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Décisions | Chambre civile

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C/7030/2019

ACJC/712/2024 du 04.06.2024 sur JTPI/7506/2023 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7030/2019 ACJC/712/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 4 JUIN 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (GR), appelant d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 juin 2023, représenté par Me Corinne NERFIN, avocate, BORY & ASSOCIES AVOCATS, Cour
Saint-Pierre 7, 1204 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représenté par
Me Alain BERGER, avocat, BRS BERGER RECORDON & DE SAUGY, boulevard des Philosophes 9, case postale, 1211 Genève 4,

Les mineurs C______ et D______, domiciliés c/o Madame B______, ______, autres intimés, représentés par Me E______, avocate.


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1975 à F______ (Italie), de nationalité italienne, et B______, née le ______ 1969 à G______ (Iran), de nationalités britannique et suisse, se sont mariés le ______ 2007 à H______ (Royaume-Uni).

Deux enfants sont issus de cette union : C______, né le ______ 2008, et D______, né le ______ 2009, tous deux de nationalités britannique et suisse.

b. Peu après l'installation de la famille à Genève, en 2009, les époux ont connu d'importantes dissensions conjugales. Les 23 février 2012, 25 septembre 2012 et 22 novembre 2013, la police a avisé le Service de protection des mineurs (SPMi) d'épisodes de violence ayant eu lieu au domicile familial. Pour les faits survenus le 22 novembre 2013, auxquels les enfants ont partiellement assisté, le Tribunal de police a déclaré A______ coupable de lésions corporelles simples (art. 123 CP), de voies de fait (art. 126 CP) et de menaces (art. 180 CP) à l'endroit de B______.

Les époux se sont définitivement séparés à la fin de l'année 2013.

c. Par jugement JTPI/15546/2016 du 20 décembre 2016, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant d'entente entre les époux, a notamment :

- prononcé leur divorce (ch. 1 du dispositif);

- attribué l'autorité parentale sur les enfants à B______ et donné acte à celle-ci de son engagement de consulter A______ avant toute décision importante les concernant, l'y condamnant en tant que de besoin (ch. 2);

- attribué la garde des enfants à B______ (ch. 4);

- réservé à A______ un droit de visite devant s'exercer d'entente entre les parents, mais au minimum à raison de deux week-ends par mois ou de quatre jours une fois par mois et durant une partie des vacances scolaires (ch. 5);

- donné acte à A______ de ce qu'il ferait raisonnablement tout son possible afin d'exercer son droit de visite en présence d'une personne adulte jusqu'à ce que D______ atteigne l'âge de 12 ans (ch. 6) et de ce qu'il admettait que le non-respect de cet engagement constituerait un fait nouveau justifiant une modification judiciaire des modalités de son droit de visite (ch. 7);

- donné acte à A______ de son engagement de payer à B______, par mois et d'avance, à titre de contribution à l'entretien de chacun des enfants, 900 fr. jusqu'à 10 ans, 1'000 fr. jusqu'à 15 ans et 1'100 fr. de 15 ans jusqu'à la majorité ou au-delà en cas d'études régulières et suivies, mais au maximum jusqu'à 25 ans, l'y condamnant en tant que de besoin (ch. 8);

- donné acte à A______ de son engagement de participer à l'écolage des enfants jusqu'à hauteur d'un montant global de 16'000 fr. par année, l'y condamnant en tant que de besoin (ch. 9).

d. Le 29 mars 2019, A______ a saisi le Tribunal d'une demande en modification du jugement de divorce, avec requête de mesures provisionnelles. Sur les points encore litigieux en appel, il a conclu à l'instauration de l'autorité parentale conjointe sur les enfants, à l'octroi d'un large droit de visite en sa faveur, à exercer au minimum à raison de sept jours par mois et pendant la moitié des vacances scolaires, sans que la présence d'une personne adulte ne soit nécessaire, et à l'instauration d'une curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite.

Il a allégué que depuis de nombreux mois, B______ faisait obstruction à l'exercice de son droit de visite et l'évinçait des décisions importantes relatives aux enfants. Même s'il n'habitait plus à Genève et qu'il devait souvent voyager pour son travail, il avait toujours été disponible pour s'occuper de ses fils selon les modalités prévues par le jugement de divorce. Son ex-épouse, qui se montrait dénigrante envers lui, avait réussi à "monter" les enfants contre lui, au point qu'il n'avait plus aucun contact avec eux depuis le mois d'octobre 2018. Il demandait que son droit de visite soit rapidement rétabli.

e. Dans sa réponse du 30 septembre 2019, B______ a conclu au rejet de la demande, sous suite de frais et dépens.

Elle a allégué que A______ souffrait depuis sa jeunesse de troubles de l'humeur qui pouvaient se manifester par des actes de violence hétéro-/auto-agressifs et par des états de profonde prostration. Il était sujet à des périodes d'instabilité psychique, avec des phases aggravées de menaces ou velléités suicidaires, ce qui avait entraîné plusieurs hospitalisations. C'était la raison pour laquelle elle avait toujours demandé que le père soit accompagné par une autre personne adulte lorsqu'il exerçait son droit de visite. C'était en général la grand-mère paternelle des enfants, I______, qui assumait ce rôle. Suite à la séparation, elle avait favorisé au mieux les relations père-enfants, en accompagnant C______ et D______ pour rendre visite à leur père en Suisse ou à l'étranger (J______ [BE], F______ [Italie], etc.) et en hébergeant son ex-mari chez elle pour qu'il puisse passer du temps avec eux. En 2017-2018, le droit de visite avait été irrégulier, soit parce que le père ne l'honorait pas, souvent sans explication claire, soit parce qu'il n'était pas en état de l'exercer, étant sujet à des épisodes dépressifs sévères. Certaines visites s'étaient en outre très mal passées, le père ayant adopté des comportements inadéquats envers les enfants. Dès janvier 2018, ceux-ci avaient exprimé leur refus de continuer à le voir. Si elle avait jusque-là fait son possible pour maintenir le lien père-fils, elle avait finalement décidé de protéger les enfants et de respecter leur choix de ne plus avoir de contacts avec leur père.

