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Décisions | Chambre civile

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C/15658/2022

ACJC/1405/2024 du 12.11.2024 sur JTPI/6178/2024 ( OO ) , MODIFIE

Normes : CPC.276.al1; CPC.276.al2; CC.179
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15658/2022 ACJC/1405/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 12 NOVEMBRE 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 mai 2024, représentée par Me Josef ALKATOUT, avocat, Borel & Barbey, rue de Jargonnant 2, case postale 6045, 1211 Genève 6,

et

Monsieur B______, domicilié c/o [EMS] C______ , ______ [GE], intimé, représenté par Me D______, ______ [GE].

 


EN FAIT

A. Par jugement motivé JTPI/6178/2024 du 22 mai 2024, notifié aux parties le 11 juin 2024, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire sur mesures provisionnelles dans le cadre de la procédure de divorce entre les époux A______ et B______, a rejeté les mesures provisionnelles requises par l'époux le 15 août 2022 (chiffre 1 du dispositif), supprimé toute contribution d'entretien en faveur de l'épouse depuis le 18 septembre 2023 (ch. 2) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3).

Cela fait, le Tribunal, statuant par voie de procédure ordinaire et d'accord entre les parties, a dissous par le divorce le mariage contracté par les parties le ______ 2007 à Genève (ch. 1), donné acte aux parties de ce qu'elles renonçaient réciproquement à se réclamer une contribution à leur entretien (ch. 2), donné acte aux parties ce qu'elles avaient convenu de se partager par moitié la totalité de leurs avoirs de prévoyance professionnelle accumulés pendant le mariage, ordonné en conséquence à la caisse de prévoyance de B______, soit la Fondation collective LPP E______ à F______ [VD], de prélever la somme de 462'137 fr. du compte de libre passage de B______ et de la transférer sur le compte de libre passage de A______ auprès de la caisse G______, Fondation de libre passage 2e pilier, à H______ [ZH] (ch. 3), ordonné à la caisse de prévoyance de B______ de prélever le solde des avoirs de prévoyance suite au transfert prévu sous chiffre 3 ci-dessus et de les transférer sur le compte privé du précité ouvert [auprès de la banque] I______ (ch. 4), dit que la décision sur la liquidation des rapports patrimoniaux était renvoyée devant le Tribunal (ch. 5), arrêté les frais judiciaires à 3'300 fr. et les a compensés à due concurrence avec les avances effectuées par B______ (ch. 6), les a mis à la charge des parties à raison d'une moitié (ch. 7) et a condamné A______ à payer 1'650 fr. au précité (ch. 8), réservé le sort du solde de l'avance de frais effectuée par la partie demanderesse à la décision finale (ch. 9), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 10), condamné les parties à respecter et à exécuter les dispositions du présent jugement (ch. 11) et les a déboutées de toutes autres conclusions (ch. 12).

B. a. Par acte déposé le 21 juin 2024 au greffe de la Cour, A______ interjette appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation du chiffre 2 du dispositif sur mesures provisionnelles. Cela fait, elle conclut, avec suite de frais et dépens (chiffrés à 5'000 fr.), à ce que la requête de mesures provisionnelles formée par B______ le 18 septembre 2023 soit déclarée irrecevable, subsidiairement rejetée. Elle demande également qu'il soit dit que la contribution d'entretien en sa faveur reste due jusqu'à l'entrée en vigueur d'une décision définitive et exécutoire sur la liquidation des rapports patrimoniaux entre les parties.

Elle a produit des pièces nouvelles à l'appui de son appel.

b. B______ conclut au rejet de l'appel, avec suite de frais et dépens.

