiairement, ils ont conclu au déboutement de A______ GENEVE, avec suite de frais judiciaires et dépens, au motif qu'ils n'avaient pas violé la clause de non-concurrence.
Ils ont contesté l'allégué 70 de la demande. Au sujet des allégués 65, 69 et 78 de la demande, ils s'en sont rapportés aux pièces produites. Ils ont contesté les allégués 66 à 68, 71, 77 et 87 de la demande, car "ignorés".
j. Le 5 décembre 2022, la cliente "S______" (cf. ci-dessus, let. C.h, pièce 28 A______ GENEVE) a envoyé à C______ un message électronique, dans lequel elle indiquait ce qui suit (en relation avec une demande de renseignements qui lui avait été adressée précédemment par la banque AL_____, portant sur des transactions effectuées entre 2019 et 2022): "Bonjour C______, La banque demande des preuves écrites de ces transactions, mais je n'ai rien de tout ça ?? Apparemment c'est très urgent. Pourrais-tu m'aider ?". Ce courriel, rédigé en néerlandais, a été envoyé à l'ancienne adresse email de C______ auprès de A______ GENEVE (pièce 58 A______ GENEVE, notamment traduction libre de A______ GENEVE).
k. Le Tribunal a procédé à l'interrogatoire des parties et de deux témoins.
k.a E______ (pour A______ GENEVE) a déclaré qu'à l'époque de la résiliation du mandat, environ la moitié des 110 millions d'actifs sous gestion de A______ GENEVE appartenait à des clients qui étaient gérés par B______. Il a ajouté qu'"après que la dernière tranche du prix d'acquisition a[vait] été payée le 23 novembre 2017, les clients qui étaient gérés par B______ [avaient] écrit une avalanche de lettres, souvent adressées aux banques dépositaires, afin de demander le transfert de la gestion auprès d'un tiers, la société AM_____. Toutes les lettres étaient identiques, Cela s'[était] produit du jour au lendemain, sans (…) aucune plainte préalable. (…) la seule explication pour que tout un groupe de clients veuille soudainement changer de gestion [était] que la chose [avait] été téléguidée par C______" (interrogatoire E______, procès-verbal du Tribunal du 26 avril 2023, p. 4).
k.b G______ (également pour A______ GENEVE), qui n'était pas présent au sein de A______ GENEVE à l'époque des faits et avait connaissance de ceux-ci à travers le dossier et ce que ses collaborateurs lui avaient rapporté, a déclaré que, sur la base du dossier et de la comptabilité, il avait constaté qu'entre octobre 2017 et avril 2018, "un peu plus de 60% des encours de D______" avaient quitté A______ (interrogatoire G______, procès-verbal du Tribunal du 15 décembre 2022, p. 5).
k.c C______ a déclaré qu'il ne savait pas ce qu'étaient advenus les clients de A______ GENEVE qui avaient quitté la société entre octobre 2017 et avril 2018. En particulier, il ne savait pas qui s'était occupé de la gestion de leur portefeuille après leur départ.
A la question de savoir s'il avait lui-même continué de s'occuper de la gestion du portefeuille d'un ou plusieurs anciens clients de A______ GENEVE, il a répondu qu'il avait uniquement continué à s'occuper de son propre portefeuille et de celui de son épouse.
Après que son contrat avec A______ GENEVE avait été résilié, certains clients l'avaient appelé pour savoir ce qu'il s'était passé. Il leur avait dit qu'il avait été licencié. Il avait donné aux clients les coordonnées de A______ GENEVE et, à ceux qui l'avaient demandé, les coordonnées de J______ Luxembourg, où leur argent était déposé. Il ne leur avait rien conseillé d'autre et, en particulier, ne leur avait pas conseillé d'alternative de gestion pour leur argent.
Sur la question de la raison du départ de plusieurs clients, C______ a déclaré que les clients avaient l'habitude de traiter avec lui et ne connaissaient personne chez A______ GENEVE. En outre, la plupart des clients étaient néerlandophones et aucun commercial ne connaissait le néerlandais au sein de A______ GENEVE. Enfin, les performances des fonds A______ étaient mauvaises et certains clients voulaient déjà partir quand il était encore là (interrogatoire C______, procès-verbal du Tribunal du 15 décembre 2022, pp. 6-7).
k.d Les déclarations des témoins ont été reprises ci-dessus en tant que de besoin.
k.e Contrairement à ce qui était annoncé dans la demande, A______ GENEVE n'a pas sollicité l'audition de témoins au sujet de ses allégués 65, 66 et 87 (cf. ci-dessus, let. C.g.a).
Elle a offert de prouver l'allégué 71 de la demande (cf. ci-dessus, let. C.g.a) par l'audition comme témoin de AN_____. Elle y a renoncé, en déclarant lors de l'audience du Tribunal du 26 avril 2023 que ce témoin "ne souhaitait pas venir témoigner depuis le Luxembourg".
l. Les parties ont persisté dans leurs conclusions dans leurs plaidoiries finales du 14 juillet 2023, que le Tribunal leur a transmises par ordonnance du 17 juillet 2023, reçue le 7 août 2023, en les informant que la cause serait gardée à juger "sous 15 jours".
