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Décisions | Chambre civile

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C/26452/2023

ACJC/1193/2024 du 01.10.2024 sur JTPI/5408/2024 ( SDF ) , CONFIRME

Normes : CC.176.al1.ch1
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/26452/2023 ACJC/1193/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 1ER OCTOBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié p.a. RÉSIDENCE B______, ______, appelant et intimé d'un jugement rendu par la 6ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 2 mai 2024, représenté par Me Carole REVELO, avocate, MWR Avocats, rue des Glacis-de-Rive 23, 1207 Genève,

et

Madame C______, domiciliée ______, intimée et appelante, représentée par Me Mario BRANDULAS, avocat, BLAGOJEVIC BRANDULAS PEREZ, rue Marignac 14, case postale 504, 1211 Genève 12.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/5408/2024 du 2 mai 2024, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé les époux C______ et A______ à vivre séparés (chiffre 1 du dispositif), attribué à C______ la jouissance exclusive du domicile conjugal, ainsi que du mobilier le garnissant (ch. 2), donné acte à A______ de son engagement à ne pas prendre contact de quelque manière que ce soit avec C______, notamment par téléphone, par écrit ou par voie électronique ou de lui causer d'autres dérangements, en l'y condamnant en tant que de besoin (ch. 3), ainsi que de son engagement à ne pas pénétrer dans un périmètre de 500 mètres autour du domicile conjugal, en l'y condamnant en tant que de besoin (ch. 4), assorti les chiffres 3 et 4 précités de la menace de la peine prévue par l'art. 292 CPC (ch. 5) et condamné C______ à verser en mains de A______, par mois et d’avance, une somme de 2'000 fr. à titre de contribution à son entretien, du 7 décembre 2023 jusqu'au 30 juin 2024, à l'exception du mois de mars 2024, pour lequel la contribution due par C______ à A______ était fixée à 1'100 fr. (ch. 6).

Pour le surplus, le Tribunal a prononcé les mesures précitées pour une durée indéterminée (ch. 7), mis les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., à la charge des parties à raison d'une moitié chacune, la part des frais revenant à A______, au bénéfice de l'assistance judicaire, étant provisoirement supportée par l'Etat de Genève (ch. 8), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 9), condamné les parties à respecter et à exécuter les dispositions du jugement (ch. 10) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 11).

B. a. Par acte expédié le 13 mai 2024 à la Cour de justice, C______ a formé appel contre ce jugement, en requérant à titre préalable l'octroi de l'effet suspensif, requête qui a été admise par arrêt de la Cour du 17 juin 2024.

Principalement, elle a conclu à l'annulation du chiffre 6 du dispositif et à la confirmation du jugement entrepris pour le surplus.

b. Par acte expédié le 13 mai 2024, A______ a également formé appel contre ce jugement, concluant à l'annulation du chiffre 6 du dispositif entrepris, et cela fait, à ce que C______ soit condamnée à lui verser une contribution d'entretien de 2'000 fr. par mois dès le 6 décembre 2023, sans limitation dans le temps.

c. Dans leurs réponses respectives du 17 juin 2024, les parties ont chacune conclu à l'irrecevabilité de l'appel déposé par leur partie adverse et, subsidiairement, à leur rejet.

d. C______ et A______ ont chacun répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. A l'appui de leurs écritures, les parties ont produit des pièces complémentaires.

f. Elles ont été informées, par avis du greffe de la Cour du 27 août 2024, de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. Les époux C______, née en 1988, originaire de D______ (GE), et A______, né en 1991, ressortissant panaméen, se sont mariés le ______ 2022 à E______ (Panama).

