Décisions | Chambre civile
ACJC/1421/2024 du 12.11.2024 sur ORTPI/512/2024 ( OO ) , IRRECEVABLE
En droit
république et | canton de genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/6683/2023 ACJC/1421/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 12 NOVEMBRE 2024 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______, Dubaï, Emirats Arabes Unis, recourant contre une ordonnance rendue par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 avril 2024, représenté par Me Antonia MOTTIRONI, avocate, Ardenter Law, rue Verdaine 6, 1204 Genève,
et
1) Monsieur B______, domicilié ______ [GE],
2) Madame C______, domiciliée ______ [GE],
3) Madame D______, domiciliée ______ [GE],
4) Monsieur E______, domicilié ______ [GE],
tous intimés, représentés par Me Alec REYMOND, avocat, @lex Avocats, rue de Contamines 6, 1206 Genève.
A. a. Feu F______, décédée le ______ 2022 à Genève, a laissé pour héritiers son époux, B______, et leurs trois enfants, C______, D______ et E______.
b. Par demande introduite devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) le 24 août 2023, B______, C______, D______ et E______ (ci-après : les consorts B______/C______/D______/E______ ou les demandeurs) ont assigné A______ (ci-après également le défendeur) en paiement de 768'000 fr. avec intérêts à 10 % l'an dès le 14 mars 2022 et de 90'559 fr. 45.
Ils ont allégué que par contrat du 14 mars 2012 et avenant du 1er mars 2013, feu F______ avait prêté à son frère, A______, la somme de 1'000'000 fr. que celui-ci s'était engagé à lui rembourser d'ici le 14 mars 2022. Selon le contrat et son avenant, la somme prêtée portait intérêts à 1% l'an dès le 16 mars 2012, ceux-ci devant être payés à l'échéance du prêt; au-delà de cette échéance, tout solde impayé porterait intérêts à 10% l'an. A la date du 14 mars 2022, A______ restait devoir à sa sœur les sommes de 768'000 fr. en capital et de 90'559 fr. 45 en intérêts.
A titre d'offres de preuves, les consorts B______/C______/D______/E______ ont produit plusieurs pièces.
c. Par réponse du 20 novembre 2023, A______ a conclu à l'irrecevabilité, respectivement au rejet de la demande. Il a allégué, en substance, que le contrat du 14 mars 2012 et son avenant étaient des "papiers de pure forme" destinés à documenter un transfert bancaire de 1'000'000 fr. opéré par feu F______ au titre du prêt que celle-ci avait consenti non pas à lui-même mais à leur père, H______ – lequel avait besoin de cet argent pour régler un différend l'opposant à une cliente. A des fins fiscales et bancaires, il avait accepté de signer une "pseudo convention de prêt" à son nom et à faire transiter la somme prêtée par son compte bancaire. Il avait ensuite fait des paiements en faveur de sa sœur, pour un total de 232'000 fr., "dans un esprit d'entraide familiale". Il n'en restait pas moins que H______ était l'unique "débiteur réel, et bénéficiaire, de la créance dont [les consorts B______/C______/D______/E______] tent[aient] de se prévaloir auprès de [lui]".
A titre d'offres de preuves, A______ a produit plusieurs pièces.
d. Lors de l'audience de débats d'instruction du Tribunal du 22 janvier 2024, les consorts B______/C______/D______/E______ ont déposé une réplique spontanée et un bordereau de pièces complémentaires. Dans ladite réplique, ils se sont déterminés sur les allégués de la réponse, d'une part, et ils ont complété leurs allégués de fait et leurs offres de preuves, d'autre part. Sur ce dernier point, leur conseil a précisé : "Je sollicite l'audition uniquement de C______ en tant que partie
pour les allégués 173 et 174 [de la réplique] et celle de I______ en tant que témoin pour les allégués 171 et 172 [de la réplique]. Je n'ai pas d'autres allégués ou offres de preuves à formuler en l'état".
Le conseil de A______ a sollicité un délai pour se déterminer par écrit sur la réplique spontanée et ajouté : "Je sollicite l'audition de A______. En l'état, je ne sollicite pas l'audition de témoins mais sous réserve de la duplique".
Sur quoi, le Tribunal a imparti un délai au défendeur pour dupliquer et réservé la suite de la procédure.
e. A______ a dupliqué le 22 février 2024 et produit un chargé de pièces complémentaires. Il s'est déterminé sur les allégués de la réplique spontanée, d'une part, et a complété ses allégués de fait et ses offres de preuves, d'autre part.