B______ et C______ ont déposé le 21 août 2023 une réplique, reçue par A______ GENEVE le 30 août 2023.
A______ GENEVE a soutenu que "les violations de la clause de non-concurrence [avaient] été rendues à tout le moins vraisemblables".
m. Le 6 décembre 2023, celle-ci a déposé au Tribunal l'arrêt CAPH/125/2023 rendu le 21 novembre 2023 par la Chambre d'appel des prud'hommes de la Cour dans la cause C/1______/2018-4 (titre 62).
n. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a qualifié le contrat signé par les parties le 20 novembre 2015 de contrat de mandat et a ainsi admis sa compétence à raison de la matière.
Il a constaté l'irrecevabilité du courrier du 6 décembre 2023 et de la pièce 62 de B______ et C______, en considérant que ceux-ci avaient été déposés après que la cause avait été gardée à juger.
n.a Le Tribunal a ensuite retenu que l'article 5 du contrat de mandat contenait une clause de non-concurrence, assortie d'une clause pénale, laquelle liait ses signataires, à savoir A______ GENEVE, B______ et C______, ce dernier ayant expressément accepté cette clause en signant le contrat à titre personnel. L'interdiction était limitée quant à sa durée (soit durant la période de validité du contrat et pendant un an après sa résiliation) et quant au type d'activité visé (soit le fait d'accepter directement ou indirectement un mandat ou de conclure toute autre relation contractuelle avec une personne, entité ou client qui entrait ou pouvait entrer en concurrence avec celle de A______ GENEVE). Au vu de ces limitations, la restriction à la liberté économique de B______ et C______ ne dépassait pas la mesure de ce qui était tolérable et n'apparaissait pas excessive au sens de l'art. 27 al. 2 CC.
A ce sujet, la clause de non-concurrence définissait une activité interdite (le fait d'accepter directement ou indirectement un mandat ou de conclure toute autre relation contractuelle avec une personne, entité ou client qui entrait ou pouvait entrer en concurrence avec celle de A______ GENEVE), tout en précisant qu'elle interdisait de manière générale à B______ et C______ de "concurrencer" A______ GENEVE. Cette dernière notion étant indéfinie et imprécise, seule l'activité expressément décrite dans la clause était couverte par l'interdiction – et par la clause pénale y associée.
S'agissant de la clause pénale, elle n'apparaissait a priori pas non plus excessive, en particulier au regard de son montant.
Cependant, la clause pénale prévoyait que la sanction n'était pas uniquement due en cas de violation de la clause de non-concurrence, mais également dans les situations où A______ GENEVE rendrait simplement vraisemblable une violation. Un engagement susceptible de déclencher une clause pénale même si une violation n'était pas établie, mais simplement rendue vraisemblable (et donc possiblement non commise) constituait un engagement excessif au sens de l'art. 27 al. 2 CC.
Il convenait donc d'exiger une preuve stricte de l'existence d'une violation de l'interdiction de concurrence pour pouvoir faire application de la clause pénale.
n.b A______ GENEVE alléguait que B______ et C______ avaient incité 26 de ses clients à résilier leur mandat de gestion, afin de continuer à se charger eux-mêmes de ladite gestion.
Conformément aux principes découlant de l'art. 8 CC, il lui appartenait de prouver ces faits, ce qu'elle avait échoué à faire.
A______ GENEVE avait établi qu'entre décembre 2017 et janvier 2018, plusieurs de ses clients avaient résilié le mandat de gestion qu'ils avaient conclu avec elle. La procédure n'avait pas permis d'établir le nombre exact de clients, dans la mesure où les documents produits étaient largement caviardés. Aucun nom de client n'apparaissait sur les documents produits et, en particulier, la liste figurant dans le courriel d'un expéditeur inconnu le 27 décembre 2017, contenant apparemment douze noms, ne permettait pas de déterminer si ces noms correspondaient ou non à certains signataires des courriers de résiliation produits séparément. Ce qui n'était au demeurant pas établi: le courriel indiquait, au-dessus de la liste caviardée: "il s'agit des contrats suivants:", de sorte qu'on ne pouvait pas savoir si la liste qui suivait était une liste de clients ou une liste de contrats, avec possiblement plusieurs contrats au nom de mêmes clients.
Cela étant, A______ GENEVE n'avait pas établi que ces clients avaient résilié leur mandat de gestion à la suite d'agissements de C______ et/ou B______.