Aucun enfant n'est issu de cette union.

b. A______ a rejoint son épouse en Suisse au mois de mars 2023 après avoir obtenu un permis d'établissement de type B pour regroupement familial.

c. Le 6 décembre 2023, C______ a déposé plainte à l'encontre de son époux pour lésions corporelles simples, voies de faits et injures. Selon les éléments figurant au dossier, la procédure pénale est actuellement toujours pendante.

d. C______ a fait constater des blessures par deux certificats médicaux datés des 2 et 7 décembre 2023. Dans le premier, la Dresse F______ a relevé une dermabrasion superficielle, un hématome discret et des contractures. Dans le second, la Dresse G______ a constaté que C______ présentait des douleurs à la palpation du nez, une limitation de la rotation interne de son épaule droite avec perte de force, des hématomes au niveau des genoux, de la face interne de la jambe gauche et du coude gauche, ainsi qu'une blessure en voie de cicatrisation sur le doigt et une cicatrice blanche fine rectiligne de 4 cm de long au-dessus du creux axillaire.

e. Le 7 décembre 2023, une mesures d'éloignement a été prononcée à l'encontre de A______ jusqu'au 18 décembre 2023, en ce sens qu'il lui a notamment été interdit de s'approcher de son épouse, ainsi que d'approcher et de pénétrer dans le logement conjugal.

f. Par acte déposé le jour même par-devant le Tribunal, C______ a formé une requête de mesures protectrices de l’union conjugale avec requête de mesures superprovisionnelles.

Sur mesures superprovisionnelles, et après audition de sa partie adverse, C______ a conclu à ce que le Tribunal lui attribue la jouissance exclusive du logement conjugal, confirme la mesure d'éloignement ordonnée à l'encontre de A______ et interdise à ce dernier de prendre contact avec elle, de quelque manière que ce soit.

Sur mesures protectrices de l'union conjugale, elle a conclu à ce que le Tribunal autorise les époux à vivre séparés depuis le 2 décembre 2023.

g. Par ordonnance rendue le 8 décembre 2023 sur mesures superprovisionnelles, le Tribunal a attribué à C______ la jouissance exclusive du domicile conjugal, fait interdiction à A______ de pénétrer dans un périmètre de 200 mètres autour du domicile conjugal, fait interdiction à ce dernier de prendre contact, de quelque manière que ce soit, notamment par téléphone, avec C______ et de lui causer d'autres dérangements, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP.

h. Lors de l'audience du 26 mars 2024, C______ a persisté dans ses conclusions. Elle a précisé qu'elle ne sollicitait pas de contribution d'entretien mais demandait à ce que la jouissance du domicile conjugal lui soit attribuée et à ce que les mesures d'éloignement soient maintenues.

A______, pour sa part, a consenti au principe de la vie séparée et à l'attribution de la jouissance du domicile conjugal à C______ et a conclu à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement à ne pas approcher et ne pas contacter son épouse, étant précisé qu'il avait déjà récupéré toutes ses affaires personnelles. Il a, par ailleurs, conclu à ce que C______ soit condamnée à lui verser une contribution d'entretien de 2'000 fr. par mois à compter du 6 décembre 2023, ce à quoi cette dernière s'est opposée.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

i. En parallèle de la présente procédure, C______ a saisi le Tribunal d'une demande unilatérale en divorce le 19 mars 2024.

i. La situation personnelle et financière des parties se présente comme suit:

i.a C______ travaille en tant que policière à plein temps.

Entre janvier et mars 2024, son salaire mensuel net s'est élevé à respectivement 7'325 fr., 6'508 fr. et 6'428 fr., ce qui représente un revenu mensuel moyen net de 6'700 fr. Au mois d'avril, son salaire a été de 6'135 fr.

Ses charges mensuelles ont été fixées à 3'874 fr. arrondis par le Tribunal, comprenant son minimum vital OP (1'200 fr.), son loyer (1'575 fr.), son assurance-maladie de base et complémentaire (529 fr. 05 + 161 fr. 45), des frais médicaux non remboursés (195 fr.), son assurance-ménage (23 fr. 50), son assurance protection juridique (9 fr. 60), son assurance et impôt sur véhicules (149 fr. + 31 fr. 50).

i.b A______ est actuellement sans emploi et bénéficie de l'aide de l'Hospice général.