Il demande que les pièces nouvellement produites par A______ soient déclarées irrecevables.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

Une pièce nouvelle complémentaire a été produite par A______ en annexe à sa réplique.

d. Par avis du greffe de la Cour du 20 août 2024, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______, née [A______] en 1970, et B______, né en 1954, se sont mariés le ______ 2007 à Genève. Aucun enfant n'est issu de leur union.

b. En 2016, les parties ont liquidé leur régime matrimonial de la participation aux acquêts et ont opté pour le régime de la séparation de biens; A______ est devenue propriétaire d'un lot de 4 appartements locatifs sis avenue 1______ à Genève.

c. Les époux se sont séparés dans le courant de l'année 2020.

d. Entre le 18 août et le 20 octobre 2021, B______ a crédité les comptes bancaires de son épouse d'un montant total de 340'000 fr.

Dans le cadre de la présente procédure de divorce, B______ a exposé qu'à l'approche de sa retraite, il avait souhaité obtenir le versement en capital de sa rente de prévoyance professionnelle, ce qui nécessitait la contre-signature de son épouse.

B______ a affirmé que son épouse aurait conditionné sa signature au versement préalable d'une certaine somme à titre d'indemnité liée au partage de leur prévoyance professionnelle. Il s'était exécuté en indiquant "remboursement prêt" comme motif du versement. Selon ses dires, il avait agi ainsi sur demande de son épouse et dans l'espoir qu'elle signerait l'ordre de paiement en vue du versement en capital des avoirs de prévoyance qu'il avait accumulés. A______ n'ayant finalement jamais signé ce document, il avait tenté de récupérer, sans succès, la somme qu'il lui avait versée sans cause.

e.a Par acte déposé au Tribunal de première instance le 14 juillet 2022, A______ a requis le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale, concluant notamment à ce que son époux soit condamné à contribuer à son entretien à hauteur de 36'560 fr. par mois dès le 1er avril 2022.

e.b Par jugement JTPI/10325/2023 du 13 septembre 2023, le Tribunal a condamné B______ à verser à la précitée un montant de 5'100 fr. par mois à titre de contribution à son entretien, avec effet rétroactif au 1er avril 2022.

Dans cette décision, le Tribunal a retenu que les seules ressources de B______ étaient constituées de sa rente AVS (2'450 fr.) et de ses revenus locatifs (1'111 fr.). Le premier juge a toutefois retenu en sus, de manière rétroactive depuis le mois d'avril 2022, des revenus hypothétiques totalisant 10'393 fr. par mois dans les ressources du précité, soit 490 fr. à titre de revenus locatifs estimés qu'il aurait pu percevoir en mettant en location un studio sis rue 2______ no. ______ à Genève dont il est propriétaire, 8'570 fr. correspondant à la rente LPP estimée dont il disposerait s'il n'avait pas sollicité le versement en capital de son deuxième pilier, ainsi que 1'333 fr. de rendement de la fortune mobilière (1'600'000 fr. x 1% / 12).

Les revenus mensuels de A______ ont, pour leur part, été arrêtés à 4'884 fr. par mois, soit 4'468 fr. de revenus locatifs et 416 fr. de rendement de la fortune mobilière. Pour estimer ce dernier montant, le Tribunal a retenu que la fortune de l'intéressée s'élevait à un montant avoisinant 500'000 fr, cette fortune étant réputée lui procurer un rendement de 1%, à l'instar de ce qui a été pris en compte pour l'époux. Le Tribunal a précisé qu'il n'y avait pas lieu, au stade des mesures protectrices de l'union conjugale, d'imputer un revenu hypothétique à A______ en lien avec une activité lucrative, au vu de son état de santé (limitations fonctionnelles), du fait qu'elle n'avait pas eu d'emploi depuis 2007 et qu'elle était âgée de 53 ans.

