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Décisions | Chambre civile

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C/2740/2023

ACJC/1107/2025 du 20.08.2025 sur JTPI/1326/2025 ( OO ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2740/2023 ACJC/1107/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 20 AOÛT 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 28 janvier 2025, représentée par Me B______, avocate,

et

Monsieur C______, domicilié ______, intimé.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/1326/2025 du 28 janvier 2025, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a notamment prononcé le divorce des époux A______ et C______ (ch. 1 du dispositif), constaté que les parties renonçaient réciproquement à une contribution à leur entretien (ch. 3) et qu'elles avaient liquidé leur régime matrimonial, n'ayant ainsi plus aucune prétention à faire valoir de ce chef (ch. 4), et a renoncé à partager les prétentions de prévoyance professionnelle acquises par les époux durant le mariage (ch. 5).

Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr. et compensés à due concurrence avec l'avance de frais de 300 fr. fournie par C______ (ch. 7), ont été mis à la charge des parties à raison d'une moitié chacune et les dépens ont été compensés (ch. 6). C______ a en conséquence été condamné à payer à l'Etat de Genève 200 fr. à titre de frais judiciaires (ch. 8) et A______ - au bénéfice de l'assistance judiciaire – a été exonérée du paiement de sa part aux frais judiciaires (ch. 9). Enfin, les parties ont été déboutées de toutes autres conclusions (ch. 10).

Ce jugement a été notifié à A______ le 30 janvier 2025.

b. Par acte expédié le 25 février 2025 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel contre ledit jugement, concluant, sous suite de frais, préalablement au constat que la rente mensuelle à partager de C______ s'élève à 549 fr. 45 et, principalement, à l'annulation des chiffres 5 et 10 du dispositif du jugement entrepris et, cela fait, au partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle acquis par ses soins durant le mariage ainsi qu'au partage de la rente de C______, convertie en rente viagère conformément à l'art. 124a CC et à la confirmation du jugement entrepris pour le surplus. Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision au sens des considérants.

c. Par courrier recommandé du 12 mars 2025 reçu le 14 du même mois, le greffe de la Cour de justice a imparti à C______ un délai de 30 jours pour répondre à l'appel.

Aucun mémoire de réponse n'a été déposé dans le délai imparti.

d. Par plis séparés du 7 mai 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______, née le ______ 1973, de nationalité congolaise, et C______, né le ______ 1959, de nationalité angolaise et congolaise, se sont mariés le ______ 2015 à Genève, sans conclure de contrat de mariage.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

b. Les époux se sont séparés au mois d'avril 2022.

C. a. Par requête commune adressée le 13 février 2023 au Tribunal, accompagnée d'une convention de divorce, les parties ont notamment conclu au prononcé de leur divorce, au partage de leurs avoirs de prévoyance professionnelle accumulés durant le mariage conformément à l'art. 124a CC et à la mise à leur charge des frais de procédure à raison d'une moitié chacune.

b. Par courrier du 27 avril 2023, A______ a conclu à ce qu'il soit ordonné à la caisse de prévoyance de C______, soit la D______, de verser, sur son compte de prévoyance professionnelle auprès de la Fondation institution supplétive, la somme mensuelle de 1'202 fr. et à ladite Fondation de verser à la D______ la somme de 7'186 fr. 90 en faveur de C______.

c. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 6 octobre 2023, C______ s'est opposé aux conclusions de A______ relatives au partage des prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage.

Constatant que ce point était litigieux, le Tribunal a attribué le rôle de demanderesse à A______ et celui de défendeur à C______ et a imparti à A______ un délai de 30 jours pour déposer une demande relative au partage de la prévoyance professionnelle accumulée par les époux durant le mariage.

d. Par courrier du 3 novembre 2023, A______ a indiqué persister dans ses conclusions en partage des avoirs de prévoyance du 27 avril 2023.

C______ ne s'est pas déterminé.

e. Le Tribunal a sollicité des renseignements auprès des institutions de prévoyance respectives des parties.

f. Lors de l'audience de plaidoiries finales du 4 octobre 2024, A______ a persisté dans ses conclusions, sous réserve du montant mensuel à verser en sa faveur qu'elle a réduit à 410 fr.