f. Dans sa réplique du 15 novembre 2019, A______ a allégué que sa santé psychologique était certes fragile, mais qu'il bénéficiait d'un suivi auprès de spécialistes et qu'il était constant dans son traitement. Son état de santé ne l'avait jamais empêché de s'occuper de manière attentionnée de ses enfants. B______ - qui avait toujours adopté une attitude agressive et négative vis-à-vis de lui, également devant les enfants - persistait à "brandir sa pathologie comme un faux prétexte [pour] l'exclure complètement de la vie" de C______ et D______.

g. En cours de procédure, le Tribunal a sollicité un rapport du Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (SEASP), ordonné une expertise du groupe familial et désigné Me E______, avocate, en qualité de curatrice de représentation (ci-après : la curatrice) de C______ et D______.

h. Dans son rapport du 1er novembre 2019, le SEASP a retenu que, dans l'attente des résultats de l'expertise familiale, il était conforme à l'intérêt des enfants de maintenir l'autorité parentale et la garde exclusives en faveur de la mère et de suspendre le droit aux relations personnelles du père.

En substance, le SEASP a relevé que le conflit parental était durable et profond, chacun des parents reprochant à l'autre des violences psychologiques et/ou physiques. La communication parentale était inexistante. B______ offrait aux enfants une stabilité favorisant leur bon développement et leur garantissant un cadre sécurisant. Ses idées éducatives étaient claires et son discours demeurait centré sur les besoins des enfants. Lors de leur audition par le SEASP, ceux-ci avaient exprimé leur refus de voir leur père et manifesté de l'appréhension à l'idée de le rencontrer. En l'état, il convenait de les préserver en maintenant le statu quo.

i. Le 15 janvier 2020, l'expertise du groupe familial a été rendue par le Dr K______, psychiatre et psychothérapeute FMH, et L______, psychologue et psychothérapeute FSP pour enfants et adolescents.

A titre liminaire, les experts ont précisé avoir rencontré tous les membres de la famille, soit séparément (quatre entretiens avec chacun des parents, un entretien avec chacun des enfants) soit ensemble (un entretien avec C______ et sa mère, un entretien avec D______ et sa mère, un entretien avec les enfants et leur mère, un entretien avec les enfants, leur père et leur grand-mère paternelle). Les experts avaient également consulté la curatrice et recueilli des renseignements auprès des professionnels entourant le groupe familial (enseignants et pédiatre des enfants, pédopsychiatre de D______, psychiatre et médecin généraliste du père).

A______ présentait un trouble affectif bipolaire de type 2 qui évoluait de longue date. Cette condition psychique s'était manifestée au cours des années par divers épisodes dépressifs alternant avec un fonctionnement hypomane et impulsif de fond, surtout lorsque l'intéressé n'était pas bien stabilisé à travers un suivi et un traitement médicamenteux réguliers. Ces troubles psychiques avaient clairement affecté son fonctionnement relationnel de couple par le passé, s'agissant notamment de son impulsivité et de ses pertes de contrôle avec violence, et entravé ses compétences parentales, ce qui avait engendré un blocage relationnel avec ses enfants. Son état psychique s'était néanmoins stabilisé au cours des deux dernières années, suite à la mise en place d'un suivi régulier auprès d'une psychiatre, avec un traitement médicamenteux adapté. De son côté, B______ ne présentait pas de trouble psychique ni d'autre antécédent significatif au niveau de sa santé globale.

Dans le cadre de l'expertise, C______ et D______ avaient pu verbaliser les problèmes rencontrés avec leur père, à l'origine de leur refus de le voir. Ils avaient notamment évoqué certains événements récents qui les avaient marqués. Au printemps 2017, lors de vacances au bord de la mer en Italie, ils s'étaient retrouvés seuls et livrés à eux-mêmes sur une plage durant plusieurs heures, pendant que leur grand-mère paternelle amenait leur père chez un médecin; ils avaient eu peur et s'étaient sentis abandonnés. Pendant l'hiver 2017, alors qu'ils passaient des vacances de ski avec leur père, D______, qui souffrait d'une angine, avait dû se débrouiller seul avec l'aide de son frère pour prendre ses antibiotiques; ils n'avaient pas pu compter sur leur père pour gérer la situation. Le 15 avril 2018, D______ avait été forcé à prendre un bain avec son père, alors qu'il pleurait et qu'il lui avait clairement dit qu'il n'en avait pas envie car il trouvait ça "bizarre". De manière générale, C______ avait exprimé le fait que la relation entre ses parents avait toujours été conflictuelle et violente, avec "des cris et des disputes". Il trouvait son père "effrayant". Il se souvenait que lors d'une dispute, son père avait donné un coup de pied à sa mère qui avait dû se rendre à l'hôpital [il est fait référence à l'incident du 22 novembre 2013; cf. supra let. b]. De son côté, D______ avait déclaré que son père le mettait mal à l'aise; celui-ci était "impulsif et angoissant" et criait souvent. Ils avaient tous deux manifesté de la crainte et de l'anxiété à l'idée de voir leur père.

Selon les experts, les enfants présentaient un trouble de l'adaptation avec une symptomatologie anxieuse et dépressive qui limitaient leurs capacités à reprendre une relation avec leur père. Bien qu'ils aient une maturité affective correspondant à leur âge, ils gardaient une image trop clivée et détériorée de leur père, n'ayant intégré que les aspects négatifs de leur relation avec lui. Sans être aliénés par leur mère, ils restaient néanmoins dans une forme de loyauté envers celle-ci, cohérente avec les bouleversements familiaux auxquels ils avaient été confrontés. La situation de séparation fortement conflictuelle avait engendré un clivage "bon-mauvais" dans la représentation qu'ils se faisaient de leurs parents, comme cela arrivait souvent en pareil cas. Le père avait par ailleurs eu des attitudes inadéquates et perturbantes pour les enfants par le passé, ce qui avait rigidifié cette image clivée.

