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Décisions | Chambre civile

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C/3830/2023

ACJC/1465/2024 du 19.11.2024 ( IUO ) , REJETE

Recours TF déposé le 10.01.2025, rendu le 09.05.2025, CASSE, 4A_17/2025
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3830/2023 ACJC/1465/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 19 NOVEMBRE 2024

 

Entre

1) A______/B______ SARL, sise ______ [GE],

2) FONDATION DE LIBRE PASSAGE A______, sise ______ [GE], demanderesses, représentées toutes deux par Me Alexandre DE SENARCLENS et Me Flavien VALLOGGIA, avocats, REISER Avocats, route de Florissant 10, case postale 186, 1211 Genève 12,

et

3) A______/C______ SA, sise ______ [VD], défenderesse, représentée par Me Gaspard COUCHEPIN, avocat, Grand-Chêne 1-3, case postale 6868, 1002 Lausanne.

 


EN FAIT

A.           a. La FONDATION DE LIBRE PASSAGE A______ (ci-après : la "FONDATION A______") est une fondation de droit suisse sise à Genève, ayant pour but la sauvegarde et le développement de la prévoyance professionnelle au moyen de la gestion commune des avoirs de prévoyance qui lui sont confiés.

Elle a été inscrite au Registre du commerce genevois le ______ février 2018.

b. La FONDATION A______ a déposé la marque verbale "A______" le ______ janvier 2018, laquelle a été enregistrée le ______ juin 2018 sous n° 1______.

A teneur de son enregistrement, la protection de la marque "A______" s'étend aux classes de Nice 35, 36 et 38.

b.a L'intitulé de la classe de Nice 35 inclut les services de publicité, les services de gestion, d'organisation et d'administration des affaires commerciales, ainsi que les travaux de bureau (cf. publication de la classification de Nice par l'OMPI, version 2024, sur https://www.wipo.int/classifications/nice/nclpub/en/fr).

L'enregistrement de la marque "A______" dans cette classe porte sur plusieurs dizaines de services et comprend notamment les services de conseils pour la direction et la gestion des affaires commerciales, pour la gestion des ressources humaines et pour la stratégie d'entreprises, les conseils en matière de comptabilité, de gestion d'entreprises et de fusion ou d'acquisition d'entreprises, ainsi que les conseils en matière fiscale et d'administration commerciale.

b.b L'intitulé de la classe de Nice 36 inclut les services financiers, monétaires et bancaires, les services d'assurance et les services de biens immobiliers (cf. publication citée de la classification de Nice par l'OMPI).

L'enregistrement de la marque "A______" dans cette classe porte sur plusieurs dizaines de services et comprend les services en matière d'assurances et d'affaires financières, monétaires et immobilières, soit notamment les services de gestion de fortune, de fonds de pensions, de placements, de patrimoine, de fonds de retraite et de fonds, les services de gestion de risques financiers, de recherches financières, d'analyse des marchés financiers et de placements, les services de gestion de capitaux, de biens immobiliers, d'actifs et de patrimoine pour un clientèle privée, commerciale et institutionnelle, ainsi que les services de courtage et de conseils en matière d'investissement et de placements.

b.c L'intitulé de la classe de Nice 38 inclut les services de télécommunications (cf. publication citée de la classification de Nice par l'OMPI).

L'enregistrement de la marque "A______" dans cette classe comprend notamment les services de transmission de messages, de données et de contenus sur Internet et d'autres réseaux de communication, y compris la mise à disposition d'accès à des sites Web et à des plateformes Internet.

b.d L'enregistrement de la marque "A______" dans les trois classes susvisées précise qu'il vise "tous les services précités provenant de la région D______".

c. A______/C______ SA est une société anonyme ayant pour but la gestion de patrimoine, le conseil en matière d'investissement, l'exécution de mandats et d'opérations fiduciaires, ainsi que la fourniture de services et de conseils en matière financière.

Elle a été inscrite au Registre du commerce vaudois le ______ août 2018.

d. En septembre 2018, la FONDATION A______ a créé la plateforme digitale intitulée "A______ pension 2______", qui dispose d'un site internet à l'adresse www.2______A______.ch et offre des solutions de prévoyance professionnelle et privée.

Le logo suivant est utilisé sur ce site :

[image]

La page d'accueil du site internet www.2______A______.ch se présente notamment comme suit :

[image]

Depuis sa création en 2018, la plateforme numérique "A______ pension 2______" a fait l'objet de plus d'une dizaine d'articles dans la presse, spécialisée ou non dans la prévoyance professionnelle, telle que E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______ et L______.

Par le biais de cette plateforme, la FONDATION A______ offre ses services à une clientèle institutionnelle et à des professionnels de la finance, mais également aux particuliers, notamment pour des solutions d'épargne et de prévoyance professionnelle.

e. Egalement depuis septembre 2018, A______/C______ SA exploite un site internet à l'adresse www.A______/C______[acronyme]sa.ch, sur lequel elle indique que son activité de gestion de patrimoine comprend des services de conseils en placement, ainsi que "la gestion des finances, l'optimisation fiscale, la planification de la retraite ou l'établissement d'une structure successorale fiscalement avantageuse". Elle y annonce également offrir des services de type "family office", comprenant des "services de conseils stratégiques et opérationnels", tels que "conseils fiscaux et juridiques aux actionnaires et aux membres de la famille, délocalisation et/ou domiciliation de la famille, établissement des déclarations d'impôts, gouvernance familiale, planification patrimoniale et fiscale".

A______/C______ SA y fait usage du logo suivant :

[image]

La page d'accueil du site internet www.A______/C______[acronyme]sa.ch se présente comme suit :

[image]

f. La FONDATION A______ a déposé, en mai 2019, plusieurs autres marques contenant le terme "A______", soit :

-          "A______ Pension 2______" (marque n. 3______),

-          "A______ Pension Fund" (marque n. 4______),

-          "A______ 5______ management" (marque n. 6______),

-          "A______ 7______ management (marque n. 8______),

-          "A______/B______ SARL" (marque n. 9______),

-          "A______ 10______" (marque n. 11______),

-          "A______12______" (marque n. 13______),

-          "A______ 14______" (marque n. 15______) et

-          "A______16______" (marque n. 17______).

