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Décisions | Chambre civile

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C/25024/2024

ACJC/1350/2024 du 30.10.2024 ( IUS ) , REJETE

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25024/2024 ACJC/1350/2024

ORDONNANCE

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 30 OCTOBRE 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______, requérante suivant requête de mesures superprovisionnelles, représentée par Me Charles PONCET, avocat, Poncet Sàrl, rue Saint-Léger 6,
1205 Genève,

et

B______ SA, sise ______, citée, représentée par Me Arnaud NUSSBAUMER, avocat, Jacquemoud Stanislas, rue de la Coulouvrenière 29, case postale, 1211 Genève 8.

 


Attendu, EN FAIT, que par acte déposé le 28 octobre 2024, A______ SA a saisi la Cour de justice d'une requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles dirigée contre B______ SA;

Qu'elle conclut, sur mesures superprovisionnelles, à ce que la Chambre civile ordonne à B______ SA de supprimer immédiatement les magazines C______ publiés les ______ avril et ______ juin 2024 de l'ensemble des plateformes internet qu'elle gère et administre, lui interdise de faire paraître, sur l'ensemble des plateformes internet qu'elle gère et administre ou sous format papier, le magazine C______ des ______ novembre 2024 et ______ décembre 2024, ainsi que toute édition future dudit magazine pour l'année 2025, autorise A______ SA à communiquer à ses clients, partenaires et fournisseurs l'ordonnance rendue par la Cour de justice et prononce ces injonctions sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP;

Qu'elle formule ces mêmes conclusions sur mesures provisionnelles;

Qu'il ressort des pièces qu'elle a produites à l'appui de sa requête que A______ SA et B______ SA ont conclu un contrat en septembre 2021 en vue de constituer la société D______ SA, qui a pour but principal d'éditer un journal hebdomadaire consacré [au secteur] ______ intitulé E______ et dont le capital-actions est détenu à raison du 65% par B______ SA et 35% par A______ SA;

Que plus d'une centaine de numéros du E______ ont été édités depuis lors;

Que A______ SA expose que l'identité de ce magazine émane exclusivement d'elle et la contribution de B______ SA se limite à l'encartage du magazine en tant que supplément dans le journal B______;

Que les pièces produites rendent par ailleurs vraisemblable qu'en décembre 2023, B______ SA a informé A______ SA de son souhait de faire paraître quatre fois par an un cahier intitulé F______ en collaboration avec la G______, qu'elle a ensuite fait paraître le magazine intitulé C______, par encartage sur son site, les ______ avril 2024 et ______ juin 2024 et que la parution des prochains numéros est prévue les ______ novembre et ______ décembre 2024;

Que A______ SA allègue que le magazine C______ présente des similitudes avec les publications du E______ tant en ce qui concerne la mise en page que le contenu;

Qu'elle reproche à B______ SA d'avoir violé l'art. 3 al. 1 let. d LCD en établissant un journal concurrent au E______ en reprenant tant sa mise en page que son contenu rédactionnel et publicitaire, et ce en vue d'entraîner une confusion chez les lecteurs et les annonceurs, qui ne savent pas si C______ constitue un nouveau journal, s'il le complète ou s'il remplace le E______, ainsi que l'art. 5 let. a LCD en utilisant le résultat du travail de A______ SA en reproduisant la forme, le contenu rédactionnel et publicitaire du E______;

Qu'elle lui fait également grief d'avoir violé différentes clauses du contrat les liant, aux termes desquelles les parties s'étaient engagées à s'abstenir de toute activité susceptible de nuire au bon développement du E______ et à traiter de manière confidentielle les documents et informations échangés dans ce contexte;

Qu'elle indique que le chiffre d'affaires de D______ SA, de 1,8 millions de fr. en 2023, a diminué d'environ 100'000 fr. entre 2023 et 2024, depuis la parution du C______ en mai 2024, que cette diminution était de 137'314 fr. en octobre 2024 et qu'elle risque d'entraîner des pertes pour A______ SA;

Considérant, EN DROIT, que la requérante fonde son action notamment sur la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD);

Que selon les art. 5 al. 1 let. a, c et d CPC et 120 al. 1 let. a LOJ, la Chambre civile de la Cour de justice connaît en instance unique des litiges relevant de la LCD lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr.;

Que cette compétence vaut également pour statuer sur les mesures provisionnelles requises avant litispendance (art. 5 al. 2 CPC);

