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Décisions | Chambre civile

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C/19671/2019

ACJC/504/2024 du 25.03.2024 sur JTPI/8466/2023 ( OO ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19671/2019 ACJC/504/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 25 MARS 2024

 

Entre

A______, sise ______ [BE], appelante d'un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 juillet 2023, représentée par Me Serge ROUVINET, avocat, Rouvinet Avocats, rue De-Candolle 6, case postale, 1211 Genève 4,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me C______, avocat,

 

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/8466/2023 du 24 juillet 2023, notifié aux parties le 28 juillet 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a condamné A______ [compagnie d'assurance] à payer à B______ les sommes de :

-       259'158 fr. 85 avec intérêts à 5% l'an dès le 12 juillet 2013 au titre de sa perte de gain actuelle;

-       94'423 fr. 20 avec intérêts à 5% l'an dès le 30 juin 2023 au titre de sa perte de gain future;

-       190'746 fr. 42 avec intérêts à 5% l'an dès le 30 juin 2023 au titre de son dommage de rente;

-       549'222 fr. 30 avec intérêts à 5% l'an dès le 12 juillet 2013 au titre de son dommage ménager actuel;

-       294'322 fr. 00 avec intérêts à 5% l'an dès le 30 juin 2023 au titre de son dommage ménager futur;

-       21'000 fr. 00 avec intérêts à 5% l'an dès le 12 juillet 2013 au titre de ses frais de défense avant procès;

-       2'994 fr. 95 avec intérêts à 5% l'an dès le 27 juin 2014 en remboursement de frais d'expertise privée,

et ce sous déduction des acomptes déjà versés, soit 7'801 fr. 20 le 27 janvier 2004, 5'949 fr. 40 le 7 juin 2004, 2'442 fr. 80 le 22 septembre 2004, 2'403 fr. 40 le 17 novembre 2004, 3'003 fr. 80 le 18 janvier 2005, 1'638 fr. le 30 mai 2005, 701 fr. 10 le 23 juin 2005, 2'403 fr. 40 le 19 août 2005, 2'403 fr. 40 le 7 septembre 2005, 1'201 fr. 70 le 24 novembre 2005, 610 fr. 70 le 6 février 2006, 1'162 fr. 30 le 7 avril 2006, 1'477 fr. 50 le 22 juin 2006, 1'576 fr. le 11 septembre 2006, 15'000 fr. le 11 octobre 2006, 15'000 fr. le 4 juillet 2008, 610 fr. 70 le 24 juin 2008, 20'000 fr. le 8 août 2014 et 20'000 fr. le 26 janvier 2016, augmentés des intérêts à 5% depuis la date de leurs versements respectifs (ch. 1 du dispositif).

Le Tribunal a mis les frais judiciaires – arrêtés à 44'230 fr. – à la charge de A______, compensé ces frais avec les avances fournies par les parties, ordonné la restitution d'un solde de 2'970 fr. à B______, condamné A______ à payer à B______ 40'230 fr. à titre de remboursement du solde de son avance (ch. 2 et 3), condamné A______ à payer à B______ 41'500 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour civile le 14 septembre 2023, A______ appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement, elle conclut au déboutement de B______ de toutes ses prétentions à son encontre, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Subsidiairement, elle conclut à ce qu'il soit dit et constaté que les prétentions de B______ sont prescrites en tant qu'elles dépassent la somme de 1'000'000 fr. et à ce que toute condamnation soit imputée des acomptes versés par A______, à concurrence d'un total de 120'385 fr., augmentés des intérêts à 5% depuis la date de leurs versements respectifs, sous suite de frais judiciaires et dépens.

A l'appui de ses conclusions, elle produit divers tableaux de capitalisation établis au moyen du logiciel dédié D______.

b. Dans sa réponse, B______ conclut au déboutement de A______ de toutes ses conclusions et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 18 janvier 2024.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. B______, née le ______ 1965, de nationalité suisse, est mariée à E______.

b. Trois enfants sont issues de cette union, à savoir F______, née le ______ 1990, G______, née le ______ 1992 et H______, née le ______ 1998.

c. Le 25 juillet 2003, B______ a été victime d'un accident de la circulation routière à I______ (Espagne), à bord d'un véhicule conduit par son époux.

A la suite de l'explosion d'un pneu, ledit véhicule est parti en embardée et a dévalé le fossé bordant l'autoroute, où il aurait, selon B______, effectué plusieurs tonneaux, avant d'être stoppé par un grillage et de finir sa course sur le toit.

d. Lors de l'accident susvisé, B______ a subi de graves lésions au bras droit, soit une fracture ouverte de l'extrémité distale de l'humérus droit et une rupture de l'artère humérale.

e. A______ est l'assurance responsabilité civile du véhicule conduit par E______ au moment de l'accident.

f. De la prise en charge médicale de B______

f.a Le jour de l'accident, le 25 juillet 2003, B______ a été emmenée d'urgence à l'hôpital de I______, puis transférée dans un autre hôpital à J______ [Espagne] et enfin dans un troisième établissement, dans la même ville.

f.b Le 26 juillet 2003, B______ y a subi une première intervention, consistant dans la mise en place de deux broches intra-médullaires de type Métezeau et une tentative de suture de l'artère humérale (anastomose).

f.c Le lendemain, en raison de l'absence du pouls radial de B______, un pontage de l'artère humérale a dû être réalisé en urgence.

f.d A la suite de cette intervention, B______ a développé une surinfection de la cicatrice avec pus, frissons et état fébrile, entraînant une nouvelle intervention le jour même pour un lavage et un drainage, puis un nouveau lavage le 4 août 2003.

f.e Le 7 août 2003, B______ a été rapatriée à Genève. A son arrivée, elle a dû subir une opération d'urgence aux Hôpitaux universitaires genevois (ci-après : les HUG), en raison de l'éclatement d'une veine durant le vol.

f.e.a Le compte-rendu de cette intervention indique notamment "(…) A l'arrivée de chirurgiens cardio-vasculaires, mise en évidence du lâchage de la suture veineuse, complètement altérée par le statut post-infectieux. (…)". Un fixateur externe a alors été mis en place afin de stabiliser la fracture, avec deux broches humérales, une broche dans le segment intermédiaire et deux broches ulnaires.

f.e.b Dans un rapport adressé le 4 septembre 2003 à l'assureur accident (LAA) de B______, le Dr K______, médecin ______ du Département de chirurgie des HUG, a consigné notamment ce qui suit: "Le 07.08.2003, la patiente nous est transférée avec une paresthésie des doigts de la main droite, séquelle de la première intervention en Espagne (26.07.2003). Au niveau du membre supérieur droit, présence de pus avec Pseudimonoas".

f.f Le 8 août 2003, en raison d'une surinfection de la fracture ouverte du tiers distal huméral droit, avec lâchage d'anastomose proximale du pontage brachio-veineux, B______ a dû subir une nouvelle intervention, soit la réfection d'un pontage brachio-brachial avec une homogreffe d'artère fémorale superficielle.

Le 14 août 2003, elle a subi un recouvrement de la plaie par lambeau libre, puis le 17 août 2003, un drainage d'un hématome pré-deltoïdien.

f.g Selon un rapport établi par les médecins du Département de chirurgie des HUG le 27 août 2003, sur le plan psychologique, B______ présentait des signes de syndrome de choc post-traumatique, raison pour laquelle lesdits médecins avaient fait appel à l'équipe des psychiatres. Le rapport mentionne qu'il y avait un "parfait bénéfice de l'entretien qui ne retient aucun signe de gravité dans ce syndrome post-traumatique".

f.h Le 26 septembre 2003, B______ a consulté pour la première fois la Dresse L______, médecin interne généraliste. Celle-ci l'a notamment adressée au Dr M______, neurologue.

f.h.a Le 28 octobre 2003, le Dr M______ a effectué un examen électroneuromyographique (ENMG) du bras droit de B______. Il a notamment conclu que celle-ci présentait vraisemblablement une atteinte relativement marquée du nerf brachial cutané interne et nettement moins marquée du nerf brachial cutané externe et du nerf médian. Le pronostic de récupération était relativement bon dans les mois à venir en ce qui concernait le nerf brachial cutané externe et le nerf médian, mais restait réservé pour la sensibilité du dermatome du nerf brachial cutané interne.

f.h.b Selon un certificat médical établi le 17 décembre 2003 par la Dresse L______, B______ se trouvait dans l'incapacité d'utiliser le membre supérieur droit, était entravée dans l'exercice des tâches ménagères et une aide à domicile était justifiée, jusqu'à l'ablation du fixateur externe en février 2004.

Dans un deuxième certificat du même jour, la médecin a relevé qu'en raison du risque de bousculade et de choc sur le fixateur externe, il était préférable que B______ se déplace en taxi plutôt qu'en transports publics.

f.i En février 2004, B______ a développé une pseudarthrose de l'humérus droit.

f.i.a Les 19 et 26 février 2004, elle a subi deux interventions, soit une ablation du matériel d'ostéosynthèse du fixateur externe, la pose d'une attelle et une décortication et greffe de l'ancienne fracture avec stabilisation par une plaque.

f.i.b Un rapport d'observation de ces interventions établi le 3 mars 2004 indique que "Les suites post-opératoires sont simples et la patiente est afébrile. Le changement de pansement montre une plaie calme. La mobilisation du bras droit passive débute dès le 1er jour, sans complication. La patiente peut reprendre une mobilisation active dès J10".

f.j Dans un rapport intermédiaire adressé à l'assureur-accident de B______ le 8 mars 2004, la Dresse L______ a confirmé le diagnostic de fracture ouverte de l'humérus droit avec section de l'artère humérale et atteinte lésionnelle des nerfs médian et brachial cutané interne et externe.