C______ a fait défaut.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de ladite audience.

D. a. A______ est soutenue financièrement par l'aide sociale.

Son loyer s'élève à 1'070 fr. par mois, charges comprises, et sa prime d'assurance-maladie à 275 fr. par mois, subside déduit.

b. C______ a pris une retraite anticipée à compter du 1er septembre 2021. Depuis cette date, il perçoit de son institution de prévoyance professionnelle, la D______, une rente vieillesse de 1'445 fr. 90 par mois (17'350 fr. 80 par an) et une rente-pont AVS de 2'390 fr. par mois, soit un total de 3'835 fr. 90.

C______ a par ailleurs perçu, au moment de son départ à la retraite, un montant en capital de 43'474 fr. 50. Sans le versement de ce capital, le montant de sa rente vieillesse s'élèverait à 1'627 fr. 30 par mois (19'527 fr. 60 par an).

Le loyer de C______ s'élève à 1'030 fr. par mois et sa prime d'assurance-maladie à 527 fr. 90 par mois.

Une saisie mensuelle de 750 fr. est effectuée sur sa rente vieillesse au titre de contribution à l’entretien d’un enfant majeur issu d’un premier lit.

c. Durant le mariage et jusqu'à l'introduction de la présente procédure de divorce, A______ a acquis des prestations de prévoyance totalisant 14'373 fr. 80.

Selon les projections actuelles, A______ devrait percevoir, à l'âge de la retraite, une rente vieillesse deuxième pilier annuelle de 8'815 fr., soit 734 fr. 60 par mois.

d. Le jour du mariage, le montant de la prestation de prévoyance de C______ s'élevait, augmentée des intérêts courus jusqu'à la date de sa retraite, à 191'866 fr. 60.

Au jour de la prise de sa retraite anticipée, la prestation de prévoyance de C______ était de 353'116 fr. 15.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties après le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel est régie par le nouveau droit de procédure (art. 405 al. 1 CPC).

1.2 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de 30 jours (art. 311 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), à l'encontre d'une décision finale (art. 308 al. 1 let. a CPC) qui statue notamment sur le partage des avoirs de prévoyance professionnelle des époux, seul point encore litigieux en appel, soit sur une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est, compte tenu des conclusions formulées en première instance, supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1, 92 et 308 al. 2 CPC).

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition applicables en seconde instance en matière de prévoyance professionnelle (ATF 150 III 353 consid. 4.4.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_882/2022 du 19 octobre 2023 consid. 3.2; 5A_952/2019 du 2 décembre 2020 consid. 3.3; 5A_631/2018 du 15 février 2019 consid. 3.2.2).

2. La présente procédure revêt un caractère international compte tenu de la nationalité étrangère des parties.

Les parties étant domiciliées dans le canton de Genève, la Cour de céans est compétente pour statuer sur le litige qui lui est soumis (art. 59 et 63 al. 1 et 1bis LDIP) et le droit suisse est applicable (art. 63 al. 2 LDIP), ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.

3. L'appelante n'a pas chiffré sa conclusion en partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les époux durant le mariage alors qu'il lui appartenait de le faire (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_346/2016 du 29 juin 2017 consid. 2.1). Une lecture du jugement entrepris ainsi que de son acte d'appel, notamment de sa conclusion préalable ainsi que de sa partie en fait, permet toutefois de comprendre qu'elle sollicite le versement d'une somme de 7'186 fr. 90 en faveur de l'intimé et d'une rente mensuelle de 274 fr. 70 (549 fr. 45 : 2) en sa faveur, convertie en rente viagère. La recevabilité de sa conclusion sera en conséquence admise (cf. ATF 137 III 617 consid. 6.2; 149 III 224 consid. 5.2.2).

