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Décisions | Chambre civile

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C/6234/2023

ACJC/1552/2024 du 03.12.2024 sur OTPI/554/2024 ( SDF ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6234/2023 ACJC/1552/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 3 DECEMBRE 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante et intimée sur appel joint d'une ordonnance rendue par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 3 septembre 2024, représentée par Me Aurélie VALLETTA, avocate, Interdroit avocat-e-s Sàrl, rue de Lausanne 63, 1202 Genève,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé et appelant sur appel joint, représenté par Me Arnaud MOUTINOT, avocat, Atlas Legal, boulevard des Philosophes 17, case postale 89, 1211 Genève 4.

 

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/554/2024 du 3 septembre 2024, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles dans le cadre du divorce des époux B______ et A______, a annulé le chiffre 6 du dispositif du jugement JTPI/8409/2020 rendu le 29 juin 2020 sur mesures protectrices de l'union conjugale par le Tribunal et modifié par arrêt ACJC/336/2021 de la Cour de justice du 16 mars 2021 (chiffre 1 du dispositif) et condamné B______ à verser en mains de A______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, le montant de 300 fr. au titre de contribution à l'entretien du mineur C______ (ch. 2).

Pour le surplus, le Tribunal a dit que la décision sur les frais des mesures provisionnelles était renvoyée à la décision finale (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 18 septembre 2024 à la Cour de justice, A______ forme appel contre cette décision, concluant à l'annulation du chiffre 2 de son dispositif et, cela fait, à ce que B______ soit condamné à lui verser, allocations familiales non comprises, 580 fr. par mois au titre de contribution à l'entretien de C______.

Elle produit deux pièces complémentaires concernant sa situation financière.

b. Dans son mémoire de réponse et appel joint, B______ sollicite, lui aussi, l'annulation du chiffre 2 du dispositif attaqué. Cela fait, il conclut à ce qu'il lui soit donné acte de son engament à verser en mains de son épouse un montant de 120 fr. par mois, allocations familiales non comprises, pour l'entretien de C______ et à ce que A______ soit déboutée de toutes autres conclusions.

c. A______ a répliqué et conclu à l'irrecevabilité de la réponse et de l'appel joint de sa partie adverse.

d. En l'absence de duplique, les parties ont été informées par avis de la Cour du 11 novembre 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. Les époux B______, né en 1976, originaire de D______ (VS), et A______, née en 1974, de nationalité bolivienne, se sont mariés le ______ 2007 à E______ (Bolivie).

b. Un enfant est issu de cette union, soit C______, né le ______ 2009 à Genève.

c. A______ est également la mère de trois enfants majeurs F______, G______ et H______, issus d'une précédente union.

Elle habite avec son fils F______, qui est arrivé de Bolivie depuis peu de temps ainsi qu'avec G______, qui souffre d'un handicap, et qui a une fille I______, née le ______ 2021, dont A______ est la curatrice. H______ a, pour sa part, quitté le domicile et vit avec son compagnon.

d. Les époux vivent séparés depuis septembre 2017.

e. Les modalités de leur vie séparée ont été réglées par mesures protectrices de l'union conjugale, prononcées par jugement du Tribunal du 29 juin 2020, partiellement modifié par arrêt de la Cour de justice du 16 mars 2021.

Dans ce cadre, le Tribunal a notamment attribué à A______ la garde sur l'enfant C______ (ch. 2), réservé à B______ un droit de visite s'exerçant, sauf accord contraire des parties, un dimanche sur deux, un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires (ch. 3), condamné B______ à verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, une contribution d'entretien en faveur de C______ de 800 fr. par mois, à compter du 1er juillet 2020 et jusqu'à la majorité de C______, voire au-delà en cas d'études sérieuses et régulières (ch. 6) et dit que B______ n'était pas tenu de contribuer à l'entretien de A______, compte tenu de sa situation financière (ch. 7).