Dans le "bordereau d'offres de preuves" annexé à sa duplique, A______ a récapitulé ses offres de preuves. Outre les pièces déjà produites, il a requis la production des pièces suivantes par les demandeurs : (i) l'ensemble des SMS, courriers et courriels échangés entre feu F______ et H______ "entre mars 2012 et le 27 mars 2022 en lien avec les faits litigieux, soit pour les allégués défendeur suivants […]"; (ii) l'ensemble des SMS, courriers et courriels échangés entre feu F______ et chacun des demandeurs "entre mars 2012 et le 27 mars 2022 en lien avec les faits litigieux, soit pour les allégués défendeur suivants […]". Il a par ailleurs requis sa propre audition et celle des demandeurs en lien avec plusieurs allégués formulés dans sa réponse et sa duplique.
Par pli de son conseil du même jour, A______ a précisé "être à la disposition" du Tribunal du 29 avril au 29 mai 2024. Vu son domicile à Dubaï, il sollicitait que l'audition des parties et des témoins soit planifiée la même semaine.
f. Par ordonnance de preuves ORTPI/284/2024 du 5 mars 2024, le Tribunal a autorisé les parties à apporter la preuve de leurs allégués (ch. 1 du dispositif), admis comme moyens de preuve – pour les demandeurs – l'interrogatoire et la déposition de C______ sur les allégués 173 et 174 "de la demande" et l'audition du témoin I______ sur les allégués 171 et 172 "de la demande" (ch. 2), admis comme moyens de preuve – pour le défendeur – l'interrogatoire et la déposition de A______ (ch. 3), imparti aux demandeurs un délai au 29 mars 2024 pour fournir l'adresse du témoin I______ et verser une avance de 100 fr. (ch. 4 et 5), imparti au défendeur un délai au 29 mars 2024 pour indiquer sur quels allégués il devait être entendu (ch. 6), dit qu'une audience de débats principaux serait fixée à l'échéance des délais pour procéder à l'audition des parties et du témoin (ch. 7), et transmis la duplique et le chargé de pièces du 22 février 2024 aux demandeurs (ch. 8).
g. Par courrier du 8 mars 2024, l'avocate de A______ s'est adressée au Tribunal en ces termes :
"Référence est faite à l'ordonnance [ORTPI/284/2024] notifiée en mon Etude le 6 mars 2024. Celle-ci contient manifestement une erreur puisque les moyens de preuves proposés par mon mandant dans sa duplique du 22 février 2024 et énumérés par bordereau d'offres de preuves déposé à la même date (ci-joint) ont été proposés en temps utile. L'ORTPI/284/2024 est pourtant muette sur la question de leur admission ou de leur rejet. Je ne peux qu'en déduire que votre Tribunal a réservé la décision sur ces moyens de preuves à un stade ultérieur de la procédure, ce que je vous saurais gré de bien vouloir me confirmer d'ici au mercredi 13 mars 2024. A défaut, mon mandant devra partir du principe que ces moyens de preuve ont été rejetés, sans motifs, et interjeter recours en conséquence".
h. Par ordonnance du 12 mars 2024, le Tribunal a communiqué le courrier précité aux consorts B______/C______/D______/E______, imparti à ceux-ci un délai au 11 avril 2024 pour se déterminer "sur l'offre de preuve telle que formulée dans ce courrier" et réservé la suite de la procédure.
i. Dans leurs déterminations du 8 avril 2024, les consorts B______/C______/ D______/E______ ont conclu à la confirmation de l'ordonnance de preuve du 5 mars 2024 et au rejet des autres mesures probatoires requises par A______. Ils se sont brièvement déterminés sur les allégués nouveaux formulés par le précité dans sa duplique.
j. Par ordonnance du 10 avril 2024, le Tribunal a transmis ces déterminations à A______, dit que la cause serait gardée à juger dans un délai de dix jours sur "la question de l'offre de preuve complémentaire", ordonné "à ce stade" l'interrogatoire et la déposition des parties, soit de C______ et A______, et convoqué à cet effet une audience qu'il a fixée le 15 mai 2024.
k. Par écriture spontanée du 18 avril 2024, A______ a persisté dans ses offres de preuves. Il s'est déterminé sur les déterminations des demandeurs sur les allégués nouveaux de sa duplique. Il a par ailleurs conclu à ce que le Tribunal rende son ordonnance de preuves "à bref délai et avant l'audience du 15 mai 2024", admette ses offres de preuves et, cela fait, convoque tous les consorts B______/C______/ D______/E______ à ladite audience. Subsidiairement, il a sollicité du Tribunal qu'il reporte l'audience "jusqu'à ce que la question de l'offre de preuve soit tranchée" afin que toutes les parties à auditionner puissent l'être en même temps.
