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Décisions | Chambre civile

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C/15344/2019

ACJC/262/2025 du 20.02.2025 sur JTPI/13288/2023 ( OO ) , MODIFIE

Recours TF déposé le 27.03.2025, 4A_158/2025
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15344/2019 ACJC/262/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 20 FÉVRIER 2025

 

Entre

A______, sise ______ [GE], appelante et intimée d'un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 novembre 2023, représentée par Me Carlo LOMBARDINI, avocat, PONCET TURRETTINI, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4,

et

B______ LTD, sise ______, Hong Kong, intimée et appelante, représentée par
Me Hrant HOVAGEMYAN, avocat, DEMOLE HOVAGEMYAN, rue Charles-Bonnet 2, case postale, 1211 Genève 3.



EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/13288/2023 du 15 novembre 2023, notifié aux parties le 17 du même mois, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a statué sur une demande en reddition de compte formée par B______ LTD à l'encontre de [la banque] A______ dans le cadre d'une procédure en paiement intentée par cette dernière.

Il a ordonné à A______ - en lui impartissant un délai du 30 jours à compter de l'entrée en force du jugement (ch. 2 du dispositif) - de fournir à B______ LTD :

- tous les documents internes, notamment tous les procès-verbaux relatifs aux entretiens que la banque a tenus avec B______ LTD et ses organes, avec C______ TRUST CORPORATION et avec D______ TRUST (SWITZERLAND) SA ainsi qu'avec des tiers pour les années 2017 à ce jour;

- toute la correspondance interne et externe de la banque au sujet de B______ LTD, des avoirs déposés, de la performance obtenue et de la rémunération qu'elle a perçue pour les années 2017 à ce jour (ch. 1).

Il a par ailleurs débouté B______ LTD de ses autres conclusions en reddition de compte (ch. 5).

Les frais judiciaires, arrêtés à 15'000 fr. et compensés à due concurrence avec l'avance de 50'000 fr. fournie par B______ LTD en lien avec sa demande reconventionnelle, ont été mis à la charge de cette dernière à hauteur de 5'000 fr. et à la charge de A______ à hauteur de 10'000 fr., laquelle a en conséquence été condamnée à verser à B______ LTD la somme de 10'000 fr. à titre de frais judiciaires (ch. 3). A______ a également été condamnée à payer à B______ LTD des dépens réduits à 5'000 fr. après compensation (ch. 4).

b. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 3 janvier 2024, A______ a formé appel à l'encontre dudit jugement, concluant, sous suite de frais, à son annulation et au déboutement de B______ LTD de ses conclusions en reddition de compte.

c. Aux termes de son mémoire de réponse du 17 mai 2024, B______ LTD a conclu, sous suite de frais, à l'irrecevabilité de l'appel pour cause de motivation insuffisante et de témérité, subsidiairement à son rejet.

A l'appui de son acte, elle a produit une pièce nouvelle datant du mois de juin 2020 (pièce no 1).

d. A______ a répliqué le 24 juin 2024 et B______ LTD a dupliqué le 26 août 2024, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 3 janvier 2024, B______ LTD a également formé appel à l'encontre du jugement du 15 novembre 2023, sollicitant l'annulation des chiffres 3 à 5 de son dispositif.

Elle a conclu à ce qu'il soit ordonné à A______ de produire l'intégralité du dossier relatif aux relations bancaires les liant, ouvertes ou clôturées, dont les documents mentionnés au chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris, pour les années 2015 à ce jour ainsi que la correspondance strictement interne à la banque, y compris les procès-verbaux (ou enregistrements) des entretiens tenus avec elle et ses organes, avec le trustee actuel et celui de l'époque ainsi qu'avec des tiers depuis le début de la relation bancaire et jusqu'au jour de l'exécution de la reddition de compte. Elle a également conclu à ce que la remise des documents concernés soit effectuée dans le strict respect du secret bancaire et qu'en conséquence seule une liste des documents remis soit fournie au Tribunal. Enfin, elle a conclu à la condamnation de A______ aux frais de première instance et d'appel.

f. Dans son mémoire de réponse du 21 mai 2024, A______ a conclu, sous suite de frais, au rejet de l'appel. Sans toutefois prendre des conclusions formelles en irrecevabilité, elle s'est également plainte que l'appel formé par B______ LTD serait insuffisamment motivé.

g. B______ LTD a répliqué le 24 juin 2024 et A______ a dupliqué le 23 août 2024, persistant dans leurs conclusions respectives.

B______ LTD s'est encore spontanément déterminée sur la duplique de A______ le 9 septembre 2024.

Par courrier du 26 septembre 2024, A______ a indiqué renoncer à exercer son droit de réplique.

h. Par plis séparés du 26 septembre 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

B. a. A______ est un établissement bancaire ayant son siège à Genève.

b. B______ LTD est une société ayant son siège à Hong Kong.

E______, F______ et G______ en sont les administrateurs.

c. B______ LTD est détenue par trois trusts constitués au bénéfice de la famille [de] E______.

C______ TRUST CORPORATION (ci-après : C______ CORP) était le trustee de ces trusts jusqu'au 27 novembre 2018, date à compter de laquelle elle a été remplacée par D______ TRUST (SWITZERLAND) SA (ci-après : D______ SA).

d. Le 9 février 2016, B______ LTD a ouvert le compte no 1______ dans les livres de A______. La monnaie de référence était le dollar américain (USD). Un montant d'environ 585'000'000 fr. a été versé sur le compte.

E______ disposait d'une signature collective à deux sur le compte, aux côtés de H______ ou I______, représentants de C______ CORP. A compter du 10 mai 2016, F______ disposait également d'une signature collective à deux sur le compte.

J______, gestionnaire auprès de A______, était en charge de la relation bancaire.

e. Lors de l'ouverture du compte, B______ LTD a signé divers documents dont le formulaire d'ouverture de compte et les conditions générales de la banque. Celles-ci prévoyaient notamment que la banque facturait ses services conformément aux frais énumérés dans ses conditions tarifaires remises au client (art. 14), qu'elle était autorisée à percevoir et conserver la rémunération qui lui était versée par des tiers (art. 15) et que la relation bancaire était exclusivement soumise au droit suisse avec élection de for à Genève (art. 29).

f. B______ LTD a également signé un mandat de gestion en faveur de A______ portant sur une somme de l'ordre de 480'000'000 fr.

Par la suite, d'autres mandats de gestion successifs ont été signés par B______ LTD en date des 12 septembre 2016, 4 novembre 2016 et 21 février 2017.

Lesdits mandats prévoyaient que la banque était en droit de percevoir et de conserver les éventuelles rétrocessions et autres rétributions de tiers (art. 7).

B______ LTD s'est engagée à verser annuellement à la banque des honoraires de gestion de 0.5% des avoirs confiés, prélevés directement sur le compte.

g. A compter du 1er juin 2017, les honoraires de gestion ont été augmentés à 0.75%.

A______ soutient que B______ LTD a été informée de cette augmentation et l'a acceptée, ce que cette dernière conteste.

C. a. Le 13 février 2018, C______ CORP a informé A______ qu'elle procédait à un examen de la gestion par la banque des avoirs confiés. Dans le cadre de cet examen, elle lui demandait notamment de lui confirmer le montant des honoraires, frais et rétrocessions perçus ainsi que des précisions quant à sa gestion des fonds pour l'année 2017.

b. Le 12 mars 2018, A______ a répondu à C______ CORP avoir perçu des honoraires de gestion de 0.5% respectivement de 0.75% à partir de juin 2017, précisant que les frais concernés avaient été augmentés avec l’accord du trustee. Par ailleurs, conformément à l'article 15 des conditions générales et à l'article 7 du mandat de gestion, elle avait également perçu, en sus des honoraires de gestion, des rétrocessions intergroupe ("group split fees"), dont le montant total, selon le récapitulatif annexé, était de 785'780 fr. A______ a également répondu aux autres interrogations de C______ CORP relativement à la gestion des fonds.