La Cour de Justice a annulé le chiffre 6 du jugement précité et fixé la contribution à l'entretien de l'enfant C______, allocations familiales non comprises, à 1'200 fr. par mois du 1er juillet 2020 au 31 août 2021, puis à 860 fr. par mois dès le 1er septembre 2021, sous déduction de toute somme déjà versée à ce titre.

Pour fixer la contribution d'entretien en faveur de l'enfant, la Cour a retenu que B______ tirait un bénéfice net moyen du café-restaurant qu'il exploitait de 4'340 fr. et qu'il supportait des charges de 3'131 fr., lui laissant un solde disponible de 1'209 fr. Pour A______, la Cour a retenu un revenu hypothétique de 2'983 fr. pour une activité à 80 % dès le 1er septembre 2021 dans le domaine de la restauration et des charges de 3'040 fr. Enfin, les besoins financiers de l'enfant C______ s'élevaient à 800 fr., déduction faite des allocations familiales perçues.

f. Le 30 mars 2023, B______ a formé une demande unilatérale en divorce.

g. Lors de l'audience de conciliation du 16 juin 2023, B______ a exposé que C______ vivait depuis le mois de décembre 2022 exclusivement chez lui. Il a ainsi modifié ses conclusions au fond, réclamant l'attribution de la garde exclusive sur C______ et a déposé des mesures provisionnelles en sens.

Sur mesures provisionnelles, il a conclu à ce que le Tribunal constate que l'enfant vivait auprès de lui, lui confie la garde de l'enfant avec la réserve en faveur de la mère d'un droit aux relations personnelles s'exerçant d'entente entre la mère et son fils, le libère de l'obligation de payer en mains de A______ la somme de 860 fr. par mois à titre de contribution à l'entretien de l'enfant à compter de juin 2023, dise que les allocations familiales en faveur de l'enfant lui seraient versées, constate que l'entretien convenable de l'enfant était de 491 fr. 05 et condamne A______ à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, la somme de 800 fr. au titre de contribution à l'entretien de C______.

h. Dans sa réponse à la requête de mesures provisionnelles, A______ a conclu au rejet des mesures provisionnelles.

i. Dans son rapport du 11 octobre 2023, le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après : SEASP) a préconisé le maintien de l'autorité parentale conjointe, le maintien de la garde à la mère, les relations personnelles entre C______ et son père s'exerçant d'entente entre les parents, et en cas de désaccord, du vendredi soir après l'école au dimanche soir à 19h00 ainsi que les mercredis matins après l'école jusqu'au soir à 19h00 et la moitié des vacances scolaires. Si le père trouvait trop contraignant d'exercer son droit de visite tous les week-ends, celui-ci pourrait être réduit à un week-end sur deux.

Les parties se sont dites d'accord de fixer le droit de visite en faveur du père conformément aux recommandations du SEASP.

j. Par ordonnance du 21 décembre 2023, le Tribunal, statuant sur mesures provisionnelles et d'accord entre les parties, a ordonné le maintien de l'autorité parentale conjointe sur C______, le maintien de la garde de l'enfant auprès de sa mère avec la réserve en faveur de B______ d'un droit aux relations personnelles sur son fils s'exerçant tous les mercredis de la sortie de l'école jusqu'à 19h et tous les vendredis de la sortie de l'école au dimanche soir à 19h, l'instauration d'une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, la mission du curateur consistant à s'assurer que les parents maintiennent un cadre horaire strict à l'égard de C______, et l'instauration d'une curatelle d'assistance éducative.

k. Lors de l'audience du 16 février 2024, les parties ont sollicité du Tribunal qu'il traite la question de la contribution d'entretien en faveur de C______, dans la mesure où la situation de la garde et du droit de visite était désormais clarifiée.

l. Le 4 avril 2024, A______ a déposé sa réponse à la demande en divorce, concluant notamment, s'agissant de la contribution en faveur de C______, au versement d'un contribution d'entretien de 860 fr. par mois.

m. Lors de l'audience du 20 juin 2024, B______ a proposé, sur mesures provisionnelles, de verser une contribution à l'entretien de C______ de 120 fr. au lieu des 860 fr. actuels.

