Aller au contenu principal

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/18098/2022

ACJC/200/2025 du 11.02.2025 sur JTPI/7123/2024 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18098/2022 ACJC/200/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 11 FEVRIER 2025

 

Entre

Madame A______, p.a. Hôtel B______, ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 10 juin 2024, représentée par Me Livio NATALE, avocat, ATLAS LEGAL, boulevard des Philosophes 17, case postale 89, 1211 Genève 4,

et

Monsieur C______, domicilié ______, France, intimé, représenté par
Me Imed ABDELLI, avocat, rue du Mont-Blanc 9, 1201 Genève.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7123/2024 du 10 juin 2024, reçu le lendemain par A______, le Tribunal de première instance a prononcé le divorce de la précitée et C______ (chiffre 1 du dispositif), dit que ceux-ci ne se devaient aucune contribution d'entretien (ch. 2), condamné C______ à verser à A______ 7'000 fr. à titre d'indemnité équitable au sens de l'art. 124e CC (ch. 3), arrêté les frais judiciaires à 2'480 fr., répartis par moitié entre les parties et compensés avec l'avance de 1'580 fr. versée par C______, invité les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 340 fr. à ce dernier, laissé la part de A______ à la charge de l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision de l'assistance judiciaire (ch. 4), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B. a. Par acte déposé le 10 juillet 2024 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel de ce jugement, sollicitant l'annulation des chiffres 2 et 6 de son dispositif. Cela fait, elle a conclu, préalablement, à ce que la Cour ordonne à C______ de produire tous documents permettant d'attester ses revenus et sa fortune, notamment le solde de son compte I______.com et les relevés détaillés de ses transactions du 1er janvier 2022 jusqu'à ce jour, ainsi que tous les justificatifs des versements reçus entre le 8 juin 2021 et le 13 mars 2023, "totalisant près de 100'00 EUR de crédits".

Au fond, elle a conclu à ce que la Cour condamne C______ à lui verser, par mois et d'avance, 7'000 fr. à titre de contribution à son entretien du 28 février 2023 au 31 décembre 2025, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Sur mesures provisionnelles, elle a conclu à l'octroi d'une provisio ad litem à hauteur de 10'000 fr., ce que la Cour lui a refusé par arrêt ACJC/1300/2024 du 15 octobre 2024.

b. Dans sa réponse, C______ a conclu au rejet de cet appel et à ce que A______ soit condamnée aux versements de dépens de première et seconde instances.

Il a produit des pièces nouvelles, soit l'acte de naissance, établi le 29 juillet 2024, de son deuxième enfant, né le ______ juillet 2024 (pièce n° 31), et une confirmation, non datée, de couverture d'assurance de cet enfant par son employeur (n° 32).

c. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Par avis du greffe de la Cour du 15 janvier 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

 

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______, née le ______ 1990, de nationalité tunisienne, et C______, né le ______ 1983, de nationalité jordanienne, se sont mariés le ______ mars 2019 à D______ (Tunisie), sous le régime de la séparation de biens.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

b. Au moment du mariage, C______ vivait en Suisse, alors que A______ vivait en Tunisie.

Elle l'a rejoint en Suisse le 7 juin 2019.

c. C______, qui est au bénéfice d'une carte de légitimation de type "D", a entamé des démarches auprès du Département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE), par le biais de son employeur, en vue d'obtenir une carte de légitimation pour A______.

d. Le 24 juin 2019, C______ a acquis une villa à E______ (France) et a annoncé son départ de Genève le 1er janvier 2020 auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

e. Le 5 octobre 2019, A______ est retournée en Tunisie pour assister au mariage de sa sœur.

Elle a allégué qu'initialement ce séjour devait durer deux semaines. C______ ne lui ayant pas remis sa carte de légitimation, elle n'avait pas pu rentrer en Suisse à la date prévue. Elle s'était finalement rendue à l'ambassade suisse en Tunisie en janvier 2020, afin d'obtenir un visa.

Elle est revenue en Suisse le 22 janvier 2020.

f. Le 25 février 2020, C______ est parti en Jordanie, où il est resté jusqu'en octobre 2020.