Si les enfants ne semblaient pas souffrir de l'absence de leur père pour le moment, une coupure totale des relations paternelles serait néfaste pour leur développement identitaire futur. Il était indiqué de mettre en œuvre une médiation afin de les aider à renouer des liens plus réguliers avec leur père. Cette médiation pourrait débuter dans un centre spécialisé (par ex. M______ ou N______) à une fréquence mensuelle qu'il conviendrait d'adapter en fonction de l'évolution de la situation. Une fois que la reprise relationnelle serait "aisée et satisfaisante", il pourrait être envisagé de réinstaurer un droit de visite plus élargi, à condition que l'état psychique du père demeure stable. En l'état, il convenait de maintenir l'autorité parentale et la garde exclusives en faveur de la mère, qui disposait de bonnes compétences parentales et offrait aux enfants un cadre favorisant leur épanouissement (ceux-ci étaient en bonne santé, bien intégrés à l'école et pratiquaient régulièrement du football).

j. Entendu par le Tribunal le 16 juin 2020, le Dr K______ a déclaré qu'au moment de l'expertise, la maladie psychique de A______ entravait partiellement ses capacités parentales, ce qui se reflétait dans sa difficulté à s'identifier à ses enfants et à comprendre les raisons de leur attitude de rejet envers lui. Il n'était pas apte à assumer l'autorité parentale sur ses enfants, dans la mesure où une décompensation bipolaire pouvait survenir à tout moment, sous la forme d'une décompensation dépressive ou d'une aggravation de son état hypomane (euphorie, impulsivité, agressivité), surtout s'il devait arrêter son traitement.

L'expert a confirmé qu'une coupure nette des relations entre le père et les enfants serait préjudiciable à la santé psychique de ces derniers. Cela étant, une reprise du lien paternel ne pourrait intervenir que dans un cadre protégé, par le biais d'une démarche thérapeutique familiale, à laquelle B______ devrait être partie prenante. Cette thérapie devrait inclure des éléments de médiation en insistant sur la relation père-enfants afin d'aider C______ et D______ à renouer des liens plus positifs et réguliers avec leur père. S'ils persistaient à refuser de voir ce dernier, le thérapeute devrait organiser des entretiens individuels pour accompagner les enfants dans la reprise du lien. Il était très important d'avancer à leur rythme. Pour parvenir à un résultat, le thérapeute devrait adapter sa méthode, ce qui pourrait prendre du temps. Le cas échéant, il appartiendrait au thérapeute d'objectiver le fait qu'une reprise des relations père-fils n'était pas possible en l'état.

k. Le 7 octobre 2020, le Tribunal a entendu C______ et D______ séparément, hors la présence de leurs parents et de la curatrice. Ils ont déclaré ne pas souhaiter voir leur père ni être forcés à le faire. D______ a ajouté qu'il ne voulait pas voir un thérapeute car une telle démarche le stressait.

l. Par ordonnance de mesures provisionnelles du 9 octobre 2020, le Tribunal a donné acte aux parties de ce qu'elles étaient d'accord d'instaurer une thérapie individuelle en faveur de C______ et D______, à charge pour le thérapeute d'inclure les parents dans le processus thérapeutique s'il l'estimait nécessaire, ainsi que de suspendre la procédure dans l'intervalle. A______ était par ailleurs autorisé à contacter directement les enseignants et les médecins des enfants pour se renseigner à leur sujet.

m. Par courrier du 23 avril 2021, la curatrice a informé le Tribunal qu'une thérapie individuelle avait pu être mise en place pour les enfants en début d'année. Elle a ensuite transmis au Tribunal un rapport de la Dre O______ du 21 juin 2021 concernant l'évaluation psychiatrique de C______.

En février 2021, D______ avait eu un entretien avec le Dr P______, psychiatre-psychothérapeute FMH pour enfants et adolescents, qu'il avait déjà vu en 2018. Lors de cet entretien, il avait catégoriquement refusé l'idée de revoir son père et, selon le pédopsychiatre, il serait inutile et même contre-productif de le forcer à le faire. Tant que D______ associait la thérapie à la perspective d'une reprise des relations père-fils, il y avait peu d'espoir d'une amélioration. Il n'était pas prêt pour un suivi individuel mais pourrait bénéficier d'une thérapie de groupe avec d'autres enfants. Fort de ces constatations, le Dr P______ avait interrompu le suivi après une seule séance.

Entre février et juin 2021, C______ avait eu trois entretiens avec la Dre O______, psychiatre-psychothérapeute FMH pour adultes, enfants et adolescents. Il évoluait globalement bien et ne présentait aucun trouble psychiatrique. Il avait pu articuler les raisons, étayées par de nombreux exemples, qui expliquaient son sentiment d'insécurité et de malaise en présence de son père. Son refus de le voir ne relevait ni d'un "raisonnement capricieux" ni d'une "problématique de type aliénation parentale". Il distinguait très clairement son propre vécu du conflit qui opposait ses parents et avait pu exprimer le fait qu'il ne ressentait pas le besoin d'un soutien psychologique. Selon la pédopsychiatre, C______ n'était pas ouvert à débuter un travail psychothérapeutique visant à réhabiliter le lien parental avec son père. Le fait de lui imposer un tel suivi serait d'ailleurs clairement contre-productif et ne ferait que renforcer son refus de tout contact avec son père.

n. Lors de l'audience du Tribunal du 23 juin 2021, la curatrice a déclaré que les enfants s'opposaient à la mise en œuvre d'une thérapie ayant pour objectif la reprise des relations avec leur père. Les praticiens qui avaient vu C______ et D______ préconisaient de mettre fin aux thérapies individuelles des enfants, celles-ci étant contre-indiquées.

