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Décisions | Chambre civile

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C/21608/2022

ACJC/761/2024 du 11.06.2024 ( IUO ) , REJETE

Recours TF déposé le 16.08.2024, 4A_423/2024
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21608/2022 ACJC/761/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 11 juin 2024

 

Entre

HOLDING B______/A______ ET C______/A______ SOCIETE ANONYME, sise ______, demanderesse, représentée par Mes Saverio LEMBO et Aurélie CONRAD HARI, avocats, Bär & Karrer SA, quai de la Poste 12, case postale, 1211 Genève 3,

et

FONDATION C______/A______ ET D______/A______, sise c/o E______, avocat, ______, défenderesse représentée par Me Jean-François DUCREST, avocat, DUCREST HEGGLI AVOCATS LLC, rue Kitty-Ponse 4, case postale 3247,
1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A. a. C______/A______, né le ______ 1926 et décédé le ______ 1997, s'est marié le ______ 1963 avec D______, dite D______, née le ______ 1932, laquelle a acquis le nom A______ lors du mariage.

b. C______/A______ et D______/A______, également appelée "la ______ [titre de noblesse] C______/A______", ont eu un fils unique, B______/A______, né le ______ 1963 et décédé le ______ 2021.

c. B______/A______ a épousé, le ______ 1999, F______, née le ______ 1965, laquelle a pris le nom A______ avec le mariage.

d. C______/A______ a fondé le groupe du même nom dès les années cinquante et soixante (ci-après : le groupe). Les activités de ce groupe sont actuellement regroupées sous deux holdings, à savoir C______/A______ HOLDING SA (ci-après : C______/A______ HOLDING SA) pour les activités financières et HOLDING B______/A______ ET C______/A______ SOCIETE ANONYME (ci-après : B______ ET C______/A______ HOLDING SA) pour les activités non financières.

e. B______ ET C______/A______ HOLDING SA, constituée en 1982, est une société anonyme sise à Genève, ayant pour but les participations dans toutes les entreprises, plus particulièrement dans les secteurs agricole, viticole, touristique et immobilier, ainsi que l'administration desdites participations.

f. Au décès de C______/A______ et conformément aux volontés de celui-ci, feu B______/A______ a pris le contrôle des affaires familiales, accédant à la présidence de C______/A______ HOLDING SA et de B______ ET C______/A______ HOLDING SA.

A partir de 2008, F______/A______ a accédé aux conseils d'administration de C______/A______ HOLDING SA et de B______ ET C______/A______ HOLDING SA. Au décès de B______/A______, elle a accédé à la présidence de C______/A______ HOLDING SA et de B______ ET C______/A______ HOLDING SA.

g. Les relations entre F______/A______ et D______/A______ sont mauvaises. Celle-ci est en désaccord avec les méthodes de gouvernance de sa belle-fille.

h. B______ ET C______/A______ HOLDING SA détient, en Suisse et à l'étranger, la marque "C______/A______" utilisée au sein du groupe individuellement, en combinaison avec d'autres éléments verbaux ou sous forme des initiales "C______/A______".

En Suisse, la marque "C______/A______" (ci-après : la marque) est enregistrée sous le no 1______ pour des services en classe 35 (publicité, relations publiques et administration commerciale), 36 (affaires financières), 38 (information et télécommunication) et 41 de la Classification de Nice. Cette dernière classe comprend les services suivants : "éducation, formation, divertissement, activités sportives et culturelles, informations en matière de divertissement ou d'éducation, services de loisirs, publication de livres, prêt de livres, dressage d'animaux, production de films sur bandes vidéos, location de films cinématographiques, location d'enregistrement sonores, location de magnétoscopes ou de postes de radio et de télévision, location de décors de spectacles, montage de bandes vidéo, services de photographie, organisation de concours (éducation ou divertissement), organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès, organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs, réservation de places de spectacles, services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique, services de jeux d'argent, publication électronique de livres et de périodiques en ligne et micro-édition".

B______ ET C______/A______ HOLDING SA détient également, en Suisse et à l'étranger, la marque figurative no 2______ suivante :

[image]

Cette marque, associée à la marque verbale "C______/A______", est utilisée par C______/A______ (SUISSE) SA, dont le but social est l'exploitation d'une banque.

Pour la partie non financière du groupe, B______ ET C______/A______ HOLDING SA détient la marque figurative no 3______ suivante :

[image]

Cette marque est employée en association avec la marque verbale "C______/A______ 4______", enregistrée sous le no 4______.

i. La famille A______ s'est engagée dans des activités de mécénat et de bienfaisance en faveur de tout un chacun pour des causes allant de la santé à la recherche scientifique, l'assistance à la communauté juive, le logement social, les arts et l'éducation.

Ces activités sont menées par le réseau des Fondations C______/A______, composé d'une dizaine de fondations indépendantes à Genève, à Paris, à Madrid, à New York et en Israël. La mission principale des Fondations C______/A______ est la promotion de ______.

Les fondations actives à Genève sont la FONDATION G______/A______, la FONDATION H______/A______ ET I______/A______, le J______/A______ et la FONDATION K______/A______.

j. Le réseau des Fondations C______/A______ emploie notamment le logo suivant :

[image]

k. En Suisse, ont été réalisés ces dernières années la création d'une CHAIRE FONDATIONS C______/A______ EN PHILANTROPIE ______ à l'Université de Genève, laquelle promeut la recherche et l'enseignement dans une discipline émergente, un partenariat des fondations C______/A______ avec le CENTRE DE PHILANTHROPIE de l'Université de Genève et un partenariat avec [le festival] L______ afin de soutenir des ______ talentueux.

l. D______/A______ a œuvré au côté de son époux comme ambassadrice de la famille A______, en particulier dans les activités de bienfaisance ou de la promotion des ______.