Etaient annexés audit courrier des récapitulatifs des frais de gestion prélevés entre le 1er janvier 2017 et le 28 février 2018 et des rétrocessions perçues en 2017 en relation avec le portefeuille de B______ LTD, le profil de risque des fonds, la description du processus d'investissement de B______ LTD et de la banque, les résultats du compte de janvier 2017 à fin février 2018 et le rapport sur la ventilation des fonds au 31 décembre 2017 détaillant les investissements réalisés par les fonds d'investissement dans les actifs sous-jacents et la diversification en découlant.

c. Par courriel du 29 mars 2018, A______ a transmis, à la demande d'une société de gestion mandatée par B______ LTD, des informations sur le fonds K______, soit un mémorandum de placement, mentionnant notamment les performances, les caractéristiques et le profil de risque du fonds, ainsi qu'un document exposant le processus de sélection de fonds par la banque.

d. Par la suite, C______ CORP et E______ ont fait part à A______ de leur désaccord concernant la perception du montant de 785'780 fr. au titre de rétrocessions intergroupe ("group split fees") et en ont réclamé le remboursement.

e. Le 29 mai 2018, A______ a pris acte du désaccord exprimé et a indiqué être disposée, afin de résoudre ce malentendu et de maintenir la relation de confiance qui avait été établie, à restituer à B______ LTD le montant de 785'780 fr. en signe de bonne volonté.

f. Par courrier du 20 juin 2018, après de nombreux échanges et discussions entre les parties, A______ a adressé à C______ CORP une feuille de route ("Roadmap"), dans le but de clarifier, selon ses dires, l'étendue de leur coopération future et le traitement des questions passées. Cette feuille de route énonçait notamment que la banque créditerait le 1er juillet 2018, au titre de geste de bonne volonté, le compte de B______ LTD d'un montant de 785'780 fr. correspondant aux rétrocessions perçues (point 1). Elle comprenait par ailleurs huit autres points relatifs aux nouvelles conditions tarifaires de la banque, prévoyant en particulier une réduction des honoraires de gestion à 0.5% (point 2).

g. Le 25 juin 2018, A______ a adressé à C______ CORP une version modifiée de ce courrier, intégrant une réduction à 1% à compter du 1er juillet 2018 de la commission de gestion relative au fonds K______.

h. Par courriel du 27 juin 2018, C______ CORP a accepté le point 1 des courriers des 20 et 25 juin 2018, soit le remboursement du montant de 785'780 fr. Elle a en revanche réservé toute décision sur les autres points en raison de sa démission de ses fonctions de trustee, l'invitant à s'adresser au nouveau trustee qui devait être désigné.

i. Le 5 juillet 2018, A______ a pris acte de l'accord de C______ CORP quant au point 1 de sa feuille de route et de sa réserve s'agissant des autres points. Elle a pour le surplus indiqué qu'elle créditerait le montant de 785'780 fr. sur le compte de B______ LTD et a confirmé que les autres points seraient discutés avec le nouveau trustee.

j. Le 6 juillet 2018, A______ a crédité un montant de 785'780 USD sur le compte de B______ LTD.

k. Le 7 septembre 2018, E______ a informé A______ que le nouveau trustee était D______ SA, représentée par G______.

l. Au mois de novembre 2018, A______ a mandaté la société L______ SA afin notamment qu'elle procède à une vérification des calculs effectués en lien avec le compte de B______ LTD pour la période du 25 avril 2016 au 30 septembre 2018. Aucun problème n'a été signalé.

m. Le 12 décembre 2018, D______ SA a fait part à A______ de son intention de procéder à un examen complet des investissements opérés en faveur de B______ LTD et a sollicité divers documents.

n. Par courriel du 10 janvier 2019, A______ a transmis à D______ SA les documents requis, soit l'état du compte au 31 décembre 2018, détaillant les investissements opérés, un rapport mensuel présentant la performance du compte depuis sa création jusqu'au 31 décembre 2018 ainsi qu'un rapport de performance du portefeuille.

o. Le 11 février 2019, B______ LTD a informé A______ de son intention de diversifier ses avoirs et de confier la gestion d'une partie de ses fonds à d'autres établissements bancaires.

p. Le 22 février 2019, A______ a indiqué à D______ SA que cette décision était contraire à leur accord, relevant notamment que le remboursement des rétrocessions était intervenu dans l'optique d'un maintien de leurs relations.

q. Par courriel du 8 mars 2019, D______ SA a rappelé à A______ les raisons pour lesquelles elle considérait nécessaire de diversifier la détention et la gestion des avoirs de B______ LTD et s'est étonnée de la réponse de la banque consistant à remettre en question le versement du montant de 785'780 fr. Au vu de cette réaction, elle avait procédé à un examen plus approfondi des services bancaires et de gestion d'actifs fournis par la banque. Il en découlait plusieurs questions au sujet de l'investissement massif des avoirs déposés en produits et fonds de la banque (83 % en 2017), de la politique en matière de rétrocessions, de l'investissement de 100 millions de dollars américain dans le fonds K______, de l'augmentation de la commission de gestion de la banque de 0.5 % à 0.75 % et du remboursement des commissions indûment prélevées.

r. Une réunion entre les parties a eu lieu le 13 mars 2019 au cours de laquelle A______ a donné des explications orales à B______ LTD sur les points soulevant des interrogations.

s. Le 21 mars 2019, A______ a répondu par écrit aux diverses questions formulées par D______ SA dans son courriel du 8 mars 2019.

Parallèlement, B______ LTD a remercié A______ pour les explications fournies lors de la réunion du 13 mars 2019 et s'est déterminée sur les différents points de la feuille de route établie par la banque au mois de juin 2018.

t. Les parties n'étant pas parvenues à trouver un accord quant à la poursuite de leur relation, B______ LTD a, le 29 mars 2019, mis un terme au mandat de gestion de A______ avec effet immédiat.

Les rapports bancaires sont encore en cours de liquidation.

u. Le 28 juin 2019, A______ a déclaré invalider le "handshake agreement" tel que résultant des échanges intervenus les 20 et 25 juin 2018 pour dol, subsidiairement pour erreur essentielle.

v. Par courrier du 12 septembre 2019, B______ LTD a demandé à A______ de lui remettre une copie de l'intégralité de son dossier, précisant que cela permettrait notamment de démontrer l'inexistence d'un "handshake agreement".

A______ a répondu le 3 octobre 2019 que B______ LTD avait reçu une copie du chargé de pièces accompagnant sa demande en paiement et que, pour le surplus, toute demande de production de documents devait, compte tenu de la procédure civile les opposant, avoir lieu dans le cadre prévu par le code de procédure civile.

D. a. Par acte déposé en vue de conciliation le 5 juillet 2019 et introduit devant le Tribunal le 31 janvier 2020, A______ a assigné B______ LTD en paiement des montants suivants :

-  785'780 USD avec intérêts à 5% l'an dès le 6 juillet 2018 à titre de restitution des rétrocessions intergroupe versées;

-  172'000 EUR avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juillet 2018 à titre de remboursement de la réduction de la commission de gestion relative au fonds K______ de 1.25% à 1% à compter du 1er juillet 2018;

-  468'717 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juillet 2018 à titre de remboursement de la réduction de la commission de gestion forfaitaire de 0.75% à 0.5% à compter du 1er juillet 2018.

A______ a fait valoir avoir conclu un accord avec B______ LTD en date des 20 et 25 juin 2018, au terme duquel elle avait accepté de réduire le montant de sa rémunération et de rembourser les rétrocessions qu'elle avait perçues dans l'unique perspective d'une continuation de leurs relations d'affaire à moyen ou long terme. Une fois ces bénéfices financiers obtenus, B______ LTD avait toutefois interrompu la relation bancaire. Elle avait ainsi été trompée, de sorte que les montants concernés par l'accord devaient lui être restitués.