A l'issue de l'audience, les parties se sont accordées pour mettre un terme auxdites thérapies, ce dont le Tribunal leur a donné acte par ordonnance de mesures provisionnelles prononcée le jour même.

o. Le 23 août 2021, A______ a sollicité du Tribunal qu'il procède à l'audition de cinq témoins, dont I______, et qu'il ordonne une contre-expertise pour établir si les enfants étaient influencés, respectivement manipulés par leur mère (syndrome d'aliénation parentale).

p. Par ordonnance du 26 novembre 2021, le Tribunal a ordonné un complément d'expertise "sur la question de l'aliénation parentale". Il a rejeté l'offre de preuve par témoins formulée par A______, faute de pertinence et compte tenu de la faible force probante de témoignages émanant de proches ou de membres de la famille du précité.

q. Le 21 avril 2022, le précité a formé une requête de mesures provisionnelles, concluant à ce que le Tribunal ordonne "la mise en œuvre d'un travail de reprise des liens père-enfants, selon le processus consistant à procéder dans un premier temps à des visites médiatisées à raison de deux heures tous les quinze jours pendant quatre mois, puis à prévoir des rencontres père-enfants sans surveillance, centrées sur des activités dites de médiation (sorties, jeux, balades à vélo, etc.), étant précisé que les modalités de ces rencontres à l'extérieur ser[aient] validées par le thérapeute en charge du travail de reprise des liens".

B______ et la curatrice ont conclu au rejet de cette requête, exposant que C______ et D______ refusaient toujours de voir leur père.

r. Le Dr K______ a rendu un rapport d'expertise complémentaire le 30 juin 2022, après avoir rencontré les enfants le 16 juin 2022, lors d'un entretien individuel d'une heure pour chacun d'eux, hors la présence de leurs parents.

Selon l'expert, les enfants n'étaient pas empêchés d'émettre un avis libre et éclairé sur la question de leur garde et des relations personnelles avec leurs parents. Tous deux disposaient de la capacité de discernement pour se déterminer à ce sujet. Leur attitude ne pouvait pas être assimilée à un syndrome d'aliénation parentale, dans la mesure où leur refus de voir leur père s'expliquait par la survenance, au cours de leur enfance, de différents évènements qui avaient été traumatiques pour eux et par la relation longtemps perturbée qu'ils avaient eue avec leur père lorsqu'ils le côtoyaient. Vu que des abus et des négligences avaient réellement eu lieu par le passé, l'animosité des enfants envers leur père était "justifiée", ce qui permettait d'exclure l'hypothèse d'une aliénation parentale. Le comportement des enfants ne s'était pas modifié de manière substantielle depuis le 15 janvier 2020, mais ils étaient lassés de la procédure judiciaire à laquelle ils devaient participer malgré eux; cela avait engendré chez eux une "contre-attitude face à toute reprise de contact avec leur père". En revanche, les enfants ne manifestaient plus de craintes ou d'anxiété face à leur père, raison pour laquelle l'expert n'avait plus retenu de diagnostic psychiatrique chez ceux-ci. Tous deux étaient en bonne santé psychique générale. Ils ne ressentaient pas de culpabilité consciente dans leur refus de voir leur père, ce qui était probablement lié au fait qu'ils considéraient - en se basant sur des événements réels - que leur père ne s'était pas occupé d'eux de manière adéquate lorsqu'ils étaient plus jeunes, en raison notamment de son trouble bipolaire.

Le fait de contraindre les mineurs à revoir leur père ou à suivre une thérapie serait contre-productif, comme l'avaient relevé les pédopsychiatres consultés en 2021. Cela aurait pour effet de générer un blocage face à des retrouvailles futures avec leur père, retrouvailles qu'ils n'excluaient d'ailleurs pas mais dont ils n'avaient pas envie actuellement. Il était important de tenir compte de leur avis sur cette question. L'expert était néanmoins favorable à la poursuite de la curatelle exercée par la curatrice, afin de pouvoir réévaluer la situation une fois par année et, cas échéant, de prendre les mesures nécessaires si les enfants exprimaient le souhait de revoir leur père. Dans l'intervalle, la démarche de A______, qui avait manifesté sa présence de façon bienveillante auprès des enfants en leur adressant quelques messages/lettres, devait être encouragée même si ceux-ci ne lui répondaient pas. En effet, ce maintien des liens, même minime, favoriseraient certainement une reprise des relations en temps voulu.

s. Entendu par le Tribunal le 30 janvier 2023, le Dr K______ a déclaré que les enfants - désormais âgés de 13 et 14 ans - avaient grandi et que la reprise des visites paternelles était un choix qui leur appartenait. Ils disposaient de la maturité nécessaire pour faire ce choix. Dans le cadre de la première expertise, l'expert avait ressenti que les enfants étaient très angoissés à l'idée de rencontrer leur père. Cette symptomatologie avait entièrement disparu depuis, ce qui démontrait qu'ils s'étaient approprié leur décision de ne pas le voir pour le moment. Le syndrome d'aliénation parentale ne pouvait pas être retenu en raison des négligences que les enfants avaient effectivement subies par le passé (incident sur la plage en Italie, disputes parentales avec actes de violence sur la mère, impulsivité du père avec les enfants). On ne pouvait pas exclure le risque que les enfants développent des problèmes narcissiques identitaires si l'absence de relations paternelles devait se prolonger. Toutefois, s'ils étaient forcés à voir leur père, les enfants risquaient de développer des troubles psychiques plus graves. Selon l'expert, même si le lien paternel devait idéalement être maintenu, les conditions actuelles ne le permettaient pas.

t. A l'issue de l'audience du 30 janvier 2023, le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles. Par ordonnance du 20 février 2023, il a renoncé - en l'état - à fixer les relations personnelles entre les enfants et leur père.

u. Lors de l'audience de plaidoiries finales du 22 mars 2023, A______ a conclu à l'instauration de l'autorité parentale conjointe et à la mise en œuvre d'un travail de reprise des liens père-enfants, conformément aux modalités spécifiées dans sa requête de mesures provisionnelles du 21 avril 2022. B______ a persisté dans ses précédentes conclusions.