Elle a attesté d'une incapacité de travail totale depuis le jour de l'accident.

f.k Le 20 avril 2004, après un nouvel examen ENMG de sa patiente, le Dr M______ a adressé à la Dresse L______ un rapport indiquant:

"Il persiste comme lors du dernier contrôle du 28 octobre 2003 au niveau du membre supérieur droit, une atteinte sensitive des nerfs brachial cutané interne, musculo-cutané et médian et dans une moindre mesure une atteinte motrice du nerf médian. L'examen électroneuromyographique confirme la présence d'une neuropathie sensitivo-motrice du médian, toutefois en voie d'amélioration. […]

L'évolution est actuellement favorable, tant d'un point de vue clinique qu'électrophysiologique, avec pronostic de récupération bon d'un point de vue moteur, mais réservé pour la sensibilité du nerf brachial cutané interne. Un ENMG de contrôle est à prévoir dans six mois ".

f.l Le 22 juin 2004, B______ a consulté le Dr N______, psychiatre, en raison d'un syndrome de stress post-traumatique.

f.m Dans un rapport intermédiaire adressé à l'assureur accident le 29 juin 2004, la Dresse L______ a indiqué que l'incapacité de travail de B______ était toujours totale depuis le jour de l'accident. Une reprise du travail n'était a priori pas envisageable avant le mois de septembre ou d'octobre 2004.

f.n Le 26 août 2004, le Dr O______, ______ [fonction] du Service de rééducation du Département des Neurosciences des HUG, a rapporté à la Dresse L______ que l'évolution et la formation du cal osseux semblaient satisfaisantes. Le pontage de l'artère humérale droite était cependant un échec. S'agissant des problèmes particuliers de l'épaule et du coude, ceux-ci s'étaient améliorés mais semblaient compatibles avec une vie sédentaire et une activité de bureau. Une poursuite de rééducation en piscine et à sec avec de l'ergothérapie était conseillée. Dans la mesure où B______ était inquiète pour son avenir social et où elle comptait reprendre une activité rapidement, il n'y voyait pas de contre-indication.

f.o Dans un rapport adressé au médecin-conseil de l'assureur accident (LAA) le 25 août 2004, le Dr O______ a attesté de l'évolution lente d'une pathologie grave de l'humérus droit, avec complication de septicémie.

Aucun facteur indépendant du traumatisme ne jouait un rôle dans l'évolution. Il fallait s'attendre à un dommage permanent en raison des séquelles de l'amplitude du membre supérieur droit au niveau de l'épaule, d'une diminution de l'abduction des rotations ainsi que de l'antépulsion au niveau du coude droit, avec diminution de l'amplitude de flexion, anesthésie complète de la face interne du bras droit qui pouvait gêner dans les mouvements de force et soulèvement de charge.

f.p Dans un rapport médical détaillé adressé à l'assureur accident le 30 août 2004, la Doctoresse L______ a relevé que sur le plan psychique, B______ souffrait d'une reviviscence de l'accident. Elle évitait ainsi les activités pouvant réveiller le souvenir de l'accident et tout flash-backs. Elle présentait une hyperactivité neurovégétative et un état d'hyper vigilance, et souffrait de troubles du sommeil, d'une baisse de l'humeur et de perte de l'estime de soi. Il existait un état de stress post traumatique et un état dépressif d'intensité moyenne. Les plaintes et les troubles étaient en relation de causalité directe, naturelle et certaine avec l'accident. Il n'y avait pas de facteurs étrangers à l'accident.

f.q Dans un rapport médical adressé à l'assurance-invalidité (AI) le 22 octobre 2004, un médecin ______ de la clinique d'orthopédie des HUG a attesté d'une incapacité de travail à 100% depuis la date de l'accident. Il a indiqué que l'état de santé de la patiente s'améliorait. Il a attesté d'un pronostic de récupération bon d'un point de vue moteur, mais réservé pour la sensibilité. Un ENMG de contrôle était prévu au début de l'année 2005.

f.r Le 28 janvier 2005, le Dr O______ a indiqué au médecin-conseil de l'assureur accident (LAA) que l'incapacité de travail de B______ était totale jusqu'au 16 janvier 2005, puis de 60% depuis le 17 janvier 2005. Il a relevé qu'il fallait s'attendre à un dommage permanent en raison des séquelles importantes du membre supérieur droit, avec diminution de force et d'utilisation de la main droite.

f.s Le 8 mars 2005, la Dresse L______ a indiqué aux services de l'assurance-invalidité (AI) qu'elle avait constaté chez B______ une amélioration des capacités fonctionnelles du membre supérieur droit, une amélioration de l'état général et la persistance d'un état dépressif réactionnel modéré depuis mars 2004.

f.t A la demande de son assureur accident (LAA), B______ s'est soumise à une expertise médicale pluridisciplinaire neurologique, orthopédique et psychiatrique, confiée au [centre thérapeutique] P______ à Q______ (VD). Il ressort du rapport d'expertise établi le 20 mai 2005 ce qui suit:

f.t.a Les diagnostics définitifs révélaient une fracture distale de l'humérus droit, une lésion de l'artère humérale droite, une infection secondaire des plaies et une atteinte des nerfs musculo-cutané, brachial cutané interne et médian, la persistance de troubles trophiques avec un lambeau cutané hypertrophique et un œdème global du membre supérieur droit, une sub-arthrose de la fracture humérale, une atteinte des nerfs brachial cutané interne et médian droit séquellaire et un état de stress post-traumatique au décours.

f.t.b Sur le plan orthopédique, il s'agissait de l'évolution complexe d'une fracture de l'humérus droit associée à des troubles vasculaires. Il n'y avait plus d'axe artériel huméral présent. La consolidation osseuse avait été difficile à obtenir. Au moment de l'établissement du rapport, l'évolution était favorable. On ne pouvait considérer que la situation était stabilisée.

f.t.c Sur le plan neurologique, B______ présentait encore une atteinte complète du nerf brachial cutané interne ainsi qu'une atteinte partielle sensitivo-motirice du médian droit. Il était peu probable que les atteintes neurologiques connaissent une évolution ultérieure favorable. Un dommage permanent était certain. Un délai ultérieur d'un an était nécessaire avant de pouvoir parler de stabilisation de ce cas complexe.

f.t.d Sur le plan psychologique, il subsistait quelques symptômes évidents d'état de stress post-traumatique, chez une patiente qui, avec beaucoup de courage et détermination, avait essayé de faire face. Ce n'était probablement que dans une année que l'atteinte à l'intégrité pourrait être mesurée, dès lors qu'au moment de l'établissement du rapport, la situation n'était pas encore stabilisée.

f.t.e Compte tenu de l'importance des atteintes initiales, il s'agissait de poursuivre les traitements en cours, notamment la physiothérapie. L'examen angiologique était également nécessaire et il s'agirait probablement également d'effectuer une nouvelle intervention sur le lambeau du grand dorsal. Pour les éléments précités, l'état de la patiente ne pouvait pas être considéré comme stabilisé. Il serait néanmoins vraisemblablement possible de se prononcer sur l'état définitif après un délai d'une année.

Sur le plan fonctionnel, la situation ne devrait pas être trop mauvaise. Néanmoins, les atteintes trophiques et neurologiques étaient encore importantes et il existerait vraisemblablement des séquelles à long terme.

f.t.f Le rapport d'expertise précisait que le lien de causalité naturelle entre les troubles constatés et l'accident du 25 juillet 2003 était certain.

Il n'y avait pas de facteur étranger à l'événement accidentel jouant un rôle significatif dans l'évolution du cas et la persistance des troubles.

f.t.g La capacité de travail médico-théorique de B______ dans une activité de type comptable était vraisemblablement de 50%, ceci correspondant à un taux de rendement de 50% dans une activité à plein-temps. Il n'y avait pas d'état antérieur jouant un rôle dans cette incapacité de travail. Celle-ci devait être réappréciée dans un délai d'un à deux ans.

Selon toute vraisemblance, l'accident du 25 juillet 2003 allait entraîner effectivement une atteinte durable à l'intégrité physique de l'assurée. Il était néanmoins trop tôt pour se prononcer sur le degré d'atteinte à l'intégrité étant donné que l'état de la patiente n'était pas stabilisé et que la poursuite du traitement en cours pouvait améliorer encore l'état de santé constaté. Il serait vraisemblablement possible de fixer la perte d'intégrité dans un délai d'un ou deux ans.

f.u Dans des rapports adressés aux assureurs accident (LAA) et invalidité (AI) les 29 avril, 16 septembre 2005 et 7 février et 11 juillet 2006, la Dresse L______ a attesté de la persistance d'une atteinte sensitive du nerf brachial cutané interne et musculo-cutané externe, de séquelles motrices dans le territoire du nerf médian du membre supérieur droit, ainsi que d'un état dépressif réactionnel à l'accident.

Elle a fait état d'une incapacité de travail de 40% du 17 janvier au 22 mai 2005, puis totale du 23 mai 2005 au 30 septembre 2005, puis de 50%, étant précisé que le taux de rendement était de 50% dans une activité à plein temps.

f.v Dans ses courriers des 27 février et 30 septembre 2008 adressés à l'assureur-accident (LAA), le psychiatre consulté par B______, soit le Dr N______, a attesté d'une persistance d'un état de stress post traumatique et d'une phobie des transports, avec difficultés à se déplacer en train et en voiture.

f.w Le 29 août 2008, B______ a subi une nouvelle intervention chirurgicale, consistant dans la reprise de la cicatrice avec dégraissage et redrapage du lambeau droit.

g. De la situation personnelle et professionnelle de B______

g.a B______ est comptable de formation.

g.b De 1985 à 1990, elle a travaillé en qualité d'aide-comptable à plein temps au sein de la société fiduciaire R______ SA.

g.c Après la naissance de sa première fille, elle a travaillé de 1990 à 1994 en qualité de comptable à un taux réduit de 62.5% au sein du cabinet S______ SA.

Ensuite, et jusqu'en 2001, elle a exercé une activité de responsable du département de comptabilité et administration à un taux de 65% au sein du bureau T______ SA.

g.d Dès 2002, elle commencé à travailler en qualité de comptable responsable financier au sein de la société U______ SA à Genève, à un taux de 60%.

Elle percevait un revenu mensuel brut de 5'530 fr. versé treize fois l'an, soit un salaire annuel brut de 71'890 fr. Ceci correspondait à un salaire de 61'836 fr. net par an, ou de 4'756 fr. 65 net par mois.

g.e Parallèlement à son activité professionnelle auprès de U______ SA, B______ a débuté au mois de janvier 2002 une formation dispensée sur une période de deux ans par V______ [formations pour adultes] et visant à l'obtention, en décembre 2003, du brevet de spécialiste en finance et comptabilité. Les cours avaient lieu à raison de neuf heures par semaine, le vendredi après-midi et le samedi matin.

Elle soutient aujourd'hui qu'elle avait prévu de reprendre une activité à plein temps au terme de cette formation.

g.f En 2003, B______ et son époux ont contracté un prêt hypothécaire afin de devenir propriétaires d'une maison familiale de 5,5 pièces et 170 m2 avec jardin à W______ (GE), où ils avaient prévu d'emménager avec leurs filles après l'achèvement de la construction du bien immobilier en question.

B______ indique que la banque s'est assurée du fait qu'elle pouvait, à terme, augmenter son taux d'activité afin de pouvoir rembourser le prêt en question.

g.h A la suite de l'accident du 25 juillet 2003, B______ a été licenciée de U______ SA avec effet au 31 décembre 2003.

g.i Elle n'a pas terminé la formation de spécialiste en finance et comptabilité qu'elle avait entreprise, ni repris depuis lors une activité lucrative à un taux supérieur à 60%.