A______ a conclu au rejet des mesures provisionnelles requises.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles.

n. La situation financière des parties s'établit comme suit.

n.a A______ ne dispose d'aucune formation particulière. Elle a travaillé de nombreuses années dans la restauration, d'abord comme serveuse, puis comme responsable.

Elle est au bénéfice d'une rente AI de 100 % depuis le 1er octobre 2020, 47 % dès le 1er avril 2021, 56 % dès le 1er mars 2022 et 61 % dès le 1er janvier 2024. Elle perçoit actuellement une rente de 620 fr. et est financièrement aidée par l'Hospice général pour le surplus.

Ses charges mensuelles incompressibles ont été fixées à 2'020 fr. arrondis par le Tribunal. Elles comprennent son montant de base OP (1'350 fr.), sa part au loyer, compte tenu de sa cohabitation avec ses deux enfants majeurs (404 fr., équivalent à 70% du tiers du loyer en 1'735 fr.), son assurance-maladie, subsides déduits (194 fr.) et ses frais de transport (70 fr.).

n.b B______ est titulaire d'un CFC de cuisinier ainsi que d'un diplôme de cafetier. Il exploite depuis juin 2013 le Café-restaurant J______ dont il allègue avoir pu retirer un bénéfice d'environ 4'000 fr. par mois en moyenne. Il a toutefois indiqué au Tribunal être sur le point de vendre l'établissement, en accord avec A______.

Ses charges mensuelles incompressibles ont été fixées à 2'790 fr. arrondis par le Tribunal. Elles comprennent son montant de base OP (1'200 fr.), son loyer (1'000 fr.), son assurance-maladie, subsides déduits (191 fr.), ses frais de transport (70 fr.) et ses impôts (328 fr. 35).

n.c C______ est âgé de 15 ans.

Ses charges mensuelles ont été fixées à 815 fr. arrondis par le Tribunal, comprenant son montant de base OP (600 fr.), sa part au loyer (116 fr.), son assurance-maladie, subsides déduits (28 fr. 20) et ses frais de transport (70 fr.).

Sa mère perçoit une rente AI en sa faveur de 248 fr. par mois, ainsi que des allocations familiales de 311 fr., de sorte que l'entretien de l'enfant s'élève à 260 fr. arrondis par mois.

o. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a arrêté la situation financière des parties selon leur minimum vital du droit des poursuites. Concernant A______, il a retenu qu'elle conservait une capacité de travail de 40% et lui a imputé un revenu hypothétique de 1'680 fr. pour un emploi à 40% dans le domaine de la restauration dans lequel elle avait toujours travaillé. Quant à B______, le Tribunal a considéré qu'en cas de vente de son établissement, il serait en mesure de trouver un emploi dans le même domaine pour un revenu similaire de 4'000 fr. net par mois. Dans la mesure il n'exploitait plus son restaurant, il ne se justifiait plus de tenir compte de sa cotisation AVS (755 fr.) ni de ses frais pour son véhicule, dont l'emploi était justifié par l'organisation du Café-restaurant (22 fr. 50 + 16 fr. 80). La famille disposait ainsi, après paiement des charges de chacun, d'un excédent de 1'230 fr. que le Tribunal a réparti par grandes et petites têtes en limitant toutefois la part de C______ (250 fr.) à 100 fr. au vu de son âge et de ses besoins.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur les mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr.
(art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

En l'occurrence, le litige porte sur la contribution d'entretien de l'enfant, dont la valeur, capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC, est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai de trente jours (art. 311 al. 1 et 142 al. 3 CPC), suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 Dans sa réponse, déposée dans le délai imparti, l'intimé a formé un appel joint en prenant des conclusions allant au-delà de la confirmation de la décision.

L’appel joint est toutefois irrecevable en procédure sommaire (art. 314 al. 2 CPC), applicable à la présente cause (art. 271 let. a et 276 al. 1 CPC).

Les questions relatives aux enfants mineurs étant cependant soumises à la maxime d'office et inquisitoire illimitée (art. 296 al. 3 CPC; ATF 147 III 301 consid. 2.2), la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties, ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_841/2018, 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2).

