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Décisions | Chambre civile

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C/20212/2020

ACJC/1492/2024 du 21.11.2024 ( OO ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20212/2020 ACJC/1492/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 21 NOVEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [SZ], recourant contre l'ordonnance rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 28 juin 2024, représenté par Me Frédéric SERRA, avocat, HOUSE ATTORNEYS SA, route de Frontenex 41A, case postale 6111, 1211 Genève 6,

et

B______ SA (ANCIENNEMENT C______ SA), sise c/o D______ Sàrl, ______ (GE), intimée, représentée par Me Olivier NICOD, avocat, Walder Wyss SA, avenue du Théâtre 1, case postale 6069, 1002 Lausanne.

 


EN FAIT

A. a. Par demande adressée au Tribunal de première instance le 17 mai 2021, C______ SA (aujourd'hui B______ SA) a assigné A______ en paiement de la somme en capital de 1'920'465 fr.

b. A______ a conclu au rejet de la demande par écritures du 21 octobre 2021.

c. Dans le cadre de la procédure, A______ a sollicité, notamment, l'audition des témoins E______ et F______, laquelle a été ordonnée à l'issue de l'audience du 20 septembre 2022 par décision ORTPI/1022/2022 figurant au procès-verbal, à côté d'autres actes d'instruction (comparution personnelle des parties et production de pièces). Le Tribunal a fixé l'avance des frais à 200 fr. pour la partie demanderesse et à 12'000 fr. pour la partie défenderesse, et a fixé un délai aux parties au 10 octobre 2022 pour payer dite avance. A______ s'est acquitté du montant de 12'000 fr. le 5 octobre 2022.

d. Le 10 janvier 2024, les témoins E______ et F______ ont écrit au Tribunal considérant qu'il était peu opportun, temporellement et financièrement, qu'ils se déplacent de Lucerne à Genève pour une brève audition.

Interpellé à cet égard, A______ a maintenu sa demande d'audition des témoins précités par courrier du 29 janvier 2024.

e. Lors de l'audience du 14 mai 2024, le Tribunal a procédé à l'audition des témoins E______ et F______, avec l'aide d'un interprète suisse-allemand/français, taxé 80 fr., "mis à la charge de la partie défenderesse", selon ce qui figure au procès-verbal. A l'issue de leur audition, qui a duré 30 minutes au total, les témoins ont pris note de ce qu'ils devaient adresser au Tribunal une note de frais détaillée avec justificatifs pour être indemnisés.

Les témoins ont fait parvenir au Tribunal une note d'honoraires du 16 mai 2024, de 7'486 fr. 15, comprenant 5'600 fr. d'honoraires, 1'325 fr. 20 de "dépenses", et 560 fr. 95 de TVA.

Y étaient joints un billet d'avion au nom de E______, de G______ [Afrique du Sud] à Genève (le témoin rentrant de vacances à Genève au lieu de Zurich), via Addis-Abeba, pour un total de ZAR 43'710, 30, soit 2'150 fr. au taux de change de 0.049187, seule la moitié étant prise en compte (1'075 fr.), une carte journalière CFF billet de train 1ère classe au nom de F______ pour le prix de 128 fr., un billet de train 1ère classe au nom de E______, de Genève à Lucerne, au prix réduit de 75 fr. 50, une facture pour des consommations (boissons, sandwiches, salades) de 46 fr. 70 et une note d'honoraires de 6'925 fr. 20 pour 20 heures d'activités à 280 fr./heure, dans laquelle étaient également inclus les frais d'avion et de train susmentionnés, et la TVA.

f. Le 30 mai 2024, le Tribunal a invité les parties à se déterminer sur les notes de frais des témoins. B______ SA a soutenu que l'audition de ces derniers était inutile, de sorte que les frais y relatifs devaient être mis à la charge de la partie qui les avaient engendrés (art. 108 CPC).

Par courrier du 13 juin 2024, B______ SA a conclu à ce que les frais des témoins soient mis à la charge exclusive de A______, ceux-ci n'ayant apporté aucune plus-value par rapport aux pièces déjà produites à l'appui des allégués sur lesquels ils étaient entendus. Leur audition était ainsi inutile. Le montant réclamé était fondé.

Dans le délai prolongé au 26 juin 2024, A______ a essentiellement relevé que le prix d'un billet de train 1ère classe devait être pris en considération au lieu de celui d'un billet d'avion. Il n'avait pas d'autres observations à formuler.

g. Par ordonnance du 28 juin 2024, le Tribunal "vu la note de frais des témoins E______ et F______ du 22 mai 2024", a transmis aux parties leurs déterminations réciproques des 13 et 26 juin 2024, arrêté à 2'000 fr. l'indemnité octroyée au témoin E______ pour son audition du 14 mai 2024, arrêté à 2'000 fr. l'indemnité octroyée au témoin F______ pour son audition du 14 mai 2024, et mis celles-ci à la charge de A______.

A______ soutient qu'il n'a pas reçu les déterminations de sa partie adverse sur la note de frais des témoins, qui n'étaient pas annexées à l'ordonnance.

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 12 juillet 2024, A______ a formé recours contre cette ordonnance, concluant, principalement, à son annulation et au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision "dans le sens des considérants", et, subsidiairement, à son annulation et à ce qu'il soit dit qu'il sera statué sur les frais dans la décision finale.

b. Par réponse du 16 août 2024, B______ SA a conclu au rejet du recours.

c. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 4 septembre 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

d. Invité à formuler des observations sur le recours, le Tribunal a conclu au rejet du recours et persisté dans les considérants de son ordonnance du 28 juin 2024 par courrier interne du 7 novembre 2024, transmis aux parties.