Depuis la reprise par F______/A______, au début des années 2000, de la gestion des activités caritatives de la famille A______, dont s'occupaient précédemment C______/A______ et D______/A______, cette dernière n'a plus pris part aux activités des fondations du groupe.

m. En 2014, B______/A______ a décidé, dans une volonté de clarification et afin de renforcer l'identité du groupe, d'aligner ses activités financières, non financières et philanthropiques sous le nom C______/A______.

n. Entre 2017 et 2022, la marque "C______/A______" a été employée dans le cadre de plusieurs événements.

n.a Les ______ juillet 2017 et ______ juillet 2018, C______/A______ (SUISSE) SA a organisé une "compétition de golf C______/A______" sur invitation, dans le cadre de [l'évènement] M______ à N______ [VS], dont la banque était le sponsor. Sur les invitations, figurait la marque "C______/A______" associée à la marque figurative no 2______.

n.b Le ______ septembre 2018 a eu lieu à O______ [GE] la soirée "P______" sur invitation des différents pôles du groupe, financier, non financier et philanthropique, dans le but d'affirmer la singularité du groupe et de mettre en avant sa marque. Des créations artistiques et musicales ont été proposées. La marque "C______/A______" apparaissait sur les invitations, associée à différentes marques figuratives employées par le groupe.

n.c Le 7 décembre 2018, un déjeuner a eu lieu au siège de C______/A______ (SUISSE) SA pour remercier les amis et navigateurs du bateau "Q______". Le ______ septembre 2019, C______/A______ (SUISSE) SA a organisé, sur invitation, une navigation à bord dudit bateau. La marque "C______/A______" associée à la marque figurative no 2______ était apposée sur les invitations.

Sur la voile du bateau "Q______" figure la mention "GROUPE C______/A______", associée à la marque figurative no 2______.

n.d Au mois de juillet 2019 a eu lieu le concours hippique M______ à N______, dans le cadre duquel différents prix portant le nom de sociétés ont été remis, dont le "prix C______/A______". La marque "C______/A______" associée à la marque figurative no 2______ apparaissait sur le programme.

n.e Aux mois d'août 2019 et 2022, à l'occasion du festival "L______", C______/A______ (SUISSE) SA a organisé, sur invitation, la "journée C______/A______", respectivement a invité des clients pour une représentation musicale. Sur les invitations, figurait la marque "C______/A______" associée à la marque figurative no 2______.

La marque "C______/A______" associée à la marque figurative no 2______ était également mentionnée sur le programme 2022 du festival à titre de sponsor principal.

n.f Les ______ janvier et ______ mars 2018, ______ janvier, ______ mars, ______ octobre et ______ novembre 2020 et ______ janvier 2022, C______/A______ (SUISSE) SA a organisé divers conférences et webinaires de formation en matière de macro-économie et de stratégie d'investissement. La marque "C______/A______" apparaissait, associée à la marque figurative no 2______, sur les confirmations d'inscription, respectivement sur les invitations et les supports documentaires.

o. Entendue en qualité de témoin, R______, responsable de la communication et des marques chez C______/A______ (SUISSE) SA, a déclaré que la banque organisait, respectivement soutenait financièrement, différents évènements dans le domaine financier (conférences), culturel (festival de musique ou de film, événement littéraire, grand prix de l'horlogerie, visite d'exposition), sportif (exposition, navigation avec le bateau "Q______", compétition de golf) et scientifique (forum) en lien avec les différents partenaires avec lesquels elle travaillait. Dans le cadre de ces évènements, elle invitait des clients, des clients potentiels (prospects) ainsi que des leaders d'opinion. L'objectif était de promouvoir les valeurs de "la marque", comme l'excellence dans le cadre des événements culturels et artistiques ou la performance, voire la curiosité ou l'audace et le dépassement de soi dans le domaine sportif. La banque travaillait en étroite collaboration avec les Fondations du groupe, qui participaient à ces événements.

p. C______/A______ a, par testament public, légué à son épouse D______/A______ un ensemble d'objets de collection (nombreux meubles, tableaux, gravures, bibelots, bijoux, etc.), énumérés dans une liste désignée comme la "liste S______". La grande majorité de ces objets se situent au château de T______ [GE], habité par F______/A______ et trois de ses filles.

F______/A______ conteste le droit de propriété de D______/A______ sur lesdits objets. Cette question fait l'objet d'une procédure en revendication pendante.

q. En juillet 2021, D______/A______ a créé la FONDATION C______/A______ ET D______/A______, afin, selon ses dires, de conserver et maintenir les biens légués dans le canton de Genève, lieu dans lequel l'histoire de la famille A______ est ancrée depuis le XIXème siècle.

La fondation poursuit le but suivant : "recevoir en donation des objets et œuvres d'art ayant appartenu au ______ [titre de noblesse] C______/A______ et à la ______ [titre de noblesse] D______/A______, les exposer, créer et exploiter un musée à cette fin, et d'une manière générale faire perdurer la mémoire de l'art de vivre du ______ [titre de noblesse] C______/A______ et de son épouse, la ______ [titre de noblesse] D______/A______; la Fondation réalise son but exclusivement en Suisse, et uniquement dans le Canton de Genève".

Son conseil de fondation est composé de D______/A______, en qualité de présidente, de E______, en tant que secrétaire, et de U______, à titre de trésorier.

Selon l'art. 3 des statuts de la fondation, les ressources de celle-ci sont tous dons, libéralités, souscriptions, legs et successions, que le conseil de fondation est libre d'accepter ou de refuser.

r. D______/A______ a rédigé - déjà du temps de sa vie commune avec C______/A______ - des ouvrages sur leur mode de vie et sur le savoir-vivre, lui ayant apporté une certaine notoriété et la faisant connaître comme la "______".

