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Décisions | Chambre civile

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C/25297/2023

ACJC/49/2025 du 14.01.2025 sur JTPI/7287/2024 ( SDF ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25297/2023 ACJC/49/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 14 JANVIER 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 23ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 11 juin 2024, représenté par Me Andrea VON FLÜE, avocat, Könemann & von Flüe, rue de la Terrassière 9, 1207 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, représentée par Me Lida LAVI, avocate, LAVI AVOCATS, rue Tabazan 9, 1204 Genève.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7287/2024 rendu le 11 juin 2024, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a donné acte aux époux A______ et B______ de ce qu'ils vivaient séparés depuis le 2 août 2023, les y autorisant en tant que de besoin (ch. 1 du dispositif), attribué à A______ la jouissance exclusive du domicile conjugal (ch. 2), condamné A______ à verser à B______, par mois et d'avance, à titre de contribution à son entretien, 1'160 fr. d'août 2023 à juin 2024 puis 2'000 fr. dès le 1er juillet 2024 (ch. 3), prononcé ces mesures pour une durée indéterminée (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 700 fr. et les a mis à la charge de A______ (ch. 5), condamné ce dernier à payer à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 700 fr. (ch. 6) ainsi qu'à verser à B______ la somme de 2'000 fr. à titre de dépens (ch. 7), condamné les parties à respecter et à exécuter les dispositions du jugement (ch. 8) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 9).

B. a. Par acte expédié le 24 juin 2024 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a appelé de ce jugement, qu'il a reçu le 12 juin 2024. Il a conclu à l'annulation des chiffres 3 et 7 du dispositif de cette décision et, cela fait, à être dispensé de toute contribution à l'entretien de B______, à ce que cette dernière soit condamnée à l'entier des frais judiciaires, les dépens devant être compensés.

b. B______ a conclu au rejet de l'appel.

Elle a produit des pièces nouvelles, soit des documents relatifs à son activité professionnelle et ses recherches d'emploi depuis avril 2024.

c. Dans sa réplique du 25 juillet 2025, A______ a persisté dans ses conclusions.

d. B______ n'ayant pas dupliqué, les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour du 15 août 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______, née le ______ 1963, et A______, né le ______ 1945, se sont mariés le ______ 2006 à C______ (Genève), sous le régime de la séparation de biens.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

b. Les époux vivent séparés depuis le 2 août 2023, date à laquelle B______ a quitté le domicile conjugal.

c. Le 23 novembre 2023, B______ a formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale.

S'agissant des points encore litigieux en appel, elle a conclu à ce que A______ soit condamné à lui verser, par mois et d'avance, 2'320 fr. à titre de contribution à son entretien à compter du mois d'août 2023, les dépens devant être compensés vu la qualité des parties.

d. Lors de l'audience du Tribunal du 15 janvier 2024, A______ a conclu à ce qu'aucune contribution d'entretien entre époux ne soit fixée.

e. Lors de l'audience de plaidoiries finales du 25 mars 2024, B______ a nouvellement conclu à ce que la contribution à son entretien soit fixée à 2'725 fr. par mois à compter du mois d'août 2023. Elle a allégué chercher du travail comme elle l'avait toujours fait.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

C. Dans la décision querellée, le Tribunal a retenu que B______ réalisait un revenu mensuel net moyen de 1'320 fr. en travaillant à temps partiel. Il a considéré qu'il n'y avait pas lieu de lui imputer un revenu hypothétique dès lors qu'elle était âgée de 61 ans, ne parlait que peu le français et avait toujours travaillé comme femme de chambre ou femme de ménage, soit un travail exigeant, dont la pénibilité physique était manifeste.

Les rentes vieillesses de A______ s'élevaient à 2'396 fr. par mois.

Les revenus de la famille s'élevant à 3'716 fr. par mois, seules les charges des époux selon le minimum vital du droit des poursuites devaient être prises en considération.

Les charges mensuelles de B______ s'élevaient à 2'480 fr. 75, comprenant le loyer (700 fr.), la prime d'assurance-maladie de base (510 fr. 75), les frais de transport (70 fr.) et son entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.). Il y avait toutefois lieu de tenir compte, dès le 1er juillet 2024, d'un loyer raisonnable de 1'509 fr. par mois pour un appartement de trois pièces dès lors que B______ avait le droit de posséder son propre logement sans avoir à en partager un avec cinq autres personnes. Ses charges seraient ainsi de 3'289 fr. 75 dès le 1er juillet 2024. Son déficit serait ainsi de 1'161 fr. par mois jusqu'au 30 juin 2024, puis de 1'970 fr. dès le 1er juillet 2024.