Selon le Tribunal, il apparaissait équitable d'exiger des parties qu'elles entament, pour la durée limitée des mesures protectrices de l'union conjugale, la substance de leur fortune afin de "limiter le choc lié à la brusque chute de leur niveau de vie" en comparaison de celui mené durant la vie commune, lorsque l'époux était salarié. L'effort principal devrait en l'occurrence être supporté par l'époux, qui disposait d'une "fortune mobilière mobilisable" nettement supérieure à son épouse. La ponction dans la substance de la fortune a été limitée à ce qui permettrait aux deux parties de maintenir un niveau de vie correspondant à celui pouvant être mené en disposant d'un montant mensuel de 11'000 fr., ledit montant ayant été retenu sans aucune explication.

e.c Le 25 septembre 2023, les deux parties ont formé appel contre cette décision.

Par arrêt ACJC/474/2024 du 16 avril 2024, la Cour a annulé celle-ci et renvoyé la cause au premier juge pour nouvelle décision, après instruction complémentaire, notamment sur la situation financière de l'épouse.

La Cour a entre autres constaté que le jugement de première instance ne comportait aucune indication relative aux charges des parties. L'on ignorait dès lors de quelle manière le Tribunal avait fixé à 11'000 fr. le train de vie de chacune d'elles.

e.d Aucune nouvelle décision n'a été rendue à ce jour sur mesures protectrices de l'union conjugale.

f. Entre-temps, par acte du 15 août 2022, B______ a saisi le Tribunal d'une demande unilatérale en divorce, avec demande de mesures provisionnelles en relation avec ses avoirs de prévoyance professionnelle.

Sur mesures provisionnelles, il a en dernier lieu conclu à ce qu'il soit ordonné à sa caisse de prévoyance de lui transférer 1'062'466 fr. au titre de versement de la prestation de libre passage qu'il a accumulée au 14 novembre 2007.

Au fond, il a demandé le prononcé du divorce. Concernant les effets du divorce, il a notamment sollicité qu'il soit ordonné à sa caisse de prévoyance de verser la somme de 122'137 fr. (subsidiairement 462'137 fr.) à A______ au titre de partage de la prévoyance professionnelle accumulée pendant la durée du mariage et à lui-même la somme de 1'062'466 fr. "sous imputation du montant déjà payé sur la base des mesures provisionnelles". Subsidiairement, pour le cas où la somme due à A______ au titre de partage des avoirs de prévoyance professionnelle serait de 462'137 fr., il a conclu à ce que celle-ci soit condamnée à lui rembourser les 340'000 fr. qu'il lui a versés, avec intérêts.

g. Le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant a, par ordonnance du 17 mars 2023, prononcé la levée de la curatelle de portée générale instituée en faveur de B______ par décision superprovisionnelle du 16 février 2023 et institué une curatelle de représentation et de gestion, désignant J______ et K______ aux fonctions de curateur et Maître D______ en qualité de curateur de représentation dans le cadre des procédures pendantes de divorce, pénales et relatives à des mesures de protection au sens de l'art. 28 CC, mandat étendu à la procédure de mesures protectrices par ordonnance du 8 mai 2023.

h. Dans sa réponse du 31 mai 2023, A______ a conclu au rejet des mesures provisionnelles requises par B______. Sur le fond, elle a demandé le prononcé du divorce, qu'il soit constaté que les rapports patrimoniaux ont été liquidés, que les avoirs de prévoyance professionnelle accumulés pendant la durée du mariage soient partagés par moitié, de sorte que la somme de 462'137 fr. soit transférée du compte de prévoyance de son époux sur son compte de libre passage à elle. Elle n'a pas formulé de conclusions en paiement d'une contribution d'entretien en sa faveur.

i. Par acte du 18 septembre 2023, B______ a déposé une nouvelle requête de mesures provisionnelles, sollicitant notamment la suppression de la contribution d'entretien due en faveur de A______ selon le jugement rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale le 13 septembre 2023 (cf. let. e.b ci-dessus) et à être libéré de toute obligation d'entretien envers son épouse depuis le 18 septembre 2022.