Il est titulaire d'un permis B avec autorisation d'exercer une activité lucrative, valable jusqu'au 28 février 2024. Sur demande de renouvellement formée par A______, l'Office cantonal de la population et des migrations (l'OCPM) a rendu un projet de décision le 24 mai 2024 aux termes duquel il envisage de refuser le renouvellement.

Selon le contrat de travail produit au dossier, A______ a été employé par l'entreprise de nettoyage H______ SA pour un salaire horaire de 23 fr. 11 et à raison de 16 heures par semaine, du 28 février 2024 au 31 mars 2024, ce qui a lui permis de réaliser un salaire net de l'ordre de 1'590 fr.

Ses charges mensuelles ont été fixées à 2'690 fr. arrondis par le Tribunal, comprenant son minimum vital OP (1'200 fr.), un loyer hypothétique correspondant à un loyer moyen pour un 2.5 pièces en ville de Genève, charges comprises (1'300 fr.), son assurance-maladie de base, subside déduit (120 fr. 95) et ses frais de transport (70 fr.)

j. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a relevé au préalable que la loi ne prévoyait pas de possibilité de refuser ou de réduire la contribution d'entretien allouée sur mesures protectrices de l'union conjugale, contrairement aux règles applicables en cas de divorce. Il a ensuite établi la situation financière des parties en retenant que C______ disposait d'un solde mensuel disponible de 2'825 fr. alors que A______ faisait face à un déficit de 2'690 fr. Cependant, rien n'empêchait ce dernier de travailler à plein temps, compte tenu de son âge et de son bon état de santé, de sorte qu'un revenu hypothétique lui a été imputé à hauteur de 3'800 fr. net par mois, correspondant au salaire minimum à Genève (soit 4'426 fr. brut, correspondant à 24 fr. 32 par heure en tenant compte de 42 heures de travail par semaine et de 4.3333 semaines par mois, sous déduction des charges sociales usuelles, soit environ 14%, y compris la prévoyance professionnelle). Un délai de deux mois dès le prononcé du jugement entrepris, soit dès le 1er juillet 2024, lui a été accordé, de sorte qu'il devait être en mesure de subvenir à ses besoins dès cette date. Dans l'intervalle, C______ était tenue de pourvoir à son entretien à hauteur de 2'000 fr. par mois, conformément à ses conclusions, depuis le dépôt de la requête du 7 décembre 2023 au 30 juin 2024, sous réserve du mois de mars 2024 pour lequel la contribution était fixée à 1'100 fr. compte tenu des gains réalisés A______.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions rendues sur mesures protectrices de l'union conjugale, lesquelles sont considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (ATF 137 III 475 consid. 4.1), si, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

En l'espèce, l'appel porte sur la seule question de la contribution d'entretien en faveur de l'époux, dont la valeur litigieuse, capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC, est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Déposés dans le délai utile (art. 142 al. 1, 271 et 314 al. 1 CPC) les appels formés par les deux parties sont recevables sous cet angle.

Pour des motifs de clarté et pour respecter le rôle initial des parties, l'épouse sera ci-après désignée "l'appelante" et époux "l'intimé".

1.3 L'intimé invoque l'irrecevabilité de l'acte d'appel de sa partie adverse en raison de l'absence de toute conclusion formelle réformatoire.

1.3.1 L’appel doit être écrit et motivé (art. 311 al. 1 CPC). L'exigence de motivation découlant de l'art. 311 al. 1 CPC, implique que l'appel doit contenir des conclusions (ATF 137 III 617 consid. 4.2.2).

Compte tenu du fait que l'appel ordinaire a un effet réformatoire, la partie appelante doit, sous peine d'irrecevabilité, prendre des conclusions sur le fond du litige (Jeandin, in Commentaire romand, 2ème éd. 2019 n. 4 ad art. 311 CPC). Les conclusions doivent être suffisamment claires et précises pour pouvoir être reprises telles quelles dans le dispositif, respectivement pour pouvoir être exécutées sans qu'une clarification soit nécessaire. Des conclusions pécuniaires doivent être chiffrées (ATF 137 III 617 consid. 4.3).