La famille a néanmoins emménagé dans la villa familiale de W______ dans le courant de l'année 2004.

g.j Ayant retrouvé une capacité de travail partielle, B______ s'est inscrite au chômage le 17 janvier 2005.

g.k Du 21 novembre au 16 décembre 2005, elle a suivi des cours d'anglais, dispensés tous les jours de 9h à 12h.

g.l B______ a retrouvé un emploi en qualité de comptable auprès de la X______ à Genève à compter du 15 février 2006, avec un taux d'activité de 50%.

Son revenu annuel brut s'est élevé à 46'285 fr. en 2006 (soit 43'596 fr. net), 58'445 fr. en 2007 (soit 52'438 fr. net), 54'713 fr. en 2008 (soit 48'869 fr. net), 66'845 fr. en 2009 (soit 60'053 fr. net) et 66'444 fr. en 2010 (soit 58'377 fr. net).

g.m Au mois de juin 2011 et jusqu'à ce jour, B______ a augmenté son taux d'activité à 60%.

Son revenu annuel brut s'est élevé à 73'085 fr. en 2011 (soit 63'939 fr. net), 85'995 fr. brut en 2012 (soit 75'212 fr. net), 85'995 fr. brut en 2013 (soit 75'225 fr. net), 86'528 fr. brut en 2014 (soit 75'726 fr. net), 88'860 fr. brut en 2015 (soit 77'516 fr. net), 90'460 fr. brut en 2016 (soit 79'038 fr. net), 92'146 fr. brut en 2017 (soit 80'656 fr. net), 95'760 fr. brut en 2018 (soit 84'045 fr. net), 90'195 fr. brut en 2019 (soit 78'836 fr. net). Au début de l'année 2020, son salaire mensuel brut s'élevait à 7'516 fr. 15 (soit 6'437 fr. 65 net).

g.n Le revenu susvisé incluait chaque année un bonus, dont le montant était variable. Pour les années 2015 à 2019, le montant moyen du bonus s'est élevé à 4'758 fr.

h. De l'intervention des assureurs sociaux

h.a Du 26 juillet 2003 au 30 septembre 2008, Y______, assureur-accident (LAA) de B______, a versé à cette dernière des indemnités journalières.

Par décision du 5 mai 2009, Y______ lui a alloué une rente d'invalidité de 61% avec effet au 1er octobre 2008.

Elle a lui a également versé une indemnité unique de 10'680 fr. pour atteinte à l'intégrité, basée sur un taux de 10%.

h.b En 2005 et 2006, B______ a perçu des indemnités-chômage de la Caisse de chômage Z______.

h.c Par décision du 7 février 2007, l'Office cantonal AI a reconnu B______ invalide à 59% et lui a alloué, avec effet au 1er juillet 2004, une demi-rente d'invalidité et trois demi-rentes complémentaires d'invalidité pour ses enfants.

h.d B______ a par ailleurs perçu de la caisse de prévoyance AA_____ des prestations d'invalidité au titre de la prévoyance professionnelle (LPP).

Par décision du 11 novembre 2010, la AA_____ a octroyé à B______ une rente d'invalidité LPP de 50%, ainsi que trois rentes d'enfants d'invalide.

h.e Ensuite de l'augmentation du taux d'activité de B______ au cours de l'année 2011, les assureurs sociaux ont réduit proportionnellement leurs prestations.

h.e.a Par décision du 4 juin 2012, l'Office cantonal AI a ainsi réduit la rente allouée à un quart de rente, basée sur un taux de 43% dès le 1er août 2012.

h.e.b Par décision du 23 août 2012, l'assureur accident (LAA), Y______, a également réduit la rente d'invalidité à 43%.

h.e.c Par courrier du 1er juin 2015, la AA_____ a informé B______ du versement d'une rente d'invalidité LPP de 25% et de trois rentes d'enfants d'invalide de 25%.

h.f Actuellement, B______ perçoit une rente mensuelle de 536 fr., soit 6'432 fr. par an, de l'assurance-invalidité (AI), une rente mensuelle de 2'247 fr., soit 26'964 fr. par an, de l'assurance-accidents (LAA), ainsi qu'une rente mensuelle LPP de 511 fr, soit 6'132 fr. par an.

Elle ne perçoit plus de rentes pour ses enfants.

h.g Au total, compte tenu de l'expiration du droit à la rente de ses filles à l'âge de 25 ans, B______ a perçu, depuis la date de l'accident jusqu'au 30 juin 2023, une somme totale de 966'451 fr. composée comme suit:

-  7'240 fr. de l'assurance chômage (versés en 2005 et 2006);

-  321'295 fr. de l'assurance-invalidité (AI), dont 191'998 fr. versés avant le 31 décembre 2011 ;

-  568'915 fr. de l'assureur-accident Y______, dont 252'235 fr. versés avant le 31 décembre 2011;

-  69'001 fr. de la AA_____ au titre de la prévoyance professionnelle, versés à compter du 1er janvier 2012.

i. De l'intervention de A______

i.a Depuis l'accident du 25 juillet 2003, A______ a versé à B______ plusieurs acomptes à faire valoir sur les prétentions finales de celle-ci, pour un montant total de 105'385 fr. 40 au 20 janvier 2016.

Plus précisément, A______ a versé 7'801 fr. 20 le 27 janvier 2004, 5'949 fr. 40 le 7 juin 2004, 2'442 fr. 80 le 22 septembre 2004, 2'403 fr. 40 le 17 novembre 2004, 3'003 fr. 80 le 18 janvier 2005, 1'638 fr. le 30 mai 2005, 701 fr. 10 le 23 juin 2005, 2'403 fr. 40 le 19 août 2005, 2'403 fr. 40 le 7 septembre 2005, 1'201 fr. 70 le 24 novembre 2005, 610 fr. 70 le 6 février 2006, 1'162 fr. 30 le 7 avril 2006, 1'477 fr. 50 le 22 juin 2006, 1'576 fr. le 11 septembre 2006, 15'000 fr. le 11 octobre 2006, 15'000 fr. le 4 juillet 2008, 610 fr. 70 le 24 juin 2008, 20'000 fr. le 8 août 2014 et 20'000 fr. le 26 janvier 2016.

i.b Par courrier du 2 juin 2004, A______ a renoncé à se prévaloir de l'exception de prescription jusqu'au 25 juillet 2005, pour autant qu'elle ne soit pas déjà acquise.

Elle a ensuite renoncé à faire valoir la prescription régulièrement chaque année jusqu'au 25 juillet 2013.

i.c Le 8 août 2013, B______ a fait notifier un commandement de payer à A______ pour un montant de 1'000'000 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 25 juillet 2003.

Deux autres commandements de payer ont été notifiés à A______, sur requête de B______, pour le même montant les 11 août 2014 et 12 août 2015.

i.d En date des 1er septembre 2016, 2 août 2017 et 2 juillet 2018, B______ a fait notifier à A______ de nouveaux commandements de payer, portant sur un montant de 1'700'000 fr. avec intérêt à 5% dès le 25 juillet 2003.

i.e Les 23 avril 2014 et 2 avril 2015, A______, a demandé au conseil de B______ de lui présenter les prétentions de sa mandante.

i.f Par courrier de son conseil du 20 août 2015, B______ a communiqué à A______ les prétentions provisoires qu'elle estimait détenir envers elle.

i.g Par courrier du 25 janvier 2017, après avoir demandé et obtenu de B______ les dossiers médicaux ainsi que les décisions des assureurs sociaux, A______ a répondu qu'elle estimait que celle-ci ne subissait aucun dommage, que la question de sa surindemnisation se posait et qu'elle était en mesure de chiffrer ses prétentions depuis le 23 août 2012, soit la date de la dernière décision de Y______, mais qu'elle avait attendu le 20 août 2015 pour lui présenter un dommage chiffré.

j. De la présente procédure

j.a Par demande déposée préalablement en conciliation le 29 août 2019 et introduite au fond le 29 novembre 2019, B______ a actionné A______ en paiement de diverses sommes, qu'elle a arrêtées en dernier lieu à:

-  469'048 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 12 juillet 2013 au titre de sa perte de gain actuelle;

-  144'235 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 30 juin 2023 au titre de sa perte de gain future;

-  293'192 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 30 juin 2023 au titre de son dommage de rentes;

-  603'092 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 12 juillet 2013 au titre de son dommage ménager actuel;

-  292'911 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 30 juin 2023 au titre de son dommage ménager futur;

-  29'320 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 25 juillet 2023 à titre d'indemnité pour tort moral;

-  53'044 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 12 juillet 2013 au titre de ses frais de défense avant procès;

-  2'995 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 27 juin 2014 en remboursement de ses frais d'expertise privée;

et ce sous déduction de 65'385 fr. 40 versés entre le 27 janvier 2004 et le 24 juin 2008, de 20'000 fr. versés le 8 août 2014 et de 20'000 fr. versés le 26 janvier 2016, soit d'un montant total de 105'385 fr. 40, le tout sous suite de frais judiciaires et dépens.

A titre subsidiaire, B______ a conclu à ce que A______ soit condamnée à lui payer une somme de 1'695'319 fr. avec intérêts à 5% dès le 8 août 2019.

j.a.a A l'appui de sa demande, B______ a produit notamment un rapport d'évaluation ergothérapeutique de l'atteinte subie dans le domaine des tâches ménagères, établi par AB_____ le 27 juin 2014. Selon ce rapport, la capacité fonctionnelle de son membre supérieur droit lui permettait d'accomplir de nombreuses activités, cependant, l'apparition de douleurs et le manque d'endurance se faisaient rapidement sentir et limitaient l'étendue de ses activités domestiques. L'évaluation réalisée calculait une incapacité de travail de 30.60%. Avant l'accident, il était inimaginable pour B______ de faire une sieste ou la grasse matinée, même durant des périodes intenses telles que celles des grossesses, associées à une activité professionnelle et ménagère dense. Désormais, autant que possible, les nuits duraient douze heures et la sieste était indispensable pour qu'elle arrive à maintenir son niveau d'activité. Sa gestion de ressource était à flux tendu, cependant, la fatigue constante croissait très rapidement. Des crises d'angoisse liées au stress post-traumatique augmentaient encore cet état. B______ avait le sentiment de ne vivre que pour travailler et dormir, faute d'énergie pour autre chose.

j.a.b S'agissant des frais de défense avant procès, B______ a produit des notes d'honoraires de son précédent conseil pour un montant de 15'579 fr. 10, relatives aux démarches effectuées notamment envers les assureurs sociaux entre le 26 juillet 2006 et le 13 décembre 2010. Elle a également produit une note d'honoraires de son conseil actuel s'élevant à 32'011 fr. 35, pour l'activité déployée entre le 18 juillet 2013 et le dépôt de la demande.

j.b Dans sa réponse, A______ a conclu principalement au déboutement de B______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Subsidiairement, elle a conclu à ce que le Tribunal dise et constate que les prétentions de B______ étaient prescrites en tant qu'elles dépassaient le montant de 1'000'000 fr. et à ce que toute condamnation soit imputée des acomptes déjà versés, pour un montant total de 120'385 fr., augmentés des intérêts à 5% depuis la date de leurs versements respectifs.

j.b.a A l'appui de ses conclusions, A______ a notamment produit un rapport du 10 avril 2016 établi par un détective privé, AC_____, qu'elle avait mandaté aux fins d'observer les activités journalières de B______.