A l'appui de ses écritures, A______ a notamment produit les documents d'ouverture du compte, les conditions générales de la banque, le profil de risque, le mandat de gestion discrétionnaire et les extensions successives, les profils de gestion y relatifs (pièce no 3), la performance du compte de mars 2016 à mars 2019 (pièce no 8), les conditions tarifaires (édition de juillet 2014 et de juillet 2017), les formulaires de tarification pour B______ LTD (pièces nos 9 à 12), des avis périodiques des commissions et frais perçu entre le 3ème trimestre de 2016 et avril 2019 (pièce no 13), les annexes au courrier du 12 mars 2018 (pièce no 15), le mémorandum de placement joint au courriel du 29 mars 2018 (pièce no 16), le rapport de L______ SA et les données fournies à celles-ci (pièce no 30 bis), les documents joints au courriel du 10 janvier 2019 (pièce no 33) ainsi que divers échanges entre les parties.

b. B______ LTD a conclu, sous suite de frais, au déboutement de A______ de ses conclusions en paiement.

Elle a en outre formé une demande reconventionnelle, concluant, sous suite de frais, provisoirement, dans l'attente d'obtenir des informations de A______, à la condamnation de cette dernière à lui payer les montants suivants :

- 1'200'000 fr. (subsidiairement 1'200'000 USD) avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2017 à titre de commissions de gestion indûment perçues au taux de 0.75% au lieu de 0.5%;

- 1'550'000 fr. (subsidiairement 1'550'000 USD) avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2017 à titre de rémunération indûment perçue pendant une année au taux de 2.55% au lieu de 1% par an en lien avec le fonds K______;

- 1'000'000 fr. (subsidiairement 1'000'000 USD) avec intérêts à 5% dès le 28 mars 2019 à titre de dommages et intérêts pour violation du secret bancaire, de l'obligation de rendre compte ainsi que des obligations de diligence et de fidélité.

Concernant ce dernier poste, B______ LTD a fait valoir que A______ avait violé son devoir de diligence et de fidélité en la persuadant de lui confier l'intégralité de ses avoirs, ce qui n'était pas souhaitable du point de vue de la diversification des risques, en ne lui restituant pas spontanément les rétrocessions perçues, en augmentant unilatéralement la rémunération convenue sans l'en informer, en investissant massivement les avoirs confiés dans des fonds de la banque ainsi qu'un montant de 100 millions dans le fonds K______ dans le but de prélever une commission de gestion supplémentaire, en tentant de lui faire payer un droit de sortie, en bloquant indûment une partie des avoirs sur la base d'un prétendu droit de gage, en se prévalant d'un accord - le handshake agreement - inexistant, en refusant de respecter son obligation de rendre compte et en divulguant, à l'appui de sa demande en paiement, des informations couvertes par le secret bancaire.

Préalablement, B______ LTD a pris des conclusions en reddition de compte afin, selon ses dires, de pouvoir chiffrer précisément ses conclusions reconventionnelles en paiement. Elle a conclu à ce qu'il soit ordonné à A______, en application de l'article 400 al. 1 CO, de lui remettre copie de l'intégralité du dossier, ou des dossiers, concernant les relations bancaires ouvertes ou clôturées avec elle, depuis le début de leurs rapports et jusqu'au jour de l'exécution de la reddition de compte, dont tous les documents internes et même strictement internes, y compris tous les procès-verbaux (ou enregistrements) des entretiens avec elle et ses organes, avec le trustee de l'époque et le trustee actuel ainsi qu'avec des tiers et toute la correspondance, interne et externe, de la banque à son sujet ainsi qu'au sujet des avoirs déposés, de la performance obtenue et de la rémunération perçue. Elle a également conclu à ce que cette remise de documents soit effectuée dans le strict respect du secret bancaire et qu'en conséquence A______ ne fournisse au Tribunal qu'une liste des documents remis.

c. A______ a conclu au déboutement de B______ LTD de ses conclusions, persistant pour le surplus dans ses précédentes conclusions. Elle a notamment allégué des faits complémentaires et a renvoyé, pour le surplus, à l'état de fait énoncé dans sa demande en paiement.

S'agissant des conclusions en reddition de compte formulées par B______ LTD, elle a fait valoir qu'elles devaient être rejetées dans la mesure où elles n'étaient pas formulées de manière suffisamment précise et étaient partant inexécutables et où la concernée disposait de l'ensemble de la documentation pertinente.

d. Une audience a eu lieu le 7 février 2023, lors de laquelle B______ LTD a déposé un complément à sa demande en reddition de compte ainsi que des déterminations sur la réponse à la demande reconventionnelle de A______, maintenant ses précédentes conclusions.

Un délai a été imparti à A______ pour se déterminer sur le complément à la demande en reddition de compte et il a été précisé qu'un deuxième échange d'écritures sur demande reconventionnelle serait ordonné une fois le sort de la demande en reddition de compte tranché et, le cas échéant, les pièces requises produites.

e. Dans sa détermination au complément à la demande en reddition de compte, A______ a persisté dans ses conclusions. Elle a précisé s'être déjà déterminée sur les conclusions en reddition de compte formulées par B______ LTD et a renvoyé, en tant que de besoin, à sa réponse à la demande reconventionnelle.

f. Lors de l'audience de plaidoiries finales sur demande en reddition de compte du 25 avril 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de ladite audience.

E. a. Le 15 avril 2019, soit quelques mois avant l'introduction de la présente procédure, B______ LTD a déposé une plainte pénale contre A______ pour tentative de contrainte, alléguant que celle-ci tentait de la contraindre à laisser auprès d'elle l'intégralité de ses avoirs.

b. A la suite du dépôt par A______ de sa demande en paiement, B______ LTD et E______ ont, le 21 août 2020, déposé une plainte pénale complémentaire pour violation du secret bancaire, extorsion, chantage et contrainte. Elles ont notamment allégué que la banque avait produit, à l'appui de sa demande en paiement, des documents relatifs à sa relation avec B______ LTD sans aucun caviardage, alors que de nombreux éléments ne présentaient aucune pertinence au regard des prétentions élevées, violant ainsi le secret bancaire.

c. Par ordonnance du 20 septembre 2021, le Ministère public a ordonné le classement de la procédure. Ce classement a été confirmé par la Cour de Justice le 21 février 2022 puis par le Tribunal fédéral le 5 octobre 2022.

S'agissant de la violation du secret bancaire, la Cour de justice a retenu que les documents remis par A______ au Tribunal relevaient uniquement de la relation qu'elle entretenait avec B______ LTD, défenderesse au civil, et étaient nécessaires à la démonstration des faits soutenant son action.

EN DROIT

1. A titre préalable, il sera relevé que la page de garde du jugement entrepris mentionne par erreur en qualité de partie demanderesse "BANQUE A______" alors que la réelle raison sociale de celle-ci est "A______", ainsi que cela résulte tant de la demande en paiement à l'origine de la présente procédure que du Registre du commerce.

Dans la mesure où il n'existe aucun doute sur l'identité des parties (cf. ATF
142 III 782 consid. 3.2.1), la Cour rectifiera d’office la désignation de ladite partie dans le présent arrêt.

2. Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

3. 3.1 Les appels formés par les parties sont recevables pour avoir été interjetés auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de 30 jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 145 al. 1 let. c et 311 CPC), contre une décision partielle de première instance immédiatement attaquable au même titre qu'une décision finale (Jeandin, Commentaire romand CPC, 2ème éd., 2019, n. 8 ad art. 308 CPC), puisque statuant définitivement sur des conclusions reconventionnelles en reddition de compte sans mettre fin au procès (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_436/2020 du 28 avril 2022 consid. 1.1). Ladite décision a en outre été rendue dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., au vu de la quotité des prétentions pécuniaires auxquelles les documents requis peuvent servir de fondement (art. 308 al. 2 CPC; cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_436/2020 du 28 avril 2022 consid. 1.2).