Comme pour la marque "A______", l'enregistrement de ces autres marques s'étend aux classes de Nice 35, 36 et 38.

g. Par courrier de ses conseils du 1er avril 2020, la FONDATION A______, alors titulaire de la marque "A______", a annoncé à A______/C______ SA que l'utilisation du terme "A______" dans sa raison sociale et sur son site internet entraînait un risque de confusion considérable entre cette société et elle-même, et contrevenait par-là aux règles applicables en matière de protection des marques et de concurrence déloyale.

Elle a invité A______/C______ SA à la contacter en vue de négocier une solution transigée, tout en se disant déterminée à procéder par toute voie de droit utile afin que celle-ci cesse d'utiliser le terme "A______" en relation avec ses services financiers.

Le ______ avril 2020, A______/C______ SA a déposé la marque combinée n. 18______, qui se présente comme suit :

[image]

Cette marque couvre notamment les services financiers en classe de Nice 36, dont les services de gestion financière, les services de gestion d'actifs et de patrimoine pour des clients privés, commerciaux et institutionnels, la gestion financière via internet, la gestion des fonds de retraite, des fonds de pension et de fonds communs de placement et la gestion de caisse de pensions. Elle couvre également les services de gestion des affaires commerciales en classe de Nice 35.

h. Par courrier du 9 juillet 2020, A______/C______ SA a répondu être en discussion avec M______, alors directeur de la FONDATION A______, et demeurer dans l'attente que celui-ci la recontacte afin de trouver une issue négociée.

i. Le ______ août 2020, la FONDATION A______ a déposé la marque "A______/C______" (n. 19______).

j. A______/B______ SARL est une société à responsabilité limitée, active notamment dans la prestation de services fiduciaires.

Elle a été inscrite au Registre du commerce genevois le ______ octobre 2021.

A______/B______ SARL et la FONDATION A______ sont des entités proches, la première fournissant notamment divers services administratifs à la seconde.

Le ______ décembre 2021, A______/B______ SARL a déposé la marque combinée n. 20______ :

[image]

Cette marque est également protégée en classes de Nice 35, 36 et 38, pour des services enregistrés similaires à ceux de la marque verbale "A______".

k. Selon l'index central des raisons de commerce, à ce jour, une trentaine d'entreprises au moins, actives dans divers domaines et sises dans la région D______, utilisent également la dénomination "A______" dans leur raison sociale.

Tel est notamment le cas de N______/A______ SA à O______ [VD], de A______/P______ SA à Q______ [VD], de A______/R______ SA et de A______/S______ SARL à T______ [VD], de A______/U______ SA à V______ [VD], de W______/A______ SA à X______ [VD] et de A______/Y______ SARL à Z______ [VD].

l. Selon SWISSREG, qui est l'organe de publication officiel de l'IPI, N______/A______ SA et d'autres entreprises, qui ne comprennent pas le terme "A______" dans leur raison sociale, ont par ailleurs enregistré la marque verbale "A______" en relation avec d'autres activités, différentes de celles de A______/B______ SARL et de la FONDATION A______.

Tel est notamment le cas de AA______ SA, qui a enregistré la marque "A______" en relation avec des produits horlogers (classe de Nice 14).

m. Le 11 janvier 2022, la FONDATION A______ a transféré à A______/B______ SARL toutes les marques dont elle était titulaire.

n. M______, qui disposait d'un pouvoir de signature collective à deux, a quitté la FONDATION A______ dans le courant de l'année 2022.

o. Au début du mois de novembre 2022, AB______, nouvellement nommé directeur général de la FONDATION A______, a pris contact avec l'administrateur de A______/C______ SA, AC______, au cours de plusieurs entretiens téléphoniques.

p. A la même époque, A______/C______ SA a changé le nom de domaine de son site internet, qui était précédemment www.A______/C______[acronyme partiel].ch, en www.A______/C______[acronyme]sa.ch.

q. Par courriel du 23 novembre 2022, AB______ a déclaré résumer à AC______ la teneur de ses entretiens téléphoniques avec celui-ci.

Il a notamment exposé que A______/B______ SARL était désormais titulaire des marque "A______" et "A______/C______" et que les tentatives effectuées depuis deux ans pour résoudre le litige n'avaient pas permis de parvenir à un accord autorisant A______/C______ SA à utiliser ces deux marques. A titre d'ultime proposition et afin d'éviter une procédure judiciaire, il a offert à celle-ci d'exploiter la marque "A______/C______" moyennant le versement d'une somme de 2'500 fr. par mois à A______/B______ SARL, et ce pour une durée de cinq ans. Il a invité A______/C______ SA à se déterminer sur cette proposition le 30 novembre 2022 au plus tard.

r. A______/C______ SA n'a pas pris position sur la proposition susvisée, malgré un courrier de relance du conseil de la FONDATION A______ du 7 décembre 2022.

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 2 mars 2023, A______/B______ SARL et la FONDATION A______ ont formé contre A______/C______ SA une action en cessation de trouble.

Principalement, elles ont conclu à ce qu'il soit fait interdiction à celle-ci, avec effet immédiat, d'utiliser en Suisse la dénomination "A______" dans sa raison sociale, dans sa publicité, dans ses papiers d'affaires, sur son site internet ou de quelque autre manière dans ses affaires, en relation avec des services financiers, d'assurances, de prévoyance professionnelle ou de gestion des affaires commerciales, y compris avec la gestion de patrimoines, le conseil en matière d'investissement et les services de conseils y relatifs, et à ce que A______/C______ SA soit condamnée à requérir à ses frais la modification de sa raison sociale au Registre du commerce afin d'en supprimer la dénomination "A______" dans un délai de 30 jours à compter de l'entrée en force de l'arrêt à rendre.