Il ressort de ce rapport que B______ travaillait trois jours par semaine. Elle se déplaçait de son domicile en voiture avec son mari, qui l'accompagnait à la gare de W______, puis elle montait seule dans un train jusqu'à son lieu de travail sis au AD_____ à AE_____ [GE]. Elle ne démontrait aucun malaise particulier. Lors de ses déplacements à pied, elle portait son sac dans le dos, mais parfois aussi dans la main droite, avec laquelle elle tenait également son parapluie ouvert lorsqu'il pleuvait. Elle ouvrait et fermait la portière de la voiture également avec la main droite. Elle se rendait également dans les centres commerciaux pour faire ses courses en compagnie de son mari et ne démontrait pas de gêne particulière lorsqu'elle utilisait sa main droite pour porter des objets. Ni la phobie des transports publics, ni la paresthésie des doigts de la main droite ne l'empêchaient d'accomplir les activités susvisées.

j.b.b A titre préalable, A______ a conclu à ce que le Tribunal ordonne une expertise médicale ayant pour objectif de déterminer les conséquences des violations des règles de l'art commises lors des opérations réalisées en Espagne sur le lien de causalité naturelle et adéquate entre l'accident et les atteintes à la santé de B______, ainsi qu'une expertise ergothérapeutique aux fins de déterminer si B______ subissait un dommage et, cas échéant, de le quantifier.

Par ordonnance du 8 avril 2021, le Tribunal a rejeté la requête tendant à l'ordonnance d'une expertise médicale aux fins de déterminer les conséquences des violations des règles de l'art prétendument commises en Espagne sur le lien de causalité entre l'accident et les atteintes à la santé de B______.

Il a considéré qu'il ne ressortait d'aucune pièce que tout ou partie des atteintes subies par la précitée dans sa santé pourraient être imputables à des violations des règles de l'art par les médecins en Espagne et que l'expertise sollicitée n'offrait pas de prouver l'existence même de telles violations. Près de vingt ans après les événements, la tentative de démonstration de telles violations par voie d'expertise s'avérerait au demeurant vaine, de même que la distinction des incidences pour la santé de la patiente entre les suites directes de l'accident et celles des actes médicaux destinés à en réparer les conséquences. De plus, A______ avait régulièrement versé des prestations à B______ sans jamais se prévaloir de l'absence de lien de causalité entre l'accident et l'état de santé de celle-ci.

j.c Devant le Tribunal, B______ a confirmé être toujours atteinte dans sa santé. Elle a précisé que les problèmes de douleur et de fatigue survenaient sur le long terme. Elle avait entrepris une thérapie individuelle, qu'elle continuait. Elle avait peur et, quand elle était en voiture, elle sursautait et craignait tout le temps qu'il arrive quelque chose de grave. Sa phobie des transports concernait uniquement la voiture, mais elle y montait quand même. Elle souffrait également du côté inesthétique de ses cicatrices.

Lorsqu'elle avait accepté, après l'accident et sur suggestion de l'AI, d'augmenter son taux d'activité de 50% à 60%, elle pensait que cela ne serait pas grand-chose, mais en réalité, c'était un énorme investissement. Elle était épuisée après chaque journée de travail et le fait de passer de cinq demi-journées à trois jours entiers faisait une grosse différence. Elle devait se reposer en rentrant et il lui était impossible de sortir le soir. Elle travaillait les lundis, mardis et jeudis. Elle devait faire une longue pause à midi. Elle était la seule du bureau à le faire.

Elle avait entrepris avec son époux une thérapie de couple en 2005, mais ils avaient arrêté trois ou quatre ans auparavant. Son mari se sentait coupable. L'état psychologique de ce dernier était très mauvais, mais il n'était pas suivi. Son mari supportait mal qu'elle soit fatiguée et qu'elle ne puisse plus rien faire. Il avait dû renoncer à faire reconnaitre ses acquis dans son travail d'aide-comptable, démarche qu'il avait entreprise et à laquelle il consacrait du temps libre. Il avait également arrêté de jouer au football.

La scolarité de ses filles avait également été entravée par l'accident. La seconde avait doublé sa 8ème année et ensuite elle était allée à l'ECG où elle avait également redoublé une année. Ses deux filles aînées avaient été plus affectées par l'accident que la cadette, qui avait fait un master en traduction.

S'agissant de sa formation de spécialiste en finance et en comptabilité, elle a précisé qu'il n'y avait pas d'examen intermédiaire pendant la formation, ni d'évaluation du travail des étudiants, les examens devaient tous avoir lieu en décembre 2003. En revanche, elle avait passé un examen d'entrée. Elle pensait que si elle s'était sentie capable de le faire, elle aurait pu raccrocher la formation juste pour le dernier semestre. Le temps d'occupation aurait été le même que durant le reste de la formation. Elle n'avait plus la force de faire cela. Elle avait pu suivre les cours d'anglais à V______, mais cela n'avait rien à voir avec la formation de spécialiste, les cours d'anglais étaient beaucoup plus faciles.

Elle devait ensuite reprendre son emploi à plein temps. Elle se sentait en mesure de le faire au regard des soins à donner aux enfants et de la charge du ménage, qu'elle assumait quasiment seule, parce qu'à l'époque, elle était pleine d'énergie.

j.d Le Tribunal a procédé à des enquêtes et entendu différents témoins.

j.d.a Selon la Dresse L______, médecin interne généraliste, B______ souffrait encore de séquelles physiques de l'accident. Elle avait récupéré une partie de la fonctionnalité de son membre supérieur droit, mais pas totalement: le déficit sensitif subsistait et elle éprouvait des douleurs lorsqu'elle exerçait une activité répétitive. Elle avait des difficultés à effectuer des tâches ménagères, car elle devait alors faire des mouvements répétés. Elle lui avait notamment rapporté que lorsqu'elle devait repasser, elle devait s'arrêter après dix minutes, parce que les douleurs étaient trop importantes. Elle-même savait que B______ éprouvait par ailleurs de la peine à se concentrer, qu'elle avait une grande fatigabilité au travail et qu'elle devait faire des siestes régulièrement, ce qu'elle ne faisait pas auparavant. Elle souffrait de maux de tête et disait que son sommeil n'était pas récupérateur, même si elle dormait beaucoup.

B______ avait également eu des séquelles psychologiques importantes ensuite de l'accident. Elle avait connu plusieurs épisodes dépressifs, qui avaient nécessité un suivi et un traitement. Elle souffrait d'une grande fatigabilité en lien avec ces épisodes dépressifs, mais pas seulement: il y avait eu probablement un choc de l'accident au niveau neuronal. Il y avait également eu des manifestations anxieuses importantes et une souffrance familiale, car la famille avait vécu des années difficiles.

Pendant plusieurs années, B______ s'était plainte d'avoir une vie sociale réduite, en raison de la problématique familiale. Son mari avait changé de caractère, il s'énervait plus facilement. La Doctoresse l'avait encouragée à suivre une thérapie de couple. B______ lui avait dit que cette démarche l'avait aidée par moment, mais qu'il n'y avait pas eu de résultat définitif.

j.d.b Le Dr M______, neurologue, a confirmé la teneur de ses différents rapports médicaux.

Il avait vu B______ pour la première fois trois mois après l'accident. Il avait fallu reprendre les interventions faites en Espagne, sans qu'il puisse attribuer cette nécessité à une erreur. Il a rappelé par ailleurs qu'il était neurologue et non chirurgien.

En sus des examens électroneuromyographiques qu'il avait fait subir à B______ à trois reprises, il l'avait vue en 2004 parce qu'elle se plaignait de migraines, mais selon lui, cela n'était pas lié à l'accident ou en tout cas pas directement. Il ignorait pourquoi il n'y avait pas eu d'examen après 2005, mais il était vrai qu'en principe, après 18 ou 24 mois, on estimait qu'il n'y aurait plus d'évolution et que le statut définitif était atteint.

D'une manière générale, la perte de sensibilité de certains doigts et de l'avant-bras pouvait être perçue de manière très désagréable, ce qui était supportable une semaine pouvait ne plus l'être au-delà. Les réponses étaient très individuelles, mais il était possible qu'il s'ensuive des symptômes très variables d'une personne à l'autre, tels que des maux de tête, trouble du sommeil, fatigue importante, difficulté de concentration. Tous les symptômes énumérés par B______ étaient possibles, cela n'avait pas été le sujet des examens qu'il lui avait fait subir.

j.d.c Egalement entendue comme témoin, la Dresse AF_____, psychiatre, a indiqué suivre B______ depuis le mois de septembre 2013, date à laquelle elle avait succédé au Dr N______.

D'après ses observations, B______ avait présenté un trouble anxieux généralisé à la suite de l'accident, dont les symptômes avaient varié au cours du temps. Par exemple, elle éprouvait de l'anxiété en relation avec ses filles, des craintes de ce qui pourrait leur arriver et, d'une manière générale, de l'inquiétude quant aux malheurs divers qui pourraient survenir, notamment en relation avec les membres de sa famille. Elle éprouvait une peur qui persistait en tant que passagère d'une voiture, elle avait un sentiment permanent de nervosité qui s'accompagnait de palpitations, de tensions musculaires et de vertiges. Elle avait par ailleurs souffert d'un trouble panique, qui pouvait se superposer au trouble anxieux généralisé. Il s'agissait d'épisodes de profonde anxiété qui survenaient de façon inopinée, accompagnés de palpitations, de sensations d'étouffement, d'étourdissements, de vertiges, d'un sentiment d'irréalité et plus généralement d'une peur de mourir ou de perdre le contrôle.

B______ lui avait parlé de troubles de mémoire à la suite de l'accident et de devoir plus contrôler son travail pour éviter des erreurs. Elle lui parlait de tensions musculaires et de vertiges. Elle savait qu'elle avait de la peine à mener une même activité pendant longtemps parce qu'elle éprouvait des douleurs.

j.d.d le Tribunal a entendu en qualité de témoin AB_____, ergothérapeute, qui a confirmé son rapport du 27 juin 2014.

