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Décisions | Chambre civile

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C/22855/2021

ACJC/715/2024 du 04.06.2024 sur DTPI/2883/2024 ( OO ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22855/2021 ACJC/715/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 4 JUIN 2024

 

Pour

Madame A______, domiciliée ______, recourante contre une décision rendue par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 14 mars 2024, représentée par Me Magda KULIK, avocate, KULIK SEIDLER, rue du Rhône 116, 1204 Genève.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 19 novembre 2021, A______ a saisi le Tribunal de première instance d'une requête unilatérale en divorce non motivée.

B______ en a fait de même le 28 février 2022.

b. Des avances de frais ont été requises.

c. Le 7 mars 2024, A______ a déposé une requête de mesures provisionnelles, concluant notamment à la condamnation de son époux à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, la somme de 8'200 fr. à titre de contribution à l'entretien de l'enfant C______ du 1er janvier 2023 au 31 janvier 2024 puis 4'000 fr. dès le 1er février 2024, ainsi que la somme de 33'894 fr. par mois à titre de contribution à son propre entretien depuis le 1er mars 2023.

B. Par décision DTPI/2883/2024 du 14 mars 2024, le Tribunal a imparti à A______ un délai au 30 avril 2024 pour fournir une avance de frais complémentaire en 20'000 fr.

Le Tribunal s'est fondé sur les art. 91ss, 98, 101 al. 1, 117ss, 248ss CPC et 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC).

C. a. Le 2 avril 2024, A______ a formé recours à la Cour de justice contre la décision d'avance de frais complémentaire du 14 mars 2024, reçue le 19 mars 2024, concluant à son annulation et à ce que l'avance de frais complémentaire soit fixée à 2'000 fr.

Elle a fait valoir qu'au regard des conclusions relatives au paiement de contributions d'entretien pour elle-même et l'enfant des parties, et des art. 31 RTFMC et de l'art. 5.3.3 du Tarif interne des demandes d'avances de frais pour le Tribunal de première instance, le premier juge avait outrepassé son pouvoir d'appréciation en fixant le montant de l'avance complémentaire à 20'000 fr.

b. Préalablement, A______ a conclu à la restitution de l'effet suspensif, qui lui a été accordé par décision du 3 avril 2024.

c. Dans ses observations du 18 avril 2024, le Tribunal s'en est rapporté à justice.

d. A______ a été informée par avis du greffe de la Cour du 10 mai 2024 de ce que la cause était gardée à juger.


 

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 103 CPC, les décisions relatives aux avances de frais et aux sûretés peuvent faire l'objet d'un recours.

Selon la jurisprudence de la Cour, ces décisions ayant nature d'ordonnance d'instruction, le délai de recours est de 10 jours en application de l'art. 321 al. 2 CPC (cf. ACJC/1125/2020 du 12 août 2020 ou ACJC/1568/2020 du 16 octobre 2020; cf. aussi Tappy in Commentaire romand Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 4 et 11 ad art. 103 CPC; Suter/Von Holzen, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], Sutter-Somm/ Hasenböhler/ Leuenberger [éd.], éd. 2016, n. 14 ad art. 99 CPC et n. 8 ad art. 103 CPC).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été formé dans les délai et forme prescrits (art. 321 al. 1 CPC).

2. Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., Berne 2010, n. 2307).

3. 3.1.1 Aux termes de l'art. 98 CPC, le tribunal peut exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés.

L'avance a un double but : éviter que le demandeur puisse s'avérer insolvable ou doive être poursuivi si c'est finalement lui qui doit supporter les frais judiciaires en tout ou en partie, dans le cadre de leur répartition finale, d'une part, et assurer que l'Etat n'aura pas de peine à recouvrer les montants mis à la charge du défendeur dans cette même répartition finale, l'avance en question servant au fond dans ce cas de garantie de paiement, d'autre part (Tappy, op. cit., n. 3 ad. art. 98 CPC).

3.1.2 La valeur du litige est déterminée par les conclusions (art. 91 al. 1 CPC). Lorsque l'action ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent déterminée, le tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement erronée (art. 91 al. 2 CPC).

3.1.3 Pour déterminer le montant des frais, il y a lieu de se référer au tarif des frais prévu par le droit cantonal (art. 96 CPC).