Elles ont également conclu à ce que l'interdiction et la condamnation susvisées soient prononcées sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, ainsi que d'une amende d'ordre de 1'000 fr. par jour d'inexécution, et à ce qu'elles-mêmes soient autorisées à faire publier, aux frais de A______/C______ SA, le dispositif de l'arrêt à rendre, dès son entrée en force, dans deux journaux suisses romands de leur choix, le coût de chaque publication ne devant pas dépasser 10'000 fr., sous suite de frais et dépens.

b. Dans sa réponse, A______/C______ SA a conclu principalement au déboutement de A______/B______ SARL et de la FONDATION A______ de toutes leurs conclusions, ainsi que, reconventionnellement, au prononcé de la nullité de la marque "A______", avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d.a A l'audience de la Cour du 22 mai 2024, le président du conseil de la FONDATION A______, AD______, également associé gérant de A______/B______ SARL, a déclaré que, dès le départ, il avait été important pour les deux entités susvisées de déposer la marque "A______" et d'assurer sa protection. Les clients des deux entités n'étaient pas les mêmes : la clientèle de la FONDATION A______ était constituée de personnes privées déposant leurs avoirs au sein de la fondation, tandis que celle de A______/B______ SARL était plutôt institutionnelle. Cette dernière société avait des contacts avec des institutions financières et des banques, notamment dans le cadre de la promotion de fonds de placements. Elle n'exerçait aucune activité de gestion de fortune, mais conseillait en finance, en patrimoine. Deux de ses directeurs étaient inscrits au Registre des conseillers financiers. Elle n'avait pas développé plus avant sa volonté d'avoir le statut d'intermédiaire financier. A sa connaissance, il n'y avait eu aucun passage de clients de la FONDATION A______ ou de A______/B______ SARL à A______/C______ SA.

Le choix du terme "A______" s'inscrivait dans une stratégie consistant à mettre en avant le côté romand, car toutes les autres sociétés dans ce domaine étaient basées en Suisse alémanique. Le terme "A______", sans accent, était également compréhensible facilement par les alémaniques. Cela permettait aussi d'envisager un développement outre-Sarine. Le dépôt de la marque figurative "*A______" en décembre 2021 s'inscrivait également dans la stratégie de développement de la marque. L'étoile correspondait à [D______] qui tournait sur 360 degrés et l'enregistrement de la marque n'avait donné lieu à aucune opposition. En 2019, la FONDATION A______ avait par ailleurs déposé onze marques contenant le mot "A______", l'idée étant que chacune d'elles recouvre un service proposé par la fondation. La marque "A______/C______", inscrite en 2020, avait sa propre portée. Elle avait été inscrite sans corrélation avec les discussions alors en cours avec A______/C______ SA. Aucun accord n'avait été conclu entre M______ et AC______ quant à l'utilisation du terme "A______". Un tel accord n'aurait pas pu être conclu oralement s'agissant d'une licence de marque, dans un domaine aussi compétitif et régulé.

d.b AE______, associé gérant de A______/B______ SARL, a déclaré que cette société exerçait une activité de conseil dans le domaine financier et était inscrite auprès de l'Association [patronale] AF______, mais qu'elle n'avait pas déposé en l'état de demande d'autorisation auprès de la FINMA pour exercer en en tant que gestionnaire de fortune. A sa connaissance, A______/C______ SA n'avait pas fait suivre à A______/B______ SARL de clients qui se seraient adressés à elle, alors qu'ils souhaitaient des conseils en matière de prévoyance professionnelle. Il n'avait pas non plus connaissance de clients qui se seraient adressés par erreur à A______/C______ SA, en pensant s'adresser à A______/B______ SARL ou à la FONDATION A______.

d.c Le directeur de la FONDATION A______, AB______, a déclaré qu'il avait été informé du litige à son arrivée en 2022. Il avait consulté le dossier et n'y avait quasiment rien trouvé, ni note manuscrite de M______, ni échange d'e-mails. Or, si un accord avait été conclu, il aurait nécessairement été formalisé par écrit. Il avait alors contacté AC______ par téléphone, puis lui avait adressé un courriel pour récapituler la situation. Celui-ci n'avait cependant pas donné suite aux mises en demeure qui lui avaient été adressées.

d.d Pour le compte de A______/C______ SA, AC______ a déclaré que celle-ci avait essentiellement une clientèle privée française et que son nom avait été choisi pour souligner le lien avec la Romandie, respectivement avec la Suisse et ses valeurs. Lui-même venait de O______, où [l'établissement] N______/A______ était connue. L'inscription de A______/C______ SA au registre du commerce n'avait rencontré aucun problème. Il avait vérifié les raisons de commerce contenant le mot "A______", mais n'avait pas fait de vérification auprès de l'Institut de la propriété intellectuelle, ignorant la possibilité d'un telle démarche. Il était intermédiaire financier dans la gestion de fortune et sa société s'occupait de gestion de fortune en qualité de tiers-gérant. Il avait uniquement des mandats de gestion de la part de ses clients français.

Au moment de la création du site internet de la société, celle-ci avait simplement cherché un nom de domaine disponible. Sa raison sociale complète étant trop longue, le nom de domaine www.A______/C______[acronyme partiel].ch avait été choisi. Il avait lui-même donné pour instruction de faire au plus simple, le but étant d'avoir une visibilité auprès de la clientèle étrangère. Il fallait évidemment inclure le terme "A______" sur le site. Le logo de la marque "*A______/C______[acronyme]" représentait un voilier avec [l'initiale] de "A______". Lorsque l'employé chargé de la gestion du site avait quitté la société, celui-ci lui avait demandé de payer pour conserver l'adresse www.A______/C______[acronyme partiel].ch. Lui-même avait refusé et changé alors l'adresse en www.A______/C______[acronyme]sa.ch.