Il a allégué avoir demandé un congé sans solde à son employeur afin de se rendre dans son pays d'origine pour régler des affaires familiales urgentes, ce dont A______ était informée.

Par courriel du 29 février 2020, il a demandé à la précitée de le rejoindre, précisant qu'il effectuerait toutes les démarches à cette fin.

g. A la demande de C______, le divorce des parties a été prononcé par les tribunaux jordaniens en juin 2020, avec effet au jour du dépôt de la demande, soit le 1er mars 2020.

A______ a allégué ne pas avoir été convoquée à une audience par-devant les tribunaux jordaniens.

h. Le 3 mars 2020, A______ a déposé plainte pénale à l'encontre de C______ pour injure, menace et lésions corporelles (P/1______/2020). Ce dernier a été déclaré coupable de voies de fait par ordonnance pénale du 25 février 2022.

Quelques jours après le dépôt de cette plainte pénale, C______ a désactivé l'abonnement téléphonique de A______.

i. Le 24 juin 2020, A______ a saisi le Tribunal d'une requête de mesures protectrices de l'union conjugale (C/2______/2020).

Il ressort de cette procédure que C______ avait, en juin 2019, effectué des démarches, notamment en vue d'ouvrir un café ou un bar à Genève, pour que A______ exerce une activité lucrative en Suisse.

j. C______ a allégué s'être remarié en Jordanie le ______ août 2020 et qu'un enfant était né de ce mariage le ______ juillet 2021.

k.a Dans le cadre de la procédure n° C/2______/2020, le Tribunal a, par jugement JTPI/12490/2021 du 4 octobre 2021, notamment considéré que la décision de divorce rendue en Jordanie ne pouvait pas être reconnue en Suisse et condamné C______ à verser à A______ 4'500 fr. par mois à titre de contribution à son entretien.

k.b Statuant sur appel, la Cour a, par arrêt ACJC/296/2022 du 1er mars 2022, condamné C______ à contribuer à l'entretien de A______ à hauteur de 4'500 fr. par mois de mars à mai 2022, puis 1'200 fr. dès juin 2022, ainsi qu'à lui verser 79'530 fr. à titre d'arriérés de contribution d'entretien pour la période du 1er juillet 2020 au 28 février 2022.

La Cour a considéré qu'étant âgée de 31 ans, en bonne santé et parlant couramment le français, A______ était en mesure de travailler à plein temps, notamment dans le secteur du nettoyage ou de l'hôtellerie-restauration. Un revenu hypothétique de 3'300 fr. nets devait ainsi lui être imputé dès juin 2022, lui permettant de couvrir ses charges.

l. Le 20 septembre 2022, C______ a formé une demande unilatérale en divorce, assortie de mesures provisionnelles, tendant à ce qu'aucune contribution d'entretien ne soit octroyée à A______.

Il a allégué que la précitée n'avait jamais eu l'intention de former une union conjugale avec lui, mais souhaitait uniquement obtenir un permis de séjour en Suisse. En effet, elle s'était absentée plusieurs mois, par convenance personnelle, alors qu'ils venaient de se marier et avait refusé de le rejoindre en Jordanie en décembre 2019, alors que les billets d'avion étaient achetés. Elle n'avait également pas apprécié de déménager en France voisine. Après son deuxième refus de le rejoindre en Jordanie, il avait initié une procédure de divorce dans ce pays. De plus, A______ était en mesure de couvrir ses propres charges et la durée du mariage était très brève.

m. Dans sa réponse sur mesures provisionnelles, A______ a conclu à la confirmation de l'arrêt de la Cour ACJC/296/2022 du 1er mars 2022 et a sollicité l'octroi d'une provisio ad litem de 10'000 fr.

n. Lors de l'audience du Tribunal du 1er décembre 2022, les parties ont persisté dans leurs conclusions sur mesures provisionnelles et A______ s'est déclarée d'accord avec le principe du divorce.

o. Dans sa réponse au fond, la précitée a notamment conclu à ce que C______ soit condamné à lui verser, par mois et d'avance, 5'365 fr. 78 à titre de contribution à son entretien.