A______ GENEVE, notamment par son administrateur président E______, avait exposé que les courriers de résiliation étaient tous "identiques" et avaient vraisemblablement été préparés par C______. Or, il ressortait de la comparaison des pièces produites que si certains courriers étaient identiques (notamment sept courriers envoyés entre le 11 et le 14 décembre 2017), la plupart étaient différents les uns des autres. En outre, rien n'indiquait que ces courriers avaient été préparés par C______. I______, assistante de C______, qui avait préparé à la demande de celui-ci les courriers par lesquels les clients demandaient le maintien des titres "H______" dans leur portefeuille, avait déclaré qu'elle n'avait pas préparé les courriers de résiliation. Le fait que de nombreux clients avaient décidé de résilier leur contrat peu après le départ de C______ de la société donnait certes l'indication d'un lien entre les événements, mais ne signifiait pas pour autant que c'était C______ et/ou B______ qui avait incité les clients à résilier. A______ GENEVE, qui disposait des identités des clients concernés et pouvait en demander l'audition, ce qui aurait certainement permis d'éclairer le Tribunal sur les raisons de leur départ, avait choisi de ne pas le faire.
Non seulement A______ GENEVE n'avait pas apporté la preuve que des clients avaient résilié leur mandat de gestion en raison d'agissements de C______ et/ou B______, elle n'avait pas non plus démontré que ces derniers avaient continué, directement ou indirectement, à gérer les intérêts de tout ou partie de ces clients.
Le seul élément ressortant de l'administration des preuves pouvant donner à penser que C______ et/ou B______ avaient continué à travailler pour un client était le message adressé à C______ par un expéditeur inconnu (car caviardé) le 5 décembre 2022. Cela dit, même ce message était insuffisant. Il permettait de spéculer sur une éventuelle poursuite des relations entre cette personne et C______, mais non pas de l'établir. On ne s'expliquait en particulier pas pourquoi l'expéditeur de ce message aurait envoyé "soudainement", fin 2022, un message à C______ à son ancienne adresse email auprès de A______ GENEVE, si ces personnes étaient demeurées en contact professionnel au fil des années.
Le Tribunal a retenu en définitive que A______ GENEVE n'avait pas démontré que C______ et/ou B______ avaient violé la clause de non-concurrence de l'art. 5 du contrat de mandat, ni que les conditions d'application de la clause pénale sur laquelle elle fondait ses prétentions étaient réalisées.
1. 1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.
1.2 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance, lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions atteint 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC).
En l'espèce, le jugement entrepris est une décision finale et la valeur litigieuse devant le Tribunal s'élevait 1'300'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.
1.3 Interjeté dans le délai utile de trente jours, dans la forme écrite prévue par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 145 al. 1 let. b et 311 al. 1 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable.
1.4 S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1, 58 al. 1, 243 al. 1 et 247 al. 1 CPC).
1.5 La Cour applique le droit d'office (art. 57 CPC). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante et, partant, recevable. Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).
La partie intimée à l'appel peut elle aussi présenter des griefs dans sa réponse à l'appel, si ceux-ci visent à exposer que malgré le bien-fondé des griefs de l'appelant, ou même en s'écartant des constats et du raisonnement juridique du jugement de première instance, celui-ci est correct dans son résultat. L'intimé à l'appel peut ainsi critiquer dans sa réponse les considérants et les constats du jugement attaqué qui pourraient lui être défavorables au cas où l'instance d'appel jugerait la cause différemment (arrêt du Tribunal fédéral 4A_258/2015 du 21 octobre 2015 consid. 2.4.2 et les réf. cit.).
2. L'appelante produit six pièces nouvelles, soit la traduction libre du néerlandais au français des pièces 32 à 34, 36, 42 et 43 qu'elle avait déposées en première instance (pièces 102 à 107), ainsi que l'arrêt CAPH/125/2023 rendu le 21 novembre 2023 par la Chambre des prud'hommes de la Cour dans la cause C/1______/2028-4 l'ayant opposée à l'intimé (pièce 108, laquelle correspond à son titre 62 déclaré irrecevable par le Tribunal).
2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).
Les faits qui sont immédiatement connus du tribunal ("gerichtsnotorische Tatsachen"), notamment parce qu'ils ressortent d'une autre procédure entre les mêmes parties, constituent des faits notoires qui n'ont pas à être allégués ni prouvés (art. 151 CPC; ATF 143 II 224 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2021 du 8 novembre 2021 consid. 2.3).
2.2 Ainsi, les faits résultant de l'arrêt de la Cour du 21 novembre 2023, ainsi que l'arrêt lui-même, sont recevables. Ils ont été pris en compte dans la mesure utile dans la partie « En fait » ci-dessus.
La recevabilité des traductions produites par l'appelante peut demeurer indécise, dans la mesure où les pièces en question ne sont pas déterminantes pour la solution du litige.
3. Les intimés font grief au Tribunal d'avoir considéré que l'appelante et l'intimé ont été liés par un contrat de mandat. Ils estiment que ni le Tribunal ni la Chambre civile de la Cour ne seraient compétents pour connaître du litige, qui relèverait du contrat de travail.
L'appelante fait référence à ce sujet à l'arrêt de la Chambre des prud'hommes de la Cour sur 21 novembre 2023, en relevant qu'il y aurait lieu d'éviter des décisions contradictoires.