4. Dans le cadre du jugement entrepris, le premier juge, après avoir retenu que l'art. 124a CC s'appliquait, a dans un premier temps déterminé la part de la rente perçue par l'intimé ayant été accumulée durant le mariage. Pour ce faire, il a calculé la différence entre, d'une part, les avoirs de prévoyance de l'intimé au moment du mariage, capitalisés avec les intérêts jusqu’à la date de sa retraite (191'866 fr. 60), et, d'autre part, le montant total des avoirs concernés au jour de sa retraite (353'116 fr. 15). Il a retenu que la part des avoirs accumulée par l'intimé entre le mariage et la prise de sa retraite s’élevait à 161'249 fr. 95 [recte : 161'249 fr. 55]. De ce montant, il a déduit les rentes versées à l'intimé jusqu'à l'introduction de la procédure de divorce, soit 26'026 fr. 20 (1'445 fr. 90 x 18 mois) ainsi que le capital de 43'474 fr. 50 perçu lors de son départ à la retraite, réduisant la part d'avoirs à 91'749 fr. 25 [recte : 91'748 fr. 85]. Le premier juge a ensuite procédé à un rapport entre ce montant et les avoirs de prévoyance totaux au jour de la retraite (91'748 fr. 85 : 353'116 fr. 15 = 25.98 %) et a appliqué le pourcentage obtenu à la rente de vieillesse mensuelle perçue par l'intimé (25.98% de 1'445 fr. 90). Il a ainsi arrêté la part de rente de l'intimé accumulée durant le mariage à 375 fr. 90 [recte: 375 fr. 65] par mois.

Dans un second temps, le premier juge a déterminé la mesure du partage. Il a retenu que les rentes perçues par l'intimé, totalisant 3'835 fr. 90 par mois, couvraient à peine ses charges incompressibles de 3'507 fr. 90 par mois (1'200 fr. de montant mensuel de base, 1'030 fr. de loyer, 527 fr. 90 de prime d'assurance-maladie et 750 fr. de contribution à l'entretien d'un enfant majeur issu d'un premier lit).

L'appelante, pour sa part, pouvait escompter une rente de vieillesse deuxième pilier de 734 fr. 60 par mois. Compte tenu du faible montant de cette rente, il était très vraisemblable qu'elle avait peu travaillé. Étant âgée de 51 ans et bénéficiaire de l’aide sociale, la probabilité qu’elle retrouve un emploi et augmente ses cotisations au premier pilier était extrêmement faible. Il était ainsi hautement vraisemblable qu'elle percevrait la rente AVS minimale de 1'260 fr. par mois, portant le montant total de ses revenus de retraite à 1'994 fr. 60 par mois. Ces revenus ne lui permettraient pas de couvrir ses charges incompressibles, lesquelles pouvaient être estimées au minimum à 2'545 fr. par mois (1'200 fr. de montant mensuel de base, 1'070 fr. de loyer et 275 fr. de primes d’assurance-maladie, subsides déduits). Le transfert de la moitié de sa prestation de libre passage accumulée durant le mariage de 14'373 fr. 80 accroîtrait ainsi encore davantage sa précarité financière au moment de la retraite, de sorte qu'un partage serait contraire à son besoin de prévoyance.

Un partage par moitié de la part de rente de l'intimé accumulée durant le mariage conduirait à l'octroi d'une rente viagère de 124 fr. par mois en faveur de l'appelante. Un tel partage s'avérerait également contraire au besoin de prévoyance de l'intimé dès lors qu'il aurait pour conséquence de lui laisser des revenus à peine supérieurs à ses charges incompressibles tout en n'améliorant que faiblement la prévoyance vieillesse de l'appelante. Il convenait en conséquence de renoncer à partager les avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les parties durant leur mariage.

4.1 L'appelante reproche au premier juge d'avoir mal évalué la part de rente acquise par C______ durant le mariage et de s'être écarté, sans raison, du principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance des époux.

4.2 Lorsqu'aucun cas de prévoyance n'est survenu, les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu'à l'introduction de la procédure de divorce sont en principe partagées par moitié entre les époux (art. 122 et 123 al. 1 CC).

4.3 Selon l'art. 124a al. 1 CC, si, au moment de l’introduction de la procédure de divorce, l’un des époux perçoit une rente de vieillesse, le juge apprécie les modalités du partage. Il tient compte en particulier de la durée du mariage et des besoins de prévoyance de chacun des époux.

L'art. 124a CC règle la situation dans laquelle, au moment de l'introduction de la procédure de divorce, l'un des époux perçoit une rente de vieillesse. Dans cette situation, il n'est plus possible de calculer une prestation de sortie, de sorte que le partage devra s'effectuer sous la forme du partage de la rente (ATF 145 III 56 consid. 5.1).