En substance, il a fait valoir qu'il était à la retraite depuis le 1er janvier 2021 et que ses revenus étaient depuis lors limités à environ 4'600 fr. par mois, montant qui ne lui permettait pas de couvrir ses propres charges, qui totalisaient 5'336 fr. Il n'avait par ailleurs pratiquement plus de liquidités. Pour sa part, son épouse n'avait pris aucune conclusion en fixation d'une contribution en sa faveur dans le cadre du divorce et elle avait terminé sa formation à l'école L______. Elle disposait en outre d'une fortune mobilière qu'il estimait à 700'000 fr.

j. Par duplique du 10 novembre 2023, A______ a conclu au rejet des mesures provisionnelles et modifié ses conclusions en partage de la prévoyance professionnelle.

k. Le 29 février 2024, les parties ont déposé des conclusions d'accord partiel. Sur mesures provisionnelles, elles ont conclu au partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés pendant la durée du mariage. Il devait ainsi être ordonné à la caisse de prévoyance de l'époux de verser un montant de 462'137 fr. sur le compte de libre passage de l'épouse, le solde de la prestation de libre passage devant être versé sur le compte du premier nommé.

Sur le fond, les parties ont conclu à ce que le Tribunal statue par jugement partiel, en prononçant le divorce et en constatant que le partage des avoirs de prévoyance avait été réglé d'entente entre elles, par décision rendue sur mesures provisionnelles. Subsidiairement, elles ont demandé que soit ordonné le partage des avoirs de prévoyance à hauteur de 462'137 fr. en faveur de l'épouse et au versement du solde des avoirs de prévoyance sur le compte privé de l'époux et que la suite de la procédure concernant les conclusions encore litigieuses soit réservée.

l. Lors de l'audience du 23 avril 2024, le conseil de B______ a déclaré qu'il serait possible d'entériner l'accord sur mesures provisionnelles. Son autre suggestion était que sa partie adverse accepte qu'il redépose une action concernant la question des prêts, auquel cas la cause était en état d'être jugée sans instruction complémentaire.

Par pli du 8 mai 2024, A______ a déclaré refuser que son époux redépose une action au sujet des prêts litigieux.

m. Le 13 mai 2024, le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles.

D. Selon les éléments retenus par le Tribunal, la situation financière et personnelle des parties est, en résumé, la suivante:

a. B______ est atteint de la maladie de Parkinson, diagnostiquée en 2020, avec une dégradation progressive de son état de santé.

Il a travaillé jusqu'au 31 décembre 2021, soit jusqu'à l'âge de 67 ans, percevant en dernier lieu un revenu annuel net de 236'684 fr., soit 19'623 fr. par mois. Lorsqu'il a arrêté de travailler le 1er janvier 2022, ses revenus ont diminué de façon conséquente, s'élevant depuis lors à un montant de l'ordre de 4'610 fr. nets par mois (2'390 fr. de rente AVS et 2'220 fr. de revenus immobiliers).

Ses charges mensuelles ont été retenues à concurrence de 4'843 fr., incluant 1'200 fr. de montant de base OP, 2'397 fr. de loyer, 830 fr. de prime d'assurance-maladie et 416 fr. de frais médicaux non remboursés (moyenne estimée).

Selon les avis de taxation des parties, la fortune mobilière de B______ s'élevait à 1'614'740 fr. en 2020 et à 607'581 fr. en 2021.

Au 31 août 2023, les comptes bancaires détenus par B______ font état de soldes de 8'861 fr. [auprès de la banque] I______ et de 11 fr. auprès de [la banque] M______.

b. A______ a expliqué avoir été à la tête d'une agence de mannequins à N______ [France], ce qui lui procurait un revenu mensuel de 4'000 EUR, avant de venir s'installer en Suisse avec B______. Elle n'a pas travaillé pendant la vie commune et vient de terminer une formation à [l'école] L______.

Les seuls revenus de A______ proviennent des appartements qui lui ont été dévolus à la suite de la liquidation du régime matrimonial antérieur. Selon l'avis de taxation 2021, les revenus locatifs lui auraient procuré 4'280 fr. nets par mois.