Contrairement à ce que soutiennent les parties, leurs appels respectifs respectent les exigences de motivation posées par l'art. 311 al. 1 CPC (cf. à ce sujet notamment arrêt du Tribunal fédéral 4A_439/2023 du 9 septembre 2024 consid. 4.1.1). Quand bien même certains griefs seraient formulés de manière trop générale, respectivement ne démontreraient pas le caractère erroné du jugement entrepris, il demeure possible de discerner quels faits auraient été constatés de manière erronée ou incomplète par le Tribunal, d'identifier les développements juridiques contestés et de déterminer sur quels fondements reposent les critiques. En particulier, l'appelante mentionne les moyens de preuve attestant des faits que le premier juge aurait omis de retenir et les motifs pour lesquels ces faits auraient dû être pris en compte (cf. ch. 34 de l'appel). Autre est la question du caractère fondé des griefs formulés, qui ne relève pas de la motivation. Ainsi, le fait que certains griefs seraient téméraires ne constitue pas un motif d'irrecevabilité de l'appel.

Les mémoires de réponse aux appels sont également recevables pour avoir été déposés dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 312 CPC). Il en va de même des écritures subséquentes des parties (art. 316 al. 2 CPC; sur le droit à la réplique spontanée : cf. ATF 146 III 97 consid. 3.4.1 et les références citées).

3.2 Par économie de procédure, les deux appels seront traités dans le même arrêt (cf. art. 125 CPC). A______ sera désignée en qualité d'appelante et B______ LTD en qualité d'intimée.

3.3 La Chambre de céans revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition applicables au présent contentieux (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

La procédure ordinaire s'applique (art. 219 et ss CPC).

4. L'intimée soulève plusieurs griefs en relation avec les contestations factuelles formulées par l'appelante.

4.1 L'intimée soutient que l'appelante ne peut contester l'état de fait établi par le premier juge au motif qu'elle n'aurait allégué aucun fait dans sa réponse à la demande en reddition de compte.

Ce grief apparaît infondé. En effet, dans sa réponse à la demande reconventionnelle, l'appelante, qui se détermine tant sur les conclusions en paiement qu'en reddition de compte formulées de l'intimée, renvoie aux faits exposés dans sa demande en paiement après avoir énoncé certains faits complémentaires. En outre, dans ses déterminations au complément à la demande en reddition de compte, elle renvoie à sa réponse à la demande reconventionnelle, laquelle, comme déjà indiqué, fait mention de certains faits tout en se référant, pour le surplus, à l'état de fait contenu dans la demande en paiement. Il ne saurait ainsi être considéré que l'appelante n'a allégué aucun fait en lien avec la procédure en reddition de compte. Le premier juge a d'ailleurs tenu compte des faits allégués par l'appelante dans sa demande en paiement pour établir son état de fait sans que cela ne fasse l'objet de critiques de la part de l'intimée.

Au demeurant, l'absence d'allégation de faits par une partie en première instance ne saurait la priver de se prévaloir en appel d'une présentation erronée ou tronquée des faits résultant du dossier par le premier juge, la Cour de céans disposant d'un pouvoir de cognition complet en la matière (cf. art. 310 CPC).

4.2 L'intimée soutient que l'appelante ne peut se prévaloir de faits admis car la phase d'allégation n'est pas close, un deuxième échange d'écritures devant encore intervenir une fois tranché le sort de la demande en reddition de compte.

Ce raisonnement ne saurait être suivi. En effet, la phase de l'allégation, s'agissant de la demande en reddition de compte, a été clôturée. Après que les parties se soient déterminées à deux reprises sur cette question, le premier juge a fixé une audience de plaidoiries finales limitée aux conclusions en reddition de compte, à l'issue de laquelle la cause a été gardée à juger sur cet aspect. La prétention en reddition de compte constitue en effet une prétention indépendante dont le sort est tranché après un examen complet en fait et en droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_482/2020 du 22 février 2021 consid. 4.1).

Infondé, le grief sera en conséquence, à l'instar du précédent, rejeté.

4.3 Pour le surplus, l'état de fait a été complété uniquement sur la base des faits établis ou admis, qui sont pertinents pour l'issue du litige ou utiles à la compréhension de celui-ci, respectivement nécessaires au traitement des griefs soulevés.

5. La recevabilité de la pièce nouvelle produite par l'intimée à l'appui de sa réponse à l'appel peut demeurer indécise dès lors qu'elle n'est pas de nature à influer sur l'issue du litige.

6. Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a considéré que l'intimée ne disposait d'aucun intérêt légitime à réclamer la production de documents en lien avec la relation bancaire ouverte auprès de l'appelante pour la période antérieure à 2017. Elle n'avait en effet pas émis de contestations en lien avec la gestion et la rémunération de la banque avant février 2018, respectivement mars 2019, et seules les années 2017 et 2018 étaient alors concernées. Pour le surplus, l'appelante avait déjà produit les documents d'ouverture du compte, les conditions générales et tarifaires applicables ainsi que diverses pièces attestant de sa gestion des fonds ainsi que de la rémunération qu'elle avait perçue. Cela étant, elle n'avait pas produit l'entier des procès-verbaux et autres documents internes des entretiens qu'elle avait eus avec les organes de l'intimée, C______ CORP et D______ SA et n'avait fourni qu'une partie de la correspondance relative à la relation de mandat nouée. Dans la mesure où ces documents étaient de nature à permettre à l'intimée de contrôler l'activité de l'appelante, notamment l'exécution des instructions données, leur production devait être ordonnée pour les années 2017 et suivantes. En revanche, la production de documents strictement internes ne se justifiait pas, leur contenu n'étant pas pertinent pour vérifier si la banque avait correctement exécuté le mandat confié. De même, la production d'autres documents n'avait pas à être ordonnée. L'intimée était en effet demeurée vague sur la nature des documents réclamés et n'avait pas allégué qu'il existerait d'autres documents qui lui seraient nécessaires pour contrôler la bonne exécution du mandat.

Les parties s'opposent sur l'étendue de l'obligation de rendre compte de l'appelante. L'appelante reproche au premier juge d'avoir partiellement admis les conclusions en reddition de compte de l'intimée, laquelle, de son côté, conteste le rejet de certaines de ses conclusions.

6.1 L'intimée a fondé, en première instance, son droit à la reddition de compte sur les règles du mandat, dont il n'est pas contesté qu'elles s'appliquent à la relation contractuelle nouée entre les parties. En appel, elle se prévaut également de l'art. 8 de la loi fédérale sur la protection des données (LPD) [recte: art. 25 depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la protection des données], des art. 15, 16 et 72 de la loi fédérale sur les services financiers (LSFin) ainsi que de l'art. 19 de l'ordonnance sur les services financiers (OSFin).

La loi fédérale sur la protection des données ne s’appliquant qu'aux traitements des données des personnes physiques, à l'exclusion des personnes morales (art. 2 al. 1 LPD a contrario; Métille /di Tria, Commentaire romand LPD, 1ère éd., 2023, n. 27 ad art. 2 LPD; Francey, Petit commentaire LPD, 1ère éd., 2023, n. 2, 8 et 12 ad art. 2 LPD), l'intimée ne peut en déduire aucun droit. Au demeurant, la demande en reddition de compte formée par l'intimée est soumise à la procédure ordinaire, de sorte qu'elle ne peut être cumulée à une requête d'accès aux données personnelles, laquelle est soumise à la procédure simplifiée (cf. art. 90 al. 1 et 243 al. 2 let. d CPC; Béguin, Petit commentaire LPD, 1ère éd., 2023, n. 76 ad art. 25 LPD).