Elle a précisé que B______ pouvait ponctuellement porter son sac à main sur l'avant-bras droit, mais que cela dépendait du poids, de la durée et également de son état de fatigue. Pour elle, il n'était pas exclu qu'elle porte son parapluie à droite (surtout si son bras gauche était occupé par ailleurs). Cela dépendait des circonstances du moment concerné. Elle ferait le même type de réponse pour l'opération consistant à claquer une portière de voiture. Lorsque le membre dominant était atteint, on avait tendance à se délester sur l'autre pour les tâches les plus conséquentes, mais, pour des tâches plus routinières et moins contraignantes, on continuait à utiliser le membre dominant. Sur question, elle a précisé ne pas avoir vu B______ porter un sac à main à la maison, ni porter un parapluie.

j.d.e Une amie d'enfance de B______, AG_____, a déclaré qu'elle était toujours en contact avec celle-ci au moment de l'accident. B______ travaillait alors comme comptable à temps partiel et suivait des études à côté. Il s'agissait d'une formation menant au brevet d'expert-comptable. De son point de vue, il était évident que son amie entendait terminer cette formation. B______ était une personne qui allait au bout de ce qu'elle entreprenait. Elle n'avait toutefois pas terminé cette formation à cause de l'accident. A sa connaissance, son amie envisageait une activité à plein temps pour pouvoir assumer les frais de la maison, ce d'autant que ses filles étaient toutes scolarisées. En effet, B______ n'avait travaillé à temps partiel qu'après la naissance de ses enfants; auparavant, elle travaillait à plein temps et avait même été sa collègue. Le fait qu'elle ait entrepris une formation était aussi en relation avec la nécessité d'avoir un meilleur salaire, sachant que celui de son mari était inférieur.

Après l'accident, B______ n'était plus la même personne. Dans le passé, c'était quelqu'un sur qui elle pouvait compter, qui l'avait soutenue. C'était une personne stable, forte, courageuse, posée. A l'heure actuelle, elle était angoissée, oppressée, fatiguée et avait peur de beaucoup de choses, ce qui faisait peine à voir. Parfois, son état se ressentait dans sa voix. Depuis plusieurs mois, elle-même ne pouvait plus la conduire en voiture, car cela la bloquait.

j.d.f Une autre amie de B______ entendue comme témoin, AH_____, a déclaré qu'à l'époque de l'accident, elle la voyait souvent, parce qu'elles suivaient les cours du brevet en comptabilité ensemble. B______ travaillait alors à temps partiel, pour s'occuper de ses jeunes enfants. Les cours occupaient deux demi-journées par semaine et le travail à domicile prenait autant de temps que les cours, cela durant les semaines scolaires. Elle ignorait si B______ envisageait d'augmenter son taux de travail après l'obtention du brevet. Il lui semblait que c'était à cause de son accident qu'elle n'avait pas terminé sa formation. Elle avait terminé la sienne en juin 2003, mais n'avait pas passé l'examen. Elle-même avait arrêté pour des raisons familiales, sans rapport avec les particularités de la formation. Selon elle, si B______ n'avait pas eu d'accident, elle aurait pu continuer et terminer sa formation.

j.d.g Egalement entendue comme témoin, la fille aînée de B______, F______, âgée de 13 ans au moment de l'accident, a exposé qu'à cette époque, sa mère travaillait à temps partiel parce qu'elle suivait des cours. Ces cours étaient destinés à avoir un meilleur emploi. Elle pensait que son but était d'augmenter son taux de travail, mais elle ne pouvait être plus précise compte tenu de son âge à l'époque des faits.

Elle avait observé un changement dans toutes les activités de sa mère après l'accident. Avant l'accident, celle-ci était très active. Elles faisaient de nombreuses choses ensemble le mercredi lorsqu'elles avaient congé. Après l'accident, sa mère ne faisait que dormir et elles ne pouvaient rien faire ensemble. Il avait fallu beaucoup de temps pour que sa mère puisse reprendre certaines tâches ménagères et cela lui restait difficile à ce jour. Elle avait notamment de la peine à passer l'aspirateur. Avant, sa mère était une femme forte, qui donnait l'exemple et qu'elle-même admirait beaucoup. Aujourd'hui, ce n'était plus la même personne, elle avait toujours peur de tout, elle était toujours fatiguée et tout demandait une organisation compliquée.

j.d.h Enfin, le Tribunal a entendu comme témoin AC_____, détective privé et auteur du rapport établi le 10 avril 2016 pour A______, dont il a confirmé la teneur.

Les trajets durant lesquels il avait observé B______ porter un parapluie ou son sac à main avec la main droite avaient duré entre trois et cinq minutes. Il s'agissait du trajet entre son lieu de travail et AE_____. Il n'avait pas constaté de différence entre la manière dont B______ portait ses objets et celle dont d'autres passants auraient porté les mêmes objets. Si elle avait éprouvé une gêne, il s'en serait rendu compte. En effet, il avait l'habitude d'observer ce genre de phénomènes.

Dans un supermarché, il avait observé B______ prendre des articles pour les regarder. Il ne s'agissait pas d'objets très lourds, soit au maximum un kilo de farine. Il ne l'avait pas observée prendre d'article encombrant et elle utilisait autant sa main gauche que sa main droite. Il n'avait pas vu comment elle plaçait les articles sur le tapis roulant, c'était plutôt son mari qui le faisait. C'était également lui qui faisait le transbordement des articles dans les sacs puis dans la voiture, mais il avait vu B______ lui tendre de petites choses.

A propos des conclusions de son rapport selon lesquelles B______ n'avait pas la phobie des transports publics, AC_____ a précisé qu'il n'existait pas non plus de telles craintes en relation avec un véhicule privé, puisque B______ se déplaçait partiellement en voiture privée avec son mari. Il a ajouté qu'il ne pouvait pas se prononcer directement sur les craintes, mais qu'il avait pu constater qu'elle circulait en voiture avec son mari.

j.e Par ordonnance du 21 avril 2022, le Tribunal a ordonné l'établissement d'une expertise aux fins d'évaluer les capacités de B______ dans différentes activités domestiques.

Il a commis à cette fin AJ_____, ergothérapeute.

j.e.a Le 16 juin 2022, AJ_____ a rendu son rapport d'expertise concernant B______.

Il ressort de ce rapport que celle-ci s'est d'emblée plainte à l'experte de stress post-traumatique, de phobie de la voiture, d'une diminution de son endurance à l'effort, d'angoisses, d'une fatigue importante, d'une incapacité de reprendre un travail à 100%, de douleurs irradiantes dans le bras droit lors d'efforts entrainant un déséquilibre lombaire, ainsi que de limitations dans les activités de la vie quotidienne.

L'experte a conclu: "L'évaluation a permis de mettre en évidence les difficultés ainsi que les ressources de Madame B______ dans la gestion de son ménage. A la suite des diverses mises en situation, elle se sent épuisée mentalement et ressent une augmentation de la lourdeur du bras droit ainsi qu'une fatigue musculaire importante. Elle doit adapter sans cesse son quotidien et ses tâches ménagères en fonction de l'épuisement général qu'elle perçoit.

Bien que Madame B______ ne présente pas de limitation fonctionnelle importante, la situation de handicap reste difficilement objectivable car les douleurs sont exacerbées plusieurs jours voire semaines après une sollicitation excessive. Celles-ci ne se situent pas uniquement dans le bras mais irradient au niveau de la scapula, de l'épaule et du dos en raison des compensations du tronc. Cette situation engendre une diminution importante de l'utilisation du membre supérieur droit dans les gestes de la vie quotidienne et principalement lors du port de charge et des déplacements d'objets.

Bien que son mari puisse l'aider au quotidien lorsqu'il rentre du travail et le week-end pour la réalisation des courses, Madame éprouve un sentiment de culpabilité important. Elle se rend compte qu'elle ne réalise pratiquement plus les tâches quotidiennes les jours où elle travaille et que son mari fait beaucoup à la maison malgré son poste à 100 %. La chronicité de la fatigue et l'anticipation de l'apparition des douleurs sont psychologiquement lourdes à porter. Depuis l'accident, sa qualité de vie ainsi que celle de sa famille s'est véritablement dégradée. Elle décrit un sentiment de perte d'énergie omniprésent qui a un impact conséquent dans sa vie de tous les jours."

j.e.b En conséquence, l'experte a évalué l'empêchement pondéré avec exigibilité à 23.5%, et sans exigibilité à 51.5%, selon le tableau suivant:

 

Champ d'activité

Exigibilité

Pondération

en %

Empêchement en %

Empêchement pondéré

 

7.1 Alimentation 0-50%

Préparation/cuisson/service/travaux de nettoyage de la cuisine/provisions

 

Exigibilité

50%

35 %

70%

 

20%

24,5%

 

7%

 

7.2 Entretien du logement 0 – 40%

Epousseter/passer l'aspirateur/entretenir les sols/nettoyer les vitres/faire les lits/soigner les plantes/extérieur de la maison/sortir les déchets et garde des animaux domestiques

 

Exigibilité

30%

25%

60%

 

 

30%

15%

 

 

7.5%

 

7.3 Emplettes et courses diverses 0-10%

Poste/assurances/services officiels

Exigibilité

0%

10%

10%

 

10%

1%

 

1%

 

7.4 Lessive et entretien des vêtements 0 – 20% Laver/suspendre/ramasser/repasser/raccommoder/nettoyer les chaussures

Exigibilité

5%

20%

20%

 

15%

4%

 

3%

 

7.5 Soins aux enfants ou aux autres membres de la famille 0-50%

Conjoint + parents en ligne direct

 

Exigibilité

20%

10%

70%

 

50%

7%

 

5%

 

Total du champ d'activité

100%

Total de l'exigibilité retenue

28%

Total empêchement pondéré sans exigibilité 51.5%

Total – Empêchement pondéré avec exigibilité 23.5%

j.e.c Le Tribunal a procédé à l'audition de AJ_____ à l'audience du 6 décembre 2022, dont il ressort ce qui suit:

L'experte a expliqué que le terme "exigibilité" correspondait à la part de chacune des tâches qui pouvait être exigée d'un tiers, soit en l'espèce du mari ou d'une aide-ménagère.

Les taux d'exigibilité relevés dans la première colonne du tableau de son rapport représentaient la proportion de l'activité originellement à la charge de B______, dont on pouvait exiger qu'elle soit accomplie par un tiers. Dans l'avant-dernière colonne, pour le premier poste par exemple, 70% représentaient l'empêchement sur la totalité de la tâche, dont seuls 20% affectaient le ménage en considération de la participation de 50% exigible du mari. Les 7% dans la dernière colonne représentaient 20% de 35%.