A______ détient un portefeuille d'actions, dont la valeur s'élevait à quelques 130'000 fr. au 20 juin 2022.

D'après sa déclaration d'impôts 2022, sa fortune se monte à 282'199 fr.

Ses charges mensuelles n'ont pas été alléguées et ne résultent pas de la procédure.

E. Dans la décision rendue sur mesures provisionnelles, le Tribunal a notamment retenu que la vie séparée des époux avait été réglée par des mesures protectrices de l'union conjugale, mais que celles-ci avaient fait l'objet d'un appel et que la cause avait été retournée au premier juge pour nouvelle décision (ACJC/474/2024). Seule la période allant du dépôt des mesures provisionnelles (soit le 18 septembre 2023) à l'entrée en force du jugement de divorce devait dès lors être examinée. A______, qui avait 15 ans de moins que son (ex-) époux, bénéficiait de revenus locatifs et venait de terminer une formation. Elle n'avait pas fait état de ses charges et n'avait pas demandé de pension alimentaire dans le cadre de la procédure de divorce. Pour sa part, les revenus de B______, retraité, suffisaient tout juste à couvrir ses propres charges. Il se justifiait dès lors de supprimer toute contribution d'entretien à charge de B______ dès le dépôt de ses conclusions provisionnelles.

EN DROIT

1. La décision de première instance statue tant sur mesures provisionnelles que (partiellement) sur le fond. L'appel porte cependant uniquement sur le chiffre 2 du dispositif du jugement traitant des mesures provisionnelles.

1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

Compte tenu de la quotité de la contribution d'entretien litigieuse, la valeur litigieuse, capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC, est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

Formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 3 et 314 al. 1 CPC), l'appel est donc recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), sa cognition étant toutefois limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb, JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_762/2013 du 27 mars 2014 consid. 2.2).

1.3 L'appel ne portant que sur le chiffre 2 du dispositif du jugement portant sur les mesures provisionnelles, les autres chiffres dudit dispositif, y compris ceux portant sur le fond, sont entrés en force (art. 315 al. 1 CPC).

1.4 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

En l'occurrence, la recevabilité des pièces nouvellement produites en seconde instance peut demeurer indécise, dans la mesure où elles ne sont pas pertinentes pour l'issue du litige.

2. 2.1 Dans le cadre d'une procédure de divorce (art. 274 ss CPC), le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires en vertu de l'art. 276 al. 1 CPC; les dispositions régissant la protection de l'union conjugale sont applicables par analogie.

Selon l'art. 276 al. 2 CPC, les mesures ordonnées par le tribunal des mesures protectrices de l’union conjugale sont maintenues; le tribunal du divorce est compétent pour prononcer leur modification ou leur révocation.

2.1.1 Le juge des mesures protectrices est compétent pour la période antérieure à la litispendance de l'action en divorce, tandis que le juge des mesures provisionnelles l'est dès ce moment précis; les mesures protectrices ordonnées avant la litispendance continuent toutefois de déployer leurs effets tant que le juge des mesures provisionnelles ne les a pas modifiées. Lorsque le juge des mesures provisionnelles est saisi, la procédure de mesures protectrices ne devient pas sans objet, le juge des mesures protectrices demeurant en effet compétent pour la période antérieure à la litispendance, et ce, même s'il ne rend sa décision que postérieurement (ATF 138 III 646 consid. 3.3.2).

2.1.2 La demande de modification du jugement dans les causes matrimoniales et du droit de la filiation (cf. art. 179, 129, 134 et 286 CC) est une nouvelle action au sens de la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 5A_436/2020 du 5 février 2021 consid. 4.2 et les références citées).

Aux termes de l'art. 179 al. 1, 1ère phr. CC, le juge ordonne les modifications commandées par les faits nouveaux et lève les mesures prises lorsque les causes qui les ont déterminées n'existent plus.