Il n'apparaît par ailleurs pas - et l'intimée ne le soutient pas - que le droit à la remise des documents prévu par la loi fédérale sur les services financiers aurait une portée plus étendue que le droit à la reddition de compte relevant des règles sur le mandat (cf. FF 2015 8101, p. 8193 et 8194; Reichart/Manzoni, Commentaire bâlois FIDLEG/FINIG, 1ère éd., 2023, ad art. 72 LSfin, en particulier n. 9 à 17; Bretton-Chevallier, Commentaire romand LSFin, 1ère éd., 2022, ad art. 72 LSFin, en particulier n. 6, 10, 13 et n. 22; Vogel/Heiz/Luthiger, FIDLEG/FINIG Kommentar, 2020, ad art. 72 LSFin, en particulier n. 12 à 16).

En conséquence, l'étendue de l'obligation de rendre compte de l'appelante sera uniquement examinée à l'aune de l'art. 400 al. 1 CO.

6.1.1 En vertu de l'art. 400 al. 1 CO, le mandataire est tenu, à la demande du mandant, de lui rendre en tout temps compte de sa gestion et de lui restituer tout ce qu'il a reçu de ce chef, à quelque titre que ce soit.

Le devoir de rendre compte (Rechenschaftspflicht), comme le devoir de restituer (Herausgabepflicht), ont pour but de garantir le respect de l'obligation de diligence et de fidélité du mandataire (art. 398 al. 2 CO) et de sauvegarder les intérêts du mandant (ATF 146 III 435 consid. 4.1.3.1; 143 III 348 consid. 5.1.1; 139 III 49 consid. 4.1.2; 138 III 755 consid. 5.3).

L'obligation de rendre compte - qui comprend l'obligation de renseigner (Informationspflicht) (ATF 141 III 564 consid. 4.2.1) et celle de présenter des comptes (cf. ATF 110 II 181 consid. 2) - doit permettre au mandant de contrôler l'activité du mandataire (ATF 146 III 435 consid. 4.1.3.1; 143 III 348 consid. 5.1.1).

La reddition de compte comprend toutes les informations pertinentes pour vérifier si l'activité exercée par le mandataire correspond à une bonne et fidèle exécution du mandat. Grâce à l'information obtenue, le mandant sera, le cas échéant, en mesure de réclamer des dommages-intérêts fondés sur la responsabilité du mandataire; il connaîtra également l'objet de l'obligation de restitution (ATF 141 III 564 consid. 4.2.1 et les arrêts cités; arrêts du Tribunal fédéral 4A_436/2020 du 28 avril 2022 consid. 5 et 4A_599/2019 du 1er mars 2021 consid. 5).

L'obligation de rendre compte est limitée aux opérations concernant le rapport de mandat (ATF 139 III 49 consid. 4.1.3). Pour satisfaire à son obligation de rendre compte, le mandataire doit informer le mandant de manière complète et véridique et lui remettre tous les documents concernant les affaires traitées dans l'intérêt de son cocontractant. Font exception les documents purement internes, tels que les études préalables, les notes, les projets, le matériel rassemblé et la comptabilité. L'obligation de rendre compte porte en tout cas sur les informations nécessaires à fonder l'obligation de restitution, mais elle peut être plus large et concerner des documents non soumis à l'obligation de restitution, celle-ci ne visant pas le contrôle de l'activité du mandataire (ATF 143 III 348 consid. 5.3.1). Il faut donc différencier entre les documents internes (non soumis à l'obligation de restitution), dont le contenu doit être porté sous une forme appropriée à la connaissance du mandant pour lui permettre de contrôler l'activité du mandataire, et les documents purement internes qui ne sont de toute façon pas pertinents pour vérifier si le mandataire a exécuté le mandat conformément au contrat. Si un document interne est en principe soumis à l'obligation de rendre compte, cela ne signifie pas encore qu'il doit être présenté au mandant sans autre examen. Au contraire, il faut en pareil cas procéder à une pesée d'intérêts, l'intérêt du mandataire au maintien du secret devant être pris en compte; dans un cas concret, la remise du document pourra ainsi prendre la forme d'extraits (ATF 146 III 435 consid. 4.1.3.1;
139 III 49 consid. 4.1.3).

L'étendue de l'obligation de renseigner dépend du type de mandat en jeu. En matière bancaire, le client a intérêt à être informé notamment de tous les faits nécessaires pour déterminer si la banque a exécuté le contrat avec diligence et si elle s'en est tenue aux instructions (arrêt du Tribunal fédéral 4A_522/2018 du 18 juillet 2019 consid. 4.2.2.1). Les renseignements fournis doivent couvrir tous les éléments permettant au client de comprendre les opérations effectuées et d'être éclairé sur les éventuelles erreurs du mandataire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_436/2020 du 28 avril 2022 consid. 5 et 4A_599/2019 du 1er mars 2021 consid. 5).

6.1.2 Le droit à la reddition de compte trouve ses limites dans les règles de la bonne foi (ATF 143 III 348 consid. 5.1.1; 139 III 49 consid. 4.1.2). A teneur de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. L'existence d'un abus de droit se détermine selon l'ensemble des circonstances du cas d'espèce (ATF 138 III 425 consid. 5.2; 135 III 162 consid. 3.3.1). Elle doit être reconnue lorsque l'exercice du droit par le titulaire ne répond à aucun intérêt digne de protection, qu'il est purement chicanier ou encore qu'il tend à servir des intérêts qui ne correspondent pas à ceux que la règle est destinée à protéger (ATF
141 III 119 consid. 7.1.1). La prétention en reddition de compte ne mérite ainsi pas d'être protégée lorsque le mandant possède déjà les informations requises ou serait en mesure de les obtenir en consultant ses propres documents, alors que le mandataire ne pourrait les fournir qu'avec les plus grandes difficultés (ATF 139 III 49 consid. 4.5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4C_206/2006 du 12 octobre 2006 consid. 4.3.1). Il en va de même lorsque le mandant n'a formé aucune requête durant des années, sans émettre de réserve et sans qu'aucun élément nouveau justifiant des explications n'apparaisse (arrêt du Tribunal fédéral 4C_206/2006 du 12 octobre 2006 consid. 4.3.1), par exemple lorsque pendant longtemps le mandant n'a jamais contesté les notes d'honoraires qui lui étaient présentées et réclame soudain, à l'occasion d'un litige, des précisions à leur sujet (arrêts du Tribunal fédéral 4A_436/2020 du 28 avril 2022 consid. 5; 4A_599/2019 du 1er mars 2021 consid. 5 et 4A_144/2012 du 11 septembre 2012 consid. 3.2.2).

6.1.3 Les exigences quant au degré de précision de la demande d'informations ne doivent pas être trop élevées. Dès lors que le demandeur ne sait pas du tout quel est le contenu exact de l'information à laquelle il a droit, on ne peut exiger de lui qu'il désigne séparément chaque preuve qu'il demande. Au contraire, il doit suffire qu'il expose clairement, en formulant sa conclusion, dans quel but et sur quoi il demande des informations ou une reddition de compte et pour quelle période et sous quelle forme il les demande. Si la demande tend à la reddition de comptes, il n'est pas nécessaire que le demandeur indique quel doit être le contenu des comptes, dès lors qu'il n'aura précisément connaissance de la situation comptable que par la reddition de comptes. Si en vue d'un but concret, il requiert des pièces qui ne sont pas déterminées avec précision, il incombe au défendeur d'opérer la sélection des pièces. Si la demande d'informations est certes claire, mais formulée de manière trop générale, le juge doit la limiter de manière appropriée aux éléments qu'il estime décisifs et pour le reste, rejeter la conclusion (ATF 143 III 297 consid. 8.2.5.5).

6.2 En l'espèce, les différents griefs soulevés par les parties en relation avec l'étendue de l'obligation de rendre compte de l'appelante seront traités selon leur thématique et pris en compte dans les limites de leur intelligibilité, certains des griefs soulevés par B______ LTD étant difficilement compréhensibles ou présentés de manière confuse.