Selon l'art. 19 al. 3 LaCC, les émoluments forfaitaires sont calculés en fonction de la valeur litigieuse, s'il y a lieu, de l'ampleur et de la difficulté de la procédure et sont fixés dans un tarif établi par le Conseil d'Etat (art. 19 al. 6 LaCC), soit le RTFMC (RS GE E 1 05. 10).

La fixation de l'avance de frais doit correspondre en principe à l'entier des frais judiciaires présumables (art. 2 RTFMC), compte tenu notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l'ampleur de la procédure et de l'importance du travail qu'elle impliquera, par anticipation sur la décision fixant l'émolument forfaitaire arrêté en fin de procédure (art. 5 RTFMC).

3.1.4 Les émoluments de justice obéissent au principe de l'équivalence (ATF 133 V 402 consid. 3.1). Ainsi, leur montant doit être en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie et rester dans des limites raisonnables. Pour que le principe de l'équivalence soit respecté, il faut que l'émolument soit raisonnablement proportionné à la prestation de l'administration, ce qui n'exclut cependant pas un certain schématisme (ATF 139 III 334 consid. 3.2.4).

Les émoluments doivent toutefois être établis selon des critères objectifs et s'abstenir de créer des différences qui ne seraient pas justifiées par des motifs pertinents (ATF 139 III 334 consid. 3.2.4). Le taux de l'émolument ne doit pas, en particulier, empêcher ou rendre difficile à l'excès l'accès à la justice (arrêt du Tribunal fédéral 2C_513/2012 du 11 décembre 2012 consid. 3.1).

L'avance de frais ne préjuge pas de la décision à rendre plus tard quant au montant des frais judiciaires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_226/2014 du 6 août 2014 consid. 2.1).

Dès lors, la Cour examine la cause avec une certaine réserve. Ainsi, seul un abus du pouvoir d'appréciation du juge constitue une violation de la loi (ACJC/1547/2018 du 8 novembre 2018; ACJC/278/2014 du 25 février 2014; ACJC/208/2014 du 13 février 2014; Tappy, op. cit., n. 8 ad. art. 98 CPC).

3.2.1 En l'espèce, les mesures provisionnelles requises par la recourante dans le cadre de la procédure en divorce actuellement pendante devant le Tribunal portent notamment sur le versement par son époux de contributions à son entretien et à celui de l'enfant du couple.

3.2.2 La procédure sommaire est applicable aux mesures provisionnelles (art. 248 let. d CPC).

L'art. 31 RTFMC prévoit que l'émolument forfaitaire de décision est fixé entre 150 fr. et 5'000 fr.

Selon le Tarif interne des demandes d'avances de frais pour le Tribunal de première instance, disponible sur le site du Pouvoir judiciaire, les avances, dans le cadre de mesures provisionnelles, lorsque la contribution (d'entretien) mensuelle est supérieure à 4'000 fr., s'élèvent à 2'000 fr. (art. 5.3.3).

En fixant à 20'000 fr. le montant de l'avance de frais, le Tribunal a abusé de son pouvoir d'appréciation. Le montant de l'avance de frais complémentaire sera dès lors fixé à 2'000 fr.

3.3 La décision entreprise sera dès lors annulée et il sera statué conformément à ce qui précède, un délai de 30 jours dès la notification du présent arrêt étant imparti à la recourante pour s'acquitter de la somme due.

4. Compte tenu de l'issue de la procédure, les frais judiciaires du recours, arrêtés à 400 fr., seront laissés à la charge de l'Etat de Genève (art. 107 al. 2 CPC). L'avance de frais versée par la recourante lui sera restituée.

Il ne sera pas alloué de dépens (art. 107 al. 2 CPC a contrario).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre la décision DTPI/2883/2024 rendue le 14 mars 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22855/2021-12.

Au fond :

Annule cette décision.

Fixe le montant de l'avance de frais complémentaire à charge de A______ à 2'000 fr.

Impartit un délai de 30 jours à A______ pour verser cette avance de frais.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 400 fr. et les met à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à rembourser 400 fr. à A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI et Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame  Jessica ATHMOUNI, greffière

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.