La modification des mesures protectrices ou des mesures provisionnelles ne peut être obtenue que si, depuis leur prononcé, les circonstances de fait ont changé d'une manière essentielle et durable, à savoir si un changement significatif et non temporaire est survenu postérieurement à la date à laquelle la décision a été rendue, si les faits qui ont fondé le choix des mesures provisoires dont la modification est sollicitée se sont révélés faux ou ne se sont par la suite pas réalisés comme prévu, ou encore si la décision de mesures provisoires est apparue plus tard injustifiée parce que le juge appelé à statuer n'a pas eu connaissance de faits importants (ATF 143 III 617 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_253/2020 du 25 mars 2021 consid. 3.1.1 et 5A_531/2019 du 30 janvier 2020 consid. 4.1.1).

Les nouveaux allégués par lesquels des circonstances modifiées sont invoquées ne doivent pas être pris en considération dans une procédure de modification (art. 179 CC), si et dans la mesure où ils auraient déjà pu être invoqués, en vertu de l'art. 317 al. 1 CPC, dans une procédure d’appel contre la décision de mesures protectrices. Le principe du double degré de juridiction ne justifie pas que l’examen de nova admissibles en appel soit renvoyé à un autre procès
(ATF 143 III 42 consid. 5.4 traduit in CPC Online).

Ainsi, seuls des faits ou des moyens de preuve qui ne sont survenus ou ne sont devenus disponibles qu'après qu'ils ne puissent plus être introduits dans la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale ou qui, bien qu'ayant existé durant cette procédure et soient connus de la partie qui les invoque, n'ont pas été invoqués par celle-ci à l'époque, en raison de l'impossibilité de les prouver (vrais nova) peuvent fonder une modification du jugement de mesures protectrices – que ce soit par le juge des mesures protectrices ou par le juge du divorce – selon l'art. 179 al. 1 CC (cas échéant en relation avec l'art. 276 al. 1 CPC). Il peut en résulter, dans certains cas, que le juge des mesures protectrices doive tenir compte, dans la procédure de prononcé d'une mesure, de faits qui ne sont apparus qu'après l'introduction de la procédure de divorce et qui n'ont d’effets que pendant cette procédure. Il s’agit toutefois là de la conséquence, qu’il faut accepter, d'une coordination aussi économique que possible de la procédure de mesures protectrices et de la procédure de divorce. En outre, il est ainsi assuré que les mesures protectrices ordonnées soient aussi actuelles que possible et correspondent à la situation réelle (ATF 148 III 95 consid. 4.5 et 4.7 traduits in CPC Online).

Le moment déterminant pour apprécier si des circonstances nouvelles se sont produites est la date du dépôt de la demande de modification (arrêt du Tribunal fédéral 5A_501/2015 du 12 janvier 2016 consid. 2).

2.2 En l'occurrence, l'intimé a formé une demande unilatérale en divorce alors que la procédure de mesures protectrices était toujours pendante. Le juge des mesures protectrices a statué le 13 septembre 2023, en condamnant l'intimé à verser une pension alimentaire à l'appelante. Avant l'échéance du délai d'appel contre cette décision, soit le 18 septembre 2023, l'intimé a saisi le juge du divorce d'une requête de mesures provisionnelles visant à la suppression de la contribution d'entretien due en faveur de l'appelante selon le jugement précité. Parallèlement, le 25 septembre 2023, il a formé appel contre la décision rendue sur mesures protectrices. L'autorité de céans a annulé le jugement prononcé le 13 septembre 2023 et renvoyé la cause au premier juge pour instruction complémentaire sur la situation financière des parties puis nouvelle décision.