La loi laisse au juge la compétence d'apprécier en équité les modalités du partage de la rente. Le principe d'un partage par moitié doit servir de point de départ. Il ne s'agit en aucun cas de l'appliquer de manière mécanique. Ce sont les circonstances du cas d'espèce qui sont déterminantes. Le juge tiendra compte en particulier des critères expressément mentionnés par la loi, à savoir la durée du mariage et les besoins de prévoyance de chacun des époux (arrêt du Tribunal fédéral 5A_211/2020 du 3 novembre 2020 consid. 4.1.1; Leuba/Meier/Papaux van Delden, Droit du divorce, 2021, p. 156).

4.3.1 Pour procéder au partage de la rente, le juge détermine, dans un premier temps, la part de rente accumulée durant le mariage. Cette première étape concrétise le critère de la durée du mariage (Pichonnaz, Commentaire romand CC I, 2ème éd., 2023, n. 12 ad art. 124a CC; Cardinaux, Divorce et prévoyance – Quelques aspects choisis, Famille et argent, 2022, p. 128; Leuba/Meier/Papaux van Delden, op. cit, p. 157; Geiser, Partage de la prévoyance professionnelle et divorce: ce qui a changé et ce qui est resté, in: Entretien de l'enfant et prévoyance, 2018, p. 73).

Il convient en règle générale de s'appuyer sur les informations fournies par l'institution de prévoyance, à savoir le montant de la prestation de sortie au jour du mariage, les intérêts accumulés sur ce montant jusqu'au moment de la réalisation du cas de prévoyance vieillesse et le montant de la prestation de sortie ce jour-là. Les rentes versées jusqu'au jour de l'ouverture de la procédure de divorce doivent être déduites (Leuba/Meier/Papaux van Delden, op. cit., p. 157; Leuba, Le nouveau droit du partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce, in : FamPra 2017, p. 13 et 14).

Il est également possible de recourir à la tabelle figurant à l'annexe 1 du message concernant la modification du code civil suisse (Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce du 29 mai 2013, FF 2013 4887), laquelle permet de déterminer la part de prévoyance acquise durant le mariage en fonction de l'âge de l'assuré au moment du mariage et au début de la retraite. Cette tabelle, qui repose sur une conception très schématisée des avoirs accumulés durant le mariage, doit être appliquée avec prudence. Lorsque cela est possible, il est préférable de déterminer la part de rente à partager sur la base des données du cas d'espèce. Il ne devrait être recouru à la tabelle que si le rapport entre les avoirs accumulés avant et pendant le mariage ne peut plus être établi au moment de la transformation en une rente (Leuba/Meier/Papaux van Delden, op. cit., p. 159; du même avis : Pichonnaz, op. cit., n. 13 et 14 ad art. 124a CC; Geiser, op. cit., p. 74).

Dans un arrêt du 17 juillet 2024 (5A_336/2023 consid. 3), le Tribunal fédéral a confirmé une décision cantonale déterminant la part de rente de vieillesse acquise durant le mariage sur la base de données concrètes, sans recourir à la tabelle proposée dans le message du Conseil fédéral.

Si l'assuré s'est fait verser tout ou partie de sa prestation de vieillesse en capital (art. 37 LPP), cette prestation sort du cercle de la prévoyance professionnelle. Le versement sera pris en compte dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, voire compensé par une indemnité équitable au sens de l'art. 124e al. 1 CC (Leuba/Meier/Papaux van Delden, op. cit., p. 173).

4.3.2 Après avoir déterminé la part de rente accumulée durant le mariage, le juge définit la mesure du partage en se fondant sur le critère des besoins de prévoyance des époux (Pichonnaz, op. cit., n. 11 ad art. 124a CC; Cardinaux, op. cit., p. 128; Leuba/Meier/Papaux van Delden, op. cit., p. 160; Geiser, op. cit., p. 75). Il ne s'agit pas de comparer les situations économiques respectives des époux, mais bien leurs besoins de prévoyance. Selon les circonstances, il faudra tenir compte de leurs besoins existants - lorsqu'ils sont déjà tous les deux à la retraite – ou des besoins existants, d'un côté, et ceux futurs de l'autre - lorsque seul l'un des époux est à la retraite (Leuba/Meier/Papaux van Delden, op. cit., p. 160).