6.2.1 L'intimée reproche au premier juge d'avoir refusé de donner suite à ses conclusions en reddition de compte pour les années antérieures à 2017. Si elle reconnaît que les questions posées à l'appelante jusqu'à l'ouverture de la présente procédure concernaient uniquement la gestion de ses avoirs à partir de 2017, elle soutient que le litige les opposant depuis 2019 a révélé des manquements de la banque à ses obligations, susceptibles d'avoir existé depuis le début de leur relation bancaire, soit depuis 2015, de sorte que ses conclusions en reddition de compte auraient dû être admises dès cette date. Elle fait en outre valoir que dans la mesure où, selon la jurisprudence, une action en reddition de compte peut être exercée sans avoir à justifier d'un intérêt légitime, le premier juge ne pouvait retenir qu'elle n'avait pas d'intérêt légitime à réclamer la production de documents antérieurs à 2017.

S'il est vrai que, selon la jurisprudence, il n'est pas nécessaire de justifier d'un intérêt légitime pour exercer une action en reddition de compte (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_482/2020 du 22 février 2021 consid. 4.1), il n'en demeure pas moins que les règles de la bonne foi doivent être respectées. Une demande en reddition de compte qui ne repose pas sur un intérêt digne de protection peut ainsi être considérée comme étant abusive.

Comme l'a relevé à juste titre le premier juge, l'intimée n'a pas émis la moindre contestation à propos de l'activité déployée par l'appelante avant le mois de février 2018. En outre, bien qu'elle ait, à ce moment-là, informé l'appelante de son intention de contrôler son activité et requis des informations au sujet des rémunérations perçues et de la gestion des avoirs confiés, elle a limité son examen à l'année 2017. Aucun renseignement n'a été sollicité pour les années antérieures. Même en apprenant, en mars 2018, l'augmentation des honoraires de gestion à 0.75% et l'encaissement de rétrocessions intergroupes, puis entre juin 2018 et mars 2019, l'investissement massif des avoirs confiés dans des produits de la banque ainsi qu'à hauteur de 100 millions de dollars américains dans le fonds K______, avec perception d'une commission de gestion de 2,55%, l'intimée n'a pas étendu son contrôle. Les documents et renseignements supplémentaires requis concernaient uniquement l'activité de gestion de la banque en 2017 et 2018, comme l'admet d'ailleurs expressément l'intimée. Ce n'est que lorsque l'appelante a, au mois de juin 2019, invalidé les accords intervenus les 20 et 25 juin 2018, puis a, au mois de juillet 2019, introduit la présente procédure en paiement que l'intimée a sollicité, pour la première fois, la remise de documents antérieurs à l'année 2017. Il apparaît au demeurant que le but de cette demande n'était pas de contrôler la bonne exécution du mandat durant la période concernée mais de prouver l'inexistence d'un "handshake agreement". Il ne saurait ainsi être retenu que l'absence, avant le mois de septembre 2019, de toute demande d'informations pour les années antérieures à 2017 est due au fait que le litige survenu entre les parties a révélé des manquements de la banque susceptibles d'avoir existé dès le début de la relation bancaire. La demande en reddition de compte de l'intimée, en tant qu'elle porte sur la période antérieure à 2017, semble davantage être motivée par une volonté de rechercher des preuves en lien avec le litige qui l'oppose à l'appelante que de contrôler la bonne exécution du mandat. Elle apparaît en conséquence abusive, de sorte que c'est de manière légitime que le premier juge a refusé d'y donner suite.

6.2.2 L'intimée soutient que, étant toujours cliente de la banque, la période de reddition de compte doit s'étendre jusqu'à la liquidation des rapports contractuels. L'appelante, de son côté, soutient qu'elle aurait dû prendre fin le 29 mars 2019, date à laquelle le mandat a été résilié.

Si les rapports contractuels noués par les parties sont effectivement encore en cours de liquidation, l'intimée n'explique toutefois pas pour quels motifs elle aurait besoin de disposer de l'ensemble de la documentation en possession de la banque pour la période postérieure à la résiliation du mandat. L'intimée soutient en effet que sa demande en reddition de compte doit lui permettre de disposer des informations nécessaires au chiffrement de ses conclusions reconventionnelles en paiement. Or, celles-ci ont essentiellement pour fondement des manquements survenus antérieurement à la résiliation du contrat de mandat. S'agissant des autres manquements reprochés (non-respect de l'obligation de rendre compte, divulgation d'informations protégées par le secret bancaire et blocage d'une partie des avoirs confiés sur la base d'un prétendu droit de gage), la Cour ne discerne pas en quoi les documents requis seraient de nature à renseigner sur une éventuelle violation par l'appelante du secret bancaire. En effet, selon l'intimée, la violation n'est pas intervenue dans le cadre de l'exécution du mandat mais découlerait de la production, dans le cadre de la présente procédure, de pièces relatives à la relation bancaire sans aucune anonymisation. Par ailleurs, les diverses demandes de reddition de compte adressées par l'intimée à l'appelante, de même que les conditions générales prévoyant un droit de rétention et les actes de nantissement, ont été versés au dossier. Or, l'intimée n'indique pas quels documents seraient encore manquants, respectivement quels autres renseignements lui seraient nécessaires.

Il n'apparaît ainsi pas que la demande en reddition de compte de l'intimée, en tant qu'elle porte sur la période postérieure à la résiliation du mandat, réponde à un intérêt digne de protection. Elle sera en conséquence rejetée en raison de son caractère abusif.

Il s'ensuit qu'une éventuelle reddition de compte ne pourra porter que sur la période de janvier 2017 à mars 2019.

6.2.3 L'intimée reproche au premier juge d'avoir exclu du champ de la reddition de compte les documents strictement internes sans motivation suffisante et sans tenir compte que l'appelante a produit un document strictement interne à l'appui de sa demande en paiement. Selon elle, ces documents lui permettront de contrôler si l'appelante a correctement exécuté le mandat confié et de chiffrer sa demande en dommages et intérêts.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, le premier juge a suffisamment motivé son refus d'ordonner la production par la banque des documents strictement internes. Celui-ci est en effet fondé sur une jurisprudence bien établie du Tribunal fédéral selon laquelle les documents purement internes ne sont pas soumis à l'obligation de rendre compte faute d'être pertinents pour vérifier que le mandataire a exécuté le mandat conformément au contrat. L'intimée n'expose pas pour quel motif il y aurait lieu de revenir sur cette jurisprudence.

Par ailleurs, le fait que l'appelante ait produit un document purement interne ne saurait justifier une extension du droit de l'intimée à la reddition de compte. En effet, dans la mesure où de tels documents relèvent de la sphère privée de la banque et ne sont, comme déjà relevé, pas pertinents pour vérifier l'exécution correcte du mandat, il lui appartient de décider lesquels elle souhaite divulguer à l'appui de ses propres conclusions.

La décision du premier juge d'écarter les documents purement internes - dont les procès-verbaux d'entretien ne font pas partie contrairement à ce que semble supposer l'intimée au regard de la formulation de ses conclusions (cf. ATF
139 III 49) - du champ de la reddition de compte sera en conséquence confirmée.

6.2.4 L'intimée reproche au premier juge d'avoir limité l'obligation de rendre compte de l'appelante aux documents internes ainsi qu'à la correspondance externe en raison du caractère trop vague de sa demande en reddition de compte. Elle soutient qu'elle ne pouvait pas être davantage précise, dès lors qu'elle ignore la manière dont son dossier est tenu, quels documents y sont rattachés et la façon dont ils sont désignés, la banque étant la seule à connaître son contenu.