L'application du principe de la confiance impose toutefois d'interpréter les conclusions à la lumière de la motivation; l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.) commande, pour sa part, de ne pas se montrer trop strict dans la formulation des conclusions si, à la lecture du mémoire, on comprend clairement ce que veut le recourant (arrêts du Tribunal fédéral 5A_496/2020 du 23 octobre 2020 consid. 1.3; 5A_1023/2018 du 8 juillet 2019 consid. 1.2 et la référence).

1.3.2 En l'espèce, l'appelante a conclu à l'annulation du chiffre 6 du dispositif entrepris, lequel la condamne à verser une contribution d'entretien à son époux. Ainsi, en sollicitant l'annulation du chiffre 6, elle conclut à l'annulation de sa condamnation, dans son principe, à verser toute contribution d'entretien, ce qui ressort du reste clairement de sa motivation. Ce faisant, l'appelante s'est opposée sur le fond à tout versement d'une contribution d'entretien. Il n'était pas nécessaire que ses conclusions soient complétées par une conclusion réformatoire négative telle que "dire qu'aucune contribution n'est due", comme le soutient l'intimé, ce qui ne ferait que figure de répétition. Dans ce contexte, les conclusions de l'appelante sont suffisamment claires pour comprendre dans quel sens l'ordonnance attaquée devrait être réformée.

L'appel de l'épouse est donc recevable.

1.4 L'appelante invoque, elle aussi, l'irrecevabilité de l'acte d'appel de sa partie adverse alléguant que les prétentions de ce dernier se rapportent à la période postérieure à la litispendance du divorce ne relevant plus de la compétence du juge des mesures protectrices.

1.4.1 Le juge des mesures protectrices de l'union conjugale est compétent pour régler la question de la vie séparée jusqu'à la litispendance du divorce (art. 176 CC), tandis que pour la période ultérieure, le juge du divorce prend les mesures provisoires nécessaires (art. 276, al. 1, CPC). Les mesures prises par le juge des mesures protectrices de l'union conjugale restent toutefois en vigueur tant que le tribunal du divorce ne les modifie pas (art. 276, al. 2, CPC en relation avec l'art. 179, al. 1, CC). L'introduction de la procédure de divorce ne rend pas la procédure de protection de l'union conjugale sans objet et ne fait pas perdre au tribunal de protection de l'union conjugale sa compétence (ATF 148 III 95 consid. 4.3; 138 III 646 consid. 3.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_120/2021 du 11 février 2022 consid. 4.2 - 4.3).

1.4.2 En l'espèce, bien que l'appelante ait formé une demande unilatérale en divorce alors que la procédure de mesures protectrices était toujours pendante, le juge des mesures protectrices, saisi avant le juge du divorce, demeure compétent pour prononcer des mesures pour réglementer la vie séparée pour toute sa durée ou jusqu'à une éventuelle modification ultérieure par le juge du divorce, et non seulement jusqu'à l'introduction de la demande en divorce. A cet égard, il ne ressort pas de la procédure que le juge du divorce aurait pris des mesures provisionnelles pour la durée de la procédure de divorce et l'appelante ne fait pas non plus valoir que tel serait le cas. Il sied, en outre, de relever que les écritures déposées dans la procédure en divorce ne contiennent aucune conclusion provisionnelle en matière d'entretien, de sorte que les mesures protectrices prononcées à cet égard sont susceptibles de s'appliquer jusqu'au prononcé du jugement de divorce.

Partant, le juge des mesures protectrices demeure compétent pour connaître des prétentions élevées par l'intimé.

L'appel de l'époux est donc aussi recevable.

1.5.1 Les parties produisent des pièces devant la Cour.

Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu'ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu'ils n'aient pas pu l'être en première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

Ces conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1). En ce qui concerne les pseudo nova (unechte Noven), il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être produit en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1; 143 III 42 consid. 4.1).