Elle a expliqué que l'expertise était menée sur la base d'auto-questionnaires, lesquels étaient suivis d'une phase pratique durant laquelle le patient était invité à faire les gestes pertinents de manière à ce que l'expert puisse s'assurer que ses observations concordent avec les questionnaires. Dans le cas de B______, elle avait procédé à l'évaluation théorique dans un premier temps, puis, durant la partie pratique, elle avait observé la patiente, tout en abordant d'autres sujets avec elle, de manière à ce que celle-ci ne puisse pas s'appliquer à reproduire (par hypothèse artificiellement) les difficultés qu'elle avait indiquées dans les auto-évaluations. Il lui arrivait dans certains cas d'observer une discrépance entre les déclarations des patients et les difficultés qu'elle observait. Ce n'était pas du tout le cas avec B______, parce que les compensations du tronc, de la nuque et du bassin qu'elle observait pendant qu'elle effectuait certaines tâches attestaient des douleurs et difficultés qu'elle avait indiquées dans les questionnaires, les premières (les compensations) étant symptomatiques des secondes (douleurs et difficultés). Les compensations étaient par ailleurs difficiles à simuler. D'ailleurs, B______ n'était absolument pas consciente des compensations qu'elle observait chez elle pendant qu'elles parlaient d'autre chose. Elle le savait parce qu'après la réalisation d'une tâche elle lui demandait si elle s'était rendue compte qu'elle avait fait tel ou tel geste de compensation et elle lui répondait systématiquement que non.

L'experte a confirmé ne pas avoir évalué tous les points qui étaient mentionnés dans l'ordonnance d'expertise, non pas parce qu'elle ne l'avait pas jugé utile, mais parce que l'évaluation s'était déjà avérée compliquée par le stress de B______ et qu'elle s'était concentrée sur le fonctionnel. Elle n'avait pas évalué la course, ni le travail en hauteur ou sur une échelle.

B______ n'avait pas voulu qu'elle l'amène faire les courses en voiture en raison de sa phobie. Elle n'avait pas pu observer comment elle rangeait les courses, ni voir comment elle claquait la portière de la voiture. Mais elle savait qu'elle fermait la porte de la maison avec la main gauche.

j.f Dans leurs plaidoiries finales écrites, transmises au Tribunal le 16 février 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

D.           a. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que l'existence d'atteintes à la santé physique et psychique de B______ n'était pas contestée et que celle-ci était légitimée à agir directement contre A______, qui assurait le véhicule conduit par son époux au moment de l'accident. Plusieurs rapports médicaux attestaient notamment d'une causalité certaine entre l'accident et les lésions subies par B______, dont l'expertise médicale pluridisciplinaire du 20 mai 2005. Rien n'indiquait en revanche que la prise en charge médicale de celle-ci en Espagne ou aux HUG n'aurait pas été conforme aux règles de l'art. La surinfection apparue en cours de traitement devait notamment être considérée comme l'effet objectivement prévisible des atteintes subies lors de l'accident, qui avaient évolué défavorablement.

b. En raison des atteintes susvisées, B______ avait présenté une incapacité de travail d'abord complète, puis de 50%. Il subsistait une incapacité résiduelle de 40%, correspondant à son taux non travaillé actuel. Ces différents taux entraînaient une perte de gain actuelle et future, ainsi qu'un dommage de rentes. La capacité de B______ à accomplir des tâches domestiques avait également diminué depuis l'accident et sa vie sociale et familiale se trouvait durablement affectée par celui-ci. Il convenait dès lors de chiffrer le dommage relatif à ces différents postes.

b.a S'agissant de la perte de gain actuelle et future, il fallait admettre que sans l'accident, B______ aurait augmenté son taux d'activité de 60% à 100% dès le 1er janvier 2004, afin notamment de supporter la charge hypothécaire de la villa familiale. Il n'était en revanche pas certain qu'elle aurait obtenu le diplôme d'expert-comptable souhaité, ni qu'elle aurait en conséquence réalisé des revenus supérieurs à ceux du poste qu'elle occupait. Sous déduction de ses revenus effectifs, ainsi que des sommes versées par les assureurs sociaux, sa perte de gain nette au 30 juin 2023 pouvait ainsi être arrêtée à 259'158 fr. 85 et sa perte de gain future à 94'423 fr. 20. A______ devait dès lors l'indemniser à due concurrence.

b.b Sous déduction de la rente viagère versée par l'assurance-accident, la différence entre les rentes de vieillesse sans invalidité et les rentes effectives que percevrait B______ à la retraite s'élevait à 14'182 fr. par an. Capitalisée selon les tables usuellement admises, cette différence représentait un dommage de rente de 190'746 fr. 42, dont A______ devait également l'indemniser.

b.c B______ avait été incapable d'accomplir des tâches ménagères à 100% du 25 juillet 2003 au 31 mars 2004, puis à 80% du 1er avril 2004 au 30 septembre 2005. Depuis le 1er octobre 2004, elle l'était encore à 51,5% et le resterait, selon le taux d'empêchement complet déterminé par l'expertise judiciaire. Il n'y avait en effet pas lieu de déduire la part des différentes tâches qui pouvait être exigée d'un tiers, notamment de la famille et des proches de B______. Compte tenu du nombre d'heures par semaine que celle-ci aurait consacrées à des activités ménagères, lequel dépendait de son taux d'activité et de la composition de son ménage selon les statistiques applicables, puis en retenant un montant de 30 fr. par heure, le préjudice ménager subi s'élevait ainsi à 549'222 fr. 30 au 30 juin 2023. Pour l'avenir, en distinguant trois périodes selon que B______ serait âgée de moins de 65 ans, de 65 à 80 ans ou de plus de 80 ans, le préjudice ménager pouvait être arrêté à 294'322 fr. par application des tables de capitalisation usuelles.

b.d Sur le principe, B______ pouvait également prétendre à une indemnité pour tort moral, compte tenu notamment des séquelles physiques et psychiques entraînées par l'accident. Cette indemnité ne devait cependant pas dépasser 10'000 fr. au vu de la gravité moyenne du cas d'espèce. Dans la mesure où la précitée avait déjà perçu un montant de 10'680 fr. de la part de l'assureur-accidents à titre d'indemnité pour atteinte à l'intégrité, aucun montant ne devait lui être alloué à ce titre.

b.e S'agissant des frais de défense avant procès, B______ ne pouvait prétendre à aucune indemnité pour l'activité de son précédent conseil, faute de démontrer que celle-ci était nécessaire, justifiée et adéquate. Si la situation présentait certes une certaine complexité, notamment en relation avec l'établissement et le calcul du dommage, le montant de 32'011 fr. réclamé au titre des honoraires et frais de son conseil actuel devait quant à lui être réduit d'un tiers et fixé à 21'000 fr., compte tenu des dépens également alloués. B______ devait au surplus être remboursée du coût de l'expertise ergothérapeutique effectuée en 2014, qui s'élevait à 2'994 fr. 95.

c. Enfin, les prétentions de B______ n'étaient pas prescrites. A supposer que celle-ci ait pu évaluer son dommage le 23 août 2012 déjà, comme le soutenait A______, le délai de prescription applicable de deux ans avait été régulièrement interrompu par le versement d'acomptes à faire valoir sur le règlement final, puis par la notification de commandements de payer.

EN DROIT

1.             1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance, lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions atteint 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, le jugement entrepris est une décision finale et la valeur litigieuse devant le Tribunal s'élevait à plus de 1'000'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours, dans la forme écrite prévue par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 145 al. 1 let. b et 311 al. 1 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ) l'appel est recevable.

1.3 S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2.             2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Il appartient au plaideur qui entend se prévaloir en appel de moyens de preuve déjà existants lors de la fin des débats principaux de première instance de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être invoqué devant l'autorité précédente (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

2.2 En l'espèce, l'appelante produit à l'appui de son appel plusieurs tableaux réalisés au moyen d'un logiciel informatique, dont l'intimée conteste la recevabilité. L'appelante n'expose effectivement pas les raisons pour lesquelles elle n'aurait pas été en mesure de soumettre lesdits tableaux au Tribunal, étant précisé qu'il ne s'agit pas de simples calculs aisément vérifiables par la Cour de céans. Par conséquent, ces documents sont irrecevables à ce stade.

L'intimée conteste également la recevabilité de l'état de fait présenté à la Cour par l'appelante. S'il est vrai que ledit état de fait n'est pas accompagné d'une offre de preuve correspondante, ni d'une quelconque critique de l'état de fait retenu par le Tribunal, la Cour constate avec l'appelante que les faits aujourd'hui invoqués par celle-ci constituent une simple sélection de différents points de fait retenus par le Tribunal, qu'elle estime favorables à ses intérêts et suffisants pour fonder ses conclusions. L'état de fait retenu par le Tribunal est cependant globalement pertinent pour apprécier les circonstances du cas d'espèce. Il a donc été repris ci-dessus, dès lors qu'il n'est pas autrement contesté, et aucun point de fait invoqué par l'appelante qui n'en serait pas tiré ou en différerait, sans offre de preuve ni critique correspondante, n'y figure. Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner plus avant le grief soulevé par l'intimée.

3.             A titre liminaire, l'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir relevé l'absence de force probante de l'expertise judiciaire qu'il a fait diligenter sur la personne de l'intimée. Elle conclut au déboutement de l'intimée de toutes ses prétentions pour ce motif déjà.

3.1 Selon l'art. 157 CPC, le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées. Autrement dit, le juge apprécie librement la force probante de celles-ci en fonction des circonstances concrètes, sans être lié par des règles légales et sans être obligé de suivre un schéma précis (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_113/2015 du 3 juillet 2015 consid. 3.2).

Selon l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut administrer les preuves. Cette disposition ne confère pas au justiciable un droit à la réouverture de la procédure probatoire et à l'administration de preuves (arrêt du Tribunal fédéral 5A_505/2021 du 29 août 2022 consid. 3.3.2).

3.2 En l'espèce, l'appelante ne sollicite pas qu'une nouvelle expertise soit ordonnée par la Cour de céans, ni que la cause soit retournée au Tribunal à cette fin.

Si elle critique la valeur de l'expertise ordonnée par le Tribunal, l'appelante omet de considérer que cette expertise n'avait pas trait à la totalité des questions que le premier juge devait trancher, mais visait uniquement à le renseigner sur l'une d'entre elles, à savoir l'étendue de l'atteinte subie par l'intimée en rapport avec l'exercice d'activités domestiques. Or, à supposer qu'elle soit avérée, l'éventuelle absence de force probante de ladite expertise ne saurait entraîner le déboutement de l'intimée de toutes ses prétentions, comme le soutient l'appelante, mais seulement de ses prétentions liées directement à cette question, soit celles en réparation de son préjudice ménager (éprouvé et futur). Ce seul motif ne saurait donc mettre fin au litige et il n'y a dans ces conditions pas lieu de se prononcer d'entrée de cause sur la force probante de l'expertise susvisée, indépendamment de l'examen des questions litigieuses concernées.

Il sera procédé à cet examen dans la mesure utile ci-dessous, sans qu'il soit nécessaire de traiter le grief plus avant à ce stade.

4.             En second lieu, l'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir retenu que les prétentions de l'intimée étaient partiellement prescrites. Dès lors que l'appelante ne conclut pas au déboutement complet de l'intimée pour ce motif, mais uniquement à titre subsidiaire, au cas où les montants alloués à celle-ci dépasseraient 1'000'000 fr., ce moyen ne sera pas davantage examiné d'entrée de cause. Il le sera seulement s'il doit s'avérer que l'intimée est effectivement fondée à obtenir le paiement de tels montants.