Il avait rencontré M______, qui s'était présenté comme directeur de la plateforme de prévoyance. Celui-ci lui avait dit qu'il y avait un problème avec l'utilisation du nom "A______", qui était protégé. M______ était cependant d'accord pour que A______/C______ SA conserve son nom, pour autant qu'elle s'engage à envoyer à la plateforme des clients ayant des besoins en matière de prévoyance. Ses clients français et européens n'avaient pas de tels besoins, mais la société avait engagé un employé pour développer la clientèle suisse, qui aurait pu être dirigée vers la plateforme de prévoyance. Sa société n'était pas en concurrence avec ladite plateforme, tout cela s'était fait en bonne intelligence, raison pour laquelle cela n'avait pas été formalisé. Il n'avait pas donné suite aux mises en demeure de AB______, parce qu'il y avait un accord, ce qu'il lui avait dit, et que les sociétés ne se faisaient pas concurrence. Elles n'exerçaient pas du tout la même activité.

e. Entendu comme témoin, M______ a déclaré qu'il était chargé de développer le marché des courtiers pour la FONDATION A______. Il n'était pas employé de celle-ci, mais travaillait en freelance. Il ne disposait pas d'un pouvoir de signature individuelle et avait mis fin à sa collaboration avec la fondation en 2022, car cela ne s'était pas très bien passé. A la demande de AD______, il avait rencontré AC______ à une reprise, à propos de l'utilisation du nom "A______". Celui-ci lui avait dit qu'il pourrait qu'il pourrait être intéressant de travailler ensemble, puisque A______/C______ SA était active dans la finance. Elle aurait pu avoir des clients intéressés par des questions de libre passage. Lui-même était retourné vers AD______ en lui disant que des synergies étaient possibles. Il n'avait ensuite plus entendu parler de ce dossier, qui ne lui avait pas paru revêtir une importance particulière aux yeux de AD______. Lui-même savait que la société A______/B______ SARL avait été créée, mais ignorait alors tout des questions de marques. Il ne savait pas si une marque avait été déposée ou non lorsqu'il avait rencontré AC______.

f. Dans leurs plaidoiries finales écrites, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

g. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 30 août 2024.

EN DROIT

1.             1.1 La Cour de justice est compétente à raison de la matière pour connaître, en qualité d'instance cantonale unique, des litiges portant sur des droits de propriété intellectuelle, sans égard à la valeur litigieuse (art. 5 al. 1 let. a CPC; art. 120 al. 1 let. a LOJ). Elle l'est également pour connaître des litiges relevant de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale, lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. art. 5 al. 1 let. d CPC; art. 120 al. 1 let. a LOJ.

En l'espèce, les parties demanderesses fondent leurs conclusions tant sur la loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (ci-après : LPM) que sur la loi susvisée contre la concurrence déloyale (ci-après : LCD). Il n'est pas contesté que la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr., ni que la Cour de céans est dès lors compétente ratione materiae pour statuer sur l'ensemble du litige.

1.2 Les violations de la LPM et de la LCD alléguées par les demanderesses produisant notamment leur effet au siège de celles-ci, qui est situé à Genève, la Cour est également compétente à raison du lieu pour connaître de la demande (art. 36 CPC), ce qui n'est pas contesté.

1.3 Respectant les exigences de forme prévues aux art. 130ss et 221ss CPC, la demande est ainsi recevable.

1.4 Formulées dans la réponse à la demande et reposant sur le même fondement, les conclusions reconventionnelles de la défenderesse en annulation de marque sont également recevables (art. 224 CPC), ce qui n'est pas contesté.

2.             Les demanderesses soutiennent tout d'abord que la défenderesse ferait dans son activité un usage illicite de la marque verbale "A______", dont elles sont titulaires en relation avec les types de services concernés.

2.1 La marque, qui peut notamment revêtir la forme d'un ou de plusieurs mots (art. 1 al. 2 LPM), a une fonction de différenciation, dans l'intérêt de l'entreprise. Selon la jurisprudence, son rôle est de distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises; son but est d'individualiser les prestations ainsi désignées et de les différencier des autres, de telle sorte que le consommateur puisse retrouver, dans l'abondance de l'offre, un produit ou un service qu'il apprécie (art. 1 al. 1 LPM ; ATF 122 III 382 consid. 1; 122 III 469 consid. 5f; 119 II 473 consid. 2c).

Pour être protégée par la LPM, une marque doit en principe être enregistrée dans le registre des marques (art. 5 LPM), avec l'indication des produits et/ou des services auxquels elle se rapporte (Tissot et al., Propriété intellectuelle, Berne 2019, p. 121, n. 315).

2.1.1 La protection n'est accordée à une marque inscrite que pour autant qu'elle soit utilisée en relation avec les produits ou les services enregistrés (art. 11 al. 1 LPM). L’usage d'une forme de la marque ne divergeant pas essentiellement de la marque enregistrée sont assimilés à l’usage de la marque (al. 2).

L'usage doit intervenir conformément à la fonction de la marque, pour distinguer les produits ou les services; en d'autres termes, la marque doit être utilisée de telle façon que le marché y voie un signe distinctif, condition qui est remplie dès que la marque est apposée sur la marchandise ou son emballage (ATF 139 III 424 consid. 2.4; 88 II 28 consid. II/3b). L'usage de la marque doit être sérieux. Notamment, un usage purement symbolique, fait à seule fin de ne pas perdre le droit à la marque, ne suffit pas (arrêt du Tribunal fédéral 4A_257/2014 du 29 septembre 2014 consid. 3.4). L'usage doit revêtir une certaine constance. Une utilisation sporadique ne suffit pas à maintenir le droit à la marque (Meier, Commentaire romand, Propriété intellectuelle, 2013, n. 19 ad art. 11 LPM).

Quiconque invoque le défaut d’usage doit le rendre vraisemblable; la preuve de l’usage incombe alors au titulaire (art. 12 al. 3 LPM).

2.1.2 Pour déterminer si les produits ou les services en relation avec lesquels la marque est utilisée figurent sur la liste enregistrée, on se fondera en premier lieu sur la classification de Nice, en prenant en considération les révisions et modifications dont elle a fait l'objet. On tiendra aussi compte du langage courant ou de la terminologie utilisée dans le secteur économique concerné (Meier, op. cit., n. 24 ad art. 11 LPM).