La curatrice s'est opposée à mise en place d'une thérapie de reprise des liens. Elle a conclu au maintien de l'autorité parentale et de la garde exclusives en faveur de la mère, à ce que le père soit autorisé à envoyer de temps en temps un message aux enfants ou un petit cadeau, et à ce que la mère soit exhortée à consulter le père pour toute décision importante concernant la vie des enfants, comme elle s'était engagée à le faire dans le jugement de divorce, ainsi qu'à encourager les enfants à répondre à leur père et, progressivement, à rétablir un contact avec lui.

v. Les parties se sont déterminées sur l'état de frais de la curatrice en avril 2023, après quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

B. Par jugement JTPI/7506/2023 du 26 juin 2023, reçu par A______ le 3 juillet 2023, le Tribunal, statuant par voie de procédure ordinaire, a débouté le précité des fins de sa demande (ch. 1 du dispositif), modifié le chiffre 5 du dispositif du jugement du 20 décembre 2016 s'agissant du droit de visite de A______ et dit que celui-ci s'exercerait uniquement sur demande des enfants C______ et D______ (ch. 2), exhorté B______ à respecter les termes du jugement du 20 décembre 2016, en particulier son engagement de consulter A______ avant toute décision importante concernant la vie des enfants (ch. 3), instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles en faveur de C______ et D______ (ch. 4), prescrit que la mission du curateur serait d'interpeller les enfants, une fois par année, sur leur volonté d'une reprise de la relation avec leur père et, cas échéant, d'œuvrer à ladite reprise si les enfants en émettaient le souhait (ch. 5), ordonné la communication du jugement au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant en vue de la désignation du curateur (ch. 6), dit que les frais de la curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles seraient pris en charge par moitié par les parents (ch. 7), arrêté les frais judiciaires à 41'180 fr., compensés partiellement avec les avances versées par les parties et mis à la charge de A______, celui-ci étant condamné à verser 5'000 fr. à B______ et 25'020 fr. aux Services financiers du pouvoir judiciaire (ch. 8), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 9) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 10).

Le Tribunal a retenu qu'aucune circonstance nouvelle ne plaidait en faveur d'une modification du jugement de divorce s'agissant de la garde et de l'autorité parentale. Le SEASP, la curatrice et l'expert avaient tous relevé qu'il n'était pas dans l'intérêt des enfants de leur imposer une reprise des relations personnelles avec leur père, ni même d'instaurer une thérapie ayant pour objectif d'encourager et d'accompagner une telle reprise. C______ et D______, âgés de respectivement 15 et 14 ans, avaient librement fait part de leur refus de voir leur père pour le moment, ce qu'ils avaient confirmé devant le Tribunal. Ils étaient suffisamment matures pour se déterminer à ce sujet et il convenait de respecter leur volonté, étant souligné que le complément d'expertise avait permis d'exclure un éventuel syndrome d'aliénation parentale. L'expert avait en outre affirmé que les enfants risquaient de développer de graves troubles psychiques s'ils étaient contraints de voir leur père contre leur gré. En conséquence, il se justifiait de modifier le jugement de divorce, en ce sens que le droit de visite du père devrait s'exercer uniquement à la demande des enfants.

Les frais judiciaires, comprenant les émoluments de décision sur mesures provisionnelles et sur le fond (2'000 fr.), les frais d'expertise (13'000 fr.), les frais d'interprète (280 fr.) et les honoraires de la curatrice (25'900 fr. pour 65 heures d'activité), totalisaient 41'180 fr. Vu l'issue du litige et compte tenu du fait que la procédure avait été initiée par A______, lequel avait formé deux requêtes de mesures provisionnelles et sollicité un complément d'expertise, ce qui avait "appelé des déterminations de la curatrice et la participation à de multiples audiences", il se justifiait de mettre l'intégralité de ces frais à la charge du précité.

C. a. Par acte expédié le 1er septembre 2023 à la Cour de justice, A______ a indiqué "former appel" contre ce jugement, au motif que la "décision rendue par le Tribunal présent[ait] des erreurs de droit et des faits qui [avaient] un impact significatif sur [ses] droits et intérêts en tant que parent et sur le bien-être de [ses] enfants".

En substance, il a reproché au Tribunal d'avoir "avancé des raisons faibles voire inexistantes" pour refuser d'ordonner la reprise des relations personnelles père-enfants, en se fondant sur une expertise viciée - car "réalisée sans la présence du père" - et après avoir refusé d'entendre les témoins dont il avait sollicité l'audition. En laissant les enfants prendre seuls la décision de voir ou non leur père, le Tribunal les exposait "potentiellement […] à un conflit de loyauté et à un fardeau émotionnel inapproprié", ce qui était contraire à leur intérêt supérieur, compte tenu du "besoin fondamental des enfants de grandir avec leurs deux parents". Le Tribunal n'avait pas "compris que le blocage unilatéral et arbitraire des visites des enfants a[vait] été orchestré par la mère en 2018", pas plus qu'il n'avait pris en considération le fait que celle-ci n'avait pas encouragé la reprise des liens père-fils et qu'elle empêchait le père d'avoir accès aux informations importantes concernant les enfants. L'attitude de la curatrice était également "suspecte", celle-ci ayant initialement préconisé la reprise du droit de visite avant de changer "soudainement" d'avis. Il demandait à ce que "cette grave erreur soit examinée dans le cadre de l'appel […] et que des mesures appropriées soient prises pour garantir que les droits et les besoins des enfants soient pleinement respectés". Par ailleurs, il demandait "au tribunal de prendre en compte [sa] demande d'opposition aux frais judiciaires […] et de prendre les mesures nécessaires pour garantir que [ses] droits légaux soient respectés".