5.             Sur le fond, l'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu l'existence d'un lien de causalité entre l'accident dont a été victime l'intimée et le dommage dont celle-ci demande aujourd'hui réparation. Ce grief étant susceptible de remettre en cause le bien-fondé de l'ensemble des prétentions de l'intimée, qui supposent la réparation de différents postes de dommage, il convient de l'examiner en priorité.

5.1 A teneur de l'art. 58 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR, RS 741.01), la personne blessée par suite de l'emploi d'un véhicule automobile peut demander réparation au détenteur de ce véhicule; l'art. 65 al. 1 LCR l'autorise à élever ses prétentions directement contre l'assureur de la responsabilité civile du détenteur.

Il s'agit d'une responsabilité civile objective aggravée fondée sur le risque inhérent à l'emploi d'un véhicule à moteur. Le détenteur répond du dommage causé indépendamment de toute faute de sa part (arrêts du Tribunal fédéral 4A_353/2015 du 4 décembre 2015 consid. 2; 4A_433/2013 du 15 avril 2014 consid. 4.1; Werro, La responsabilité civile, 3ème éd., 2017, p. 262; Brehm, La responsabilité civile automobile, 2ème éd., 2010, p. 2-3, n. 4 et 5).

5.1.1 L'auteur d'un préjudice n'est tenu de le réparer que s'il existe un rapport de cause à effet entre le facteur qui fonde son obligation, soit l'acte fautif, et le préjudice. Cette condition s'applique également dans les cas soumis à la LCR (Brehm, op. cit., p. 9, n. 19). En effet, selon l'art. 62 al. 1 LCR, le mode et l'étendue de la réparation incombant au détenteur de véhicule sont régis par les principes généraux de l'art. 41 CO, lesquels impliquent l'existence d'un dommage, un acte illicite et un lien de causalité naturelle et adéquate entre le préjudice et l'acte illicite.

5.1.2 La causalité naturelle entre deux événements est une relation telle que, sans le premier événement, le second ne se serait pas produit (ATF 132 III 715 consid. 2.2). Il existe un lien de causalité naturelle lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans l'événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'événement dommageable soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé du lésé; il faut et il suffit que l'événement dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il se présente comme une condition sine qua non de celle-ci
(ATF 139 V 176 consid. 8.4.1; 133 III 462 consid. 4.4.2; 132 III 715 consid. 2.2).

Incombant au lésé, la preuve du lien de causalité naturelle ne doit pas nécessairement être apportée avec une exactitude scientifique. La jurisprudence se contente en effet d'un degré de vraisemblance prépondérante lorsque la preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée, spécialement lorsque les faits allégués ne peuvent être établis qu'indirectement et par des indices (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2; 133 III 81 consid. 4.2.2; 132 III 715 consid. 3.1).

5.1.3 Le droit à réparation suppose également un rapport de causalité adéquate entre l'accident et le dommage invoqué.

Une cause est adéquate lorsqu'elle est de nature, dans le cours ordinaire des choses et selon l'expérience de la vie, à produire l'effet qui s'est réalisé, de sorte que celui-ci paraît en général favorisé par cette cause (ATF 129 II 312 consid. 3.3 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_695/2016 du 22 juin 2017 consid. 2.1). Pour décider si un fait constitue la cause adéquate d'un préjudice, le juge doit procéder à un pronostic rétrospectif objectif. Il examine la prévisibilité objective du résultat, ou en d'autres termes, si une telle conséquence demeure dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_522/2014 du 16 décembre 2015 consid. 4.5, non publié in ATF 142 III 9).

La causalité adéquate peut être interrompue par un événement extraordinaire ou exceptionnel auquel on ne pouvait s'attendre - force naturelle, fait du lésé ou d'un tiers -, et qui revêt une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus immédiate du dommage et relègue à l'arrière-plan les autres facteurs ayant contribué à le provoquer - y compris le fait imputable à la partie recherchée (ATF 143 III 242 consid. 3.7 et les arrêts cités). Autrement dit, l'intensité de chacune des causes en présence est déterminante: si la faute du lésé ou d'un tiers apparaît lourde au point de presque supplanter le fait imputable à la partie recherchée, alors le lien de causalité adéquate est rompu (ibid.). Toutefois, même si d'autres causes apparaissent à côté de la cause originelle et la font passer à l'arrière-plan, celle-ci reste dans un rapport de causalité adéquate, du moins aussi longtemps qu'elle peut être considérée comme relevante dans le cours des événements. La preuve des faits justifiant les facteurs interruptifs de la causalité adéquate incombe au débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_472/2017 du 11 juillet 2018 consid. 5.1.3).

5.2 En l'espèce, l'appelante soutient que les lésions et les troubles subsistant dans l'état de santé de l'intimée ne trouveraient pas leur cause dans l'accident survenu le 25 juillet 2003, mais dans les complications et la surinfection survenues après ledit accident, à l'occasion des intervention pratiquées en Espagne.

5.2.1 A cet égard, il convient tout d'abord de relever qu'à supposer même que tel soit le cas, une telle hypothèse ne permettrait pas de nier l'existence d'un lien de causalité naturelle entre l'accident et les atteintes portées à la santé de l'intimée. Il est en effet constant que c'est à la suite, et en raison, de l'accident litigieux que l'intimée a dû être hospitalisée et opérée d'urgence en Espagne. Si l'accident n'avait pas eu lieu, aucune intervention chirurgicale n'aurait été nécessaire et aucune complication, ni aucune surinfection, ne se serait alors produite. En d'autres termes, l'accident demeure la condition sine qua non des atteintes subies par l'intimée dans sa santé, au sens des principes rappelés sous consid. 5.1.2 ci-dessus, et l'existence d'un lien de causalité naturelle doit être admise même si d'autres facteurs ont pu, dans l'hypothèse susvisée, s'associer ou s'ajouter audit accident pour porter atteinte à la santé de l'intimée. Le grief doit dès lors être écarté sur ce point.

5.2.2 S'agissant de la causalité adéquate, il n'apparaît pas qu'il serait hors de toute probabilité que des complications et une surinfection puissent survenir lors d'opérations chirurgicales telles que celles pratiquées dans l'urgence en Espagne sur la personne de l'intimée. A teneur de la procédure, les lésions subies par l'intimée lors de l'accident, soit une fracture ouverte de l'extrémité distale de l'humérus droit et une rupture de l'artère humérale, étaient graves et rien ne permet d'affirmer qu'il aurait normalement été possible, selon le cours ordinaire des choses, de soigner immédiatement de telles lésions de manière simple et fiable, en excluant raisonnablement tout risque de complication ou de surinfection. Les allégations de l'appelante selon lesquelles la survenance de telles complications témoignerait de manquements aux règles de l'art commises lors des interventions pratiquées en Espagne et entrainerait une rupture du lien de causalité adéquate ne peuvent être suivies. Le seul fait qu'un chirurgien des HUG ait indiqué dans un rapport à l'assurance-accident que l'intimée souffrait à son arrivée à Genève d'une "paresthésie des doigts de la main droite, séquelle de la première intervention en Espagne" (en fait, consid. C let. f.e.b), ne permet notamment pas de conclure à l'existence de manquements aux règles de l'art. Aucun médecin ni témoin n'a confirmé que l'évolution des lésions subies par l'intimée rendait ne serait-ce que vraisemblable la commission de violation des règles de l'art par les médecins en Espagne, ni n'a indiqué que les complications et la surinfection survenues constituaient des circonstances tout à fait extraordinaires, avec lesquelles on ne pouvait compter après l'accident, et qui relègueraient au second plan les graves lésions et les traumatismes importants subis par l'intimée lors de celui-ci. Au cours de sa déposition, le Dr M______ a notamment déclaré qu'il avait certes fallu reprendre les interventions faites en Espagne, mais qu'il ne pouvait pas attribuer cette nécessité à une erreur. Les auteurs de l'expertise pluridisciplinaire réalisée au mois de mai 2005 y ont indiqué qu'un lien de causalité entre les troubles neurologiques, orthopédiques et psychologiques présentés par l'intimée et l'accident du 25 juillet 2003 était certain et qu'il n'y avait pas de facteur étranger jouant un rôle significatif dans l'évolution du cas et la persistance desdits troubles. L'existence d'un tel lien de causalité a également été confirmée par les Dresses L______ et AF_____ dans leurs différents rapports et témoignages.

Le fait que le pontage artériel réalisé en urgence en Espagne ait cédé lors du retour de l'intimée en Suisse en avion, ne permet pas non plus de retenir que ledit pontage n'avait pas été correctement réalisé, ni que les médecins espagnols auraient manqué à leurs devoirs en n'empêchant pas l'intimée d'effectuer un tel vol de retour, ce que l'appelante ne soutient d'ailleurs pas. A teneur des constatations faites à l'époque par les médecins genevois, la rupture veineuse était due à une infection post-opératoire de la plaie, ce qui tend à indiquer qu'une telle rupture serait survenue indépendamment du voyage susvisé. Quant à l'infection de lésions telles que celles subies par l'intimée, après une intervention réalisée en urgence, celle-ci apparaît comme une conséquence possible indépendamment de toute violation des règles de l'art.

Dans ces conditions, aucune interruption du lien de causalité adéquate entre l'accident et les atteintes subies par l'intimée dans sa santé ne peut être retenue et c'est à tort que l'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir ordonné l'expertise qu'elle avait requise à ce sujet. Outre que cette expertise ne devait pas porter sur l'existence même de violations des règles de l'art, mais seulement sur les conséquences de telles violations, il est douteux que d'éventuels manquements pussent être constatés avec un degré de certitude suffisant près de vingt ans après les faits, comme l'a relevé le premier juge. A supposer que tel soit le cas, lesdits manquements ne procèderaient à l'évidence pas d'une faute suffisamment lourde pour supplanter complètement la part de l'accident litigieux, dont l'appelante est tenue de répondre, dans les lésions et troubles subis par l'intimée. Ledit accident constituera toujours une cause relevante, voire principale, des atteintes en question dans le cours de événements, et l'existence d'un lien de causalité adéquate doit en conséquence être admise, conformément aux principes rappelés ci-dessus.

Il convient donc d'examiner les autres griefs soulevés par l'appelante, en suivant pour cela les différents postes de dommage invoqués par l'intimée.

6.             L'appelante conteste tout d'abord les montants alloués à l'intimée au titre de sa perte de gain actuelle et future. Elle reproche au Tribunal d'avoir surestimé les revenus que celle-ci aurait pu réaliser en l'absence de l'invalidité consécutive à l'accident et soutient que l'intimée aurait manqué à son obligation de réduire son dommage.