Afin d'obtenir une protection complète d'une marque, les titulaires ont souvent recours en pratique à une description très large et très ouverte de leurs produits ou de leurs services. En particulier, ils utilisent souvent les termes génériques de la classification de Nice, ce d'autant que cela facilite l'enregistrement. La question se pose dès lors de savoir si l'usage de la marque pour certains produits relevant d'un terme générique est considéré comme un usage de l'ensemble du terme générique enregistré, ou s'il est limité aux différents types produits particuliers pour lesquels la marque est utilisée (Volken, Basler Kommentar, Markenschutzgesetz, 3e éd., 2017, n. 40 ad art. 11 LPM; Meier, op. cit., n. 25 ad art. 11 LPM).

Le Tribunal fédéral n'a pas formellement tranché cette question et celle-ci est controversée en doctrine. Dans un arrêt B-5871/2011 du 4 mars 2013, le Tribunal administratif fédéral a notamment considéré que la protection d'une marque ne peut pas s'étendre à des produits et services qui relèvent certes d'un terme générique large contenu dans l'enregistrement de ladite marque, mais qui ne sont pas attendus comme une offre future possible au vu de l'usage effectif de cette marque. Pour les termes génériques sémantiquement larges dans la liste des produits et services enregistrés, des utilisations isolées pour des produits individuels sont d'autant moins suffisantes que ceux-ci sont atypiques et non spécifiques pour le terme générique concerné et que d'autres produits ou services couverts par ledit terme générique s'en distinguent fortement. Inversement, un terme générique est d'autant plus facilement couvert dans son ensemble par un mode d'utilisation que ce dernier représente un cas typique de ce terme générique, que plusieurs utilisations de la marque pour différents produits du terme générique se combinent pour donner l'impression d'une offre de produits cohérente sous ladite marque et que le terme générique en tant que tel est étroit et précis (consid. 2.3 in fine).

Cette opinion est partagée par l'un des auteurs cités ci-dessus (Volken, op. cit., n. 42ss ad art. 11 LPM, en particulier n. 55 ad art. 11 LPM). Pour un autre auteur, il convient au contraire d'interpréter l'art. 11 al. 1 LPM à la lettre, tant dans le procès civil qu'au cours de la procédure d'opposition, en ce sens que le droit à la marque ne doit être reconnu ou maintenu que pour les produits et services en relation avec lesquels ladite marque est utilisée (Meier, op. cit., n. 25 ad art. 11 LPM).

2.2 En l'espèce, les demanderesses se prévalent de la marque verbale "A______", enregistrée le ______ juin 2018 sous n°1______, mais ne démontrent pas qu'elles feraient usage de cette marque seule dans leurs activités, sans adjonction systématique des termes "Pension 2______" ou dans l'adresse www.2______A______.ch, notamment sur internet. Le site internet des demanderesses présente un logo dans lequel le terme "A______" est suivi des termes "pension 2______", certes en plus petits caractères, mais de façon discernable par le public, et les articles de presse produits par les demanderesses se réfèrent dans leur très large majorité, si ce n'est exclusivement, aux services de celles-ci comme étant offerts sur la plateforme numérique "A______ Pension 2______" et non sur la plateforme "A______". Les demanderesses ne produisent aucun exemple, tel qu'un support publicitaire, une correspondance ou autre papier d'affaires, indiquant qu'elles offriraient leurs services sous la seule dénomination "A______", et n'allèguent pas qu'elles le feraient. Or, les termes "A______ Pension 2______" ou www.2______A______.ch divergent notablement de la marque litigieuse "A______", et suffisamment pour qu'il faille admettre que leur usage n'équivaut pas à un usage de cette marque. Cela est corroboré par le fait que les demanderesses ont déposé, à une date ultérieure, la marque n. 3______ "A______ Pension 2______", ainsi que d'autres marques dans lesquelles le terme "A______" est accompagné de mots ou d'acronymes relatifs aux prestations offertes par les demanderesses, ce qui tend à démontrer que celles-ci considèrent elles-mêmes de telles combinaisons de mots comme des marques distinctes de la marque "A______". Pour ce motif déjà, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande sur la base de la marque revendiquée.

A cela s'ajoute qu'en l'espèce, à supposer que l'usage du terme "A______" en combinaison avec d'autres termes spécifiques constitue un usage de la marque litigieuse "A______", les demanderesses ne démontrent pas qu'elles en feraient usage en relation avec la totalité des services pour lesquels elles ont enregistré ladite marque, en particulier avec les services proposés par la défenderesse. En l'occurrence, l'enregistrement de la marque susvisée comprend une liste de plusieurs dizaines de services dans trois classes différentes. Les demanderesses ne démontrent pas qu'elles seraient actives dans la gestion de fortune (enregistrée en classe 36), qui est l'activité principale de la défenderesse, ni qu'elles offriraient effectivement des services de type "family office" également offerts par celle-ci, soit des services de conseil fiscaux et juridiques aux particuliers, de délocalisation/domiciliation, d'établissement de déclarations d'impôts et de planification successorale, susceptibles de correspondre à un ou plusieurs des services enregistrés par les demanderesses en classe 35. Les demanderesses ne démontrent pas non plus, ni n'allèguent réellement, que les services qu'elles offrent sont à ce point typiques et/ou étendus dans chacune des classes susvisées qu'il faudrait s'attendre à ce qu'elles puissent également offrir d'autres services couverts par les termes enregistrés à l'avenir, y compris les services offerts par la défenderesse, de sorte que la protection de leur marque devrait s'étendre à l'ensemble des activités couvertes par les termes génériques utilisés par la classification de Nice, soit notamment l'intégralité des "services financiers" de la classe 36 ou des "services de gestion" et "travaux de bureau" de la classe 35. Devant la Cour, les demanderesses ont au contraire reconnu qu'elles n'exerçaient aucune activité de gestion de fortune et relevé qu'elles n'avaient pas d'intention développée d'acquérir le statut d'intermédiaire financier, nécessaire à l'exercice de la gestion de fortune. Dans ces conditions, la protection de la marque litigieuse "A______" ne peut s'étendre qu'aux services effectivement offerts par les demanderesses, conformément aux principes rappelés ci-dessus, tels que les services de gestion d'avoirs de prévoyance et de conseils en matière de prévoyance, et ne couvre pas les services proposés par la défenderesse, qui sont de nature différente. Pour ce motif également, les prétentions des demanderesses sont infondées en tant qu'elles reposent sur la marque susvisée.