Partant, malgré l'irrecevabilité de l'appel joint, la Cour demeure libre de s'écarter des conclusions des parties et statuer d'office sur les questions relatives aux enfants mineurs eu égard à la maxime d'office.

1.4 Dans les causes de droit de la famille concernant des enfants mineurs, les parties peuvent présenter des novas même si les conditions de l'art. 317 CPC relatif aux faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pas réunies, dans la mesure où ils servent à rendre une décision conforme à l'intérêt de l'enfant
(ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

Au vu de cette règle, les pièces nouvelles déposées par l'appelante sont recevables.

1.5 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit
(art. 310 CPC).

La procédure sommaire étant applicable (art. 271 let. a et 276 al. 1 CPC), l'autorité peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.4).

2. Le litige est circonscrit à la question de la contribution d'entretien allouée à l'enfant mineur à titre provisionnel. L'appelante sollicite une contribution pour l'entretien de C______ de 580 fr. par mois, tandis que l'intimé souhaite qu'elle soit réduite à 120 fr. par mois.

Il n'est pas contesté que des modifications importantes et durables sont intervenues dans la situation de C______ depuis le prononcé des mesures protectrices, compte tenu de la prise en charge plus importante de son père et de la perception d'une rente AI, ce qui justifie d'entrer en matière sur les mesures provisionnelles requises par le père.

2.1. Toutes les prestations d'entretien doivent en principe être calculées selon la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, dite en deux étapes (ATF 147 III 265 in SJ 2021 I 316; 147 III 308).

Selon cette méthode, on examine les ressources et besoins des personnes intéressées, puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille concernés de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital du droit des poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital élargi du droit de la famille, puis l'excédent éventuel (ATF 147 III 265 consid. 7).

Les besoins sont calculés en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP
(NI-2024, RS/GE E 3 60.04), auquel sont ajoutées les dépenses incompressibles, soit les frais de logement, la prime d'assurance maladie de base, les frais de transports et les frais de repas pris à l'extérieur (ATF 147 III 265 précité
consid. 7.2).

Plus la situation financière des parties est serrée, moins le juge devra s'écarter des principes développés pour la détermination du minimum vital (ATF 140 III 337 consid. 4.2.3). En revanche, lorsque les moyens financiers le permettent, l'entretien convenable doit être étendu au minimum vital du droit de la famille, lequel tient compte de frais supplémentaires tels que les impôts, les forfaits de télécommunication et les assurances (ATF 147 III 265 consid. 7.2;
arrêt du Tribunal fédéral 5A_583/2018 du 18 janvier 2019 consid. 5.1).

L'éventuel excédent est ensuite à répartir selon la méthode des "grandes et des petites têtes", la part des parents valant le double de celle des enfants mineurs, en tenant compte de toutes les particularités du cas d'espèce (ATF 147 III 265
consid. 7.3).

2.1.2 Seules les charges effectives, à savoir celles qui sont réellement acquittées, peuvent être prises en compte pour le calcul de la contribution d'entretien, à l'exclusion de dépenses hypothétiques dont on ne sait si elles existeront finalement - et à concurrence de quel montant - ni si elles seront en définitive assumées. Il n'est toutefois pas arbitraire de tenir compte d'un loyer hypothétique pour une durée transitoire, le temps que la partie concernée trouve un logement. Hormis cette exception - qui ne peut concerner qu'une période transitoire (étant précisé qu'une période supérieure à une année ne saurait être qualifiée de transitoire, en particulier si la partie concernée n'a pas effectué de démarches pour se trouver un logement durant cette période) -, seuls les frais de logement effectifs ou raisonnables doivent être pris en compte et, en l'absence de telles charges, il appartient à la personne concernée de faire valoir ses frais de logement effectifs dès la conclusion d'un contrat de bail (arrêt du Tribunal fédéral 5A_638/2023 du 23 février 2024 consid. 4.1 et les références citées).

2.1.3 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties. Tant le débiteur d'entretien que le créancier peuvent néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 147 III 249 consid. 3.4.4; 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2).

Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Tout d'abord, il doit déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé, en précisant le type d'activité professionnelle que cette personne peut raisonnablement devoir accomplir. Il s'agit d'une question de droit. Ensuite, il doit établir si cette personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail. Il s'agit là d'une question de fait (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2). Les circonstances concrètes de chaque cas sont déterminantes (ATF 147 III 308 consid. 5.6; arrêt du Tribunal fédéral 5A_464/2022 du 31 janvier 2023
consid. 3.1.2).

2.1.4 Le minimum vital du droit des poursuites du parent débirentier doit dans tous les cas être préservé (ATF 147 III 265 consid. 7.4).

2.2 En l'espèce, les parties soulèvent plusieurs griefs en lien avec l'établissement de leur situation financière à la base de la contribution d'entretien litigeuse, ainsi que sur le partage de l'excédent familial.

2.2.1 L'appelante reproche en premier lieu au Tribunal de lui avoir imputé un revenu hypothétique. Elle conteste pouvoir reprendre un emploi, alléguant devoir s'occuper de sa fille handicapée et de sa petite fille.

Elle ne remet cependant pas en cause disposer, en marge de sa rente AI, d'une capacité de gain résiduelle de 40%. La question est dès lors de savoir si l'on peut raisonnablement exiger d'elle qu'elle exerce une activité lucrative à temps partiel compte tenu de ses obligations familiales envers sa fille et sa petite fille.

A cet égard, il sied de relever qu'avant de percevoir sa rente d'invalidité, l'appelante a travaillé de nombreuses années dans le secteur de la restauration, ne se consacrant ainsi vraisemblablement pas entièrement à la prise en charge de sa fille majeure G______ durant la vie commune. Si les parties s'accordent sur le fait que cette dernière souffre d'un handicap, elles ne fournissent aucune autre indication, que ce soit sur l'étendue de ses besoins, l'encadrement qui lui est nécessaire ou encore ses conditions de vie, et le dossier ne contient pas la moindre information à cet égard. A défaut de toute indication contraire, il n'est pas rendu vraisemblable que la fille de l'appelante nécessite en permanence une assistance personnelle de la part de cette dernière, ce que l'appelante n'allègue au demeurant pas. De même, il n'est pas rendu vraisemblable que G______ ne puisse aucunement s'occuper de sa fille I______, ni qu'aucune structure d'accueil ne puisse, ne serait-ce que partiellement, la soutenir dans cette tâche, de sorte à laisser l'entier de la prise en charge à l'appelante.

Compte tenu de ce qui précède, le revenu hypothétique imputé à l'appelante, qui se limite à une activité à 40%, soit de l'ordre de deux jours par semaine, ne paraît pas, sous l'angle de la vraisemblance, inconciliable avec ses obligations familiales.

Quant au montant retenu de 1'680 fr. par mois, il ne prête pas le flanc à la critique dès lors qu'il correspond un emploi à 40% dans le domaine de la restauration dans lequel l'appelante a de l'expérience. Contrairement à l'avis de l'intimé, on ne saurait se montrer plus exigeant et retenir un salaire plus élevé, compte tenu du manque de formation de l'appelante et des difficultés liées à trouver un emploi à un taux réduit, étant relevé que le montant retenu est déjà légèrement supérieur au salaire minimum genevois. Le fait que, dans sa décision du 14 février 2024, l'OCAS aurait pris en considération des revenus légèrement supérieurs pour déterminer la rente d'invalidité n'est pas déterminant et ne saurait, à lui seul, justifier qu'un revenu supérieur soit retenu dans le cadre de la présente décision, au vu des motifs précités.

Il s'ensuit que le revenu hypothétique imputé à l'appelante sera confirmé.