Les charges mensuelles de A______ s'élevaient à 2'682 fr. 35, comprenant le loyer (951 fr.), la prime d'assurance-maladie de base (486 fr. 35), les frais de transports publics (45 fr.) et son entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.). Son déficit mensuel était ainsi de 286 fr. 25.

Cependant, au 31 décembre 2023, A______ possédait une fortune mobilière de quelque 700'000 fr., dont les revenus s'étaient élevés à 2'124 fr. en 2023, ainsi que deux biens immobiliers, l'un dans le canton de Vaud et l'autre de Fribourg, dont il n'avait pas prouvé qu'ils n'étaient pas habitables. Il y avait dès lors lieu de tenir compte des revenus de sa fortune mobilière à hauteur de 177 fr. par mois, de sorte que son déficit mensuel n'était plus que de 109 fr. 35. Il pouvait, en outre, entamer la substance de sa fortune mobilière pour couvrir le solde de ses besoins, ce qui représentait 1'312 fr. par année.

A______ pouvait également contribuer à l'entretien de son épouse, qui n'avait pas de fortune, en puisant dans la sienne. Le Tribunal l'a donc condamné à verser à celle-ci, 1'160 fr. par mois d'août 2023 à juin 2024, puis 2'000 fr. par mois dès juillet 2024.

D. La situation personnelle et financière des parties est la suivante, étant relevé que les charges des parties telles que retenues par le Tribunal ne sont pas critiquées en appel :

a. Durant sept ans, B______ a travaillé comme femme de chambre dans un hôtel à Genève, à temps complet pendant une année puis à 80%, avant d'être licenciée en octobre 2020 suite à la crise sanitaire due à la Covid-19.

Depuis le 6 septembre 2021, elle est employée par D______ SA en tant que personnel d'entretien à raison de 10 heures par semaine. Son salaire mensuel net moyen s'est élevé à 960 fr. en 2023, 13ème salaire y compris, étant relevé qu'elle a travaillé plusieurs fois plus de 10h par semaine.

Elle effectue, en outre, quatre heures de ménage par semaine chez un particulier. Son salaire mensuel net moyen s'est élevé à 766 fr. (9'189 fr. / 12) en 2022 et à 360 fr. (4'368 fr. / 12) en 2023, n'ayant pas travaillé en avril et en août 2023. En 2024, elle a perçu 300 fr. en avril, 525 fr. en mai et 500 fr. en juin.

B______ a travaillé pour E______ Sàrl en mai et juin 2024. Elle a réalisé un salaire mensuel net de 446 fr. 95 en juin 2024, pour 18 heures d'activité, mais son contrat n'a pas été maintenu.

Parallèlement, elle a perçu des indemnités de chômage jusqu'en janvier 2023.

Depuis novembre 2023, B______ bénéficie d'un soutien financier de l'Hospice général.

Devant le Tribunal, elle a allégué chercher une activité lucrative, sans préciser pour quel temps d'activité. Elle avait eu un entretien dans un hôtel en tant que femme de chambre lors duquel on lui a demandé son âge et si elle était disposée à travailler à un rythme soutenu, mais elle n'avait pas été engagée.

Elle a produit deux recherches d'emploi consistant en des e-mails envoyés à un hôtel et à un service de nettoyage au mois d'avril 2024 ainsi qu'un courrier non daté dont le destinataire n'est pas mentionné accompagné de son curriculum vitae.

b. Au 31 décembre 2023, la fortune mobilière de B______ s'élevait à 240 fr. 70.

c. En 2023, A______ a perçu une rente de l'assurance-vieillesse de 2'038 fr. par mois ainsi qu'une rente de sa caisse de pension de 358 fr. par mois. Devant le Tribunal, il a déclaré vivre de ses économies.

d. Il a allégué être propriétaire d'un bien immobilier à F______ (Fribourg), actuellement en construction. Les travaux, qui avaient débuté en 2018, n'étaient pas terminés puisqu'il restait tout l'intérieur à faire. A______ avait payé des travaux pour 44'270 fr. en 2023 et 6'687 fr. en 2024.

Il a également reconnu être propriétaire d'un chalet à G______ (Vaud) qu'il avait utilisé comme résidence principale jusqu'en 2000 environ, avant que ce logement ne devienne une résidence secondaire. Il a allégué que cette propriété n'était plus habitable telle quelle et que des travaux devaient être effectués.