3.             Alternativement, les demanderesses se fondent sur la prohibition des actes de concurrence déloyale. Elles soutiennent notamment que l'usage du terme "A______" par la défenderesse dans ses activités entraînerait un risque de confusion avec leurs propres activités.

3.1 En vertu de l'art. 2 LCD, est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commercial qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients.

Pour être déloyal au sens de cette disposition, le comportement doit avoir un impact sur la concurrence, à savoir affecter sensiblement, de manière tangible, le marché. Cette exigence vise à exclure les cas bagatelles qui n'auraient qu'un impact théorique de peu d'importance, sur la base d'un examen des intérêts touchés, du nombre de personnes concernées et du danger qu'un tel comportement soit imité par d'autres personnes ou entreprises (Pichonnaz, in Commentaire romand, Loi sur la concurrence déloyale, 2017, n. 54 et 55 ad art. 2 LCD).

3.1.1 Agit de façon déloyale celui qui, notamment, prend des mesures qui sont de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d'autrui (art. 3 al. 1 let. d LCD).

La notion de risque de confusion est la même dans tout le droit relatif aux signes distinctifs (ATF 131 III 572 consid. 3; 128 III 401 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 4A_167/2019 du 8 août 2019 consid. 3.1.1).

Savoir si deux signes sont suffisamment distincts l'un de l'autre se détermine sur la base de l'impression d'ensemble que ces signes donnent au public. Un risque de confusion existe lorsque la fonction distinctive du signe antérieur est atteinte par l'utilisation du signe le plus récent. Des personnes qui ne sont pas titulaires du droit exclusif à l'usage d'un signe peuvent provoquer, en utilisant des signes identiques ou semblables à celui-ci, des méprises en ce sens que les destinataires vont tenir les personnes ou les objets distingués par de tels signes pour ceux qui sont individualisés par le signe protégé en droit de la propriété intellectuelle (confusion dite directe). La confusion peut également résider dans le fait que, dans le même cas de figure, les destinataires parviennent certes à distinguer les signes, par exemple des raisons sociales, mais sont fondés à croire qu'il y a des liens juridiques ou économiques entre l'utilisateur de la raison et le titulaire de la raison valablement enregistrée (confusion dite indirecte; ATF 131 III 572 consid. 3; 128 III 146 consid. 2a; 127 III 160 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_167/2019 cité consid. 3.1.1).

Il est possible pour celui qui emploie un signe similaire voire identique à celui d'un signe plus ancien de se distinguer en le complétant avec des éléments additionnels qui l'individualisent. Tous les éléments additionnels n'ont cependant pas la même force distinctive. A cet égard, ne sont généralement pas suffisants les éléments descriptifs qui ont trait à la forme juridique ou au domaine d'activité de l'entreprise (ATF 131 III 572 consid. 3; 100 II 224 consid. 3; 97 II 153 consid. 2b-g). La jurisprudence retient que les exigences posées quant à la force distinctive des éléments additionnels ne doivent pas être exagérées lorsque ceux-ci viennent compléter des désignations génériques, le public n'attribuant qu'une importance limitée aux éléments génériques et accordant plus d'attention aux autres composants de la raison sociale (ATF 131 III 572 consid. 3; 122 III 369 consid. 1).

Différents critères doivent par ailleurs être pris en compte lors de l'appréciation du risque de confusion (Kuonen in Commentaire romand, Loi sur la concurrence déloyale, n. 47ss ad art. 3 al. 1 let. d LCD). Il faut en effet examiner si les prestations se ressemblent ou sont identiques, ce qui accroit le risque de confusion. Il en va de même si les prestations sont de consommation courante, de masse ou à bas prix ou si le cercle des destinataires des prestations se recoupent ou se confondent.

3.1.2 L'art. 3 al. 1 let. e LCD prévoit qu'agit de façon déloyale celui qui compare, de façon inexacte, fallacieuse, inutilement blessante ou parasitaire sa personne, ses marchandises, ses œuvres, ses prestations ou ses prix avec celles ou ceux d’un concurrent ou qui, par de telles comparaisons, avantage des tiers par rapport à leurs concurrents.

Cette disposition tend notamment à sanctionner le parasitisme. Selon le Tribunal fédéral, les comportements par lesquels un concurrent se rapproche sans nécessité de la prestation d'autrui ou en exploite la renommée sont déloyaux, indépendamment du risque éventuel de confusion (ATF 135 III 446 consid. 7.1).

Le parasitisme peut s'opérer de diverses manières. Le parasitage "ouvert" consiste dans la référence expresse à la prestation d'un concurrent, sans nécessairement faire usage de son nom, mais en recourant à des signes ou traits distinctifs similaires, voie identiques. Le parasitisme "dissimulé" consiste à emprunter des signe distinctifs d'une prestation concurrente, sans référence expresse à celle-ci, mais pour obtenir dans l'esprit du public un rapprochement avec la prestation concurrente (Kuonen, op. cit., n. 38 ad art. 3 al. 1 let. e LCD).

3.2 En l'espèce, la demanderesse FONDATION A______ a fait usage du terme "A______", dans sa raison sociale au moins, dès le début de l'année 2018, étant elle-même inscrite au registre du commerce le ______ février 2018 et la marque verbale "A______" étant déposée à son nom dès le ______ janvier 2018. La défenderesse a pour sa part débuté son activité au mois d'août 2018, date de son inscription au registre du commerce, sous sa raison sociale A______/C______ SA. L'usage du terme "A______" par la demanderesse susvisée est donc plus ancien. L'ajout par la défenderesse des termes "C______" au terme "A______" dans sa raison sociale, ainsi que la précision de sa forme juridique ("SA"), bien que peu distinctifs par nature, permettaient alors de la différencier suffisamment de la demanderesse susvisée. Compte tenu du fait que les deux entreprises étaient alors au début de leur activité, l'utilisation du terme "A______" par la défenderesse ne procédait d'aucun parasitisme, soit d'aucune volonté de se rapprocher des prestations de la demanderesse concernée, ni de bénéficier de sa réputation, au sens des principes rappelés ci-dessus.