3.1 L'autorité de la chose jugée interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure divisant les mêmes parties, une prétention identique qui a été définitivement jugée. Le juge saisi d'un nouveau procès est lié par tout ce qui a été tranché dans le dispositif du jugement précédent; on parle d'effet préjudiciel ou contraignant (ATF 142 III 210 consid. 2). L'identité s'entend au sens matériel; il n'est pas nécessaire, ni même déterminant que les conclusions soient formulées de manière identique dans les deux procès. Il suffit que la prétention nouvellement émise soit contenue dans celle déjà jugée, respectivement que la question litigieuse tranchée à titre principal dans le premier procès ait désormais les traits d'une question préjudicielle dans le nouveau procès (ATF 123 III 16 consid. 2a; 139 III 126 consid. 3.2.3). Seul le dispositif du jugement est revêtu de l'autorité de chose jugée. Il est parfois nécessaire de se référer aux considérants pour en déterminer la portée précise, notamment lorsque le dispositif se borne à indiquer que la demande est rejetée (ATF 136 III 345 consid. 2.1; 121 III 474 consid. 4a; 116 II 738 consid. 2a); dans la mesure toutefois où ils ne trouvent pas de reflet dans le dispositif, les considérants ne lient pas le juge. Ainsi, les constatations de fait et les considérants de droit ne participent pas de l'autorité de chose jugée et ne lient pas le juge dans une nouvelle procédure (ATF 123 III 16 consid. 2a;
121 III 474 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_536/2018 du 16 mars 2020 consid. 3.1.1).
3.2 En l'espèce, par son arrêt du 21 novembre 2023 rendu dans la cause C/1______/2018, la Cour a confirmé le rejet de la demande de l'intimé C______, au motif que le contrat sur lequel l'appelante fonde ses prétentions dans la présente cause est un contrat de mandat et non pas un contrat de travail. Ainsi, les considérants développés dans l'arrêt précité sont reflétés dans le dispositif de celui-ci et lient la Cour de céans. En tant que de besoin, il y a lieu de se référer intégralement à l'argumentation développée dans l'arrêt précité au sujet de la qualification du contrat litigieux.
Le grief des intimés, infondé, sera donc rejeté. Le chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué sera dès lors confirmé.
4. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir considéré qu'elle n'avait pas démontré que les intimés avaient violé la clause de non-concurrence de l'art. 5 du contrat de mandat. Les parties avaient "volontairement et expressément convenu" que la preuve de la violation de l'obligation de non-concurrence pouvait être apportée au niveau de la vraisemblance. En agissant ainsi, elles avaient valablement convenu de réduire le niveau de preuve applicable, ce qui liait le Tribunal et ne constituait pas un engagement excessif.
4.1 La prohibition de faire concurrence est prévue en matière de droit des sociétés (cf. notamment art. 536 CO) mais elle est réglée de façon plus détaillée dans le contrat individuel de travail (art. 340 ss CO). De pareilles défenses peuvent également être stipulées dans des conventions spécifiques, notamment dans des contrats de vente, d'entreprise ou de bail. En ces cas, les règles spéciales que le législateur a édictées pour protéger la liberté économique du travailleur ne sont pas applicables, mais les intérêts en cause sont sauvegardés par les principes généraux inscrits aux art. 27 CC et 20 CO (ATF 51 II p. 222). Selon ces dispositions, qui ont la même portée en tant qu'elles s'opposent à ce que les parties à un contrat aliènent leur liberté dans une mesure contraire aux mœurs, la limitation de la liberté ne doit pas aller jusqu'à compromettre les biens vitaux les plus importants du débiteur, arrêter le libre développement de son activité et le soumettre à l'arbitraire illimité du créancier. Pour juger si tel est le cas, il faut rechercher si les restrictions apportées à la liberté dépassent la mesure de ce qui est tolérable par leur durée, leur rayon d'application ou leur contenu matériel, ou encore par la combinaison de ces différents éléments (ATF 102 II 211 consid. 6 et les références citées; cf. également ATF 143 III 480 - JdT 2018 II 234 p. 243; ATF 123 III 337 consid. 5 et arrêt du Tribunal fédéral 4C.5/2003 du 11 mars 2003 consid. 2.1.2).
La peine conventionnelle ou clause pénale au sens de l'art. 160 CO est la prestation que le débiteur promet au créancier en cas d'inexécution ou d'exécution imparfaite d'une obligation déterminée (obligation principale). Une telle promesse vise à protéger l'intérêt du créancier à l'exécution du contrat, en constituant une incitation supplémentaire pour le débiteur à se conformer au contrat. Elle améliore également la position juridique du créancier, qui est dispensé de prouver son dommage (cf. art. 161 al. 1 CO; ATF 135 III 433 consid. 3.1; 122 III 420 consid. 2a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_422/2022 du 18 janvier 2023 consid. 5.1; 4A_653/2016 du 20 octobre 2017 consid. 3.1).