Contrairement à ce que soutient l'intimé, il ne se justifie pas de retenir des revenus supplémentaires pour le compte de l'appelante en sus du revenu hypothétique et de sa rente AI, que ce soit une rente complémentaire d'invalidité découlant de la prévoyance professionnelle ou une indemnisation pour la prise en charge de sa petite fille en tant que famille d'accueil. En effet, aucun élément ne permet à ce stade de retenir qu'elle percevrait ou serait sur le point de percevoir de tels revenus. Quant au montant qu'elle perçoit actuellement de 75 fr. par jour versé par le SPMi, celui-ci est exclusivement destiné à couvrir les charges de la mineure I______, de sorte que, dédié à l'entretien de l'enfant, il ne saurait être pris en compte dans le calcul du revenu de l'appelante. Dès lors, à défaut de revenus propres effectifs, il ne se justifie pas de tenir compte de ces éléments.

Quant aux charges de l'appelante, l'intimé allègue que les frais liés à son logement et à son montant de minimum vital OP seraient en réalité moindres que celles retenues par le Tribunal en raison du fait qu'elle vit en communauté domestique notamment avec ses enfants majeurs. Son grief tombe partiellement à faux dans la mesure où le Tribunal s'est basé sur un tiers du loyer, en tenant précisément compte du fait que l'appelante vivait avec ses enfants majeurs. Pour le surplus, l'intimé, qui ne chiffre pas ses propos, ne rend pas vraisemblable que G______, disposerait de ressources financières suffisantes pour participer aux frais du ménage après couverture de ses besoins spécifiques.

En conséquence, la situation de l'appelante telle que retenue par le Tribunal sera confirmée sur mesures provisionnelles, lui laissant un disponible de 280 fr.

2.2.2 L'intimé reproche au Tribunal d'avoir établi sa situation financière en retenant qu'il n'exploitait plus son café-restaurant et sans examiner ses conditions de logement.

Bien que l'intimé ait déclaré vouloir remettre l'exploitation de son café-restaurant et indiqué au Tribunal être sur le point de vendre l'établissement, force est de constater que la vente ne s'est finalement pas réalisée et aucun élément au dossier ne permet de retenir qu'une vente pourrait prochainement avoir lieu, si bien que l'intimé a poursuivi son activité à titre d'indépendant. Il convient donc, sur mesures provisionnelles, d'établir sa situation au regard de cette activité.

Cela n'a toutefois pas d'incidence sur ses revenus puisqu'ils ont été retenus à quelque 4'000 fr. net par mois par le Tribunal, équivalents à ce qu'il perçoit, en moyenne, pour son activité au sein de son restaurant.

En revanche, il convient de tenir compte dans ses charges de ses frais de véhicule privé qui sont justifiés par l'organisation de son café-restaurant (22 fr. 50 +
16 fr. 80).

L'intimé allègue, en outre, des cotisations AVS à hauteur de 755 fr. par mois. Or, le revenu de 4'000 fr. retenu pour son activité au sein de son restaurant se fonde sur le bénéfice net réalisé et documenté par les comptes de bilan et d'exploitation figurant au dossier, soit après paiement des différentes charges et cotisations. Les rubriques "AVS privée" et "AVS/CAF/AC" sont d'ailleurs comptabilisées dans les charges d'exploitation du café-restaurant. Il n'y a dès lors vraisemblablement pas lieu d'en tenir compte une seconde fois.

L'intimé fait valoir un loyer hypothétique alléguant être à la recherche d'un appartement en raison du fait que son logement actuel est inadapté pour l'exercice de ses droits parentaux.

Ayant été contraint de quitter son ancien logement, l'appelant occupe, depuis le mois de mars 2024, une chambre au sein d'une villa en colocation avec trois autres colocataires. Il explique faire dormir son fils dans sa chambre lorsqu'il en la garde et que lui-même dort sur le canapé du salon. Compte tenu de l'âge de l'enfant, désormais âgé de 16 ans et du large droit de visite de l'intimé de plusieurs jours par semaine, il est en effet dans l'intérêt de C______ que l'intimé puisse rapidement disposer d'un logement lui permettant d'accueillir son fils et d'exercer sereinement son droit de visite. L'intimé a du reste fourni plusieurs recherches d'appartement qui démontrent sa volonté de trouver un logement plus adéquat. Il parait ainsi vraisemblable que la situation actuelle de l'intimé soit provisoire et ne saurait perdurer, ce qui justifie, en l'espèce, de retenir un loyer hypothétique.