Jusqu'à la création de la FONDATION C______/A______ ET D______/A______, le nom de D______/A______ n'a jamais été associé à la marque C______/A______ en Suisse dans le cadre d'une institution.

B. a. Par requête de mesures provisionnelles déposée le 3 février 2022 au Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), la FONDATION G______/A______, C______/A______ HOLDING SA et C______/A______ (SUISSE) SA ont agi à l'encontre de la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ en protection du nom en vertu de l'art. 29 CC concluant, notamment, à ce qu'il soit fait interdiction à cette dernière d'utiliser le prénom "C______" dans sa dénomination (C/5______/2022).

b. Par ordonnance OTPI/290/2022 rendue le 4 mai 2022, le Tribunal a, notamment, fait interdiction à la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ d'utiliser le prénom "C______" dans sa dénomination.

Le premier juge a retenu que, compte tenu de la notoriété du nom "A______" et notamment des activités à but d’utilité publique de FONDATION G______/A______, un risque de confusion entre cette dernière et la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ était rendu suffisamment vraisemblable, lequel favorisait des donations du public ou un intérêt de celui-ci en faveur de la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ au détriment de FONDATION G______/A______.

c. Saisie d'un appel, la Cour de justice a, par arrêt ACJC/1432/2022 du 21 octobre 2022, annulé ladite ordonnance et rejeté la requête de mesures provisionnelles formée par FONDATION G______/A______, C______/A______ HOLDING SA et C______/A______ (SUISSE) SA.

Elle a notamment retenu que si le Tribunal pouvait légitimement retenir que le nom "A______" jouissait d'une notoriété dans le canton de Genève où la famille dispose d'un ancrage de longue date, les noms de D______ et C______/A______ n'avaient jusque-là jamais été associés en Suisse dans la dénomination d'une fondation, d'une association ou d'une société. Ainsi, la présence du prénom D______ suivant celui de C______/A______ dans la désignation de la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ apportait un élément permettant de distinguer suffisamment celle-ci de la FONDATION G______/A______, de C______/A______ HOLDING SA et de C______/A______ (SUISSE) SA, mettant en avant la vie privée du couple. Le but de la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ impliquait au demeurant l'utilisation du prénom C______ puisqu'il consistait à faire perdurer la mémoire de ce dernier, qui était à l'origine de la collection. Les activités de la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ se distinguaient par ailleurs de celles de la FONDATION G______/A______, de C______/A______ HOLDING SA et de C______/A______ (SUISSE) SA et du groupe auquel celles-ci appartenaient. La FONDATION C______/A______ ET D______/A______ avait, en effet, pour but de recevoir en donation des objets et œuvres d'art ayant appartenu à C______/A______ et D______/A______, de les exposer dans un musée et, d'une manière générale, de faire perdurer la mémoire de leur art de vivre dans le seul canton de Genève. Cette activité, très précise et limitée géographiquement, n'était en rien assimilable aux activités de C______/A______ HOLDING SA et C______/A______ (SUISSE) SA et du groupe, actifs dans le domaine bancaire et financier. Elle différait également des activités de FONDATION G______/A______, dont le but comprenait toute activité de caractère philanthropique, au niveau international, tendant à venir en aide et soutenir les personnes nécessiteuses, en ce sens que, contrairement à cette dernière, les activités de la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ relevaient du domaine artistique et historique, circonscrit à la mémoire des époux [C______ et D______] A______. Les activités des parties ne s'adressaient pas non plus au même public. Alors que FONDATION G______/A______ visait un large public dans le cadre d'activités sociales et philanthropiques, la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ s'adressait, de manière plus ciblée, principalement aux Genevois, aux touristes et aux amateurs d'art et d'histoire intéressés par l'art de vivre des A______. Partant, bien que les deux fondations précitées poursuivaient toutes deux un but d'utilité publique, cela n'était pas suffisant pour retenir un risque de confusion, ce d'autant plus que la connaissance que le grand public avait du patronyme "A______" se rapportait vraisemblablement essentiellement aux activités financières du groupe, soit son activité première, sans s'étendre au domaine culturel. L'existence d'un risque de confusion n'était ainsi pas rendue vraisemblable.

d. Parallèlement à cette procédure, B______ ET C______/A______ HOLDING SA a introduit une procédure similaire à l'encontre de la FONDATION C______/A______ ET D______/A______, fondée sur le droit des marques (C/6______/2022).

Par acte déposé le 29 mars 2022 auprès de la Cour de justice en sa qualité d'instance unique, B______ ET C______/A______ HOLDING SA a requis le prononcé de mesures provisionnelles tendant notamment à ce qu'il soit fait interdiction à la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ d'utiliser le signe distinctif "FONDATION C______/A______ ET D______/A______", d'offrir et de fournir des services à buts éducatif et/ou culturel sous ce signe distinctif ou de l'utiliser de toute autre manière.

e. Par arrêt ACJC/905/2022 rendu le 30 juin 2022, la Cour de justice a rejeté la requête de mesures provisionnelles formée par B______ ET C______/A______ HOLDING SA.