1.5.2 En l'espèce, l'appelante produit des documents concernant sa situation financière datés du 12 avril 2024 (pièce 30), du 6 décembre 2023 (pièce 31), du 29 avril 2024 (pièce 32), du 6 mai 2024 (pièce 33), du 4 décembre 2023 (pièce 34) et du 15 juillet 2024 (pièce non numérotée produite à l'appui de sa duplique du 18 juillet 2024).

A aucun moment, l'appelante n'explique pour quels motifs elle n'aurait pas pu produire les pièces qui existaient déjà durant la procédure de première instance, soit jusqu'à ce que la cause soit gardée à juger par le Tribunal lors de l'audience du 26 mars 2024. Par conséquent, les pièces 31 et 34, ainsi que les faits qui s'y rapportent, sont irrecevables. Il en va de même de la pièce 33 relative à une facture de téléphone mensuelle qui représente une charge connue de l'appelante et qu'elle aurait pu invoquer précédemment, notamment à l'appui de son chargé du 26 mars 2024.

Pour sa part, l'intimé produit des documents d'avril 2024 (pièce 101), du 24 mai 2024 (pièce 102) ainsi que de mai et juin 2024 (pièces non numérotées produite à l'appui de ses écritures du 1er juillet 2024). Ces pièces étant postérieures à la date à laquelle la cause a été gardée à juger en première instance, elles sont recevables.

1.6 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

Les mesures protectrices étant soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 131 III 473 consid. 2.3; 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_293/2019 du 29 août 2019 consid. 4.2).

2. Les parties contestent toutes les deux la contribution d'entretien mise à la charge de l'appelante. L'appelant considère qu'aucune contribution ne doit être allouée en faveur de son époux tandis que celui-ci estime que la contribution allouée par le Tribunal doit lui être versée sans limite dans le temps.

2.1 Le juge des mesures protectrices fixe la contribution d'entretien à verser à l'époux (art. 176 al. 1 ch. 1 CC).

2.1.1 Le principe et le montant de la contribution d'entretien due selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux. Tant que dure le mariage, les époux doivent ainsi contribuer, chacun selon leurs facultés, aux frais supplémentaires engendrés par l'existence parallèle de deux ménages. Si la situation financière des époux le permet encore, le standard de vie antérieur, choisi d'un commun accord, doit être maintenu pour les deux parties. Quand il n'est pas possible de conserver ce niveau de vie, les époux ont droit à un train de vie semblable (ATF 119 II 314 consid. 4b/aa; arrêts du Tribunal fédéral 5A_173/2013 du 4 juillet 2013 consid. 4.2 et 5A_236/2011 du 18 octobre 2011 consid. 4.2.3).

L'art. 176 al. 1 ch. 1 CC ne confère pas la possibilité de refuser ou de réduire la contribution pour des motifs d'équité, à l'instar de ce qui est prévu à l'art. 125 al. 3 CC, lequel dispose que l'allocation d'une contribution d'entretien peut exceptionnellement être refusée en tout ou en partie lorsqu'elle s'avère manifestement inéquitable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_405/2019 du 24 février 2020, consid. 7.2).

L'abus de droit est réservé (art. 2 al. 2 CC). La prétention à une contribution d'entretien sur la base de l'article 176 al. 1 ch. 1 CC pourra être niée lorsqu'elle apparaît choquante ou manifestement inéquitable, étant précisé qu'il ne pourra être fait usage de cette faculté qu'avec la plus grande retenue (Simeoni, in Droit matrimonial, Fond et procédure, 2016, N 124 ad art. 125 CC et les références citées).

2.1.2 Selon la méthode uniforme fixée par le Tribunal fédéral du minimum vital avec répartition de l'excédent (ATF 147 III 265 in SJ 2021 I 316; 147 III 308), il convient d'établir dans un premier temps les moyens financiers à disposition, en prenant en considération l'ensemble des revenus.

Il n'y pas lieu de tenir compte de l'aide perçue de l'assistance publique, dans la mesure où l'aide sociale est subsidiaire par rapport aux obligations d'entretien du droit de la famille (arrêts du Tribunal fédéral 5A_836/2021 du 29 août 2022 consid. 4.3; 5A_465/2020 du 23 novembre 2020 consid. 4.2).