La fortune mobilière de A______ s'élevait à 741'734 fr. en 2022 et à 698'163 fr. au 31 décembre 2023. Il a perçu des intérêts sur sa fortune de 231 fr. en 2022 et de 2'124 fr. en 2023.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (ATF 137 III 475 consid. 4.1), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, en appel le litige porte sur la contribution à l'entretien de l'épouse, soit une affaire de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_344/2022 du 31 août 2022 consid. 1) dont la valeur litigieuse requise est atteinte, compte tenu de la capitalisation des montants litigieux selon l'art. 92 al. 2 CPC.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Hormis les cas de vices manifestes, la Cour doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.3 Les mesures protectrices de l'union conjugale étant soumises à la procédure sommaire (art. 271 let. a CPC), l'autorité peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.4).

1.4 En tant qu'elle porte sur la question de la contribution à l'entretien de l'épouse, la cause est soumise à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC) et à la maxime inquisitoire limitée (art. 55 al. 2, 277 et 272 CPC), de sorte que le Tribunal ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_751/2019 du 25 février 2020 consid. 5.1).

2. Les pièces produites par l'intimée devant la Cour avec son mémoire de réponse sont recevables puisqu'elles se rapportent à des faits postérieurs à la date à laquelle le premier juge a gardé la cause à juger (art. 317 al. 1 CPC).

3. L'appelant reproche au Tribunal de l'avoir condamné à verser une contribution à l'entretien de l'intimée, faisant valoir que celle-ci serait en mesure de couvrir ses charges en augmentant son taux d'activité. Il fait également grief au premier juge de le contraindre d'entamer le capital de sa fortune pour subvenir aux besoins de son épouse.

3.1.1 Selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, le juge fixe, sur requête, la contribution d'entretien à verser à un époux si la suspension de la vie commune est fondée.

Le principe et le montant de la contribution d'entretien due au conjoint selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux.

Tant que l'union conjugale n'est pas dissoute, les époux conservent, même après leur séparation, un droit égal de conserver leur train de vie antérieur, en application des art. 163 et 164 CC. Quand il n'est pas possible de conserver ce niveau de vie, les conjoints ont droit à un train de vie semblable. Le train de vie mené jusqu'à la cessation de la vie commune constitue la limite supérieure du droit à l'entretien (ATF 147 III 293 consid. 4.4; arrêts du Tribunal 5A_935/2021 du 19 décembre 2022 consid. 3.1; 5A_409/2021 du 4 mars 2022 consid. 3.5.1 et les références citées).

Dans tous les cas le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit être préservé (ATF 147 III 265 consid. 7.3).

3.1.2 Le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille, soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, dite en deux étapes (ATF
147 III 265, in SJ 2021 I 316; ATF 147 III 293 et ATF 147 III 301).

Selon cette méthode, on examine les ressources – en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance, ainsi que le revenu hypothétique éventuel – et les besoins des personnes intéressées, puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille concernés de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital du droit des poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital élargi du droit de la famille, puis l'excédent éventuel (ATF 147 III 265 consid. 7).

3.1.3 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu, du travail et de la fortune, effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_513/2023 du 20 mars 2024 consid. 6.3.2.2 et les arrêts cités). Un époux ne peut prétendre à une contribution d'entretien que si, en dépit des efforts que l'on peut raisonnablement exiger de lui, il n'est pas ou pas totalement en mesure de pourvoir lui-même à son entretien convenable (ATF 147 III 308 consid. 5.2).

Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1026/2021 du 27 janvier 2022consid. 4.1; 5A_1046/2018 du 3 mai 2019 consid. 4.3).

Si le juge entend exiger d'un époux la prise ou la reprise d'une activité lucrative, ou encore l'extension de celle-ci, il doit généralement lui accorder un délai approprié pour s'adapter à sa nouvelle situation; ce délai doit être fixé en fonction des circonstances du cas particulier (ATF 144 III 481 consid. 4.6; 129 III 417 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_489/2022 du 18 janvier 2023 consid. 5.3.2). Il faut notamment examiner si les changements étaient prévisibles pour la partie concernée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_489/2022 du 18 janvier 2023 consid. 5.3.2).