En substance, la Cour a considéré que la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ disposait de raisons objectives pour utiliser le prénom C______ au côté de celui de D______ et du patronyme [A______] de ceux-ci au vu de son but social et du souhait légitime de sa fondatrice de vouloir honorer et valoriser l'héritage de feu son époux. Si la marque "C______/A______" bénéficiait indéniablement d'une force distinctive, D______/A______ jouissait également d'une certaine notoriété auprès du public, qui découlait de son activité d'écriture et d'"ambassadrice de ______". Jusqu'à la création de la FONDATION C______/A______ ET D______/A______, les prénom et nom de D______/A______ n'avaient jamais été associés aux prénom et nom de son époux dans le cadre d'une institution en Suisse, de sorte qu'il pouvait être tenu pour vraisemblable que la dénomination de la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ présentait un caractère suffisamment distinctif par rapport à la marque de B______ ET C______/A______ HOLDING SA sur le plan de l'individualisation des signes. Par ailleurs, la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ avait pour but, à Genève, de recevoir en donation des objets et œuvres d'art ayant appartenu à C______/A______ et D______/A______, de les exposer dans un musée et, d'une manière générale, de faire perdurer la mémoire de leur art de vivre. Elle n'avait pas pour vocation de concurrencer B______ ET C______/A______ HOLDING SA ou de profiter de son éventuelle réputation et son activité - très précise et limitée géographiquement - différait de celle de cette dernière et du groupe dont elle faisait partie, d'autant que la connaissance que le grand public avait du patronyme ne s'étendait pas aux services culturels concernés. L'existence d'un risque de confusion n'était ainsi pas rendue vraisemblable.

C. a. Le 1er novembre 2022, B______ ET C______/A______ HOLDING SA a déposé auprès de la Cour de justice une action en cessation du trouble fondée sur le droit des marques à l'encontre de la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ (objet de la présente procédure), prenant, sous suite de frais, les conclusions suivantes :

- faire interdiction à la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ d'utiliser le signe distinctif "FONDATION C______/A______ ET D______/A______" pour se faire connaître des tiers, ainsi que pour ses activités, à l'exception des activités pour lesquelles une telle utilisation serait, d'ici au changement de sa dénomination, légalement requise dans la correspondance, les bulletins de commande, les factures et les communications de la société
(art. 954a al. 1 CO);

- faire interdiction à la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ d'offrir et de fournir des services à buts éducatif et/ou culturel sous le signe distinctif "FONDATION C______/A______ ET D______/A______" ou d'utiliser ce signe distinctif de toute autre manière pour ou en relation avec des services à buts éducatif et/ou culturel;

- assortir ces interdictions de la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP à l'encontre des membres du conseil de la fondation;

- enjoindre la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ d'entreprendre toutes les démarches auprès de l'Autorité cantonale de surveillance des fondations afin de faire radier sa dénomination "FONDATION C______/A______ ET D______/A______" du registre du commerce et de la faire remplacer par une autre dans un délai de 30 jours dès la notification de la décision requise;

- dire que, faute d'exécution dans les 30 jours dès la notification de la décision, la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ serait condamnée, sur requête, à une amende d'ordre de 1'000 fr. pour chaque jour d'inexécution conformément à l'art. 343 al. 1 let. c CPC.

A l'appui de son action, B______ ET C______/A______ HOLDING SA expose que la dénomination employée par la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ est hautement similaire à la marque "C______/A______" et que les services fournis se confondent avec ceux pour lesquels la marque est enregistrée. Or, la marque jouit d'une notoriété importante et certaine non seulement dans le domaine financier, mais également dans celui de la philanthropie et de la culture par le biais des Fondations C______/A______. Le public s'orientant d'après le patronyme, l'ajout du prénom "D______" ne possède pas une force distinctive suffisante, de même que l'ajout du terme "Fondation". L'usage sans droit de la marque par la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ est ainsi susceptible de créer un risque de confusion, à tout le moins indirect, auprès du grand public qui pourrait y voir un rapprochement par association d'idées entre les parties au même titre qu'avec d'autres entités du groupe, alors qu'un tel rapprochement n'existe pas. La vocation revendiquée par la Fondation C______/A______ ET D______/A______ est au demeurant contraire aux intérêts et valeurs prônées par les entités du groupe fondé par le ______ [titre de noblesse] C______/A______, lequel n'a jamais eu d'intérêt en matière d'art de vivre et de bienséance contrairement à D______/A______. La FONDATION C______/A______ ET D______/A______ ne saurait jouir de la notoriété de la marque "C______/A______" pour accroître la sienne.

B______ ET C______/A______ HOLDING SA a également fait valoir avoir, durant les cinq dernières années, utilisé sérieusement la marque "C______/A______" pour les services enregistrés en classe 41 par l'organisation de divers événements culturels, éducatifs et sportifs (cf. let. A.n ci-dessus).

b. Dans son mémoire de réponse du 14 décembre 2022, la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ a conclu, sous suite de frais, au déboutement de B______ ET C______/A______ HOLDING SA de toutes ses conclusions.

Elle fait tout d'abord valoir que la marque "C______/A______" est privée de protection en relation avec les services de la classe 41, correspondant au domaine d'activité de la fondation, faute d'usage sérieux durant les cinq dernières années. Les documents produits par B______ ET C______/A______ HOLDING SA afin d'établir un tel usage concernent essentiellement des manifestations ou des évènements - en matière de divertissement, de sports ou de formation - parrainés ou sponsorisés par C______/A______ (SUISSE) SA, laquelle n'a pas pour vocation d'organiser des manifestations culturelles ou sportives, son but social étant l'exploitation d'une banque. Or, les opérations de sponsoring ou de parrainage ne permettent pas de valider l'usage de la marque pour les activités sponsorisées ou parrainées. En outre, sur les documents concernés, la marque "C______/A______" est associée à la marque figurative no 2______, ce qui correspond au logo de la banque C______/A______ (SUISSE) SA. Elle est ainsi exclusivement utilisée à titre de raison de commerce pour désigner la banque, et non à titre de marque. Le logo des fondations C______/A______ n'apparaît au côté de celui de la banque que sur un seul document. Or, l'organisation d'un seul évènement sur cinq années n'est pas suffisant pour retenir un usage sérieux.