Il s'agit ensuite de déterminer les besoins, en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP, comprenant l'entretien de base selon les normes d'insaisissabilité, auquel sont ajoutées les dépenses incompressibles, soit les frais de logement, la prime d'assurance-maladie de base, les frais de transports et les frais de repas pris à l'extérieur (ATF 147 III 265 précité consid. 7.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_329/2016 du 6 décembre 2016 consid. 4.1).

Dans la mesure où les moyens financiers le permettent, la contribution d'entretien doit être étendue au minimum vital dit de droit familial, comprenant notamment, en sus, les impôts, les primes d'assurance-maladie complémentaires et les frais médicaux spécifiques (ATF 147 III 265 consid. 7.3).

L'éventuel excédent est ensuite à répartir selon la méthode des "grandes et des petites têtes", la part des parents valant le double de celle des enfants mineurs, en tenant compte de toutes les particularités du cas d'espèce (ATF 147 III 265 consid. 7.3).

2.1.3 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties. Tant le débiteur d'entretien que le créancier peuvent néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 147 III 249 consid. 3.4.4; 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2).

Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Tout d'abord, il doit déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé, en précisant le type d'activité professionnelle que cette personne peut raisonnablement devoir accomplir. Ensuite, il doit établir si cette personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail (ATF 143 III 233 consid. 3.2). Les circonstances concrètes de chaque cas sont déterminantes (ATF 147 III 308 consid. 5.6; arrêt du Tribunal fédéral 5A_464/2022 du 31 janvier 2023 consid. 3.1.2).

Si le juge entend exiger d'une partie la prise ou la reprise d'une activité lucrative, ou encore l'extension de celle-ci, il doit généralement lui accorder un délai approprié pour retrouver un emploi. Ce délai doit être fixé en fonction des circonstances concrètes du cas particulier, telles que la prévisibilité pour la personne concernée de l'exigence de reprise ou d'extension de l'activité lucrative (ATF 129 III 417 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_694/2020 du 7 mai 2021 consid. 3.5.2; 5A_534/2019 du 31 janvier 2020 consid. 4.1; 5A_329/2019 du 25 octobre 2019 consid. 3.3.1.1).

2.2 En l'espèce, l'appelante conteste en premier lieu le principe même de la contribution d'entretien litigieuse. Elle allègue que l'allocation d'une contribution d'entretien en faveur de son époux constituerait un abus de droit au sens de l'art. 2 al. 2 CC.

Contrairement à ce qu'elle soutient, aucun élément ne permet de retenir que la finalité réelle du mariage poursuivie par l'intimé était d'obtenir indûment un titre de séjour en Suisse. D'après ses propres explications, les parties ont entretenu une relation à distance en se voyant régulièrement pendant plus d'une année avant de décider de se marier et le projet de mariage, de même que celui de s'installer en Suisse, résultaient d'une décision commune entre les époux. Par ailleurs, l'intimé disposait d'une situation professionnelle au Panama qu'il a laissée pour venir en Suisse. Le fait que le mariage n'ait duré qu'une année avant la séparation, dont neuf mois de vie commune, et que l'intimé souhaite désormais rester en Suisse ne suffit pas pour retenir un abus de droit.

L'appelante ne peut, par ailleurs, être suivie lorsqu'elle prétend que le paiement de la contribution d'entretien reviendrait à subventionner la poursuite du séjour indu de l'intimé en Suisse. Les deux problématiques sont indépendantes. De plus, bien que l'autorisation de séjour de l'intimé soit échue depuis fin février 2024, ce dernier a déposé une demande de renouvellement qui, malgré le projet de décision de refus du 24 mai 2024, est toujours en cours, sans qu'une décision définitive n'ait encore été rendue. Dès lors, la contribution d'entretien litigieuse porte sur une période durant laquelle la présence en Suisse de l'intimé était valable, sinon autorisée.