En conclusion de son acte d'appel, il a demandé à la Cour de "convoquer une audience dans un délai raisonnable" afin qu'il puisse "présenter [son] appel et exposer les raisons pour lesquelles [il] consid[érait] que la décision du tribunal inférieur devrait être réexaminée".

b. Dans sa réponse du 27 novembre 2023, B______ a conclu principalement à l'irrecevabilité de l'appel, subsidiairement à son rejet, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Dans sa réponse du même jour, la curatrice s'en est rapportée à justice quant à la recevabilité de l'appel. Sur le fond, elle a conclu au rejet de celui-ci, à la confirmation du jugement attaqué et à la taxation de ses honoraires d'appel, ceux-ci étant mis pour moitié à la charge des parties.

d. Le 20 décembre 2023, sous la plume de son nouveau conseil, A______ a répliqué et pris des conclusions qui ne figuraient pas dans son acte d'appel.

e. Le 26 février 2024, B______ et la curatrice ont dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

f. La cause a été gardée à juger le 19 mars 2024, ce dont les parties ont été avisées le jour même.

g. Le 25 mars 2024, la curatrice a adressé à la Cour son relevé d'activité et sa note d'honoraires pour la procédure d'appel, d'un montant de 2'854 fr. 15 pour 7.5 heures d'activité.

Cet état de frais a été transmis à A______ et B______ le 26 mars 2024.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige porte sur les relations personnelles entre l'appelant et ses deux enfants mineurs, soit sur une affaire non pécuniaire, de sorte que la voie de l'appel est ouverte indépendamment de la valeur litigieuse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_611/2019 du 29 avril 2020 consid. 1).

L'appel a par ailleurs été formé dans le délai de 30 jours prescrit par la loi (art. 311 al. 1 CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), de sorte qu'il est recevable dans cette mesure.

1.2 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC).

La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée dès lors qu'elle concerne les enfants mineurs des parties (art. 296 al. 1 et al. 3 CPC), de sorte que la Cour n'est liée ni par les conclusions des parties sur ce point ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2).

1.3 L'intimée conclut à l'irrecevabilité de l'appel, faisant valoir que le mémoire d'appel du 1er septembre 2023 n'est pas suffisamment motivé et n'articule aucune conclusion.

1.3.1 Selon l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel doit être introduit par un acte écrit et motivé.

La motivation est une condition légale de recevabilité qui doit être examinée d'office. Afin de respecter cette exigence, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2016 du 10 mai 2016 consid. 4).

Même si l'instance d'appel applique le droit d'office (art. 57 CPC), le procès se présente différemment en seconde instance, vu la décision déjà rendue. L'appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner à simplement reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. Si la motivation de l'appel est identique aux moyens qui avaient déjà été présentés en première instance, avant la reddition de la décision attaquée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_97/2014 du 26 juin 2014 consid. 3.3), ou si elle ne contient que des critiques toutes générales de la décision attaquée, elle ne satisfait pas aux exigences de l'art. 311 al. 1 CPC et l'instance d'appel ne peut entrer en matière (arrêts du Tribunal fédéral 5A_438/2012 du 27 août 2012 consid. 2.2; 4A_97/2014 déjà cité consid. 3.3). Ni la maxime inquisitoire illimitée ni la maxime d'office ne libèrent les parties de l'obligation de motiver formellement les actes adressés à l'instance d'appel (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_236/2016; 5A_239/2016 du 15 janvier 2018 consid. 3.2.3 et 3.3.3).

Même si l'art. 311 al. 1 CPC ne le mentionne pas, le mémoire d'appel doit contenir des conclusions, lesquelles doivent indiquer sur quels points l'appelant demande la modification ou l'annulation de la décision attaquée. Ces conclusions doivent en principe être libellées de telle manière que l'autorité d'appel puisse, s'il y a lieu, les incorporer sans modification au dispositif de sa propre décision. L'interdiction du formalisme excessif commande exceptionnellement d'entrer en matière sur un appel formellement dépourvu de conclusions, si ce que demande l'appelant résulte clairement de sa motivation, cas échéant en relation avec le jugement attaqué. Les conclusions doivent être interprétées à la lumière des motifs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_462/2022 du 6 mars 2023 consid. 6.1 et les références citées).

La motivation d'un acte d'appel doit être entièrement contenue dans le mémoire d'appel lui-même. Elle ne saurait dès lors être complétée ou corrigée ultérieurement, une fois le délai d'appel échu. Si elle fait défaut, la juridiction d'appel n'entre pas en matière. Il en va de même pour les conclusions d'appel. En effet, il ne peut être remédié à un défaut de motivation ou à des conclusions déficientes, de tels vices n'étant pas d'ordre formel et affectant l'appel de manière irréparable, ce même si le mémoire émane d'une personne sans formation juridique (arrêt du Tribunal fédéral 5A_959/2023 du 23 janvier 2024 consid. 3.2. et les références citées).

1.3.2 En l'espèce, l'intimée relève avec raison que le mémoire d'appel est rédigé de façon peu lisible et confuse, qu'il est dépourvu de conclusions formelles et qu'il comporte des griefs insuffisamment motivés. Cela ne suffit toutefois pas à rendre l'appel irrecevable dans son ensemble.