La FONDATION C______/A______ ET D______/A______ conteste par ailleurs l'existence d'un risque de confusion entre sa dénomination et la marque enregistrée. Elle fait en substance valoir que dans la mesure où il s'agit d'un conflit entre patronymes et signes de nature différente, soit une marque et un nom de fondation, une pesée des intérêts en présence doit être effectuée conformément à la jurisprudence. Or, il n'est pas litigieux que D______/A______ est en droit d'utiliser son propre patronyme pour désigner ses activités commerciales ou culturelles. La fondation dispose en outre de raisons objectives pour utiliser le prénom C______, comme déjà admis par la Cour de justice dans ses arrêts du 30 juin et 21 octobre 2022. Elle n'a en effet pas pour vocation de concurrencer B______ ET C______/A______ HOLDING SA ou de profiter de son éventuelle réputation, mais propose d'exposer des objets d'art ayant appartenu à C______/A______ et transmis par héritage à D______/A______. Le choix de faire figurer le prénom C______/A______ au côté de celui de sa fondatrice constitue un hommage à l'homme qui a partagé la vie de celle-ci et qui est à l'origine de la collection qu'elle souhaite rendre accessible au public. L'absence du prénom C______/A______ laisserait croire que le mérite de cette collection revient à D______/A______ et serait trompeur. Celle-ci est au demeurant fréquemment appelée "la ______ [titre de noblesse] C______/A______", ce qui justifie d'autant plus l'utilisation du patronyme "C______/A______" dans la dénomination de la fondation. La connaissance de la marque par le grand public est par ailleurs liée au patronyme "A______" et non au prénom "C______/A______", le prénom "D______" étant davantage connu notamment en raison des nombreux ouvrages que celle-ci a rédigés, et ne s'étend pas aux services culturels. L'ajout du terme "Fondation" et du prénom "D______" suffit ainsi à écarter tout risque de confusion. Enfin, il existe plusieurs marques comprenant le patronyme "A______" enregistrées en Suisse dans la classe 41 et qui n'ont aucun lien avec B______ ET C______/A______ HOLDING SA. Au vu de ces différentes considérations, l'intérêt de la fondation à pouvoir utiliser le prénom du défunt mari de sa fondatrice prime sur celui de B______ ET C______/A______ HOLDING SA à la protection de sa marque.

c. B______ ET C______/A______ HOLDING SA a répliqué le 1er février 2023 et la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ a dupliqué le 8 mars 2023, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Chacune des parties a encore, les 27 mars et 14 avril 2023, déposé des déterminations spontanées.

e. Une audience de débat d'instruction, de débats principaux et d'interrogatoire des parties a eu lieu le 23 mai 2023.

f. Par arrêt préparatoire du 13 juin 2023, la Cour de justice a ordonné l'audition des témoins V______ et R______, a rejeté les autres réquisitions de preuves et a réservé la suite de la procédure.

g. Par écriture du 10 juillet 2023, la FONDATION C______/A______ ET D______/A______, se prévalant de l'art. 229 al. 1 let. a CPC, a présenté des faits nouveaux relatifs à une procédure introduite le 6 juillet 2023 et a produit deux nouvelles pièces (nos 51 et 52).

h. B______ ET C______/A______ HOLDING SA s'est déterminée le 26 juillet 2023, alléguant que le chargé de pièces déposé par la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ était incomplet, la pièce no 51 étant manquante. Elle a par ailleurs relevé qu'une production ultérieure serait vraisemblablement irrecevable, car tardive.

Par courrier du 15 août 2023, le greffe de la Cour de justice a transmis à B______ ET C______/A______ HOLDING SA la pièce no 51 figurant dans le bordereau de pièces transmis avec l'écriture du 10 juillet 2023.

i. Le 29 août 2023, la Cour de justice a procédé à l'audition des témoins.

Leurs déclarations ont été reportées ci-dessus dans la mesure utile à l'issue du litige.

j. L'audience de plaidoiries finales s'est tenue le 7 novembre 2023, lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

La cause a été gardée à juger à l'issue de cette audience.


 

EN DROIT

1. La Cour examine d'office sa compétence à raison du lieu et de la matière (art. 59 al. 2 let. b et 60 CPC).

1.1 Aux termes de l'art. 5 al. 1 let. a CPC, la Chambre civile de la Cour (art. 120 al. 1 let. a LOJ) connaît en instance unique des litiges portant sur des droits de propriété intellectuelle.

En l'occurrence, la demanderesse fonde ses conclusions sur la loi sur la protection des marques (ci-après : LPM), de sorte que la Cour est compétente ratione materiae.

1.2 Le tribunal du domicile ou du siège du lésé ou du défendeur ou le tribunal du lieu de l'acte ou du résultat de celui-ci est compétent pour statuer sur les actions fondées sur un acte illicite (art. 36 CPC). La notion d'acte illicite doit être interprétée de manière large, ce qui signifie que le for de l'art. 36 CPC est notamment ouvert en ce qui concerne les actions fondées sur la LPM (Haldy, Commentaire romand CPC, 2ème éd., 2019, n. 2 ad art. 36 CPC).

En l'espèce, tant la demanderesse que la défenderesse ont leur siège dans le canton de Genève. La compétence ratione loci de la Cour est donc également donnée.