Elle a allégué que le précité prenait en charge, depuis le début de la relation, tous ses frais et dépenses. Il s'occupait également de toutes les démarches administratives. Après son arrivée en Suisse, leurs rapports s'étaient dégradés, C______ refusant qu'elle exerce une activité lucrative, entame des études, détienne un compte bancaire à son nom et entretienne des relations sociales. Il était parti en Jordanie afin de la répudier et de se remarier, alors qu'elle avait abandonné son pays et son indépendance financière en raison de leur mariage. Celui-ci avait donc eu une incidence considérable sur sa situation, de sorte qu'elle avait droit à une contribution d'entretien.

p. Par ordonnance OTPI/424/2023 du 26 juin 2023, le Tribunal, statuant sur mesures provisionnelles, a débouté les parties des fins de leur requête respective.

q. Le 15 août 2023, A______ a produit des pièces complémentaires, notamment une décision de l'OCPM du 23 novembre 2022 lui refusant l'octroi d'une autorisation de séjour et lui accordant un délai au 22 janvier 2023 pour quitter le territoire suisse, dont il ressort que le DFAE avait délivré sa carte de légitimation le 18 octobre 2019.

Elle a allégué avoir recouru contre cette décision.

r. Lors des audiences des 27 septembre 2023 et 29 février 2024, le Tribunal a entendu les parties.

C______ a confirmé avoir effectué les démarches utiles pour que A______ obtienne un visa, ainsi qu'une carte de légitimation. Son employeur lui avait remis celle-ci lorsqu'elle avait été établie. Les parties s'étaient entendues pour se rendre, pendant un certain temps, en Jordanie, mais la précitée avait refusé, au dernier moment.

A______ a déclaré qu'à son arrivée en Suisse, C______ avait refusé qu'elle travaille dans son domaine d'activité et effectue des démarches afin de faire reconnaître son diplôme tunisien. Il lui avait proposé de travailler avec lui sur des évènements et lui avait présenté quelqu'un pour développer la vente de produits cosmétiques sur internet. Elle n'avait pas le droit d'avoir de l'argent liquide et disposait uniquement de la carte bancaire de C______. Ce dernier contrôlait tout ce qu'elle faisait. Il refusait également qu'elle discute avec ses amis en Tunisie. Il était parti en Jordanie fin février 2020 et ils s'étaient séparés. Elle était alors partie vivre dans un foyer en Suisse, dès lors qu'elle ne connaissait personne dans ce pays.

s. Lors de l'audience du Tribunal 27 mars 2024, C______ a persisté dans ses conclusions et A______ a conclu à l'octroi d'une contribution d'entretien de 7'000 fr. par mois du 28 février 2023 au 31 décembre 2025, sur quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

D. La situation personnelle et financière des parties est la suivante :

a. C______ est employé auprès de F______ [organisation internationale] et a perçu, entre septembre 2021 et juin 2023, un salaire mensuel net variant de 8'676 fr. 95 à 9'483 fr. 65.

Il a allégué que ses charges mensuelles s'élevaient à 9'917 fr., comprenant les intérêts et amortissements du prêt hypothécaire de sa maison (2'600 fr.), sa prime d'assurance-maladie LCA (207 fr.), ses frais de transport (300 fr.), diverses factures en lien avec sa maison (2'675 fr.), diverses autres factures courantes (1'500 fr.), le versement au SCARPA (600 fr.), les frais de formation de son épouse actuelle (250 fr.), le minimum vital du couple et de leur fille en France (1'445 fr. + 340 fr.).

b. A______ est titulaire d'une licence appliquée en sciences de la santé, avec spécialisation en ______, obtenue en Tunisie en juillet 2017.

De janvier 2018 à fin mars 2019, elle a travaillé dans une clinique privée à D______ en qualité d'infirmière en ______, avant de démissionner pour se marier avec C______.

Du 18 novembre 2020 à fin janvier 2021, elle a été employée auprès du G______ [à] Genève en qualité d'aide-soignante et a effectué une mission temporaire en tant qu'auxiliaire de santé en novembre 2020. En septembre 2021, elle a débuté une formation d'une durée de trois ans à la Haute école de santé de Genève (ci-après : HEDS) afin d'obtenir une équivalence à son diplôme tunisien.