3.1.4 Si les revenus du travail et de la fortune suffisent à l'entretien des conjoints, la substance de la fortune n'est normalement pas prise en considération (arrêt du Tribunal fédéral 5A_372/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.1.2). Dans le cas contraire, l'entretien peut, en principe, être assuré par des prélèvements dans la fortune des époux, le cas échéant même par les biens propres, que ce soit en mesures provisionnelles ou dans la procédure au fond. Savoir si et dans quelle mesure il peut être exigé du débirentier qu'il entame sa fortune pour assurer l'entretien courant doit être apprécié au regard des circonstances concrètes. Sont notamment d'une importance significative le standard de vie antérieur, lequel peut éventuellement devoir être diminué, l'importance de la fortune et la durée pendant laquelle il est nécessaire de recourir à celle-ci. Il a déjà été admis que l'on pouvait exiger du débirentier qui n'avait pas d'activité lucrative et dont le revenu de la fortune ne permettait pas de couvrir l'entretien du couple, d'entamer la substance de ses avoirs pour assurer à l'époux crédirentier la couverture de son minimum vital élargi, voire du train de vie antérieur. Pour respecter le principe d'égalité entre les époux, l'on ne saurait cependant exiger d'un conjoint qu'il entame sa fortune pour assurer l'entretien courant que si l'on impose à l'autre d'en faire autant, à moins qu'il n'en soit dépourvu (arrêts du Tribunal fédéral 5A_608/2019 du 16 janvier 2020 consid. 4.2.1 et les références citées; 5A_524/2017 du 9 octobre 2017 consid. 5.1.3).

3.2.1 En l'espèce, en 2023, l'intimée a réalisé un revenu mensuel de 1'320 fr. (960 fr. + 360 fr.). Il a vraisemblablement été de 1'395 fr. [(1'320 fr. x 12 + 2 x 450 fr.) / 12] en 2024 mais sera à nouveau de 1'320 fr. début 2025.

Bien qu'âgée de 61 ans, l'intimée n'a pas allégué avoir des problèmes de santé qui l'empêcheraient de travailler à plein temps, ses offres d'emploi ne mentionnent pas qu'elle désire travailler à temps partiel et elle n'a produit aucun certificat médical attestant d'une incapacité de travail. Certes, le domaine du ménage implique une activité physique soutenue, toutefois rien ne permet de retenir que l'intimée n'est pas en mesure d'assumer une telle charge de travail alors qu'elle travaillait encore à 80% il y a quatre ans. L'intimée se limite à plaider que personne ne souhaite l'engager en raison de son âge. A cet égard, elle n'a produit que deux e-mails, dont on ignore s'ils ont été envoyés, et elle n'a pas établi s'être vu refuser une augmentation de son temps de travail par son employeur principal, étant relevé qu'il lui a régulièrement demandé d'effectuer quelques heures supplémentaires par le passé. Par conséquent, l'intimée n'a, en l'état, pas rendu vraisemblable qu'elle ne serait pas employable en raison de son âge. Compte tenu de ce qui précède, il faut admettre avec l'appelant qu'il peut être exigé de l'intimée qu'elle exerce une activité à 75% (30 heures par semaine), ce qui lui permettrait de réaliser un revenu mensuel net de l'ordre de 2'960 fr. [(1'000 fr. de son employeur principal, vacances comprises pour 10h d'activité par semaine) + (20h d'activité par semaine chez des particuliers, rémunérées 25 fr. net de l'heure x 47 semaines compte tenu de 5 semaines de vacances par année / 12 mois)], arrondi à 3'000 fr. Il convient d'accorder à l'intimée un délai jusqu'au 1er juillet 2025 pour augmenter ses revenus.

Les charges de l'intimée ne sont pas contestées en appel (2'481 fr., puis 3'290 fr. avec son futur loyer). Celle-ci n'a toutefois pas encore déménagé dans un nouveau logement et n'a effectué aucune démarche en ce sens, de sorte que le coût d'un loyer futur ne sera retenu que depuis le 1er mars 2025.

Compte tenu de ce qui précède, son déficit mensuel a été de 1'161 fr. (1'320 fr.
– 2'481 fr.) en 2023, de 1'086 fr. (1'395 fr. – 2'481 fr.) en 2024, et sera de 1'161 fr. (1'320 fr. – 2'481 fr.) en janvier et février 2025, de 1'970 fr. (1'320 fr. – 3'290 fr.) de mars à juin 2025, puis de 290 fr. (3'000 fr. – 3'290 fr.) dès juillet 2025.

L'intimée ne dispose pas de fortune dans laquelle puiser pour couvrir son déficit.

3.2.2 Comme l'a retenu le Tribunal, l'appelant n'est pas en mesure de couvrir ses propres charges (2'682 fr.) avec ses rentes vieillesses (2'395 fr.). Son déficit mensuel est de l'ordre de 287 fr. mais il a admis puiser dans le capital de sa fortune pour le couvrir. Il dispose en effet d'une importante fortune mobilière, qui était de 698'163 fr. au 31 décembre 2023, ainsi que d'une fortune immobilière.