1.3 Déposée selon la forme requise (art. 130 et 252 CPC), la demande est recevable.

1.4 La procédure ordinaire (art. 219 et ss CPC) s'applique (art. 243 al. 3 CPC a contrario). La cause est soumise aux maximes des débats (art. 55 al. 1 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

2. 2.1 Après la clôture de la phase d'allégation - soit après la clôture du second échange d'écritures, après l'audience de débats d'instruction (art. 226 al. 2 CPC), ou après l'ouverture des débats principaux (art. 229 al. 2 CPC), c'est-à-dire dès les premières plaidoiries au sens de l'art. 228 CPC -, la présentation de nova n'est plus possible qu'aux conditions restrictives de l'art. 229 al. 1 CPC (ATF 146 III 55 consid. 2.3.1; 144 III 117 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_910/2021 du 8 mars 2023 consid. 5.2.1).

Selon l'art. 229 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont admis aux débats principaux que s'ils sont invoqués sans retard et qu'ils remplissent l'une des conditions suivantes : a. ils sont postérieurs à l'échange d'écritures ou à la dernière audience d'instruction (nova proprement dits); b. ils existaient avant la clôture de l'échange d'écritures ou la dernière audience d'instruction mais ne pouvaient être invoqués antérieurement bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (nova improprement dits).

2.2 En l'espèce, les éléments nouveaux présentés par la défenderesse dans le cadre de son écriture du 10 juillet 2023 étant postérieurs à la dernière audience d'instruction et ayant été introduits sans retard, ils sont recevables.

La pièce no 51 ayant été jointe au bordereau que la défenderesse a déposé avec son écriture du 10 juillet 2023 et la Cour l'ayant transmise à la demanderesse par courrier du 15 août 2023, le grief de celle-ci relativement au caractère manquant de cette pièce est devenu sans objet.

3. La défenderesse s'oppose à l'action en cessation du trouble aux motifs, d'une part, que la demanderesse est déchue de son droit de protection faute d'usage sérieux de la marque et, d'autre part, qu'il n'existe aucun risque de confusion entre sa dénomination et la marque.

Dans la mesure où en l'absence d'usage, la demanderesse ne peut plus faire valoir son droit à la marque, cette question sera examinée en premier lieu.

3.1 Aux termes de l'art. 1 al. 1 LPM, la marque est un signe propre à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux proposés par d'autres entreprises. La marque a donc une fonction de différenciation, dans l'intérêt de l'entreprise. Selon la jurisprudence, le rôle de la marque est de distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises; son but est d'individualiser les prestations ainsi désignées et de les différencier des autres, de telle sorte que le consommateur puisse retrouver, dans l'abondance de l'offre, un produit ou un service qu'il apprécie (ATF 122 III 382 consid. 1, 122 III 469 consid. 5f;
119 II 473 consid. 2c).

Le titulaire d'une marque dispose du "droit exclusif" de faire usage de la marque pour distinguer les produits ou services enregistrés (art. 13 al. 1 LPM). Il peut notamment interdire à des tiers l'usage de signes identiques ou similaires pour caractériser des produits ou services identiques ou similaires (art. 13 al. 2 LPM en lien avec l'art. 3 LPM; arrêt du Tribunal fédéral 4A_458/2022 du 3 avril 2023 consid. 4.2). La personne qui subit une violation de son droit à la marque peut ainsi demander au juge de la faire cesser, si elle dure encore (art. 55 al. 1 let. b LPM).

3.2 La protection est accordée pour autant que la marque soit utilisée en relation avec les produits ou les services enregistrés (art. 11 al. 1 LPM). Lorsque, pendant une période ininterrompue de cinq ans, le titulaire d'une marque protégée s'abstient de l'utiliser en relation avec les produits ou les services enregistrés, il ne peut plus faire valoir son droit à la marque, à moins que le défaut d'usage ne soit dû à un juste motif (art. 12 al. 1 LPM).

En particulier, si la marque n'est pas utilisée pour tous les produits ou les services enregistrés (usage partiel), le droit à la marque est maintenu uniquement quant aux produits ou services pour lesquels elle est effectivement utilisée (Meier, Commentaire romand Propriété intellectuelle, 2013, n. 32 ad art. 11 LPM; Meier, L'obligation d'usage en droit des marques, 2005, p. 90). En d'autres termes, le titulaire ne peut plus faire valoir son droit à la marque pour la partie des produits ou des services enregistrés qui n'ont pas été utilisés pendant une période ininterrompue de cinq ans (art. 12 al. 1 LPM; ACJC/359/2014 du 14 mars 2014 consid. 2.2.1).

3.3 L'usage doit intervenir conformément à la fonction de la marque, pour distinguer les produits ou les services. En d'autres termes, l'usage doit être public, la marque devant être utilisée de telle façon que le marché y voie un signe distinctif (ATF 139 III 424 consid. 2.4; 88 II 28 consid. II/3b). Déterminer si on est en présence d'un usage en tant que marque au sens de l'art. 11 al. 1 LPM est une question de droit (arrêts du Tribunal fédéral 4A_464/2022 du 3 janvier 2023 consid. 3.2 et 4A_257/2014 du 29 septembre 2014 consid. 3.2).

Pour opérer cette qualification, il convient toutefois de se fonder sur la perception (présumée) des personnes auxquelles s'adressent les produits ou les services enregistrés. Les circonstances du cas particulier doivent, pour cela, être prises en considération, notamment les habitudes de la branche concernée et la catégorie de marque en cause, constatations qui relèvent du fait (arrêts du Tribunal fédéral 4A_464/2022 du 3 janvier 2023 consid. 3.2 et 4A_257/2014 du 29 septembre 2014 consid. 3.2).