Elle a allégué recevoir une indemnité mensuelle de 400 fr. de la HEDS, un montant de 997 fr. de la fondation H______ et une avance de sa pension alimentaire à hauteur de 883 fr. du SCARPA, depuis le 1er juin 2022.

Elle a allégué que ses charges mensuelles s'élevaient à 3'565 fr. 78, comprenant son entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.), son loyer (1'200 fr.), ses primes d'assurance-maladie LAMal et LCA (160 fr. + 160 fr.), ses frais de téléphone (19 fr. 95), d'écolage (95 fr. 83), de transport (70 fr.) et ses impôts (estimés à 600 fr.).

E. Dans le jugement entrepris, sur le seul point litigieux en appel, le Tribunal a considéré que l'union conjugale n'avait pas eu d'influence concrète sur la situation de A______. En effet, la vie commune des parties n'avait duré que onze mois, soit du ______ mars 2019 au 25 février 2020, durant lesquels ces dernières n'avaient fait ménage commun que quatre mois, et aucun enfant n'était issu de cette union.

De plus, le mariage des parties n'avait pas eu pour conséquence d'imposer à A______ un déracinement culturel justifiant l'octroi d'une contribution d'entretien post-divorce. En effet, bien qu'elle avait quitté son pays d'origine dans la seule perspective de rejoindre C______, qui travaillait en Suisse, et qu'elle avait démissionné de son emploi pour ce faire, elle pouvait aisément se réinsérer dans la vie professionnelle en Tunisie. Elle avait, en outre, gardé des attaches avec ce pays.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige porte sur le principe de la contribution d'entretien due à l'ex-épouse qui, capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC, atteint une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai et la forme prévus par la loi (art. 130, 131, et 311 CPC), l'appel est recevable.

2. La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; 138 III 374 consid. 4.3.1).

La maxime des débats et le principe de disposition sont applicables (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 277 al. 1 CPC).

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir procédé à une constatation incomplète des faits sur plusieurs points.

L'état de fait présenté ci-dessus a donc été complété, dans la mesure utile, sur la base des pièces et des actes de la procédure. Certains faits qui ressortent de la procédure n° C/2______/2020, ayant opposé les parties sur mesures protectrices de l'union conjugale, ont également été pris en considération (arrêts du Tribunal fédéral 5A_774/2017 du 12 février 2018 consid. 4.1.1 et 5A_610/2016 du 3 mai 2017 consid. 3.1).

4. L'intimé a produit des pièces nouvelles devant la Cour.

4.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

4.2 En l'occurrence, les pièces n° 31 et 32 produites par l'intimé concernent des faits survenus après le 27 mars 2024, date à laquelle le premier juge a gardé la cause à juger. Ces pièces sont ainsi recevables, ce qui n'est pas contesté, étant relevé qu'elles ne sont pas utiles à la résolution du litige.

5. L'appelante a sollicité de l'intimé la production de pièces.

5.1 En règle générale, la procédure d'appel est menée purement sur dossier, sans tenue d'une audience, ni administration de preuves (ATF 142 III 413 consid. 2.2.1).

Conformément à l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut toutefois librement décider d'administrer des preuves lorsqu'elle l'estime opportun. Elle peut néanmoins renoncer à ordonner une mesure d'instruction lorsque celle-ci paraît, selon une appréciation anticipée des preuves, manifestement inadéquate, porte sur un fait non pertinent ou n'est pas de nature à ébranler la conviction qu'elle a acquise sur la base des éléments déjà recueillis (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 et 4.3.2; 130 III 734 consid. 2.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_86/2016 du 5 septembre 2016 consid. 5.2.2). L'autorité jouit d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 142 III 413 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_37/2017 du 10 juillet 2017 consid. 3.1.2).