Si les documents dont la reddition est requise ne doivent pas être décrits avec précision, il convient néanmoins d'exposer dans quel but et sur quels aspects les renseignements sont demandés. Or, comme l'a relevé à juste titre le premier juge, l'appelante a déjà remis - et produit dans la présente procédure - de nombreux documents au sujet des points sur lesquels l'intimée demande des éclaircissements. Il incombait en conséquence à l'intimée de préciser quels documents étaient manquants, respectivement quelles informations complémentaires elle souhaitait obtenir. Son absence de connaissance du contenu exact du dossier constitué par l'appelante ne l'empêchait nullement d'indiquer la nature et l'objet des documents dont elle avait encore besoin.

C'est ainsi de manière fondée que le premier juge a rejeté la demande en reddition de compte de l'intimée en tant qu'elle visait la production de l'intégralité du dossier constitué par l'appelante dans le cadre de leur relation de mandat.

6.2.5 L'intimée reproche encore au premier juge d'avoir violé son droit à la contre-preuve consacré à l'art. 8 CC en n'admettant que partiellement sa demande en reddition de compte. Elle soutient que le cadre posé a pour conséquence de l'empêcher de faire valoir l'ensemble de ses moyens de fait et de droit relativement à l'exécution du mandat par l'appelante. Il n'a en effet pas été tenu compte que, la procédure au fond étant toujours au stade des débats d'instruction, les parties demeurent autorisées à introduire des faits et moyens de preuves nouveaux.

Ce grief est infondé. Il sied en effet de rappeler que le but de l'action en reddition de compte est de permettre au mandant de contrôler l'activité du mandataire et non de réunir des preuves en vue d'assurer sa défense dans un procès. L'intimée ne saurait ainsi soutenir qu'en rejetant partiellement ses conclusions en reddition de compte le premier juge a violé son droit à la contre-preuve.

6.2.6 L'intimée fait enfin valoir que le jugement entrepris viole le principe de l'égalité des armes consacré à l'art. 29 al. 1 Cst, dans la mesure où il la désavantage par rapport à l'appelante qui, contrairement à elle, dispose d'un accès à l'ensemble de la documentation relative à la relation bancaire.

Cette critique n'est pas justifiée. En effet, le principe d'égalité des armes exige uniquement que chaque partie se voit offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (cf. ATF 139 I 121 consid. 4.2.1 et 137 IV 172 consid. 2.6). Or, l'intimée ne prétend pas qu'elle n'aurait pas eu le même accès au dossier et aux informations de la procédure que l'appelante ou qu'elle aurait été empêchée de faire valoir sa position. Une violation de l'égalité des armes ne peut être retenue au seul motif que certaines de ses conclusions en reddition de compte ont été rejetées. Admettre le contraire lui permettrait en effet de contourner les conditions légales de la reddition de compte, ce qui n'est pas admissible.

6.2.7 L'appelante reproche au premier juge d'avoir partiellement donné suite aux conclusions en reddition de compte de l'intimée.

L'appelante soutient tout d'abord que le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris, en particulier le chiffre 1a ordonnant à la banque de produire tous les documents internes, est formulé de manière trop vague, à l'instar des conclusions en reddition de compte de l'intimée, et donc inexécutable.

L'appelante fait ensuite valoir que toute la documentation nécessaire à l'intimée pour contrôler la rémunération de la banque et chiffrer ses prétentions y relatives a déjà été fournie. Si l'intimée estimait que tel n'était pas le cas, il lui incombait d'expliquer pourquoi les documents fournis ne suffisaient pas et d'indiquer les éléments manquants, ce qu'elle n'avait pas fait, se contentant d'affirmer pouvoir exercer une action en reddition de compte sans avoir à justifier d'un intérêt légitime. Quant à la prétention en dommages et intérêts de l'intimée pour violation du secret bancaire, de l'obligation de rendre compte et des obligations de fidélité et de diligence, elle ne repose sur aucun fondement. Une violation du secret bancaire a été exclue par les autorités pénales, l'intimée n'a pas pu subir de dommage en lien avec une violation par la banque de son obligation de rendre compte, ayant reçu tous les renseignements et documents requis tout au long du mandat et aucun élément concret allant dans le sens d'une violation par la banque de ses obligations de diligence et de fidélité n'a été allégué. L'intimée n'a en conséquence aucun intérêt légitime à la production des documents concernés, de sorte que sa demande en reddition de compte est abusive. Le caractère abusif de la demande découle également du fait qu'il est manifeste, au vu de l'étendue des conclusions en reddition de compte, que l'objectif poursuivi par l'intimée n'est pas de contrôler l'exécution du mandat mais de rechercher des preuves dans le cadre du litige qui les oppose, ce qui relève de la fishing expedition prohibée par le droit suisse. La demande en reddition de compte fait au demeurant suite à d'autres procédures et recours infondés intentés contre la banque et est intervenue dans un contexte conflictuel, ayant été introduite après que la banque ait déposé une action en paiement contre l'intimée, ce qui constitue un indice supplémentaire de son caractère chicanier.

L'appelante soutient enfin que le premier juge aurait dû examiner dans quelle mesure les documents dont la production a été ordonnée permettaient de contrôler la bonne exécution du mandat au regard des prétentions formulées par l'intimée. Au demeurant, concernant la production de documents internes, une balance des intérêts en présence aurait dû être effectuée. Or, face à l'absence d'intérêt de l'intimée à l'obtention de tels documents, compte tenu des documents déjà à sa disposition et de l'absence de fondement de ses prétentions, l'intérêt de la banque à la protection de sa sphère privée et à ne pas mobiliser des ressources importantes pour la récolte des documents doit être considéré comme prépondérant.

Le premier juge a donné suite à la demande en reddition de compte de l'intimée en tant qu'elle portait sur tous les documents internes, incluant la correspondance et les procès-verbaux d'entretien, ainsi que toute la correspondance externe.

L'appelante a toutefois raison de soutenir que le premier juge ne pouvait admettre la conclusion de l'intimée visant à la production de tous les documents internes en raison de son caractère insuffisamment précis. En effet, si les demandes en reddition de compte ne doivent pas répondre à des exigences de précision trop strictes, il convient néanmoins à tout le moins d'indiquer la nature (courriels, relevés, procès-verbaux d'entretien, directives, rapports, etc) et l'objet des documents dont la production est requise. A défaut, il n'est pas possible de vérifier si les documents concernés sont pertinents pour répondre aux interrogations du mandant concernant la bonne exécution du mandat ou pour contrôler l'activité du mandataire. Une désignation de la nature et de l'objet des documents internes sollicités était d'autant plus indiquée dans le cas d'espèce que l'appelante a déjà remis à l'intimée plusieurs documents internes, produits dans le cadre de la présente procédure, afin de répondre à ses interrogations.

Le jugement entrepris sera en conséquence annulé en tant qu'il ordonne à l'appelante de fournir à l'intimée tous les documents internes concernant la relation bancaire des parties.

Si la conclusion générale de l'intimée en production de tous les documents internes n'est pas admissible, il ne saurait d'emblée en aller de même de ses conclusions plus ciblées en production de tous les procès-verbaux d'entretien ainsi que de la correspondance interne et externe.

L'intimée a indiqué dans sa demande en reddition de compte que celle-ci avait pour but de lui permettre de chiffrer ses conclusions reconventionnelles en paiement. Le droit à la reddition de compte ne pouvant s'étendre qu'aux informations nécessaires pour contrôler l'activité du mandataire, seule peut ainsi être exigée la production de documents en lien avec les faits fondant lesdites conclusions reconventionnelles. La reddition de compte ne saurait ainsi porter sur tous les procès-verbaux d'entretien et correspondances concernant la relation de mandat des parties.