Enfin, les violences alléguées, bien que constatées par certificats médicaux, ne sauraient pas non plus exclure toutes prétentions découlant du mariage, étant rappelé, d'une part, que cette faculté ne doit être admise que très restrictivement et, d'autre part, que les faits dénoncés sont pour l'essentiel contestés par l'intimé et font actuellement l'objet de la procédure pénale, toujours pendante.

Par conséquent, les circonstances du cas d'espèce ne sauraient constituer un abus de droit conduisant à la suppression de toute contribution d'entretien sur mesures protectrices.

2.3 Les parties contestent l'établissement de leurs charges et revenus, ce qui est susceptible de modifier le montant de la contribution d'entretien litigieuse.

2.3.1 Concernant la situation de l'appelante, celle-ci critique ses propres revenus alléguant qu'ils se situeraient davantage à quelque 6'200 fr. par mois.

Son salaire mensuel net entre janvier et mars 2024 s'est élevé à 6'700 fr. en moyenne, comme l'a relevé à juste titre le Tribunal. Si le dernier bulletin de salaire fait certes état d'un montant de 6'135 fr., il n'est pas rendu vraisemblable que la diminution subie soit destinée à perdurer, ce d'autant plus que selon les explications de l'appelante, dite diminution est due à une incapacité de travail temporaire de courte durée (soit un peu plus d'un mois). Il sera néanmoins tenu compte de ce dernier salaire dans la moyenne des revenus réalisés par l'appelante puisqu'il représente son revenu effectif pour le mois d'avril. Ses revenus mensuels moyens nets seront, par conséquent, retenus à hauteur de 6'600 fr. arrondis ([7'325 fr. + 6'508 fr. + 6'428 fr. + 6'135 fr.] / 4).

L'appelante invoque ensuite des charges supplémentaires à celles retenues par le Tribunal, à savoir des frais de téléphone/internet (66 fr.), des frais d'affiliation au syndicat I______ (44 fr. 60) et une charge fiscale (1'415 fr.).

Les frais de téléphone/internet et d'affiliation au syndicat I______ reposent sur des faits et moyens de preuve irrecevables (pièces 33 et 34; cf. consid. 1.5.2 supra). Il n'en sera dès lors pas tenu compte. Quant à la charge fiscale, elle ne peut être admise que lorsque les moyens financiers le permettent, conformément à la jurisprudence susmentionnée applicable en matière de contribution d'entretien. Bien qu'elle soit, en l'occurrence, étayée par les pièces (recevables) figurant au dossier, la situation financière de la famille n'est pas suffisamment favorable pour tenir compte de cette charge dès lors que son admission reviendrait à étendre la situation de l'appelante au minimum vital du droit de la famille, alors que le minimum vital du droit des poursuites de l'intimé ne serait pas couvert. Dans ces circonstances, il ne peut être tenu compte des impôts.

Partant, les charges de l'appelante telles que retenues par le Tribunal ne peuvent qu'être confirmées.

Au regard de ce qui précède, la situation de l'appelante est similaire à celle retenue en première instance. Son disponible s'élève à 2'726 fr., compte tenu de la légère diminution de ses revenus (6'600 fr.- 3'874 fr.).

2.3.2 Concernant la situation de l'intimé, sa situation est essentiellement critiquée sous l'angle du revenu hypothétique qui lui a été imputé à concurrence de 3'800 fr. net par mois avec un délai d'adaptation de deux mois.

L'intimé conteste avoir la possibilité effective de trouver un emploi compte tenu du fait que son autorisation de séjour est arrivée à échéance. Son argument ne saurait être suivi. En effet, il est établi que l'intimé a déposé une demande de renouvellement de son permis. A teneur des informations disponibles sur le site internet de l'OCPM, lorsque le titulaire d'un permis de séjour de type B est autorisé à travailler, comme c'est le cas pour l'intimé, celui-ci peut continuer à travailler durant la procédure de renouvellement. Il s'ensuit que l'intimé peut poursuivre une activité lucrative tant et aussi longtemps que sa demande de renouvellement n'est pas terminée. Il a d'ailleurs été engagé par l'entreprise de nettoyage H______ SA du 28 février à fin mars 2024, soit lorsque son permis était déjà échu. Si son contrat de travail n'a pas été renouvelé, aucun élément au dossier ne rend vraisemblable que c'était en raison de son statut administratif.