5.2 En l'occurrence, l'appelante a requis de l'intimé la production de tous documents permettant d'attester ses revenus et sa fortune, notamment le solde de son compte I______.com et les relevés détaillés de ses transactions du 1er janvier 2022 à ce jour, ainsi que tous les justificatifs des versements reçus entre le 8 juin 2021 et le 13 mars 2023.

Compte tenu de l'issue du litige, la situation financière de l'intimé n'est pas pertinente (cf. consid. 6.2.3 infra). Les documents requis, soit ceux suffisamment déterminés pour que leur éventuelle production puisse être ordonnée, ne sont donc pas utiles.

La Cour s'estime suffisamment informée sur les éléments utiles à la résolution du litige, de sorte que la cause est en état d'être jugée.

6. L'appelante fait grief au Tribunal de ne pas lui avoir alloué de contribution d'entretien post-divorce. Elle invoque à cet égard une constatation inexacte des faits sous l'angle du déracinement culturel.

6.1.1 Aux termes de l'art. 125 al. 1 CC, si l'on ne peut raisonnablement attendre d'un époux qu'il pourvoie lui-même à son entretien convenable, y compris à la constitution d'une prévoyance vieillesse appropriée, son conjoint lui doit une contribution équitable.

Dans son principe, comme dans son montant et sa durée, l'obligation d'entretien doit être fixée en tenant compte des éléments énumérés de façon non exhaustive à l'art. 125 al. 2 CC, dont la répartition des tâches pendant le mariage, la durée du mariage, le niveau de vie des époux durant le mariage, l'âge et l'état de santé des époux, les revenus et la fortune des époux, l'ampleur et la durée de la prise en charge des enfants qui doit encore être assurée, la formation professionnelle et les perspectives de gain des époux, ainsi que le coût probable de l'insertion professionnelle du bénéficiaire de l'entretien (ATF 138 III 289 consid. 11.1.2; 137 III 102 consid. 4.1.1; 132 III 598 consid. 9.1).

Cet article concrétise deux principes: d'une part, celui de l'indépendance économique des époux après le divorce (clean break), qui postule que, dans toute la mesure du possible, chaque conjoint doit désormais subvenir à ses propres besoins; d'autre part, celui de la solidarité, qui implique que les époux doivent supporter en commun non seulement les conséquences de la répartition des tâches convenue durant le mariage (art. 163 al. 2 CC), mais également les désavantages qui ont été occasionnés à l'un d'eux par l'union et qui l'empêchent de pourvoir à son entretien (ATF 137 III 102 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_361/2018 du 26 juin 2018 consid. 3.1 et 5A_352/2011 du 17 février 2012 consid. 7.2.2.1).

6.1.2 Une contribution pourrait être due si le mariage a eu un impact décisif sur la vie de l'époux créancier et a concrètement influencé la situation financière de ce dernier ("lebensprägend"). Dans cette hypothèse, on admet en effet que la confiance placée par l'époux créancier dans la continuité du mariage et dans le maintien de la répartition des rôles, convenue librement par les époux, mérite objectivement d'être protégée (ATF 141 III 465 consid. 3.1; 135 III 59 consid. 4.1). Lors de cet examen, plusieurs critères peuvent plaider en faveur ou en défaveur d'une présomption du caractère "lebensprägend", notamment la durée du mariage, la présence d'enfants et la répartition des tâches durant le mariage, le déracinement culturel de l'un des conjoints ou tout autre motif créant une position de confiance digne de protection, notamment une maladie durable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_623/2012 du 28 janvier 2013 consid. 5.1). Aucun de ces critères n'a cependant valeur absolue s'agissant de leur conséquence. Il s'agit de principes, applicables à des situations moyennes. Il appartient au juge, en utilisant son pouvoir d’appréciation, de les appliquer aux cas qui lui sont soumis (arrêt du Tribunal fédéral 5A_215/2018 du 1er novembre 2018 consid. 3.1).