A teneur du dossier, les faits sur lesquels l'intimée souhaite obtenir des renseignements - tout en se situant dans la limitée temporelle précédemment fixée de janvier 2017 à mars 2019 - se rapportent à la rémunération de l'appelante et à l'investissement des avoirs confiés. Il ne résulte en effet ni des échanges intervenus entre les parties avant l'introduction de la présente procédure ni des écritures de l'intimée que celle-ci aurait besoin d'autres informations en rapport avec l'exécution du mandat.

Si l'appelante a déjà produit un certain nombre de documents à ce sujet, elle n'a toutefois pas remis à l'intimée, comme le relève sans être contredit le premier juge, les procès-verbaux d'entretien ainsi que la totalité des correspondances internes et externes. Or, ces documents sont susceptibles de contenir des informations complémentaires au sujet de la rémunération convenue et du type d'investissements envisagés. Au vu du désaccord opposant les parties sur ces points, l'intimée dispose d'un intérêt à disposer de renseignements exhaustifs.

Certes, comme le relève l'appelante, une pesée des intérêts en présence doit être effectuée en ce qui concerne la production de documents internes (procès-verbaux d'entretien et correspondances internes). L'intérêt de l'appelante à la protection de sa sphère privée et à la limitation des ressources nécessaires au rassemblement des documents ne saurait toutefois prévaloir sur l'intérêt de l'intimée à être renseignée. En effet, les documents sollicités pourront, si nécessaire, être anonymisés. En outre, la reddition de compte portant sur une période limitée et des documents définis, la charge de travail en résultant pour la banque ne paraît pas disproportionnée au regard de l'intérêt de l'intimée à la reddition de compte.

6.3 Au vu de ce qui précède, le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris sera annulé et modifié en ce sens qu'il sera ordonné à l'appelante de fournir à l'intimée, pour la période de janvier 2017 à mars 2019, tous les procès-verbaux des entretiens et les correspondances - internes et externes non produites - relatifs à leur relation de mandat, se rapportant à la rémunération de la banque et à l'investissement des avoirs confiés.

7. Le premier juge a rejeté la conclusion de l'intimée tendant à ce que seule une liste des documents remis par l'appelante soit fournie au Tribunal, au motif que l'existence d'un intérêt digne de protection à ce que des mesures au sens de l'art. 156 CPC soient ordonnées n'avait pas été démontré, les autorités pénales ayant d'ores et déjà considéré que la production de documents par l'appelante dans la présente procédure ne constituait pas une violation du secret bancaire.

L'intimée maintient sa conclusion faisant valoir que la décision des autorités pénales excluant toute violation du secret bancaire ne permet pas de conclure qu'une telle atteinte ne pourrait pas survenir avec la production des documents requis dans le cadre de la reddition de compte.

7.1 Selon l'art. 156 CPC, le tribunal ordonne les mesures propres à éviter que l’administration des preuves ne porte atteinte à des intérêts dignes de protection des parties ou de tiers, notamment à des secrets d’affaires.

La partie ou le tiers qui requiert une mesure de protection est tenu de rendre vraisemblable une atteinte effective à ses intérêts dignes de protection, et ne peut se contenter d'une allégation théorique (arrêt du Tribunal fédéral 1C_584/2023 du 28 mars 2024 consid. 2.2).

7.2 En l'espèce, l'art. 156 CPC vise à protéger les intérêts des parties ou de tiers dans le cadre de la procédure d'administration des preuves. Il n'a donc pas vocation à s'appliquer à la production de documents ordonnée ensuite d'une demande en reddition de compte. Il est au demeurant douteux qu'une mesure de protection au sens de cette disposition puisse être requise à l'encontre d'une autorité judiciaire, laquelle est tenue au secret de fonction.

En tout état, dans la mesure où il a été ordonné à l'appelante de fournir les documents à l'intimée et non au Tribunal, une éventuelle violation du secret bancaire ne se pose pas.

La décision du premier juge sera ainsi, sur ce point, confirmée.

8. 8.1 Lorsque l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais fixés en première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Le premier juge a arrêté les frais judiciaires de première instance à 15'000 fr. Ce montant n'étant pas critiqué par les parties, il sera confirmé. Une compensation sera opérée à due concurrence avec l'avance de frais de 50'000 fr. fournie par l'intimée lors du dépôt de sa demande reconventionnelle, laquelle demeure dans cette mesure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Le solde de l'avance de frais, de 35'000 fr., sera conservé, la procédure se poursuivant au fond.

L'intimée succombant dans une large mesure dans ses conclusions en reddition de compte, les frais judiciaires de première instance seront mis à sa charge à hauteur de 10'000 fr. et à celle de l'appelante à hauteur de 5'000 fr. (art. 106 al. 2 CPC). L'appelante sera en conséquence condamnée à rembourser à l'intimée la somme de 5'000 fr. à titre de frais judiciaires de première instance (art. 111 al. 2 CPC).

Les dépens de première instance seront arrêtés à 15'000 fr., débours et TVA inclus, soit au montant retenu par le premier juge et non remis en cause par les parties, et répartis selon la même clé de répartition que celle appliquée pour les frais judiciaires. Une indemnité de dépens de 10'000 fr. sera en conséquence allouée à l'appelante et de 5'000 fr. à l'intimée. Après compensation, l'intimée sera condamnée à verser à l'appelante des dépens de première instance de 5'000 fr.

Les chiffres 3 et 4 du dispositif du jugement querellé seront modifiés en conséquence.

8.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 20'000 fr. (art. 7, 17 et 35 RTFMC et 19 al. 5 LaCC) et compensés avec les avances de frais fournies par les parties, de 12'000 fr. pour l'appelante et de 8'000 fr. pour l'intimée, lesquelles demeurent acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'intimée succombant dans son appel et n'obtenant que partiellement gain de cause sur celui de l'appelante, ces frais seront mis à sa charge à raison des trois quarts (15'000 fr.). Le quart restant (5'000 fr.) sera supporté par l'appelante (art. 106 al. 2 CPC). L'intimée sera en conséquence condamnée à rembourser à l'appelante la somme de 7'000 fr. à titre de frais judiciaires d'appel (art. 111 al. 2 CPC).

Les dépens d'appel seront arrêtés à 20'000 fr., débours et TVA inclus (art. 84, 85 et 90 RTFMC, art. 25 et 26 al. 1 LaCC). Compte tenu de la clé de répartition retenue pour les frais judicaires et après compensation, l'intimée sera condamnée à verser à l'appelante une indemnité de 10'000 fr. à ce titre.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevables les appels interjetés le 3 janvier 2024 par A______ et par B______ LTD contre le jugement JTPI/13288/2023 rendu le 15 novembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15344/2019-14.

Au fond :

Annule les chiffres 1, 3 et 4 du dispositif du jugement entrepris et statuant à nouveau sur ces points :

Ordonne à A______ de fournir à B______ LTD, pour la période de janvier 2017 à mars 2019, tous les procès-verbaux des entretiens et les correspondances – internes et externes non produites - relatifs à leur relation de mandat, se rapportant à la rémunération de la banque et à l'investissement des avoirs confiés.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 15'000 fr. et les compense à due concurrence avec l'avance fournie par B______ LTD, qui restent dans cette mesure acquise à l'Etat de Genève.

Les met à la charge de B______ LTD à raison de 10'000 fr. et de A______ à raison de 5'000 fr.

Condamne A______ à rembourser à B______ LTD la somme de 5'000 fr. à titre de frais judiciaires de première instance.

Condamne B______ LTD à verser 5'000 fr. à A______ à titre de dépens de première instance.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la procédure d'appel à 20'000 fr. et les compense avec les avances opérées par A______ et B______ LTD, qui demeurent acquises à l'Etat de Genève.

Met ces frais à la charge de A______ à raison de 5'000 fr. et de B______ LTD à raison de 15'000 fr.

Condamne B______ LTD à verser à A______ les sommes de 7'000 fr. et 10'000 fr. à titre respectivement de frais judiciaires et de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Stéphanie MUSY, juges; Madame Emilie FRANÇOIS, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.