Décisions | Chambre civile
ACJC/1323/2024 du 23.10.2024 sur OTPI/614/2024 ( SDF )
republique et | canton de geneve | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/3809/2023 ACJC/1323/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MERCREDI 23 OCTOBRE 2024 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 2 octobre 2024, représentée par Me Agrippino RENDA, avocat, route des Acacias 6, case postale 588, 1211 Genève 4,
et
Monsieur B______, domicilié ______, intimé, représentée par Me Philippe CURRAT, avocat, Currat & Associés, Avocats, rue de Saint-Jean 73, 1201 Genève.
Attendu, EN FAIT, que par ordonnance du 2 octobre 2024, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures provisionnelles dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment attribué à B______ la jouissance exclusive du domicile conjugal, sis avenue 1______ no. ______, [code postal] C______ [GE], ainsi que du mobilier le garnissant (ch. 2 du dispositif) et ordonné à A______ de quitter le domicile conjugal dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision (ch. 3);
Que le Tribunal a relevé que B______, à qui la garde des deux enfants du couple (D______, né le ______ 2012, et E______, née le ______ 2016) avait été attribuée par ordonnance du 22 mai 2024, disposait de ce fait d'un intérêt prépondérant à ce que le domicile conjugal lui soit attribué, ce d'autant qu'il avait dû le quitter précipitamment et se loger avec ses deux enfants dans différents logements provisoires; qu'une telle attribution permettra de ramener une certaine stabilité aux enfants, plus particulièrement à D______ qui souffrait d'un trouble autistique; que de plus, au vu de la situation actuelle de B______, actuellement au chômage et faisant l'objet de poursuites, il lui était difficile de trouver un autre logement, malgré les recherches entreprises; que A______ s'était quant à elle engagée lors de l'audience du 22 mai 2024 à augmenter son temps de travail une fois le droit de visite sur les enfants fixé, ce qui avait été fait selon ordonnance du même jour, complétée le lendemain; qu'ainsi, A______ avait la possibilité d'augmenter ses revenus et, de la sorte, de trouver un autre logement; qu'il lui était néanmoins accordé un délai de deux mois à compter de la notification de la décision pour ce faire;
Que par acte expédié à la Cour de justice le 14 octobre 2024, A______ a formé appel contre cette ordonnance; qu'elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l'attribution en sa faveur du domicile conjugal ainsi que du mobilier le garnissant, exception faite des effets personnels de B______ dont ce dernier pourrait prendre réception, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants;
Qu'elle a conclu préalablement à ce que la comparution personnelle des parties et l'audition d'intervenants au sein du Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale, respectivement du Service de protection des mineurs, soient ordonnées;
Qu'elle a également requis que l'effet suspensif à son appel soit accordé; qu'elle a exposé à cet égard que si l'ordonnance était exécutée, elle subirait un préjudice difficilement réparable dès lors que, ne disposant que de très faibles ressources, elle se trouverait dans l'impossibilité d'obtenir un nouveau logement;
Qu'invité à se déterminer à cet égard, B______ a conclu au rejet de cette requête; qu'il a allégué que le logement dans lequel il se trouvait actuellement avec ses enfants ne sera plus mis à leur disposition à compter de la fin du mois de novembre;
Que la cause a été gardée à juger sur effet suspensif le 22 octobre 2024;
Considérant, EN DROIT, que la Cour est saisie d'un appel au sens de l'art. 308 CPC;
Que le jugement querellé portant sur des mesures provisionnelles, l'appel n'a pas d'effet suspensif ex lege (art. 315 al. 4 let. b CPC); Qu'à teneur de l'art. 315 al. 5 CPC, l'exécution de mesures provisionnelles peut toutefois exceptionnellement être suspendue si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable;
Que le préjudice difficilement réparable peut être de nature factuelle; il concerne tout préjudice, patrimonial ou immatériel, et peut même résulter du seul écoulement du temps pendant le procès;
Que saisie d'une demande d'effet suspensif au sens de l'art. 315 al. 5 CPC, l'autorité cantonale d'appel doit ainsi procéder à une nouvelle pesée des intérêts entre les deux préjudices difficilement réparables, celui du demandeur à l'action si la mesure n'était pas exécutée immédiatement et celui qu'entraînerait pour le défendeur l'exécution de cette mesure (ATF 138 III 378 consid. 6.3 et les références citées; 137 III 475 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_514/2012 du 4 septembre 2012 consid. 3.2.2);
Que l'autorité cantonale doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels; elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 137 III 475 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_403/2015 du 28 août 2015 consid. 5);
Qu'en l'espèce, tant l'appelante que l'intimé et les enfants n'ont vraisemblablement pas, en l'état, de solution de logement à compter du mois de décembre;
Qu'il est dans l'intérêt des enfants, dont l'un d'eux souffre d'un trouble autistique, de pouvoir retourner dans le domicile conjugal, qui leur offre un environnement stable; qu'une cohabitation entre les parents n'est vraisemblablement pas envisageable, ce que l'appelante ne soutient pas; que l'appelante ne rend pas vraisemblable que l'intimé et les enfants pourraient trouver plus facilement qu'elle une solution de logement; que l'appelante n'est pas dépourvue de tous moyens financiers puisqu'elle exerce une activité lucrative dans le domaine du nettoyage; que l'appelante ne soutient qu'elle aurait effectué des recherches sérieuses de logement qui seraient restées vaines;
Qu'au vu de ce qui précède, le préjudice difficilement réparable que pourraient subir l'intimé et les enfants si l'ordonnance attaquée n'était pas immédiatement exécutée est vraisemblablement plus important que celui que peut subir l'appelante si ladite ordonnance était exécutée; que la requête tendant à l'octroi de l'effet suspensif à l'ordonnance attaquée sera donc rejetée;
Qu'il sera statué sur les frais et dépens liés à la présente décision avec la décision au fond (art. 104 al. 3 CPC).
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La Chambre civile :
Statuant sur requête de suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance attaquée :
Rejette la requête formée par A______ tendant à suspendre le caractère exécutoire de l'ordonnance OTPI/614/2024 rendue le 2 octobre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3809/2023.
Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.
Siégeant :
Madame Stéphanie MUSY, Présidente ad interim; Madame Sandra CARRIER, greffière.
La présidente ad interim : Stéphanie MUSY |
| La greffière : Sandra CARRIER |
Indications des voies de recours :
La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF – RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.