Le fait que le conjoint débiteur touche une rente de vieillesse très modeste ne constitue pas une raison suffisante de n'accorder au conjoint créancier aucune rente ou qu'une part minime de celle-ci (Message du 29 mai 2013 concernant la révision du code civil suisse [Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce], FF 2013 4341, 4365 ad art. 124a CC).

4.3.3 Le juge peut prendre en considération d'autres circonstances que la durée du mariage et les besoins de prévoyance de chacun des conjoints, mais il doit préciser lesquelles. Entrent notamment en ligne de compte les circonstances justifiant l'attribution de moins ou de plus de la moitié de la prestation de sortie (art. 124b CC; FF 2013 4365 ad art. 124a CC et 4370 ad art. 124b CC). Ainsi, si l'art. 124b CC ne s'applique pas directement aux cas de partage d'une rente, mais vise uniquement les cas de partage des prestations de sortie, le juge peut toutefois s'inspirer des principes ressortant de cette disposition dans le cadre de l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère l'art. 124a CC (ATF 145 III 56 consid. 5.1).

4.3.4 Selon l'art. 124b al. 2 CC, le juge attribue moins de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier ou n'en attribue aucune pour de justes motifs. Tel est en particulier le cas lorsque le partage par moitié s'avère inéquitable en raison de la liquidation du régime matrimonial ou de la situation économique des époux après le divorce (ch. 1) ou des besoins de prévoyance de chacun des époux, compte tenu notamment de leur différence d'âge (ch. 2).

Cette disposition doit être appliquée de manière restrictive afin d'éviter que le principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance soit vidé de son contenu. Toute inégalité consécutive au partage par moitié ou persistant après le partage par moitié ne constitue pas forcément un juste motif au sens de l'art. 124b al. 2 CC. Les proportions du partage ne doivent toutefois pas être inéquitables. L'iniquité se mesure à l'aune des besoins de prévoyance professionnelle de l'un et de l'autre conjoint. Le partage est donc inéquitable lorsque l'un des époux subit des désavantages flagrants par rapport à l'autre conjoint (ATF 145 III 56 consid. 5.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_469/2023 du 13 décembre 2023 consid. 5.1; 5A_106/2021 du 17 mai 2021 consid. 3.1; 5A_194/2020 du 5 novembre 2020 consid. 4.1.1).

Etant donné que la prévoyance vieillesse sert à garantir la situation économique des assurés à l'âge de la retraite, les besoins de prévoyance et la situation économique des bénéficiaires de rente ayant déjà atteint l'âge réglementaire de la retraite devraient largement coïncider. Il ne serait par conséquent guère concevable de rendre une décision de partage de la rente après avoir apprécié les besoins de prévoyance et de la corriger ensuite, par exemple en raison de la situation économique consécutive au divorce, au motif qu'elle serait inéquitable (art. 124b al. 2 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_211/2020 du 3 novembre 2020 consid. 4.1.1).

4.4 Une fois que la part de rente à attribuer au conjoint créancier a été fixée par le juge, l'institution de prévoyance du conjoint débiteur la convertira en rente viagère sur la base de la formule de conversion définie dans l'annexe de l'ordonnance sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (art. 19h al. 1 OLP). La date déterminante pour la conversion est celle de l’entrée en force du jugement de divorce (art. 19h al. 2 OLP).

Le partage entraînera, après recalcul, une réduction du montant que le débiteur reçoit mensuellement au titre de rente (Leuba/Meier/Papaux van Delden, op. cit., p. 163).

4.5 Lorsque l'un des conjoints perçoit déjà une rente alors que l'autre est encore un assuré actif, chaque prétention est exécutée séparément selon ses propres règles : un conjoint doit verser la moitié de sa prestation de sortie et l'autre une part de rente (Pichonnaz, op. cit., n. 10 ad art. 124c CC).

4.6 En l'espèce, l'appelante reproche tout d'abord au premier juge de ne pas s'être référé à la tabelle annexée au message du Conseil fédéral pour estimer la part de rente de vieillesse de l'intimé acquise durant le mariage.