La marque doit être utilisée pour des produits ou des services spécifiques (Meier, Commentaire romand Propriété intellectuelle, 2013, n. 12 ad art. 11 LPM). L'emploi du signe lors d'opérations de sponsoring ou de parrainage ne sera pas assimilé à un usage à titre de marque (arrêt du TAF B-5226/2015 du 13 septembre 2017 consid. 2.4.4). Il en va de même si la marque est utilisée exclusivement à titre de raison de commerce (enseigne), autrement dit comme renvoi à une entreprise et non aux marchandises que celle-ci commercialise ou fabrique (arrêt du TAF B-6813/2019 du 25 mai 2021 consid. 3.2.5). Les marques de service étant fréquemment employées de la même façon qu'une raison de commerce, un usage à titre de marque sera admis pour autant que la marque crée un lien reconnaissable avec les services enregistrés (Meier, Commentaire romand Propriété intellectuelle, 2013, n. 12 ad art. 11 LPM).

3.4 L'utilisation d'une marque en relation avec des produits ou services auxiliaires (Hilfsdienstleistungen) ne valide pas le droit à la marque pour de tels produits ou services. Sont considérés comme tels les produits ou services qui font partie de l'offre du produit ou service principal et qui lui sont accessoires sans être commercialisés de manière indépendante (eigenständig). Ils servent simplement d'appui au produit/service principal. Les produits ou les services qui, bien qu'accessoires au produit ou au service principal, sont offerts à titre onéreux ne peuvent plus être considérés, sous réserve des situations dans lesquelles la contrepartie ne serait que symbolique, comme produits/services auxiliaires; il restera toutefois à établir l'existence d'un usage sérieux de la marque apposée sur ces produits/services (ATF 116 II 463 consid. 2c; arrêt du Tribunal fédéral 4A_257/2014 du 29 septembre 2014 consid. 3.3).

3.5 L'usage de la marque doit être sérieux. Un usage purement symbolique, fait à seule fin de ne pas perdre le droit à la marque, ne suffit pas; le titulaire doit manifester l'intention de satisfaire toute demande de marchandise ou de service (ATF 102 II 111 consid. 3). Par ailleurs, l'usage doit être économiquement raisonnable et intervenir dans le commerce. L'usage à des fins privées ou à l'intérieur de l'entreprise ne suffit pas à maintenir le droit. Les usages commerciaux habituels sont déterminants (arrêts du Tribunal 4A_458/2022 du 3 avril 2023 consid. 4.3; 4A_464/2022 du 3 janvier 2023 consid. 3.2 et 4A_257/2014 du 29 septembre 2014 consid. 3.4).

3.6 En ce qui concerne la preuve du défaut d'usage, le législateur a tenu compte du fait que, par la nature des choses, il est plus aisé de prouver l'usage d'une marque que le non-usage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_299/2017 du 2 octobre 2017 consid. 3.4, et la référence au message, publié in sic! 2/2018 p. 59). Il a ainsi posé la règle figurant à l'art. 12 al. 3 LPM selon laquelle quiconque invoque le défaut d'usage doit le rendre vraisemblable. La preuve de l'usage incombe alors au titulaire de la marque (arrêt du Tribunal fédéral 4A_515/2017 du 4 juillet 2018 consid. 2.3.2). Celui-ci doit établir tous les éléments de fait qui permettront ensuite au juge, sous l'angle du droit, de déterminer que l'usage est intervenu conformément à la fonction de la marque (cf. supra consid. 3.3), que les produits/services considérés ne sont pas des services auxiliaires (cf. supra consid. 3.4), et que l'usage de la marque est sérieux (cf. supra consid. 4.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_515/2017 du 4 juillet 2018 consid. 2.3.2 et 4A_257/2014 du 29 septembre 2014 consid. 3.5).

3.7 Il n'est pas exigé du titulaire de la marque opposante qu'il utilise sa marque lui-même. L'usage de la marque auquel le titulaire consent est en effet assimilé à l'usage par le titulaire (art. 11 al. 3 LPM). Le titulaire peut ainsi - expressément ou tacitement - autoriser des tiers à faire usage de sa marque. Est en particulier valable l'usage de la marque par des filiales ou d'autres entreprises étroitement liées au titulaire. Peu importe que l'autorisation soit délivrée gratuitement ou à titre onéreux (arrêt du TAF B-293/2022 du 25 avril 2023 consid. 3.2.6).

3.8 En l'espèce, il n'est pas contesté que les activités de la défenderesse, dont le but est de recevoir en donation des objets et œuvres d'art ayant appartenu à C______/A______ et D______/A______ et de les exposer dans un musée, relèvent des services de la classe 41, pour lesquels la marque "C______/A______" est enregistrée.

En tant que titulaire de la marque, la demanderesse dispose donc du droit exclusif de l'utiliser pour les services concernés. Encore faut-il, pour qu'elle puisse se prévaloir de l'effet protecteur de la marque, qu'elle en fasse effectivement usage.

Afin d'établir un usage sérieux de la marque pour les services de la classe 41, la demanderesse a, dans le cadre de son action en cessation du trouble, spontanément fait état de différents évènements organisés durant les cinq dernières années où la marque aurait été employée. Il peut en conséquence être admis que la défenderesse a rendu vraisemblable une absence d'usage de la marque en lien avec des services de la classe 41 pour d'autres évènements que ceux mentionnés par la demanderesse, laquelle aurait, dans le cas contraire, pris soin de les alléguer.

Si pour la majorité des évènements concernés, la marque n'a pas été utilisée par la demanderesse elle-même mais par la banque C______/A______ (SUISSE) SA, il n'est toutefois pas contesté que la demanderesse a consenti à cet usage. L'usage de la marque par la banque C______/A______ (SUISSE) SA doit ainsi, conformément à l'art. 11 al. 3 LPM, être assimilé à un usage par la demanderesse.

Reste à déterminer si les événements mentionnés par la demanderesse permettent de retenir que le signe "C______/A______" a été sérieusement utilisé à titre de marque durant les cinq dernières années en lien avec les services enregistrés en classe 41, question qui relève du droit.