B. Par ordonnance de preuves ORTPI/512/2024 du 25 avril 2024, reçue par J______ le 30 avril 2024, le Tribunal a complété l'ordonnance du 5 mars 2024, en ce sens que l'interrogatoire et la déposition des parties étaient admis – à titre de moyens de preuve pour le défendeur – comme suit : B______, E______, C______ et D______
sur les allégués 194, 195, 200 à 202, 205 à 208, 210, 212, 214, 216 et 218 de la duplique du 22 février 2024, C______ exclusivement sur les allégués 209 et 210 de la duplique, B______ exclusivement sur les allégués 213 et 215 de la duplique et A______ sur les allégués 194 et 195, 212 à 215 de la duplique (chiffre 1 du dispositif).
Il a également annulé et reporté à une date ultérieure l'audience de débats principaux du 15 mai 2024 (ch. 2), ordonné aux demandeurs de produire d'ici au 25 mai 2024 "l'échange d'emails intervenu entre F______ et H______, en lien avec les faits litigieux pour les périodes suivantes : entre mars et avril 2012, en juillet 2014 (en lien avec les pièces 1 et 2 déf. [i.e. deux SMS du 18 juillet 2024 que F______ a adressés à son frère]), entre 2013 et 2020 uniquement les emails portant sur les prorogations d'échéances de remboursement du "prêt"" (ch. 3), rejeté l'offre de preuve consistant à produire l'ensemble des échanges d'emails intervenus entre les demandeurs et F______ (ch. 4), écarté de la procédure "les déterminations [du défendeur] sur les détermination [des demandeurs], contenues dans son courrier du 18 avril 2024" (ch. 5), arrêté à 400 fr. les frais de l'ordonnance (ch. 6), dit qu'il serait statué sur les frais dans le jugement sur le fond (ch. 7) et réservé la suite de la procédure dès réception des pièces requises (ch. 8).
Le Tribunal a retenu que l'audition des parties ne pouvait être admise que sur les faits allégués par A______ dans sa duplique, dès lors que celui-ci n'avait formulé cette offre de preuve qu'au stade de la duplique. Il n'y avait pas lieu d'ordonner la production de titres en lien avec d'éventuels échanges survenus entre F______ et les demandeurs au sujet du prêt litigieux, faute d'allégués du défendeur sur ce point. Enfin, vu qu'elles constituaient une "troisième écriture" non autorisée, les "déterminations [du défendeur] dans son courrier du 18 avril 2024 sur les déterminations faites par les [demandeurs]" devaient être écartées des débats.
C. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 10 mai 2024, A______ a formé recours contre cette ordonnance, concluant à l'annulation des chiffres 4 et 5 de son dispositif et, cela fait, à l'admission de tous les moyens de preuve listés dans le "bordereau d'offres de preuves" annexé à sa duplique du 22 février 2024, ainsi que de ses déterminations du 18 avril 2024, l'ordonnance attaquée devant être réformée et/ou complétée en conséquence, sous suite de frais et dépens.
b. Dans leur réponse du 13 juin 2024, les consorts B______/C______/ D______/E______ ont conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, sous suite de frais et dépens. Ils ont par ailleurs conclu, à titre préalable, à ce que A______ soit condamné à constituer des sûretés en garantie des dépens à hauteur de 15'000 fr.
c. Par écriture du 4 juillet 2024, A______ a conclu à l'irrecevabilité de ces conclusions préalables, suite de frais et dépens.
d. Par arrêt du 9 septembre 2024, la Cour a déclaré irrecevable la requête de sûretés en garantie des dépens formée par les consorts B______/C______/ D______/E______ et dit qu'il serait statué sur les frais avec la décision sur le fond.
e. Les parties ont spontanément répliqué et dupliqué sur le fond, les 19 septembre et 3 octobre 2024, persistant dans leurs conclusions respectives.
f. La cause a été gardée à juger le 23 octobre 2024, ce dont les parties ont été avisées le même jour.