Il résulte toutefois des considérants qui précèdent que l'application de ladite tabelle n'est pas obligatoire. Le juge bénéficie à cet égard d'un pouvoir d'appréciation. Une approche concrète peut être privilégiée lorsque le montant des avoirs de prévoyance accumulés à la date du mariage et à la survenance du cas de prévoyance sont connus, ce qui est le cas en l'espèce. La méthode de calcul choisie par le premier juge n'est ainsi pas critiquable.

L'appelante soutient, à titre subsidiaire, que même à supposer qu'un calcul concret soit admissible, le premier juge ne pouvait pas, pour établir la part de rente de vieillesse de l'intimé à partager, déduire le capital de 43'474 fr. 50 perçu par celui-ci au moment de sa retraite.

Ce grief est également infondé. En effet, ainsi que cela résulte des développements qui précèdent, la prestation de vieillesse versée en capital à l'intimé est sortie du cercle de la prévoyance professionnelle. Les règles relatives au partage des prestations de sortie ne pouvaient en conséquence pas lui être appliquées, de sorte que c'est à juste titre que le premier juge n'en a pas tenu compte pour déterminer la part de rente de l'intimé acquise durant le mariage. La part du capital versé acquise durant le mariage constituant un acquêt (art. 197 al. 2 ch. 2 CC), son partage devait intervenir dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial. Il a toutefois été constaté en première instance que les parties n'avaient plus de prétentions à faire valoir à ce titre, sans que ce point ne soit remis en cause en appel.

Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le premier juge a fixé la part de rente de vieillesse de l'intimé acquise durant le mariage à 376 fr. par mois (montant arrondi).

L'appelante reproche enfin au premier juge d'avoir renoncé à partager les prétentions de prévoyance professionnelle accumulées par les parties durant le mariage. Elle soutient qu'il n'existait aucun motif de s'écarter d'un partage par moitié au vu des besoins de prévoyance respectifs des époux. Il a en effet été retenu que ses expectatives de prévoyance étaient faibles dans la mesure où il était hautement improbable qu'elle retrouve un emploi et continue à cotiser. A l'inverse, les rentes perçues par l'intimé lui permettent de couvrir intégralement ses charges incompressibles et de bénéficier en sus d'un solde disponible de 328 fr. par mois. Ainsi, même en cas de partage de la rente, ses besoins demeureraient couverts.

Un partage par moitié des avoirs de prévoyance des parties impliquerait le prélèvement d'une somme de 7'186 fr. 90 sur le montant de la prestation de sortie de l'appelante (14'373 fr. 80 : 2) à verser en mains de l'intimé, respectivement le prélèvement d'un montant mensuel de 139 fr. (376 fr. : 2 = 188 fr., correspondant à 139 fr. après conversion en rente viagère au moyen de la calculette disponible sur le site de l'OFAS) sur la rente LPP de l'intimé à verser sur le compte de prévoyance professionnelle de l'appelante.

Ainsi, en cas de partage par moitié des avoirs des parties, les revenus de l'intimé diminueraient légèrement pour s'élever à 3'696 fr. 90 par mois (1'445 fr. 90 de rente LPP + 2'390 fr. de rente AVS - 139 fr. de part de rente à verser à l'appelante), la part de prévoyance de l'appelante de 7'186 fr. 90 permettant uniquement de compenser sa perte de revenu pendant une période d'environ quatre ans. L'intimé demeurerait ainsi en mesure de couvrir ses charges incompressibles mensuelles, fixées à 3'507 fr. 90 par le premier juge, montant qui n'a pas été contesté, tout en bénéficiant d'un solde disponible de 189 fr. par mois. Il y a en outre lieu de relever que les charges prises en compte comprennent une contribution de 750 fr. par mois à l'entretien d'un enfant majeur issu d'un premier lit, laquelle est appelée à disparaître dans les prochaines années. Cette réduction de charges entraînera une augmentation du solde disponible de l’intimé, qui s’élèvera alors à 939 fr. par mois. La couverture de ses besoins de prévoyance sera ainsi pleinement assurée.