Conformément aux principes rappelés ci-dessus, le juge des mesures protectrices saisi avant le juge du divorce demeure compétent pour prononcer des mesures destinées à réglementer la vie séparée des parties, lesdites mesures déployant leurs effets également pendant toute la procédure de divorce (cf. art. 276 al. 2,
1ère phr. CPC), et ce jusqu'à une éventuelle modification ultérieure par le juge du divorce, si des circonstances nouvelles le justifient. Par ailleurs, au regard de la jurisprudence rappelée ci-dessus, la circonstance que le juge des mesures protectrices n'ait pas encore statué à la suite du renvoi de la cause par l'autorité de céans, alors que le juge du divorce était sur le point de statuer (partiellement) sur le fond, ne rendait pas la procédure de mesures protectrices sans objet.

A noter qu'une procédure de mesures provisionnelles dans le cadre du divorce n'a pas pour but de corriger une décision rendue sur mesures protectrices de l'union conjugale (cf. ATF 141 III 376 consid. 3.3.1), mais de l'adapter en fonction d'éventuelles circonstances nouvelles et durables qui ne pouvaient pas être prises en compte par le juge des mesures protectrices.

Or, en l'occurrence, la demande de mesures provisionnelles a été déposée dans le délai d'appel contre le jugement rendu sur mesures protectrices. Ainsi, les faits nouveaux mentionnés à son appui (par exemple, le fait que l'appelante venait d'achever une nouvelle formation) pouvaient être invoqués et pris en compte dans le cadre de l'appel formé par l'intimé contre cette décision. Au demeurant, ces éléments nouveaux pourront en tous les cas être examinés dans le cadre de l'instruction à mener par le juge des mesures protectrices à la suite du renvoi de la cause par l'autorité de céans le 16 avril 2024.

Il en résulte que le juge du divorce ne pouvait pas entrer en matière sur la demande de mesures provisionnelles déposée par l'intimé le 18 septembre 2023, faute de circonstances nouvelles qui n'auraient pas pu être introduites dans la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale. Au regard de ce qui précède, c'est à tort que le premier juge a considéré que la voie des mesures provisionnelles de divorce était ouverte en l'occurrence.

Partant, l'appel sera admis sur ce point. Le chiffre 2 du dispositif du jugement portant sur les mesures provisionnelles sera donc annulé, puisque le premier juge n'aurait pas dû entrer en matière sur la requête de mesures provisionnelles déposée par l'intimé le 18 septembre 2023.

3. L'appelante demande qu'il soit dit que la contribution d'entretien en sa faveur reste due jusqu'à l'entrée en vigueur d'une décision définitive et exécutoire sur la liquidation des rapports patrimoniaux entre les parties.

Cette conclusion est sans objet, puisqu'à ce jour, aucune décision ne fixe une contribution d'entretien en sa faveur.

4. 4.1 Lorsque l’instance d’appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais fixés par l’autorité inférieure (art. 318 al. 3 CPC).

En l'occurrence, à teneur du dispositif du jugement querellé, le Tribunal a statué sans frais sur mesures provisionnelles. Il n'y a donc rien à revoir à cet égard.

4.2 Les frais judiciaires de la procédure d’appel seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge de l'intimé qui a succombé (art. 106 al. 1 CPC). Ce montant sera compensé avec l'avance versée par l'appelante, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimé sera condamné à payer 1'000 fr. à l'appelante à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Pour les mêmes motifs, l'intimé sera condamné à payer à l'appelante la somme de 1'000 fr. à titre de dépens d'appel, TVA et débours inclus (art. 106 al. 1 CPC; art. 84, 85, 87, 88, 90 RTFMC; 23, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 21 juin 2024 par A______ contre le jugement JTPI/6178/2024 rendu le 22 mai 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15658/2022 en tant qu'il porte sur les mesures provisionnelles.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris traitant des mesures provisionnelles.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., compensés par l'avance de frais effectuée par A______, et les met à la charge de B______.

Condamne B______ à payer à A______ 1'000 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Condamne B______ à payer à A______ la somme de 1'000 fr. à titre de dépens d'appel.

 

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.