En effet, ce ne sont pas des présomptions abstraites, notamment de durée, mais bien plus les circonstances concrètes du cas (renonciation à l'indépendance financière, éducation des enfants, durée du mariage, possibilité de retrouver l'indépendance financière et d'autres "finanzielle Absicherungen") qui sont déterminantes pour la fixation d'une éventuelle contribution d'entretien, tout comme pour l'éventuelle qualification d'un mariage "lebensprägend". Selon la nouvelle définition du Tribunal fédéral, un mariage est considéré comme étant "lebensprägend" si l'un des conjoints a, sur la base d'un projet de vie commun, renoncé à son indépendance financière pour se consacrer à la tenue du ménage et à l'éducation des enfants et qu'il n'est plus possible pour lui de reprendre son ancienne activité lucrative après de nombreuses années de mariage (ATF
147 III 249 consid. 3.4.3 et 3.4.6).

Un tel mariage ne donne toutefois pas automatiquement droit à une contribution d'entretien. Selon la jurisprudence, le principe de l'autonomie prime le droit à l'entretien, ce qui se déduit directement de l'art. 125 CC (ATF 141 III 465 consid. 3.1). Un époux ne peut prétendre à une pension que s'il n'est pas en mesure de pourvoir lui-même à son entretien convenable (ATF 147 III 249 consid. 3.4.4; 141 III 465 consid. 3.1; 134 III 145 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_444/2021 du 9 mars 2022 consid. 3.1).

6.1.3 Le mariage provoque un déracinement culturel ou linguistique ouvrant le droit à une contribution d'entretien en cas de séparation lorsque l'époux demandeur en contribution a quitté son environnement culturel en vue ou en raison du mariage et qu'il dépend de son conjoint dans son nouvel environnement. Tel n'est pas le cas lorsque le conjoint déraciné peut, après la séparation, retourner dans son pays d'origine, s'y réintégrer facilement et y retrouver un emploi lui permettant d'assurer son autonomie et son niveau de vie (cf. arrêts du Tribunal fédéral 5A_876/2016 du 19 juin 2017 consid. 4.2; 5A_844/2014 du 23 avril 2015 consid. 5; 5A_743/2010 du 10 février 2011 consid. 4.1 et 5A_677/2008 du 21 avril 2008 consid. 5.2).

6.2.1 En l'espèce, l'appelante reproche au premier juge d'avoir retenu que les parties s'étaient séparées en date du 25 février 2020, l'intimé lui ayant demandé, par courriel du 29 février 2020, de le rejoindre en Jordanie.

Il n'est toutefois pas contesté que les parties ne se sont plus revues et n'ont plus vécu ensemble à compter du 25 février 2020. L'intimé a, en outre, initié une procédure de divorce en Jordanie le 1er mars 2020. L'appelante a d'ailleurs confirmé, en audience, qu'ils s'étaient séparés après le départ de l'intimé pour ce pays fin février 2020. Le 25 février 2020 correspond donc à la date de leur séparation effective.

La vie commune des parties a ainsi été de très courte durée, soit onze mois, du ______ mars 2019 au 25 février 2020, et aucun enfant n'est issu de cette union.

6.2.2 Seul un éventuel déracinement culturel pourrait être envisagé pour admettre que le mariage des parties a eu une influence concrète sur la situation de l'appelante.

A cet égard, il est admis que la précitée a quitté son pays d'origine dans la seule perspective de son mariage avec l'intimé, qui vivait et travaillait en Suisse, pays dans lequel elle n'avait aucune attache. Le fait que ce dernier a entrepris toutes les démarches y afférentes, en particulier auprès de son employeur pour que l'appelante obtienne une carte de légitimation, n'est pas pertinent.

Il est également admis que l'appelante a démissionné de son emploi en Tunisie, en vue de son mariage avec l'intimé, et que son diplôme tunisien en sciences de la santé, avec spécialisation en ______, n'est pas reconnu en Suisse comme un diplôme en soins infirmiers.

Cela étant, aucun élément du dossier ne permet de retenir que le mariage des parties a concrètement affecté les facultés de l'appelante à acquérir une autonomie financière dans son pays d'origine. En effet, compte tenu de son diplôme, de son âge - l'appelante est actuellement âgée de 34 ans - et de son expérience professionnelle exercée avant le mariage, cette dernière peut aisément retrouver un emploi d'infirmière en ______, comme auparavant, dans son pays d'origine, ce qu'elle ne conteste pas. De plus, après la séparation des parties, elle a travaillé, en Suisse, en qualité d'auxiliaire de santé et d'aide-soignante. Ces deux expériences professionnelles, bien que brèves, favorisent également une réinsertion professionnelle dans son domaine d'activité en Tunisie, lui permettant d'assurer son autonomie financière.