De son côté, l'appelante devrait, selon les projections actuelles, percevoir, au moment de sa retraite, une rente de vieillesse LPP de 734 fr. 60 par mois. Aucune des parties ne conteste le raisonnement du premier juge selon lequel il est hautement vraisemblable que l'appelante ne pourra pas améliorer sa prévoyance professionnelle. Dès lors, comme l'a retenu le premier juge, ses revenus mensuels, à l'âge de la retraite, devraient atteindre 1'994 fr. 60 (1'260 fr. de rente AVS minimale + 734 fr. 60 de rente LPP). L'appelante ne pourra ainsi probablement pas, à sa retraite, faire face à ses charges mensuelles incompressibles, estimées, sans que cela ne soit contesté, à 2'545 fr. par mois, et devrait ainsi subir un déficit mensuel de l'ordre de 500 fr.

Un partage par moitié des avoirs de prévoyance des parties permettrait dès lors d'améliorer sensiblement la situation de prévoyance de l'appelante sans prétériter de manière significative celle de l'intimé. En effet, l'espérance de vie d'une femme âgée de 51 ans étant estimée à 34 ans, la part de rente à lui attribuer représenterait un capital d'environ 56'700 fr. Après déduction de la moitié de sa propre prestation de sortie (7'186 fr. 90), le solde s'élèverait encore à environ 49'500 fr. Dans ces conditions, aucune dérogation au principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés durant le mariage ne se justifie.

Au vu de ce qui précède, le chiffre 5 du dispositif du jugement entrepris sera annulé et le partage par moitié des prestations professionnelles accumulées par les époux durant le mariage ordonné. Il sera ainsi ordonné à l'institution de prévoyance de l'appelante de prélever sur les avoirs de celle-ci une somme de 7'186 fr. 90 et de la verser en mains de l'intimé. Il sera également ordonné à la caisse de prévoyance de l'intimé de prélever chaque mois, dès l'entrée en force du présent arrêt, la somme de 188 fr. sur la rente de retraite de celui-ci, de convertir ce montant en rente viagère en faveur de l'appelante et de lui verser la rente ainsi déterminée sur son compte de libre passage, dont elle devra fournir les coordonnées.

5. 5.1 Lorsque la Cour de céans statue à nouveau, elle se prononce sur les frais fixés par le tribunal de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Le premier juge a mis les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., à la charge des parties pour moitié chacune et n'a pas alloué de dépens.

Compte tenu de la nature familiale du litige, une modification de la décision déférée sur ces points ne s'impose pas (art. 107 al. 1 let. c CPC).

5.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 30 et 35 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile, RTFMC) et mis à la charge des parties par moitié chacune, compte tenu de l'issue et de la nature familiale du litige (art. 107 al. 1 let. c CPC).

L'appelante plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, la part de frais lui incombant sera provisoirement laissée à la charge de l'Etat de Genève (art. 122 al. 1 let. b CPC), qui pourra en demander le remboursement ultérieurement aux conditions de l'art. 123 al. 1 CPC.

L'intimé, pour sa part, sera condamné à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 500 fr. (art. 111 al. 1 CPC).

Pour les mêmes motifs liés à l'issue et à la nature du litige, chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/1326/2025 rendu le 28 janvier 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2740/2023-9.

Au fond :

Annule le chiffre 5 du dispositif du jugement entrepris et statuant à nouveau sur ce point :

Ordonne le partage par moitié des prétentions de prévoyance professionnelle acquises par les parties durant le mariage.

Ordonne en conséquence à E______, [à l'adresse] ______ [VD], de prélever des avoirs de prévoyance de A______ la somme de 7'186 fr. 90 et de la verser en mains de C______.

Ordonne à la D______, [à l'adresse] ______ [GE], de prélever chaque mois, dès l'entrée en force du présent arrêt, 188 fr. sur la rente de retraite de C______, de convertir, conformément à l'art. 19h OLP, ce montant en rente viagère en faveur de A______ et de verser la rente ainsi déterminée sur son compte de libre passage, dont elle devra fournir les coordonnées.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr. et les met à la charge des parties par moitié chacune.

Laisse provisoirement la part des frais judiciaires d'appel de A______ à la charge de l'Etat de Genève.

Condamne C______ à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 500 fr.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.