4.2 Déterminer quel est le contenu d'un contrat est soumis au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b).
Dans un premier temps, le juge doit donc rechercher la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités).
Le sens d'un texte, apparemment clair, n'est pas forcément déterminant, de sorte que l'interprétation purement littérale est prohibée. Même si la teneur d'une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulter d'autres conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres circonstances que le texte de ladite clause ne restitue pas exactement le sens de l'accord conclu. Il n'y a toutefois pas lieu de s'écarter du sens littéral du texte adopté par les intéressés lorsqu'il n'existe aucune raison sérieuse de penser qu'il ne correspond pas à leur volonté (ATF 136 III 186 consid. 3.2.1 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_327/2024 du 19 mars 2025 consid. 4.3).
4.3 Selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral, cette disposition répartit le fardeau de la preuve, auquel correspond, en principe, le fardeau de l'allégation, et, partant, les conséquences de l'absence de preuve ou d'allégation (ATF 129 III 18 consid. 2.6; cf. également ATF 141 III 241 consid. 3.2; 130 III 591 consid. 5.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_303/2023 du 26 mars 2024 consid. 4.1.2).
Le degré de preuve, qui relève du droit matériel, doit être fixé, pour chaque fait constitutif, d'après le sens et l'esprit de la règle de droit matériel. En général, il se déduit de l'art. 8 CC (HOHL, Procédure civile, Tome I, 2ème éd, 2016, n. 1864).
Les règles relatives au degré de preuve (art. 8 CC) désignent le degré des certitude (certitude complète ou conviction, haute vraisemblance, simple vraisemblance) que le juge doit acquérir quant à l'existence d'un fait pertinent pour l'application de la règle de droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_160/2021 du 6 mai 2022 consid. 4.2).
En principe, un fait est tenu pour établi lorsque le juge a pu se convaincre de la vérité d'une allégation. Une certitude absolue ne peut pas être exigée. Il suffit que le juge n'ait plus de doute sérieux quant à l'existence de l'état de fait allégué ou que les doutes subsistants, le cas échéant, apparaissent faibles (ATF 130 III 321 consid. 3.2).
La loi, la doctrine et la jurisprudence ont apporté des exceptions à cette règle d'appréciation des preuves en admettant que la preuve puisse être admise au degré de la vraisemblance prépondérante dans certains cas. L'expression équivaut à celle de haute vraisemblance. La preuve est alors rapportée lorsque, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 135 V 39 consid. 6.1; 133 III 81 consid. 4.2.2; 132 III 715 consid. 3.1). L'allègement de la preuve est justifié par un "état de nécessité en matière de preuve" (Beweisnot), qui se rencontre lorsque, par la nature même de l'affaire, une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée, en particulier si les faits allégués par la partie qui supporte le fardeau de la preuve ne peuvent être établis qu'indirectement et par des indices (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2; 132 III 715 consid. 3.1; 130 III 321 consid. 3.2 et les références). Tel peut être le cas de l'existence d'un lien de causalité naturelle, respectivement hypothétique (ATF 132 III 715 consid. 3.2; 128 III 271 consid. 2b/aa; 121 III 358 consid. 5; 107 II 269 consid. 1b). Un état de nécessité en matière de preuve n'existe pas à compter du moment où un fait, qui par nature pourrait être prouvé directement, ne peut pas l'être car les moyens de preuve font défaut à la partie qui supporte le fardeau de la preuve. De simples difficultés de preuve dans un cas concret ne peuvent conduire à un allègement de la preuve (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2017 du 13 novembre 2018 consid. 5.1).
4.4 Il faut encore distinguer ce degré de preuve de celui de la simple vraisemblance. Un fait est rendu vraisemblable déjà lorsque certains éléments plaident en faveur de son existence, même lorsque le tribunal prend en compte la possibilité qu'il puisse ne pas s'être réalisé (ATF 132 III 715 consid. 3.1;
130 III 321 consid. 3.3 et les références).
Il s'agit d'un assouplissement de la preuve par rapport à la certitude découlant du principe général de l'art. 8 CC. La preuve au degré de la simple vraisemblance ne nécessite pas que le juge soit convaincu du bien-fondé des arguments de la partie demanderesse; il doit simplement disposer d'indices objectifs suffisant pour que les faits allégués présentent une certaine vraisemblance sans devoir exclure qu'il puisse en aller différemment (arrêt du Tribunal fédéral 4A_537/2021 du 18 janvier 2022 consid. 4.1.1 relatif à l'art. 6 LEg).