En effet, à sa lecture, l'on comprend que l'appelant reproche au Tribunal d'avoir refusé d'ordonner la reprise des relations personnelles entre lui-même et ses enfants dans un cadre thérapeutique, cas échéant selon les modalités spécifiées dans sa requête de mesures provisionnelles du 21 avril 2022, et l'on parvient à discerner les raisons pour lesquelles il considère que le raisonnement du Tribunal serait erroné à ce sujet. L'appel est par conséquent recevable sur cette question et les griefs de l'appelant seront traités ci-après (cf. consid. 2).

L'appel est en revanche irrecevable en tant que l'appelant déclare "s'opposer aux frais judiciaires de première instance", dans la mesure le jugement attaqué ne fait l'objet d'aucune critique motivée sur ce point.

Les conclusions de l'appelant tendant à la convocation d'une audience devant la Cour et - implicitement - à l'audition des témoins telle que requise en première instance sont également irrecevables, faute de motivation. En particulier, l'appelant n'expose pas en quoi ces mesures probatoires seraient susceptibles de modifier l'issue du litige, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ces conclusions.

Au surplus, il ne saurait être tenu compte des conclusions et griefs motivés que l'appelant a formulés pour la première fois dans sa réplique, celle-ci ayant été déposée après l'échéance du délai d'appel.

2. 2.1.1 Aux termes de l'art. 273 al. 1 CC, le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances. Le droit aux relations personnelles est considéré à la fois comme un droit et un devoir des parents, mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant, qui doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci; dans chaque cas, la décision doit donc être prise de manière à répondre le mieux possible à ses besoins, l'intérêt des parents étant relégué à l'arrière-plan (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; 141 III 328 consid. 5.4;
131 III 209 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_177/2022 du 14 septembre 2022 consid. 3.1.1).

Le droit aux relations personnelles n'est toutefois pas absolu. Selon l'art. 274 al. 2 CC, si les relations personnelles compromettent le développement de l'enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs obligations, s'ils ne se sont pas souciés sérieusement de l'enfant ou s'il existe d'autres justes motifs, le droit d'entretenir ces relations peut leur être retiré ou refusé. Cela étant, si le préjudice engendré pour l'enfant par les relations personnelles peut être limité par la mise en œuvre d'un droit de visite surveillé ou accompagné, le droit de la personnalité du parent non détenteur de l'autorité parentale, le principe de la proportionnalité, mais également le sens et le but des relations personnelles, interdisent la suppression complète du droit auxdites relations (ATF 122 III 404 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_618/2017 du 2 février 2018 consid. 4.2 et les références).

La fixation du droit aux relations personnelles relève de l'appréciation du juge du fait, qui jouit pour cela d'un large pouvoir et applique les règles du droit et de l'équité (ATF 142 III 617 consid. 3.2.5; arrêts du Tribunal fédéral 5A_669/2019 du 7 février 2020 consid. 6.3; 5A_334/2018 du 7 août 2018 consid. 3.1 et les références citées).

2.1.2 Les conditions de la modification des relations personnelles instaurées dans un jugement de divorce sont définies par les dispositions relatives aux effets de la filiation, à savoir l'art. 273 CC pour le principe et l'art. 274 CC pour les limites (art. 134 al. 2 CC).

L'action en modification ne doit pas aboutir à recommencer la procédure de divorce; il ressort de la systématique de l'art. 134 CC qu'il faut, au contraire, qu'un changement notable des circonstances soit intervenu (art. 134 al. 1 in fine CC), changement qui impose impérativement, pour le bien de l'enfant, une modification de la réglementation adoptée dans le jugement de divorce (ATF 100 II 76 consid. 1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_381/2010 du 21 juillet 2010 consid. 4.2; 5C.271/2001 du 19 mars 2002 consid. 3b, in FamPra.ch 2002 p. 601). Cependant, cela ne signifie pas que la modification de la réglementation du droit de visite doive être soumise à des exigences particulièrement strictes. Il suffit que le pronostic du juge du divorce sur les effets des relations personnelles entre le parent auquel la garde n'a pas été confiée et l'enfant se révèle erroné et que le maintien de la réglementation actuelle risque de porter atteinte au bien de l'enfant (ATF 111 II 405 consid. 3; 100 II 81 consid. 1 à 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_120/2013 du 23 mai 2013 consid. 2.1.1).

2.1.3 La réglementation du droit de visite ne saurait dépendre uniquement de la volonté de l'enfant; il faut déterminer, dans chaque cas particulier, pourquoi celui-ci adopte une attitude défensive à l'endroit du parent non gardien et si l'exercice du droit de visite risque réellement de porter préjudice à son intérêt. Pour apprécier le poids qu'il convient d'accorder à l'avis de l'enfant, son âge et sa capacité à se forger une volonté autonome, ce qui est en règle générale le cas aux alentours de 12 ans révolus, ainsi que la constance de son avis sont centraux. Si un enfant capable de discernement refuse de manière catégorique et répétée, sur le vu de ses propres expériences, d'avoir des contacts avec l'un de ses parents, il faut les exclure en raison du bien de l'enfant; en effet, face à une forte opposition, un contact forcé est incompatible avec le but des relations personnelles ainsi qu'avec les droits de la personnalité de l'enfant (ATF 127 III 295 consid. 4a; 126 III 219 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_415/2020 du 18 mars 2021 consid. 5.1; 5A_56/2020 du 17 août 2020 consid. 4.1; 5A_984/2019 du 20 avril 2020 consid. 3.3 et les références).

2.1.4 Pour trancher le sort des enfants, le juge peut ordonner une expertise. Il n'est en principe pas lié par le rapport de l'expert, qu'il doit apprécier en tenant compte de l'ensemble des autres preuves administrées. Il ne saurait toutefois, sans motifs sérieux, substituer son opinion à celle de l'expert; il est par ailleurs tenu de motiver sa décision à cet égard (ATF 142 IV 49 consid. 2.1.3; 141 IV 369 consid. 6.1;
138 III 193 consid. 4.3.1; parmi plusieurs : arrêts du Tribunal fédéral 6B_976/2020 du 3 décembre 2020 consid. 1.2; 5A_381/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4.1; 6B_1311/2019 du 5 mars 2020 consid. 2.1 et les références).