Qu'au vu des conclusions prises par la requérante, il sera admis que la Cour de céans est compétente à raison de la matière;

Que le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC);

Qu'en cas d'urgence particulière, notamment s'il y a un risque d'entrave à leur exécution, le tribunal peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre la partie adverse (art. 265 al. 1 CPC);

Que l'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable, ce qui implique une urgence (Message du Conseil du 28 juin 2006 relatif au Code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6961);

Que la condition de l'urgence doit être considérée comme remplie lorsque sans mesures provisionnelles, le requérant risquerait de subir un dommage difficile à réparer au point que l'efficacité du jugement rendu à l'issue de la procédure ordinaire au fond en serait compromise (arrêt du Tribunal fédéral 5A_629/2009 du 25 février 2010 consid. 4.2 ss);

Que le juge doit procéder à la pesée des intérêts en présence, c'est-à-dire à l'appréciation des désavantages respectifs pour chacune des parties selon que la mesure requise est ou non ordonnée (Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n° 1773 à 1780);

Qu'est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commerciale trompeuse ou contrevenant de toute autre manière aux règles de la bonne foi et ayant une influence sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients (art. 2 LCD);

Qu'agit de façon déloyale celui qui prend des mesures qui sont de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d'autrui (art. 3 al. 1 let. d LCD) ou qui exploite de façon indue le résultat d'un travail qui lui a été confié, par exemple des offres, des calculs ou des plans (art. 5 let. c LCD);

Que celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général ou celui qui en est menacé peut notamment demander au juge de l'interdire si elle est imminente ou de la faire cesser si elle dure encore (art. 9 al. 1 LCD);

Qu'en l'espèce, la requérante rend vraisemblable que les parties ont constitué D______ SA en vue d'éditer un journal hebdomadaire consacré [au secteur] ______, intitulé E______, que ce magazine est publié depuis 2021 et que depuis avril 2024,
la citée a fait paraître à deux reprises un magazine également consacré [au secteur] ______, C______;

Qu'il n'y a, en l'état, pas lieu de trancher la question de savoir si l'existence d'une atteinte au sens de la LCD est rendue vraisemblable par la requérante en lien avec la parution par la citée du magazine C______, qui sera donc réservée à la décision à rendre après audition des parties;

Qu'en effet, la requérante ne rend pas vraisemblable qu'elle risque de subir un préjudice difficile à réparer si les mesures qu'elle sollicite ne sont pas prononcées avant audition de sa partie adverse;

Que, s'il ressort certes des pièces produites que la prochaine parution du magazine C______ est prévue pour le ______ novembre 2024, il apparaît toutefois que ce magazine a déjà paru les ______ avril et ______ juin 2024, et que la requérante semble être en mesure de déterminer la diminution du chiffre d'affaires de D______ SA consécutive aux premières parutions du magazine C______;

Que ces éléments ne permettent pas de retenir que la requérante risque de subir un préjudice qui ne pourrait être réparé à l'issue de la procédure et serait de nature à compromettre la décision à rendre;

Qu'enfin, une pesée entre les intérêts de la citée à voir paraître son magazine et ceux de la requérante à obtenir l'interdiction de cette parution conduit à retenir que la mesure requise apparaît disproportionnée au regard du dommage qu'elle est susceptible de causer à la citée;

Que les mesures sollicitées ne seront donc pas prononcées avant audition de la citée;

Que la requête de mesures superprovisionnelles sera en conséquence rejetée;

Qu'un délai de dix jours dès la notification de la présente ordonnance sera imparti à la citée pour répondre à la requête de mesures provisionnelles (art. 265 al. 2 CPC);

Que la suite de la procédure sera réservée;

Que le sort des frais sera renvoyé à la décision finale (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur mesures superprovisionnelles :

Rejette la requête de mesures superprovisionnelles déposée par A______ SA à l'encontre de B______ SA le 28 octobre 2024.

Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'ordonnance rendue sur mesures provisionnelles.

Statuant préparatoirement :

Impartit à B______ SA un délai de dix jours dès la notification de la présente ordonnance pour répondre par écrit à la requête de mesures provisionnelles formée par A______ SA.

Réserve la suite de la procédure.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame
Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

S'agissant de mesures superprovisionnelles, il n'y a pas de voie de recours au
Tribunal fédéral (
ATF
137 III 417 consid. 1.3).