1. 1.1 Le recours est recevable contre les décisions et ordonnances d'instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).
Par définition, les décisions visées à l'art. 319 let. b CPC ne sont ni finales, ni partielles, ni incidentes, ni provisionnelles. Il s'agit de décisions d'ordre procédural par lesquelles le tribunal détermine le déroulement formel et l'organisation matérielle de l'instance (JEANDIN, in CR CPC, 2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 319 CPC).
Les ordonnances d'instruction se rapportent à la préparation et à la conduite des débats. Elles statuent en particulier sur l'opportunité et les modalités de l'administration des preuves, ne déploient ni autorité ni force de chose jugée et peuvent en conséquence être modifiées ou complétées en tout temps (cf. art. 154 CPC; JEANDIN, op. cit., n. 14 ad art. 319 CPC).
En l'espèce, l'ordonnance entreprise est une ordonnance d'instruction, relevant notamment de l'administration des preuves, au sens de l'art. 319 let. b CPC.
1.2 Cette ordonnance peut faire l'objet d'un recours dans les dix jours à compter de sa notification (art. 321 al. 1 et 2 CPC), délai qui a été respecté en l'espèce.
1.3 Il reste à déterminer si la décision querellée est susceptible de causer au recourant un préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.
2. Le recourant fait grief au Tribunal d'avoir refusé d'administrer des moyens de preuve régulièrement offerts, pertinents pour l'issue du litige et susceptibles de prouver immédiatement les faits qu'il a allégués dans sa réponse et sa duplique. Selon lui, l'admission de ces moyens de preuve serait pleinement justifiée au regard du principe de célérité et de l'intérêt à la manifestation de la vérité. En retardant inutilement l'avancée de la procédure, le refus du Tribunal était susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable, tout comme la décision consistant à déclarer son écriture du 18 avril 2024 partiellement irrecevable.
2.1 La notion de préjudice difficilement réparable est plus large que celle de "préjudice irréparable" au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 138 III 378 consid. 6.3). Constitue un préjudice difficilement réparable toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure doit se montrer exigeante, voire restrictive avant d'admettre l'accomplissement de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu : il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (parmi plusieurs : ACJC/353/2019 du 1er mars 2019 consid. 3.1.1; JEANDIN, op. cit., n. 22 ad art. 319 CPC).
Le préjudice sera ainsi considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (ATF 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2), ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d'affaires sont révélés ou qu'il y a atteinte à des droits absolus à l'instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée. De même, le rejet d'une réquisition de preuve par le juge de première instance n'est en principe pas susceptible de générer un préjudice difficilement réparable, sauf dans des cas exceptionnels, par exemple lorsqu'un moyen de preuve risque de disparaître, à l'instar du refus d'entendre un témoin mourant (JEANDIN, op. cit., n. 22a et 22b ad art. 319 CPC et les références citées).
En règle générale, la décision refusant ou admettant des moyens de preuve offerts par les parties ne cause pas de préjudice difficilement réparable puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à tort ou, à l'inverse, d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier (arrêts du Tribunal fédéral 4A_248/2014 du 27 juin 2014; 4A_339/2013 du 8 octobre 2013 consid. 2; 5A_315/2012 du 28 août 2012 consid. 1.2.1; COLOMBINI, Code de procédure civile, 2018, p. 1024).
Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (SPÜHLER, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2017, n. 7 ad art. 319 CPC). De même, le seul fait que la partie ne puisse se plaindre d'une administration des preuves contraire à la loi qu'à l'occasion d'un recours sur le fond n'est pas suffisant pour retenir que la décision attaquée est susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable (COLOMBINI, Condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise relative à l'appel et au recours en matière civile, in JT 2013 III 131 ss, 155). Retenir le contraire équivaudrait à permettre à un plaideur de contester immédiatement toute ordonnance d'instruction pouvant avoir un effet sur le sort de la cause, ce que le législateur a justement voulu éviter (parmi plusieurs : ACJC/220/2023 du 13 février 2023 consid. 2.1; ACJC/943/2015 du 28 août 2015 consid. 2.2; ACJC/35/2014 du 10 janvier 2014 consid. 1.2.1).
Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision attaquée lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1).
Si la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, le recours est irrecevable et la partie doit attaquer la décision incidente avec la décision finale sur le fond (BRUNNER, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2016, n. 13 ad art. 319 CPC).