On admet de tels motifs sérieux lorsque l'expertise contient des contradictions, lorsque des circonstances bien établies viennent en ébranler la crédibilité, qu'une détermination ultérieure de son auteur vient la démentir sur des points importants, lorsqu'elle contient des constatations factuelles erronées ou des lacunes, voire lorsqu'elle se fonde sur des pièces dont le juge apprécie autrement la valeur probante ou la portée (ATF 129 I 49 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_223/2012 du 13 juillet 2012 consid. 5.3.2 et 4A_204/2010 du 29 juin 2010 consid. 3.1.1). En l'absence de tels motifs, le juge s'expose au reproche d'arbitraire s'il écarte de l'expertise judiciaire (ATF 110 Ib 52 consid. 2; 101 IV 129 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_485/2012 du 11 septembre 2012 consid. 4.1).

2.2 En l'espèce, il est constant qu'au cours des cinq dernières années, C______ et D______ ont refusé de manière catégorique et répétée d'avoir des contacts avec leur père, expliquant qu'ils se sentaient mal à l'aise ou même angoissés en sa présence, ayant souvent été confrontés, lorsqu'ils étaient plus jeunes, à son comportement impulsif et perturbant - ce qui était dû notamment à sa maladie (trouble affectif bipolaire). Ils ont confirmé leur volonté de ne pas voir leur père devant le SEASP, la curatrice, les experts, les pédopsychiatres consultés en 2021 et le Tribunal, sans jamais varier dans leur position et/ou leurs explications à ce sujet. Les thérapies individuelles mises en place dès février 2021 pour les encourager à restaurer progressivement le lien paternel n'ont donné aucun résultat, les pédopsychiatres ayant constaté que les mineurs étaient opposés à tout suivi thérapeutique visant à rétablir ce lien, d'une part, et que leur imposer un tel suivi ne ferait que renforcer leur attitude de rejet envers leur père, d'autre part.

A la requête de l'appelant, le Tribunal a ordonné un complément d'expertise afin de déterminer si l'attitude défensive des enfants envers leur père pourrait être due à l'influence exercée sur eux par leur mère (syndrome d'aliénation parentale). Dans ce cadre, l'expert a affirmé que C______ et D______ étaient en mesure d'émettre un avis libre et éclairé sur la question des relations personnelles avec leur père et qu'ils disposaient de la capacité de discernement et de la maturité nécessaires pour se déterminer à ce sujet. L'hypothèse d'une aliénation parentale n'entrait pas en considération dans le cas concret : en effet, l'attitude défensive des mineurs s'expliquait par la survenance, durant leur enfance, d'événements qui avaient été traumatisants pour eux et par la relation longtemps perturbée qu'ils avaient expérimentée avec leur père. Selon l'expert, il était important de tenir compte de leur avis, étant précisé qu'ils risquaient de développer des troubles psychiques s'ils étaient contraints à voir leur père contre leur gré.

Compte tenu des éléments qui précèdent, en particulier de la volonté clairement exprimée par C______ et - qui sont désormais âgés de 16 et 15 ans -, c'est à bon droit que le Tribunal a renoncé à fixer les relations personnelles entre l'appelant et ses enfants et prescrit qu'à l'avenir, le droit de visite du premier ne pourrait s'exercer que moyennant l'accord des seconds.

Au surplus, c'est en vain que l'appelant reproche au premier juge d'avoir fait preuve de "légèreté" en se ralliant aux conclusions des experts. Contrairement à ce qu'il soutient, l'expertise familiale ordonnée par le Tribunal n'a pas été menée de façon superficielle et ne se fonde pas sur les seules explications de l'intimée. Avant de rendre leurs conclusions, les experts ont en effet procédé à de nombreux entretiens avec chacun des membres de la famille, dont cinq entretiens avec l'appelant (quatre entretiens individuels et un entretien en présence des enfants et de la grand-mère paternelle), et recueilli toutes les informations utiles auprès des professionnels entourant le groupe familial (enseignants, pédiatre et pédopsychiatres des enfants, psychiatre et médecin généraliste de l'appelant, curatrice). A cela s'ajoute que les rapports d'expertise sont circonstanciés, clairs et non équivoques, et que les constatations et recommandations des experts sont cohérentes au regard des autres éléments probants figurant au dossier, en particulier le rapport d'évaluation sociale du SEASP et les prises de position émises par les pédopsychiatres des enfants et par la curatrice. Les rapports d'expertise ne suscitent aucun doute sérieux quant au bien-fondé de leurs conclusions, qui sont formulées de manière convaincante. A l'instar du Tribunal, la Cour n'a ainsi aucune raison de s'en écarter.

Mal fondé, l'appel sera dès lors rejeté.

3. Les frais judiciaires d'appel, comprenant l'émolument de décision et les honoraires de la curatrice, seront arrêtés à 3'854 fr. 15 (art. 95 al. 2 let. e CPC; art. 30 et 35 RTFMC), mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et partiellement compensés avec l'avance de 1'000 fr. qu'il a versée, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelant sera condamné à verser 2'854 fr. 15 à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du pouvoir judiciaire, lesquels seront invités à verser le même montant à la curatrice.

Pour des motifs d'équité liés à la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 1er septembre 2023 par A______ contre le jugement JTPI/7506/2023 rendu le 26 juin 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7030/2019.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 3'854 fr. 15, les met à la charge de A______ et les compense partiellement avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 2'854 fr. 15 à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du pouvoir judiciaire.

Invite les Services financiers du pouvoir judiciaire à verser 2'854 fr. 15 à Me E______, avocate, pour ses honoraires de curatrice de représentation.

Dit que chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile. Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.