En matière de séquestre, le Tribunal fédéral considère que les faits à l'origine du séquestre, dont l'existence des biens appartenant au débiteur (art. 272 al. 1 ch. 3 LP), doivent être rendus simplement vraisemblables. Tel est le cas lorsque, se fondant sur des éléments objectifs, le juge acquiert l'impression que les faits pertinents se sont produits, mais sans qu'il doive exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1). Les conditions posées au degré de vraisemblance de l'existence ne doivent pas être trop élevées; cependant, un début de preuve doit exister. Le séquestre étant une procédure sommaire au sens propre, sur pièces (art. 256 al. 1 CPC; ATF 138 III 636 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_754/2024 du 18 février 2025 consid. 4.1.1), le créancier séquestrant doit alléguer les faits et produire un titre (art. 254 al. 1 CPC) qui permet au juge du séquestre d'acquérir, au degré de la simple vraisemblance, la conviction que les conditions du séquestre existent (arrêt du Tribunal fédéral 5A_263/2025 du 9 mai 2025 consid. 3.2.1). L'opposant doit tenter de démontrer que son point de vue est plus vraisemblable que celui du créancier séquestrant (arrêts du Tribunal fédéral 5A_328/2013 du 4 novembre 2013 consid. 4.3.2; 5A_925/2012 du 5 avril 2013 consid. 9.3).
4.5 La vraisemblance ne se substitue à la preuve complète que si la loi le dit expressément (par exemple pour les prétentions au fond, art. 697d al. 3 CO, art. 6 LEg, art. 67 al. 2 LBI, art. 981 al. 3 CO, art. 1074 al. 2 CO), ou encore lorsque cet assouplissement découle du système général de la prétention déduite en justice (ainsi, pour les mesures protectrices de l'union conjugale) (PIOTET, Commentaire romand, Code civil I, 2019, n. 28 et notes 74-75 ad art. 8 CC).
La question du caractère dispositif de l'art. 8 CC et du régime juridique des actes juridiques dérogeant à la règle est controversée et doit amener à une classification des différentes questions entrant ici en jeu (PIOTET, op. cit., n. 84 ad art. 8 CC). L'avant-projet de la commission d'expert sur le CPC de juin 2003 prévoyait expressément l'admissibilité de la convention relative au fardeau de la preuve à l'art. 8 al. 2 CC [cette disposition avait la teneur suivante: "Les parties peuvent régler par écrit le fardeau de la preuve lorsqu'il s'agit de droits dont ils peuvent disposer librement"]. La disposition n'a pas rencontré d'opposition sur le principe, mais surtout en raison du risque de favoriser les conditions générales unilatérales. Elle n'a pas été reprise dans le projet du Conseil fédéral du 28 juin 2006 et n'a pas non plus fait l'objet de discussions. Ainsi, la convention relative au fardeau de la preuve ne peut pas être considérée comme illicite par un silence qualifié du législateur (WALTER, Berner Kommentar, 2012, n. 655 et note 1505 ad art. 8 CC). La doctrine est aujourd'hui nettement favorable à l'admission de telles conventions, tant que le droit matériel dont découle le droit d'action est laissé à la libre disposition des parties et que l'art. 27 CC n'est pas violé. La pratique judiciaire a admis un nombre relativement important de cas d'application, par exemple pour des présomptions d'exactitude contractuelles (PIOTET, op. cit., n. 89 ad art. 8 CC; cf. également WALTER, op. cit., n. 656 à 665 ad art. 8 CC et STOFFEL, La forme comme objet du contrat, Zürcher Studien zum Privatrecht, 2017, n. 232).
La doctrine précitée est cependant muette sur l'admissibilité d'une convention prévoyant un allégement du degré de la preuve.
4.6 Lorsque la maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès (ATF 144 III 519 consid. 5.1; 123 III 60 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_624/2021 du 8 avril 2022 consid. 6.1.1). Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions (fardeau de l'allégation subjectif), produire les moyens de preuve qui s'y rapportent et contester les faits allégués par la partie adverse, le juge ne devant administrer les moyens de preuve que sur les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC; ATF 144 III 519 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_978/2020 du 5 avril 2022 consid. 7.2.2.2). A cet égard, il importe peu que les faits aient été allégués par le demandeur ou par le défendeur puisqu'il suffit que les faits fassent partie du cadre du procès pour que le juge puisse en tenir compte (ATF 149 III 105 consid. 5.1; 143 III 1 consid. 4.1). Il n'en demeure pas moins que celui qui supporte le fardeau de la preuve (art. 8 CC) et donc, en principe, le fardeau de l'allégation objectif, a toujours intérêt à alléguer lui-même les faits pertinents, ainsi qu'à indiquer au juge ses moyens de preuve, pour qu'ils fassent ainsi partie du cadre du procès. Doivent être allégués les faits pertinents, c'est-à-dire les éléments de fait concrets correspondant aux faits constitutifs de l'état de fait de la règle de droit matériel (c'est-à-dire les "conditions" du droit) applicable dans le cas particulier (ATF 149 III 105 consid. 5.1; 143 III 1 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_31/2023 du 11 janvier 2024 consid. 4.1.1).