Aujourd'hui, les demanderesses font certes usage des termes "A______ Pension 2______", qu'il est plus difficile de distinguer des termes "A______ C______" figurant dans la raison sociale de la défenderesse. Il n'est cependant pas établi que les demanderesses, soit notamment la demanderesse FONDATION A______, aient fait usage de la combinaison de termes "A______ Pension 2______" avant que la défenderesse n'utilise sa raison sociale "A______/C______ SA" dans ses affaires et sur internet, étant observé que la marque correspondante "A______ Pension 2______" n'a été déposée par les demanderesses qu'au mois de mai 2019. Aucune atteinte à la force distinctive d'un signe antérieur, et donc aucun risque de confusion, ne peuvent donc être reprochés à la défenderesse de ce point de vue.

La défenderesse a ajouté à sa raison sociale, sur internet du moins, un logo qu'elle décrit comme la représentation d'un ______ [allusion à D______] et de la lettre "______" [initiale de A______]. Elle a également enregistré ce logo comme marque en relation avec l'acronyme "A______/C______". Par cet ajout, la défenderesse cherche apparemment à distinguer ses services de ceux d'autres acteurs économiques utilisant la dénomination "A______", tels que les demanderesses. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, l'usage de cet élément original individualise ses prestations, au même titre que les termes descriptifs "C______", et est de nature à éviter les risques de confusion. Il est vrai que les demanderesses font elle-même sur leur plateforme usage d'un logo en étoile, au côté des termes "A______ Pension 2______", dans une présentation assez similaire. Là encore, il n'est cependant pas établi que l'usage de ce logo en étoile par les demanderesses serait antérieur à celui de son propre logo par la défenderesse. Les demanderesses n'ont en effet déposé leur logo comme marque, en combinaison avec le terme "A______", qu'au mois de décembre 2021, tandis que la défenderesse a déposé le sien, en combinaison avec l'acronyme "A______/C______", au mois d'avril 2020. Cela tend à démontrer que la défenderesse a fait usage du symbole susvisé avant les demanderesses; on ne discerne donc pas là d'atteinte à signe distinctif antérieur, ni d'intention de parasitisme, au sens des principes rappelés ci-dessus, susceptibles d'être reprochées à la défenderesse.

Le même raisonnement s'applique mutatis mutandis aux sites internet respectifs des parties, dont les demanderesses invoquent l'apparence similaire. Il n'est notamment pas allégué ni démontré que le site internet de celles-ci aurait été mis en ligne avant celui de la défenderesse. Les demanderesses allèguent en effet que le nom de domaine d'abord utilisé par la défenderesse (www.A______/C______[acronyme partiel].ch) a été enregistré au mois de septembre 2018 et qu'elles-mêmes exploitent leur propre plateforme depuis 2018, sans plus de précisions, ce qui ne permet pas de retenir une antériorité en leur faveur. Au demeurant, la présentation des sites internet des parties, y compris leur couleur dominante bleue, est courante et ne présente que peu d'originalité, de sorte que l'on ne saurait y voir la reprise d'éléments réellement distinctifs d'une partie plutôt que d'une autre.

3.3 A cela s'ajoute qu'en l'espèce, les activités des parties sont pour partie différentes et qu'elles ne s'adressent pas au même public. Les demanderesses sont en effet actives dans la prévoyance professionnelle; leurs prestations s'adressent aux employés et aux employeurs suisses, privés comme institutionnels. La défenderesse est active essentiellement dans la gestion de fortune et ses services visent une clientèle étrangère, non active professionnellement en Suisse. Si l'ancien directeur des demanderesses entendu comme témoin a certes déclaré que les parties auraient pu collaborer, en raison d'une certaine complémentarité de leurs prestations, un responsable de la demanderesse A______/B______ SARL a quant à lui affirmé devant la Cour que la défenderesse n'avait adressé à celle-ci aucun client susceptible d'être conseillé en matière de prévoyance professionnelle. Le même responsable a reconnu qu'il n'avait pas davantage connaissance de personnes qui se seraient adressées par erreur à la défenderesse en pensant contacter les demanderesses, tandis que le fondateur de la demanderesse FONDATION A______ a pour sa part déclaré qu'aucun client des demanderesses n'avait à sa connaissance quitté celles-ci pour la défenderesse. Ces déclarations confirment qu'il n'existe pas de risque de confusion entre les parties, ce d'autant que celles-ci n'offrent pas de services de consommation courante. Ainsi, le comportement que les demanderesses reprochent à la défenderesse n'a aucun impact en termes de concurrence, ni n'affecte le marché dans lequel celles-ci sont actives.

Il n'y a dès lors pas davantage lieu de faire droit aux conclusions des demanderesses sur la base du droit de la concurrence. A toutes fins utiles, il est observé que l'absence de risque de confusion, telle que retenue ci-dessus, conduirait à rejeter également la demande s'il fallait admettre que les demanderesses étaient par hypothèse fondées à se prévaloir d'une antériorité de la marque "A______" en relation avec les prestations et service offerts par la défenderesse (cf. consid. 2 ci-dessus et art. 3 al. 1 let. c LPM).

Les conclusions des demanderesses ne sont donc pas non plus fondées pour ces motifs également.

4.             A titre reconventionnel, la défenderesse conclut au prononcé de la nullité de la marque verbale "A______" détenue par les demanderesses. Elle soutient que le terme "A______" serait une indication de provenance géographique, non susceptible d'être protégée par le droit des marques.

4.1 En vertu de l'art. 2 let. a LPM, sont exclus de la protection les signes appartenant au domaine public, sauf s'ils se sont imposés comme marques pour les produits ou les services concernés.