Par ailleurs, l'intimé n'a fourni aucune recherche d'emploi susceptible d'étayer les difficultés qu'il allègue rencontrer dans ses démarches, ne rendant pas non plus vraisemblable avoir fourni tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement exiger de lui pour retrouver une activité lucrative.

Compte tenu de ce qui précède, le revenu hypothétique imputé à l'intimé sera confirmé dans son principe.

Quant au montant de 3'800 fr. net par mois retenu à ce titre, il ne paraît pas critiquable dès lors qu'il correspond au salaire minimum en vigueur en 2024 à Genève et n'est, au demeurant, pas contesté. Il sera dès lors confirmé.

Contrairement à l'avis de l'appelante, il ne se justifie pas de renoncer à tout délai d'adaptation. Le délai, relativement court, de deux mois octroyé dès le prononcé du jugement entrepris tient suffisamment compte des circonstances d'espèce, dont la durée de procédure, la prévisibilité pour l'intimé qu'il devrait reprendre une activité lucrative et ses possibilités de trouver un emploi.

Le revenu hypothétique imputé à l'intimé sera donc entièrement confirmé.

S'agissant des charges de l'intimé, l'appelante conteste le loyer hypothétique retenu à concurrence de 1'300 fr. par mois. Dans la mesure où le standard de vie antérieur doit être maintenu pour les deux époux, le loyer de 1'300 fr. correspondant à un loyer moyen pour un appartement de 2.5 pièces ne paraît en l'occurrence pas excessif. Il sera dès lors retenu.

Il s'ensuit que la situation financière de l'intimé tel que fixée par le Tribunal sera confirmée. Celui-ci fait donc face à un déficit de 2'690 fr. depuis la séparation des parties.

2.4 Au regard des considérants qui précèdent, la situation de l'appelante lui permet de s'acquitter de la contribution d'entretien litigieuse de 2'000 fr. par mois en faveur de l'intimé. Dans la mesure où ce montant est limité aux conclusions formulées par ce dernier (ne eat iudex ultra petita partium), elle disposera, en sus, de quelque 725 fr. qui lui permettront de régler, à tout le moins en partie, ses impôts, étant précisé qu'elle pourra faire valoir la déduction liée à la contribution servie.

Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en tant qu'il condamne l'appelante à verser une contribution d'entretien de 2'000 fr. par mois à l'intimé pour la période du 7 décembre 2023 au 30 juin 2024. Il appartiendra toutefois à ce dernier d'en informer l'Hospice général, qui a couvert ses charges pendant ladite période et dont l'aide est subsidiaire par rapport aux obligations entre époux.

3. Les frais judiciaires des deux appels seront fixés à 1'200 fr. au total (art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge des parties par moitié chacune (art. 107 al. 1 let. c CPC). Ils seront entièrement compensés avec les avances de frais fournies par les parties à hauteur de 1'000 par l'appelante et 800 fr. par l'intimé. Dans la mesure où l'intimé est au bénéfice de l'assistance judiciaire, sa part des frais sera provisoirement supportée par l'Etat de Genève, qui pourra cas échéant en demander le remboursement (art. 123 CPC; art. 19 RAJ). L'avance qu'il a versée malgré la dispense lui sera restituée par les Services judiciaires du Pouvoir judiciaire. Ces derniers seront également invités à restituer 400 fr. à l'appelante à titre de solde des frais judiciaires.

Compte tenu de la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevables les appels interjetés le 13 mai 2024, d'une part, par C______ et, d'autre part, par A______ contre le jugement JTPI/5408/2024 rendu le 2 mai 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/26452/2023.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'200 fr., et les met à la charge de C______ et A______ par moitié chacun.

Dit que les frais judiciaires à la charge de A______ sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision de l'assistance judiciaire.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 800 fr. à A______ et 400 fr. à C______.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.