Les faits pertinents doivent être allégués en principe dans la demande, respectivement dans la réponse pour les faits que doit alléguer le défendeur (art. 221 al. 1 let. d et 222 al. 2 CPC). Ils peuvent l'être dans la réplique et la duplique si un deuxième échange d'écritures est ordonné ou, s'il n'y en a pas, par dictée au procès-verbal lors des débats d'instruction (art. 226 al. 2 CPC) ou à l'ouverture des débats principaux (art. 229 al. 2 aCPC), c'est-à-dire avant les premières plaidoiries au sens de l'art. 228 CPC (ATF 147 III 475 consid. 2.3.2 et 2.3.3; 144 III 67 consid. 2.1, 519 consid. 5.2.1). Ils doivent être suffisamment motivés (charge de la motivation des allégués) pour que la partie adverse puisse se déterminer sur eux et que le juge puisse savoir quels sont les faits admis, respectivement les faits contestés sur lesquels des moyens de preuve devront être administrés (art. 150 al. 1 CPC; ATF 144 III 67 consid. 2.1, 519 consid. 5.2.1.1).
Parallèlement à l'allégation des faits pertinents, les parties doivent, en vertu de l'art. 55 al. 1 CPC, proposer leurs moyens de preuve à l'appui de chacun des faits allégués (fardeau de l'administration des preuves; Beweisführungslast). En ce domaine également, même si le tribunal dispose d'un certain pouvoir d'administration d'office (art. 153 al. 2, 181 al. 1 et 183 al. 1 CPC), il appartient aux parties, et non au juge, de déterminer les moyens de preuve qui doivent être administrés. Ici aussi, il importe peu de savoir laquelle des parties a offert un moyen de preuve puisque, pour que celui-ci fasse partie du cadre du procès et puisse être administré, il suffit qu'il ait été proposé au tribunal. Il n'en demeure pas moins que la partie qui supporte le fardeau de la preuve (art. 8 CC) a tout intérêt à faire en sorte que les moyens de preuve nécessaires soient présentés en procédure (arrêt du Tribunal fédéral 4A_31/2023 précité consid. 4.1.3).
4.7 En l'espèce, l'appelante reproche aux intimés "d'avoir incité de nombreux clients à résilier abruptement les mandats de gestion octroyés à A______ Genève, en vue de couvrir leurs besoins en matière de gestion de fortune auprès d'autres prestataires ou d'eux-mêmes" et d'avoir ainsi violé leur obligation de non- concurrence découlant de l'art. 5 du contrat de mandat du 20 novembre 2015. Ceux-ci devraient donc lui "payer le montant de la clause pénale [50'000 fr.], pour chaque violation rendue vraisemblable". Elle soutient qu'elle aurait "rendu à tout le moins vraisemblable que les intimés avaient violé la clause de non-concurrence à au moins 26 reprises, puisque ce sont 26 clients qui ont subitement résilié leurs mandats à la suite du départ" de l'intimé. Ses prétentions portent sur 1'300'000 fr., soit 26 x 50'000 fr.
4.7.1 Il est admis que les parties ont valablement intégré dans le contrat de mandat du 20 novembre 2015 une clause de prohibition de faire concurrence stipulant une peine conventionnelle.
Il n'est ni contesté ni contestable que l'appelante n'a pas apporté la preuve certaine de violations de la part des intimés de ladite clause.
Par ailleurs, contrairement à ce qu'elle soutient, l'appelante ne se trouvait pas dans un "état de nécessité en matière de preuve" permettant, selon la loi, la doctrine ou la jurisprudence, d'admettre la preuve au degré de la vraisemblance prépondérante. De simples difficultés de preuve dans un cas concret ne peuvent conduire à un allègement de la preuve. C'est au mépris de ces principes que l'appelante s'est notamment limitée à alléguer que les sept courriers qu'elle produisait sous pièces 23 à 29 avaient "très vraisemblablement été préparés et remis aux clients" par les intimés (allégué 70 de la demande).
Cela étant, les intimés ne contestent pas qu'en prévoyant à l'art. 5 du contrat qu'il suffirait à l'appelante de "rendre vraisemblable" une violation de la clause de non-concurrence pour avoir droit à la peine conventionnelle de 50'000 fr., les parties avaient la réelle et commune intention de se référer aux notions de droit suisse en matière de degré de preuve.
4.7.2 Dans la mesure où la procédure ordinaire s'applique à la présente cause, soumise par ailleurs à la maxime des débats, il incombait à l'appelante, indépendamment du degré de preuve applicable, d'expliciter de manière suffisamment précise les faits qu'elle entendait établir au moyen des preuves produites ou offertes.