Selon une pratique constante, les désignations décrivant notamment la nature ou la qualité du produit ou du service auquel la marque s'applique font partie du domaine public. Des expressions de la langue anglaise peuvent entrer en considération, pour autant qu'elles soient compréhensibles pour une partie non insignifiante du public suisse (ATF 129 III 225 consid. 5.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 4A_168/2010 du19 juillet 2010 consid. 4.3.1).

Les noms de continents, de pays, de régions, de cantons, de localités ou de vallées appartiennent au domaine public lorsqu'ils sont perçus par les acheteurs concernés comme une référence descriptive directe à la provenance géographique des produits ou des services concernés. Le caractère distinctif originaire fait alors défaut. Sont également exclus de la protection de l'art. 2 let. a LPM les noms géographiques pour lesquels il existe un besoin de libre disposition, soit les noms de lieux qui sont susceptibles d'être utilisés comme référence descriptive. Dans les deux cas, on parle d'indications de provenance directes (ATF 128 III 454 consid. 2.1, JdT 2003 I 386; Meier/Fraefel, Commentaire romand, Propriété intellectuelle, 2013, n. 55 ad art. 2 LPM).

Les indications de provenance indirectes sont celles qui ne renvoient pas expressément à un lieu précis, mais s'y réfèrent au moyen de symboles verbaux ou figuratifs, tels que des noms de montages, de lacs ou de personnages historiques. Un même lieu est susceptible de constituer une indication de provenance directe ou indirecte selon les produits ou les services concernés. Ainsi, le nom d'une montagne connue peut être descriptif pour des eaux minérales, et former une référence indirecte à la provenance pour des vêtements. Les références indirectes à un lieu géographique peuvent en principe être enregistrées comme marques, sous réserve d'un motif de refus lié à la tromperie. Les indications de provenance indirectes qui sont usuelles dans le commerce pour désigner les produits ou les services concernés font partie du domaine public (Meier/Fraefel, loc. cit. et les références citées).

4.2 En l'espèce, le terme "A______" ne correspond pas au nom d'un lieu, ni dans l'une des langues nationales, ni en langue anglaise. Ce terme semble faire référence à [D______] ou à la région D______, sans que l'on puisse privilégier l'une ou l'autre de ces deux acceptions. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, le terme "A______" doit donc être considéré comme une indication de provenance indirecte, susceptible d'être enregistrée comme marque. Cela est d'ailleurs confirmé par le fait que la marque "A______" est aujourd'hui enregistrée en relation avec différents types de produits et de services, au nom de titulaires incluant ou non ledit terme dans leur raison sociale (ou de commerce).

L'usage du terme "A______" par les demanderesses ne procède par ailleurs d'aucune tromperie, celles-ci étant actives dans la région D______ et offrant leurs services à une clientèle située dans cette région, ce qui n'est pas contesté. La défenderesse n'allègue pas davantage, ni ne démontre, que l'usage du terme "A______" serait courant dans le domaine d'activité des demanderesses, en ce sens qu'un nombre significatif d'acteurs économiques dudit domaine aurait recours à ce terme pour désigner et offrir leurs services.

Par conséquent, il n'y a pas lieu de constater la nullité de la marque "A______" au motif que ce terme appartiendrait au domaine public. La défenderesse sera déboutée de ses conclusions reconventionnelles.

4.3 Il n'y a au surplus pas lieu d'examiner dans quelle mesure la marque susvisée pourrait être partiellement annulée au motif que les demanderesses n'en feraient qu'un usage partiel et n'offriraient pas, ni ne seraient susceptibles d'offrir à l'avenir, la totalité des services indiqués lors de son enregistrement. La défenderesse ne prend pas de conclusion précise à ce sujet, ni ne décrit clairement les services enregistrés qui feraient l'objet d'un défaut d'usage, au regard notamment de sa propre offre de services.

Partant, les parties seront déboutées de leurs conclusions respectives.

5.             Les frais judiciaires seront arrêtés à 5'000 fr. (art. 17 RTFMC) et mis pour quatre cinquièmes à la charge des demanderesses, qui succombent dans leurs conclusions, et d'un cinquième à la charge de la défenderesse, qui succombe dans les siennes (art. 105 al. 1; art. 106 al. 2 CPC). Ils seront compensés à hauteur de 4'000 fr. avec l'avance de frais de même montant fournie par les demanderesses, qui demeure acquise à l'Etat, et la défenderesse sera condamnée à verser le solde de 1'000 fr. (art. 111 al. 1 CPC).

Les demanderesses seront également condamnées à payer à la défenderesse les quatre cinquièmes de ses dépens, arrêtés à 6'000 fr. (art. 95 al. 1 let. b, art. 96 CPC, art. 84 RTFMC), soit un montant de 4'800 fr., débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevables la demande en cessation de trouble formée le 2 mars 2023 par la FONDATION DE LIBRE PASSAGE A______ et A______/B______ SARL contre A______/C______ SA dans la cause C/3830/2023, ainsi que la demande reconventionnelle formée par A______/C______ SA dans sa réponse.

Au fond :

Déboute la FONDATION DE LIBRE PASSAGE A______ et A______/B______ SARL de toutes leurs conclusions.

Déboute A______/C______ SA de ses conclusions reconventionnelles.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 5'000 fr., les met pour quatre cinquièmes à la charge de la FONDATION DE LIBRE PASSAGE A______ et A______/B______ SARL, prises conjointement et solidairement, les met pour un cinquième à la charge de A______/C______ SA et les compense à hauteur de 4'000 fr. avec l'avance de frais de même montant fournie par la FONDATION DE LIBRE PASSAGE A______ et A______/B______ SARL, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______/C______ SA à payer à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, 1'000 fr. à titre de solde des frais judiciaires.

Condamne la FONDATION DE LIBRE PASSAGE A______ et A______/B______ SARL, prises conjointement et solidairement, à payer à A______/C______ SA 4'800 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Pauline ERARD, Monsieur
Cédric-Laurent MICHEL, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 


 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.