 

EN DROIT

1. 1.1 Les ordonnances relatives au versement de l'avance de frais sont des ordonnances d'instruction au sens de l'art. 319 lit. b ch. 1 CPC; en vertu d'une disposition spéciale, elles sont susceptibles d'un recours immédiat sans conditions restrictives (art. 103 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_9/2012 du 30 avril 2012 consid. 2.3.2).

1.2 Interjeté dans la forme et le délai prescrits, le recours, dirigé contre une ordonnance qui statue sur les frais est recevable.

2. Le recourant se plaint d'une violation de son d'être entendu, au motif qu'il n'a pas reçu les déterminations de l'intimée sur la note de frais des témoins, sur laquelle le Tribunal se serait pourtant fondé dans l'ordonnance entreprise.

2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. confère au justiciable le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment (ATF 129 II 497 consid. 2.2), de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la cause, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 137 II 266 consid. 3.2;
126 I 15 consid. 2a/aa p. 16; arrêt du Tribunal fédéral 4A_35/2013 du 15 mars 2013 consid. 4 et les références citées).

Le droit d'être entendu impose également au juge de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée et, le cas échéant, l'attaquer en connaissance de cause. Pour répondre à cette exigence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 137 II 266 consid. 3.2; 136 I 229 consid. 5.2). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_311/2011 du 19 juillet 2011 consid. 3.1; 6B_12/2011 du 20 décembre 2011 consid. 6.1; 2C_23/2009 du 25 mai 2009 consid. 3.1, RDAF 2009 II p. 434).

Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa; arrêt du Tribunal fédéral 8C_104/2010 du 20 septembre 2010 consid. 3.2). Par exception au principe de la nature formelle du droit d'être entendu, la jurisprudence admet qu'une violation de ce dernier principe est considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité précédente et pouvant ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 137 I 195 consid. 2.3.; 133 I 201 consid. 2.2; 129 I 129 consid. 2.2.3; 127 V 431 consid. 3d/aa;
126 V 130 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 8C_104/2010 précité ibidem). En présence d'un vice grave, l'effet guérisseur de la procédure de recours peut également être reconnu lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; 137 I 195 consid. 2.3.2; 136 V 117 consid. 4.2.2.2 et les arrêts cités).

2.2 En l'espèce, compte tenu de l'issue du litige, la question de la violation du droit d'être entendu du recourant peut souffrir de demeurer indécise.

Il sera cependant relevé que même à admettre que le recourant n'a pas reçu les déterminations de l'intimée du 13 juin 2024, ce qui n'est pas établi, le renvoi de la cause au Tribunal paraît une vaine formalité, le recourant ayant été en mesure d'attaquer l'ordonnance querellée et de faire valoir ses moyens de droit.

3. Le recourant fait grief au Tribunal d'avoir mis à sa charge les indemnités allouées aux témoins.

L'intimée soutient que c'est à raison que le Tribunal a procédé de la sorte, dite audition étant inutile à la solution du litige (art. 108 CPC).

3.1.1 Chaque partie avance les frais d’administration des preuves qu’elle requiert. Lorsque les parties requièrent les mêmes moyens de preuve, chacune avance la moitié des frais. Si l’avance n’est pas fournie par une partie, elle peut l’être par l’autre partie, faute de quoi, les preuves ne sont pas administrées (…) (art. 102 CPC).

3.1.2 En l'espèce, le recourant a fourni une avance de 12'000 fr. au Tribunal, pour les frais d'administration des preuves, parmi lesquelles l'audition des témoins E______ et F______.

3.2.1 Les frais judiciaires comprennent les frais d’administration des preuves (art. 95 al. 2 let. c CPC).

Le sort final des avances requises selon l'art. 102 CPC sera réglé dans le règlement et la répartition finale des frais (jeandin, CR-CPC, 2019, n. 7 ad art. 102 CPC).

Le tribunal statue sur les frais en règle générale dans la décision finale (art. 104 al. 1 CPC).

Les frais causés inutilement sont mis à la charge de la personne qui les a engendrés (art. 108 CPC).

Les frais judiciaires sont compensés avec les avances fournies par les parties (art. 111 al. 1 CPC).

3.2.2 En l'espèce, le montant des indemnités arrêté par le Tribunal ne prête pas le flanc à la critique et n'est d'ailleurs pas véritablement remis en cause par le recourant.

Dans la mesure où l'issue du litige n'était pas encore connue à la date de l'ordonnance querellée, le Tribunal ne pouvait mettre les frais d'audition des témoins à charge du recourant, qui plus est sans aucune motivation. Il aurait dû se limiter, à ce stade, à prélever ces frais sur l'avance de 12'000 fr. fournie par le précité, et réserver leur répartition à la décision finale.

Le grief est fondé. Le dernier point de l'ordonnance entreprise est annulé.

4. Les frais du recours, arrêtés à 800 fr., seront laissés à la charge du canton, vue l'issue du litige (art. 107 al. 2 CPC). Il ne sera pas non plus alloué de dépens, étant rappelé que l'art. 107 al. 2 CPC ne prévoit pas la possibilité de mettre les dépens à charge du canton.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre l'ordonnance rendue le 28 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/20212/2020.

Au fond :

Annule cette ordonnance en ce qu'elle met les indemnités de 2'000 fr. chacune allouées aux témoins E______ et F______ à charge de A______.

La confirme pour le surplus.

Sur les frais :

Arrête les frais du recours à 800 fr., les laisse à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ son avance de frais de 800 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Stéphanie MUSY, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.