2.2 En l'espèce, le recourant fait valoir que l'ordonnance attaquée, en tant qu'elle écarte en partie ses offres de preuves et son écriture du 18 avril 2024, serait susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable. Il soutient que l'administration des moyens de preuve requis lui permettrait d'établir rapidement les faits pertinents et contestés du litige.
Ce faisant, le recourant perd de vue que l'éventuelle violation par le premier juge des dispositions sur le droit à la preuve ne suffit pas, en soi, à causer un tel préjudice. D'une part, le Tribunal peut en tout temps décider de compléter et/ou modifier les ordonnances de preuves qu'il a prononcées les 5 mars et 25 avril 2024. D'autre part, si – au terme de la procédure au fond – le recourant devait persister à considérer que le Tribunal a écarté, à tort, des moyens de preuve pertinents pour l'issue du litige (par exemple s'il reproche au premier juge de l'avoir empêché de faire porter l'audition des parties sur des allégués pertinents de sa demande), il pourra diriger son grief contre la décision finale par la voie de l'appel. L'instance d'appel aura en effet la possibilité d'administrer des preuves (art. 316 al. 3 CPC) ou de renvoyer la cause en première instance pour complément d'instruction (art. 318 al. 1 let. c CPC).
Le recourant relève certes – avec raison – que, dans un procès régi par la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), les parties ont deux fois la possibilité de s'exprimer de manière illimitée sur la cause (art. 229 al. 2 CPC), ce qui signifie qu'elles peuvent introduire des faits et moyens de preuve nouveaux – sans restriction – une première fois dans la demande/la réponse et une deuxième fois dans la réplique/la duplique (cf. parmi plusieurs : ATF 148 III 322 consid. 3.6; 144 III 67 consid. 2.1, JT 2019 II 328; 140 III 312 consid. 6.3.2.3, JT 2016 II 257). Il n'en reste pas moins que l'ordonnance attaquée – quand bien même elle rejetterait indûment des moyens de preuve pertinents, en violation du double tour de parole consacré à l'art. 229 al. 2 CPC – n'est pas susceptible de causer un préjudice difficilement réparable au recourant, puisque celui-ci pourra se prévaloir d'une telle violation dans le cadre de l'appel dirigé contre le jugement final sur le fond. En outre, conformément aux principes rappelés plus haut, la seule prolongation de la procédure par le fait que l'instance d'appel pourrait, s'il y a lieu, renvoyer la cause au premier juge pour complément d'instruction, ne constitue pas un dommage difficilement réparable. Au surplus, le recourant ne se prévaut d'aucune circonstance particulière qui justifierait, à titre exceptionnel, d'ouvrir une voie de recours immédiate contre l'ordonnance de preuves querellée.
Il suit de là que le recours est irrecevable, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur les griefs que le recourant a soulevés sur le fond.
3. Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 1'300 fr. – montant comprenant les émoluments de décision sur la requête de sûretés (300 fr.) et sur le fond (1'000 fr.) (art. 2, 21 et 41 RTFMC) – et compensés avec les avances versées par les parties (art. 111 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, ils seront mis à la charge du recourant à hauteur de 1'000 fr. et à la charge des intimés, solidairement entre eux, à hauteur de 300 fr. (art. 106 al. 1 et 2 CPC).
Le recourant, qui a obtenu gain de cause sur la requête de sûretés mais a succombé sur le fond, sera par ailleurs condamné à payer aux intimés, solidairement entre eux, des dépens de recours réduits à 800 fr., débours et TVA inclus (art. 20 al. 1, 23 al. 1, 25 et 26 LaCC; 84, 85, 87 et 90 RTFMC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :
Déclare irrecevable le recours interjeté le 10 mai 2024 par A______ contre l'ordonnance ORTPI/512/2024 rendue le 25 avril 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6683/2023.
Arrête les frais judiciaires de recours à 1'300 fr. et les compense avec les avances fournies, qui restent acquises à l'Etat de Genève.
Les met à la charge de A______ à hauteur de 1'000 fr. et à la charge de B______, C______, D______ et E______, solidairement entre eux, à hauteur de 300 fr.
Condamne A______ à verser 800 fr. à B______, C______, D______ et E______, solidairement entre eux, à titre de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Emilie FRANÇOIS, greffière.
Indication des voies de recours :
La présente décision, qui ne constitue pas une décision finale, peut être portée, dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (art. 72 LTF), aux conditions de l'art. 93 LTF.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.