A cela s'ajoute que l'appelante est retournée dans son pays d'origine pour le mariage de sa sœur en octobre 2019, soit quelque mois après son arrivée en Suisse. La durée de ce séjour n'est pas en soi déterminante. Ainsi, le fait que l'intimé ne lui aurait pas envoyé sa carte de légitimation, l'empêchant de rentrer en Suisse, n'est pas pertinent. En effet, ce séjour en Tunisie, même s'il n'avait duré que deux semaines, démontre que l'appelante a maintenu des attaches avec son pays d'origine, favorisant sa réinsertion sociale dans celui-ci. L'appelante a également déclaré, en audience, avoir maintenu des amitiés en Tunisie.

Le fait que l'intimé aurait eu, selon l'appelante, la mainmise sur tous les aspects de sa vie et l'aurait maintenue dans une dépendance financière ne sont pas déterminants. L'intimé ne s'est d'ailleurs pas opposé à ce qu'elle exerce une activité lucrative en Suisse, ce qui ressort de la procédure n° C/2______/2020 et des propres déclarations de l'appelante en audience. En tous les cas, ces éléments n'ont aucune influence sur la possibilité effective de celle-ci de se réinsérer socialement et professionnellement dans son pays d'origine. Il en va de même du fait que l'intimé l'aurait maltraitée, répudiée, laissée dans un dénuement total après son départ en Jordanie ou encore se serait domicilié dans ce pays pour lui faire perdre son statut légal en Suisse.

Par ailleurs, le fait que l'appelante, après la séparation des parties, ne soit pas rentrée en Tunisie et ait entrepris, en Suisse, une formation à la HEDS d'une durée minimum de trois ans, afin d'obtenir une équivalence de son diplôme tunisien, ne justifie pas non plus l'octroi d'une contribution d'entretien. En effet, il s'agit d'un choix personnel de l'appelante, pris après la séparation des parties, et non d'une décision commune de celles-ci. Il en va ainsi de même du fait que l'appelante n'aurait actuellement pas le droit de travailler en Suisse, la procédure administrative relative à son autorisation de séjour étant encore en cours, selon ses allégations.

6.2.3 Compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, on ne saurait admettre que le mariage des parties a eu une influence suffisante sur la vie de l'appelante pour que les conditions d'un déracinement culturel soient considérées comme remplies. Elle ne peut donc pas se prévaloir d'une confiance particulière qu'elle aurait placée dans la continuité du mariage, qui mériterait objectivement d'être protégée après le divorce. Le premier juge a donc, à bon droit, considéré qu'aucune contribution d'entretien post-divorce ne lui était due.

Dans la mesure où le principe même du droit à une pension alimentaire post-divorce est exclu, il n'est pas nécessaire d'examiner les critiques formulées par l'appelante en lien avec l'établissement des situations financières des parties, en particulier s'agissant de sa capacité de gain, ainsi que des revenus et charges de l'intimé.

Partant, le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris sera confirmé.

7. 7.1 Le jugement entrepris étant confirmé, il ne se justifie pas de revoir les frais et dépens de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

7.2 Les frais judiciaires d'appel, fixés à 2'200 fr. (art. 30 et 35 RTFMC), seront mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 104 al. 1, 105, 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de même montant versée par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Pour des motifs d'équité liés à la nature du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c. CPC). En effet, indépendamment des chances de succès de l'appel et du comportement de l'appelante dans le cadre de la présente procédure, il ne se justifie pas de condamner celle-ci à verser des dépens à l'intimé, compte tenu de la différence entre les situations financières des parties.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 10 juillet 2024 par A______ contre le jugement JTPI/7123/2024 rendu le 10 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18098/2022.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'200 fr., les met à la charge de A______ et les compense entièrement avec l'avance effectuée par celle-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.