Partant, un montant de 1'600 fr. sera retenu à ce titre, ce qui correspond à un loyer mensuel moyen, charges comprises, pour un appartement de trois pièces loué à Genève à un nouveau locataire selon l'Office cantonal de la statistique du
canton de Genève (https://statistique.ge.ch/domaines/05/05_04/tableaux.asp#5;
T 05.04.2.02).

Par conséquent, les charges de l'intimé seront arrêtées à 3'430 fr. arrondis (2'790 fr. [charges retenues en première instance] + 22 fr. 50 fr. + 16 fr. 80 [frais de véhicule] + 600 fr. [augmentation de loyer]).

Il bénéficie ainsi d'un disponible mensuel de 570 fr. (4'000 fr. - 3'430 fr.).

2.2.3 Les charges incompressibles de C______ s'élèvent, selon les constatations du Tribunal, à 260 fr. par mois, après déduction des allocations familiales et de la rente AI versée en sa faveur.

L'intimé allègue que les charges de l'enfant seraient en réalité moindres, de quelque 20 fr., que celles retenues par le Tribunal.

Les montants discutés ne sont cependant pas d'une importance telle qu'ils justifieraient de revoir la décision attaquée rendue à titre provisionnel, l'intimé ayant d'ailleurs lui-même renoncé à faire appel. Il sied ici de rappeler que la présente procédure porte sur des mesures provisionnelles limitées à la durée de la procédure en divorce, dont le but est d'accorder une protection provisoire, qui n'est pas destinée à perdurer dans le temps. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner dans le moindre détail les budgets respectifs des membres de la famille, qui ne peuvent être systématiquement adaptés à la moindre évolution. La modification invoquée n'est en tout état de cause pas déterminante au vu des considérants qui suivent.

2.2.4 Reste à déterminer le partage de l'excédent et le montant de la contribution d'entretien.

L'excédent familial s'élève, au vu des considérants qui précèdent, à 850 fr. (280 fr. + 570 fr.), dont la part destinée à C______ est de 170 fr. selon la répartition par grandes et petites têtes (850 fr. x 1/5).

L'entretien convenable de l'enfant est donc de 430 fr. (260 fr. + 170 fr.).

Dans la mesure où chacun des parents prend en charge l'enfant dans une mesure équivalente et au vu du disponible respectif des époux, le montant de 300 fr. auquel l'intimé a été condamné à verser en mains de l'appelante paraît équitable le temps de la procédure. Il tient compte de manière adéquate de la capacité contributive de chacun et permettra de couvrir les coûts directs de l'enfant en laissant à chaque parent un montant équivalent de l'ordre de 300 fr. chacun pour assumer les autres frais de l'enfant quand il en a la garde.

2.3 En définitive, en dépit de quelques modifications dans la situation financière des parties et en particulier dans celle de l'intimé, la contribution d'entretien telle qu'allouée par le Tribunal demeure justifiée.

Partant, l'ordonnance entreprise sera confirmée.

3. Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 31 et
37 RTFMC). Compte tenu de l'issue ainsi que de la nature familiale du litige, ces frais seront mis à la charge des parties pour moitié chacune (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC). Dans la mesure où les parties plaident toutes les deux au bénéfice de l'assistance judiciaire, les frais judiciaires seront provisoirement supportés par l'Etat de Genève, qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions fixées par la loi (art. 123 al. 1 CPC).

Pour les mêmes motifs, il ne sera pas alloué de dépens (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let c. CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 18 septembre 2024 par A______ contre l'ordonnance OTPI/554/2024 rendue le 3 septembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6234/2023.

Déclare irrecevable l'appel joint formé le 4 octobre 2024 par B______.

Au fond :

Confirme l'ordonnance attaquée.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires de seconde instance à 1'000 fr. et les met à la charge de A______ et de B______ pour moitié chacun.

Dit que les frais judiciaires d'appel sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de seconde instance.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.