Il peut donc être attendu de l'appelant qu'il mette sa fortune à contribution afin que le déficit de son épouse soit couvert. La contribution à l'entretien de cette dernière sera ainsi fixée à 1'160 fr. du 1er août au 31 décembre 2023, 1'090 fr. du 1er janvier au 31 décembre 2024, 1'160 fr. pour les mois de janvier et février 2025, 1'970 fr. de mars à juin 2025, puis à 290 fr. dès le mois de juillet 2025.

Après acquittement des montants dus à l'intimée d'août 2023 à juin 2025 ainsi que la couverture de son propre déficit, il restera à l'appelant une fortune de 662'183 fr. (698'163 fr. – 1'160 fr. x 5 – 1'090 fr. x 12 – 1'160 x 2 – 1'970 fr. x 4
– 300 fr. x 23). La somme de 600 fr. par mois permettant de couvrir son déficit et celui de son épouse représentera un capital de 7'200 fr. (600 fr. x 12) par année. Aussi, même à supposer que les présentes mesures protectrices devraient durer et en considérant que l'appelant vivra encore 20 ans, les prélèvements représenteront moins de 150'000 fr. Le solde de la fortune de l'appelant sera de l'ordre de 500'000 fr. (662'183 fr. – 150'000 fr.), montant qui lui permettra d'achever la construction de sa maison dont il a admis que seuls les aménagements intérieurs devaient être terminés.

3.2.3 Par conséquent, le chiffre 3 du dispositif du jugement sera annulé et l'appelant sera condamné à verser à l'intimée, par mois et d'avance, à titre de contribution à son entretien, 1'160 fr. du 1er août au 31 décembre 2023, 1'090 fr. du 1er janvier au 31 décembre 2024, 1'160 fr. en janvier et février 2025, 1'970 fr. de mars à juin 2025, puis 290 fr. dès le mois de juillet 2025.

4. 4.1 Les frais - qui comprennent les frais judiciaires et les dépens - sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 CPC). Le tribunal peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

Lorsque l'autorité d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

4.2 Le premier juge a mis les frais judiciaires, arrêtés à 700 fr., à la charge de l'appelant et a condamné ce dernier à verser 2'000 fr. à l'intimée à titre de dépens de première instance.

L'appelant ne remet pas en cause sa condamnation aux frais judiciaires de la procédure de première instance, dont il ne conteste pas le montant. En revanche, c'est à juste titre qu'il reproche au Tribunal de l'avoir condamné à verser des dépens à l'intimée alors que celle-ci n'avait pas pris de conclusions en ce sens. L'intimée n'obtenant pas totalement gain de cause, l'issue du litige justifie également qu'il ne soit pas alloué de dépens (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC).

Par conséquent, le chiffre 7 du dispositif du jugement sera annulé et il sera dit que chaque partie supportera ses propres dépens de première instance.

4.3 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 800 fr. (art. 31 et 37 RTFMC). Compte tenu de l'issue du litige et de sa nature familiale, ils seront répartis à parts égales entre les parties, soit 400 fr. à charge de chacune d'elles (art. 107 al. 1 let. c CPC).

La part des frais de l'appelant sera compensée avec l'avance qu'il a fournie, qui demeure acquise à l'Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC), les Services financiers du Pouvoir judiciaire étant invités à lui restituer le solde de cette avance de 400 fr.

L'intimée plaidant au bénéfice de l'assistance juridique, sa part des frais sera provisoirement supportée par l'Etat de Genève, qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions fixées par la loi (art. 123 al. 1 CPC et 19 RAJ).

Compte tenu de la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 24 juin 2024 par A______ contre le jugement JTPI/7287/2024 rendu le 11 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25297/2023.

Au fond :

Annule les chiffres 3 et 7 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau sur ces points :

Condamne A______ à verser à B______, par mois et d'avance, à titre de contribution à son entretien, 1'160 fr. du 1er août au 31 décembre 2023, 1'090 fr. du 1er janvier au 31 décembre 2024, 1'160 fr. en janvier et février 2025, 1'970 fr. de mars à juin 2025, puis 290 fr. dès le mois de juillet 2025.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens de première instance.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de l'appel à 800 fr. et les met à la charge des parties à raison d'une moitié chacune.

Dit que la part des frais judiciaires d'appel mis à la charge de A______, de 400 fr., est entièrement compensée avec l'avance fournie par celui-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève à due concurrence.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 400 fr. à A______.

Dit que la part des frais judiciaires d'appel mis à la charge de B______ est provisoirement supportée par l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites des art. 93 et 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.