Or, les allégations de la demande ne permettent pas de déterminer quels seraient les 26 clients que les intimés auraient induits à mettre un terme aux rapports contractuels avec elle, ni même si les 7 clients auteurs des courriers produits sous pièces 23 à 29 de l'appelante sont compris dans les 26. Les 24 pièces déposées (pièces 23 à 46) visent 41 mandats de gestion confiés à l'appelante (et un nombre indéterminé de clients, compte tenu du fait que certains mandats ont été conclu par deux clients ou par des familles) et l'on ignore sur quelle base l'appelante a choisi de viser 26 clients. Les allégués ne sont pas suffisamment précis, l'appelante s'étant bornée à affirmer d'abord qu'"un grand nombre de clients", puis que "pas moins de 26 clients (…) qui avaient conclu au total 34 mandats de gestion" auraient été détournés par les intimés (allégués 65 et 87 de la demande).
4.7.3 Même si l'on admettait que les allégués de la demande étaient suffisamment précis, l'on devrait constater que l'appelante n'a pas rendu vraisemblables 26 violations de la clause de non-concurrence. Les titres produits ne permettent pas de retenir, même au stade de la vraisemblance, que des clients de l'appelante auraient mis fin aux mandats de gestion sur incitation des intimés. La simple chronologie ne suffit pas. Les éléments fournis n'autorisent pas à retenir que le point de vue de l'appelante est plus vraisemblable que celui exposé par l'intimé lors de son interrogatoire par le Tribunal (cf. ci-dessus, "En fait", let. C.k.c).
Les auditions de témoins mentionnées dans la demande, notamment celles proposées à l'appui de l'allégué 87, n'ont finalement pas eu lieu, l'appelante ayant renoncé à présenter les moyens de preuve annoncés. Celle-ci a même renoncé à l'audition du témoin qu'elle avait proposé à l'appui de son allégué 71, qui visait 12 clients ayant renoncé aux mandats de gestion, celui-ci ne souhaitant pas se déplacer depuis le Luxembourg. Enfin, à l'appui du ch. 70 de la demande, où elle allègue que les 7 courriers produits sous pièces 23 à 29 auraient "très vraisemblablement été préparés et remis aux clients" par les intimés, l'appelante ne propose aucun autre moyen de preuve que les pièces en question et l'interrogatoire de ses représentants, lesquels, à ce sujet, n'ont fait que reprendre le point de vue exposé dans la demande.
Le fait que, dans sa demande, l'appelante proposait l'audition de témoins démontre qu'elle était consciente de l'insuffisance des éléments résultant de ses pièces. Elle y a cependant renoncé, de sorte que le dossier ne contient finalement pas d'indices objectifs suffisant pour que ses allégués présentent une certaine vraisemblance, même en se limitant uniquement aux 7 courriers qu'elle a produits sous pièces 23 à 29.
Pour la première fois en appel, l'appelante fait valoir qu'en tant que gérante de fortune elle était liée par une obligation légale de discrétion et de confidentialité à l'égard des clients concernés. Elle se réfère notamment à l'art. 69 de la loi fédérale du 15 juin 2018 sur les établissement financiers (LEFin) et soutient qu'elle ne pouvait fournir au Tribunal que les initiales des clients ayant résilié leur contrat, sous peine de violer ses obligations. A cet égard, il sied de relever, d'une part, qu'en application de l'art. 163 al. 2 CPC, une partie dépositaire d'un secret tel le secret bancaire (art. 47 LB) peut refuser de collaborer si elle rend vraisemblable que l'intérêt à garder le secret l'emporte sur l'intérêt à la manifestation de la vérité et, d'autre part, qu'il appartient au juge de procéder à la pesée de ces intérêts, en fonction de toutes les circonstances (JEANDIN, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 21 ad art. 163 CPC). Or, en première instance, l'appelante n'a pas prétendu que l'intérêt à ne pas divulguer le nom d'au moins un client (d'ailleurs connu par les intimés) l'emportait sur l'intérêt à la manifestation de la vérité.
Les considérations qui précèdent suffisent à sceller le sort de l'appel, de sorte que le déboutement de l'appelante sera confirmé (chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué).
4.7.4 Il est donc superflu d'examiner si l'allégement du degré de la preuve convenu par les parties était admissible au regard de l'art. 8 CC et/ou s'il constituait un engagement excessif des intimés au sens de l'art. 27 al. 2 CO.
A toutes fins utiles et par surabondance, la Cour fera cependant intégralement sienne l'argumentation du premier juge, tel que reprise ci-dessus dans la parte "En fait", sous let. C.n.
5. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 43'200 fr. (art. 13, 17 et 35 RTFMC). Ils seront mis à la charge de l'appelante, qui succombe intégralement (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance fournie par celle-ci, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 aCPC).
L'appelante sera condamnée à payer aux intimés, conjointement et solidairement entre eux, des dépens fixés à 25'000 fr. (art. 84, 85 et 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté 27 août 2024 par A______ GENEVE SA contre le jugement JTPI/8155/2024 rendu le 24 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14421/2019.
Au fond :
Confirme le jugement attaqué.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 43'200 fr., les met à la charge de A______ GENEVE SA et les compense avec l'avance fournie, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.
Condamne A______ GENEVE SA à verser à C______ et B______, conjointement et solidairement, 25'000 fr. à titre de dépens d'appel.
Siégeant :
Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.