S'agissant des manifestations sportives et culturelles organisées par C______/A______ (SUISSE) SA dans le cadre du M______ à N______, respectivement du festival L______, ainsi que de l'invitation à naviguer à bord du bateau "Q______", la marque "C______/A______" a été utilisée en association avec la marque figurative no 2______. Or, il a été établi que C______/A______ (SUISSE) SA emploie cette association de marques dans le cadre de son activité d'exploitation d'une banque. Les événements concernés n'étaient par ailleurs pas publics, ayant lieu sur invitation. Selon le témoignage de R______, ils étaient destinés à des clients de la banque, des clients potentiels et des leaders d'opinion, soit à des personnes qui présentaient un intérêt économique pour la société. L'usage de la marque dans ce contexte a ainsi été perçu par le public visé comme lié à la banque et non comme un signe distinguant les manifestations proposées d'autres services culturels ou sportifs, ce d'autant qu'il est usuel en matière bancaire d'organiser des évènements promotionnels. Par ailleurs, C______/A______ (SUISSE) SA n'a pas pour but de fournir des services culturels ou sportifs, étant active dans le domaine bancaire et financier. Il n'est ainsi guère plausible qu'elle ait organisé les événements concernés dans la perspective de fournir de tels services. Il convient au contraire de retenir, au vu du but qu'elle poursuit, que lesdits événements constituaient un service auxiliaire destiné à promouvoir les prestations qu'elle fournit à titre principal, relevant des services financiers et non culturels ou sportifs. Ceci est corroboré par le fait que les manifestations étaient proposées à titre gratuit et destinées à des personnes connues de la banque. La témoin R______ a d'ailleurs confirmé que l'objectif des événements était de promouvoir les valeurs de la marque. Un usage à titre de marque en lien avec les services de la classe 41 ne saurait en conséquence être retenu en lien pour lesdits événements.

En ce qui concerne la soirée "P______", celle-ci avait, selon un communiqué de presse du groupe, pour but d'affirmer la singularité de celui-ci et de mettre en avant sa marque. Bien que des créations artistiques et musicales étaient proposées, il s'agissait ainsi en premier lieu d'un évènement promotionnel, lequel n'entre pas dans les services de la classe 41.

L'organisation d'un repas de remerciement pour les amis et navigateurs du bateau "Q______" n'entre également pas dans le cadre des services de la classe no 41.

Par ailleurs, la remise d'un prix "C______/A______" lors du M______ de 2019, dont C______/A______ (SUISSE) SA est un des sponsors, relève d'une activité de sponsoring. Plusieurs des autres prix remis à cette occasion portaient d'ailleurs le nom de sociétés. Cette activité ne saurait en conséquence, conformément à la jurisprudence susmentionnée, être assimilée à un usage à titre de marque. Il en va de même de l'apposition de la mention "GROUPE C______/A______", associée à la marque figurative employée par la banque, sur la voile du bateau "Q______", laquelle relève également d'une activité de sponsoring ou de parrainage.

Enfin, si la marque "C______/A______" a effectivement été utilisée dans le cadre de plusieurs formations organisées par C______/A______ (SUISSE) SA entre 2018 et 2022, il ne saurait être retenu qu'il s'agissait d'un usage à titre de marque pour les services de la classe 41. En effet, la marque était associée à la marque figurative employée par C______/A______ (SUISSE) SA dans le cadre de ses activités bancaires et les formations étaient en rapport avec le domaine de la finance. En outre, la plupart des formations ont eu lieu sur invitations de la banque et étaient en conséquence gratuites. Il apparaît ainsi que la marque litigieuse n'a pas été employée comme un signe distinctif, mais pour promouvoir les activités de la banque et lui assurer une certaine publicité.

Au vu de ce qui précède, les évènements dont se prévaut la demanderesse ne sauraient être considérés comme un usage valable de la marque en relation avec les services enregistrés sous la classe 41. A défaut de tout usage juridique valable de la marque relativement à ces services durant les cinq dernières années, la demanderesse ne peut pas se prévaloir de son droit à la marque pour interdire à la défenderesse d'utiliser la dénomination "Fondation C______/A______ et D______/A______" pour des services culturels ou éducatifs. Son action en cessation du trouble sera en conséquence rejetée.

La question de l'existence d'un risque de confusion entre la marque dont la demanderesse est titulaire et la dénomination de la défenderesse peut demeurer indécise au vu des considérations qui précèdent.

4. Les frais judiciaires seront arrêtés à 5'000 fr. (art. 17 RTFMC) et mis à la charge de la demanderesse qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront intégralement compensés avec l’avance de frais de même montant fournie par cette dernière, laquelle demeure acquise à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

La demanderesse sera par ailleurs condamnée à verser à la défenderesse la somme de 8'000 fr. à titre de dépens (art. 20 al. 1 LaCC ; art. 84 et 85 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC), au regard de l’activité déployée par le conseil de cette dernière.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable la demande en cessation du trouble formée par HOLDING B______/A______ ET C______/A______ SOCIETE ANONYME le 1er novembre 2022 contre la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ dans la cause C/21608/2022.

Au fond :

Déboute HOLDING B______/A______ ET C______/A______ SOCIETE ANONYME des fins de sa demande.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 5'000 fr., les met à la charge de HOLDING B______/A______ ET C______/A______ SOCIETE ANONYME et les compense avec l'avance de frais de même montant fournie par celle-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne HOLDING B______/A______ ET C______/A______ SOCIETE ANONYME à payer à la FONDATION C______/A______ ET D______/A______ la somme de 8'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Monsieur Ivo BUETTI, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

La présidente :

Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.