6.1 L'art. 62 al. 1 LCR renvoie aux dispositions du code des obligations relatives aux actes illicites en ce qui concerne le mode et l'étendue de la réparation, ainsi que l'octroi d'une indemnité à titre de réparation morale.

Le lésé ne peut réclamer au tiers responsable que la réparation du préjudice qui n'est pas couvert par les assurances sociales, lesquelles sont subrogées ex lege dans les droits du premier. Il en découle que les diverses prestations accordées par les assurances sociales doivent être déduites de l'indemnisation du dommage que le lésé peut réclamer au responsable (ATF 131 III 360 consid. 6.1 et les références doctrinales).

6.1.1 Conformément à l'art. 46 al. 1 CO, en cas de lésions corporelles, la partie qui en est victime a droit au remboursement des frais et aux dommages-intérêts qui résultent de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l'atteinte portée à son avenir économique.

La loi fait une distinction entre la perte de gain actuelle, qui est éprouvée au jour de la décision de la juridiction cantonale devant laquelle on peut alléguer pour la dernière fois des faits nouveaux, et la perte de gain future, pour l'éventualité où l'incapacité de travail dure toujours parce que le lésé est devenu totalement ou partiellement invalide. Cette distinction n'a pas d'autre fonction que celle de faciliter le travail de calcul du juge, car il s'agit en fait de deux postes du même préjudice. Les principes présidant au calcul de ces deux postes du dommage sont donc les mêmes (arrêts du Tribunal fédéral 4A_437/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.2.; 4A_310/2014 du 10 octobre 2014 consid. 2.2).

Le préjudice s'entend dans tous les cas au sens économique. Est donc déterminante la diminution de la capacité de gain. Le dommage consécutif à l'invalidité doit, autant que possible, être établi de manière concrète. Le juge partira du taux d'invalidité médicale (ou théorique) et recherchera ses effets sur la capacité de gain ou l'avenir économique du lésé; cette démarche l'amènera à estimer le gain que le lésé aurait obtenu dans son activité professionnelle s'il n'avait pas subi l'accident (ATF 131 III 360 consid. 5.1; 129 III 135 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_310/2014 du 10 octobre 2014 consid. 2.2).

Si la situation salariale concrète de la personne concernée avant l'événement dommageable constitue ainsi la référence, le juge ne doit toutefois pas se limiter à constater le revenu réalisé jusqu'alors, car l'élément déterminant repose bien davantage sur ce que le lésé aurait gagné annuellement dans le futur. Mais il incombe en particulier au demandeur de rendre vraisemblables les circonstances de fait - à l'instar des augmentations futures probables de son salaire durant la période considérée - dont le juge peut inférer les éléments pertinents pour établir le revenu que le premier aurait réalisé sans l'accident (ATF 131 III 360 consid. 5.1; 129 III 135 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_310/2014 du 10 octobre 2014 consid. 2.2). D'après la jurisprudence, la perte de gain indemnisable correspond à la différence entre le revenu net de valide du lésé (revenu hypothétique sans l'accident) et son revenu net d'invalide (revenu qui peut probablement être réalisé après l'accident; ATF 136 III 222 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_310/2014 cité consid. 2.2).

La perte de gain future est indemnisée de manière différente puisqu'elle appelle le versement d'un montant capitalisé (donc escompté) ou d'une rente. Pour la capitalisation, il convient d'utiliser les tables à disposition, qui tiennent compte de paramètres tels que le jour du calcul, le sexe et l'âge du lésé (Stauffer/ Schaetzle, Manuel de capitalisation, 2001, n. 2.23 ss, p. 44 ss).

6.1.2 A teneur de l'art. 44 al. 1 CO, le juge peut réduire les dommages-intérêts, ou même n'en point allouer, lorsque la partie lésée a consenti à la lésion ou lorsque des faits dont elle est responsable ont contribué à créer le dommage, à l'augmenter, ou qu'ils ont aggravé la situation du débiteur.

Déterminer si le lésé est tenu de minimiser son dommage au moyen d'une certaine mesure revient à se demander, de manière négative, s'il violerait son devoir de minimiser le dommage en ne se soumettant pas à cette mesure. Cette violation constitue une faute concurrente (Achtari, Le devoir du lésé de minimiser son dommage, Zürich 2008, n. 314). Il incombe au débiteur qui invoque cette faute de l'établir (art. 8 CC; cf. ATF 112 II 439 consid. 2; 108 II 64 consid. 3; 96 II 57).

6.2 En l'espèce, il n'est pas contesté qu'après l'accident, l'intimée se soit trouvée en incapacité de travail totale de travailler jusqu'à fin septembre 2005, ni qu'elle ait ensuite retrouvé une capacité de travail de 50% dès le mois d'octobre suivant, puis de 60% dès le mois de juin 2011, correspondant à son taux d'activité actuel.

6.2.1 L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu qu'en l'absence de l'accident, l'intimée aurait travaillé à plein temps dès le début de l'année 2004, plutôt que de poursuivre son activité à 60%, comme elle le faisait au moment de l'accident.

A cet égard, il est établi que l'intimée travaillait à plein temps avant la naissance de ses enfants, comme l'a relevé le premier juge, et que quelque temps avant l'accident, elle avait entrepris une formation en vue d'augmenter ses revenus. Cependant, il n'est effectivement pas certain que l'intimée aurait concrètement augmenté son taux d'activité à l'issue de cette formation. Entendue comme témoin, une amie de l'intimée ayant suivi cette formation avec elle a notamment déclaré qu'elle ignorait si celle-ci entendait augmenter son taux d'activité à l'issue de la formation. Or si tel avait été le cas, il est probable que l'intimée aurait fait part de ses intentions à l'amie en question. Une autre amie de l'intimée a certes rapporté qu'à sa connaissance, l'intimée envisageait alors d'exercer une activité à plein temps pour pouvoir assumer les frais de la maison qu'elle s'apprêtait à acquérir. L'amie en question n'a cependant pas fait état d'une ferme intention de l'intimée en ce sens et n'a pas davantage confirmé que celle-ci entendait travailler à plein temps dès la fin de sa formation. En l'occurrence, il apparaît que l'intimée et son époux ont pu acquérir la maison susvisée et y emménager malgré l'accident, sans que l'intimée ne travaille à un taux plus élevé, ni qu'elle achève sa formation. Ce facteur ne permet donc pas de retenir que l'intimée aurait augmenté son taux d'activité à brève échéance si l'accident n'était pas survenu. Dans un premier temps au moins, celle-ci pouvait en effet compter sur la seule augmentation visée de ses qualifications pour accroître ses revenus, tout en continuant à se consacrer à sa famille dans la même mesure qu'auparavant.

C'est le lieu d'observer qu'à l'époque de l'accident, la plus jeune fille de l'intimée n'était âgée que de cinq ans. Par analogie avec les règles posées en matière de droit de la famille, il paraît douteux qu'en l'absence de l'accident, et après avoir néanmoins emménagé dans son nouveau logement, l'intimée aurait augmenté son taux d'activité avant que ladite fille n'atteigne l'âge de seize ans ou, du moins, que celle-ci n'intègre le cycle d'enseignement secondaire (cf. ATF 144 III 481 consid. 4.7.6). En l'occurrence, après l'accident, l'intimée a d'ailleurs effectivement augmenté son taux d'activité, de 50% à 60%, dans le courant de l'année 2011, alors que la plus jeune de ses filles était âgée de treize ans. Il paraît donc probable qu'en l'absence de l'accident, elle aurait augmenté son taux d'activité de 60% à 100% à la même époque, soit au plus tard à la fin de l'année 2011, et ce qu'elle ait ou non achevé avec succès la formation entreprise au moment de l'accident.

Partant, la Cour retiendra que l'intimée aurait travaillé à plein temps dès le 1er janvier 2012 si l'accident n'était pas survenu, et non dès le 1er janvier 2004 comme l'a retenu le Tribunal. Elle aurait auparavant conservé un taux d'activité de 60%, qui était le sien depuis qu'elle avait été engagée par son employeur de l'époque, soit la société U______ SA. Le calcul de l'éventuelle perte de gain de l'intimée doit donc être révisé en conséquence.

6.2.2 Avant cela, il convient d'examiner si, dans l'intervalle, l'intimée aurait néanmoins pu disposer d'un revenu supérieur en l'absence de l'accident, grâce à la formation qu'elle avait entreprise et qu'elle a dû interrompre après celui-ci.

En l'occurrence, le Tribunal a retenu à bon droit qu'il n'était pas suffisamment certain que l'intimée aurait passé avec succès les examens sanctionnant la fin sa formation, dont elle affirme elle-même qu'elle était exigeante. Le seul fait que des témoins aient déclaré que l'intimée était une personne fiable et déterminée, qui allait généralement au terme de ce qu'elle entreprenait avant l'accident, ou qu'à leur avis elle aurait pu achever cette formation avec succès, ne permet notamment pas de tenir pour acquis que tel aurait été le cas, étant observé que l'intimée n'a fourni aucune indication sur le taux moyen de réussite auxdits examens. Elle ne se prévaut pas davantage d'un quelconque examen intermédiaire qu'elle aurait réussi, ni d'aucune évaluation favorable de son travail durant la formation. L'obtention du diplôme visé demeure dans ces conditions hypothétique et le jugement entrepris doit donc être confirmé sur ce point.

A fortiori, il n'y a pas lieu d'admettre que l'intimée aurait pu achever avec succès sa formation après l'accident, afin d'augmenter ses revenus effectifs et de diminuer son dommage tout en conservant un taux d'activité réduit, comme le soutient aujourd'hui l'appelante. Une telle hypothèse paraît incompatible avec l'état de santé physique et surtout psychique de l'intimée, les médecins ayant notamment confirmé que celle-ci avait connu plusieurs épisodes dépressifs après l'accident et qu'elle souffrait encore d'une fatigabilité accrue, ainsi que de troubles de la concentration et du sommeil. De tels troubles étaient à l'évidence incompatibles avec la reprise ou la poursuite d'une formation exigeante telle que celle entreprise par l'intimée au moment de l'accident. En mettant à profit la part recouvrée de sa capacité de travail pour reprendre une activité lucrative similaire à celle qu'elle exerçait avant l'accident, l'intimée s'est au contraire assurée de retrouver un revenu propre et a suffisamment respecté son obligation de limiter son dommage. Le seul fait qu'elle ait suivi des cours d'anglais pendant sa convalescence ne change rien à ce qui précède, étant observé que la durée desdits cours était limitée à quelques semaines et qu'il n'est pas établi, ni allégué, que ceux-ci aient été d'une difficulté comparable à celle de la formation comptable qu'elle avait entreprise. Partant, le grief correspondant de l'appelante doit être écarté.

6.2.3 Les calculs opérés par le Tribunal pour évaluer la perte de gain actuelle et future de l'intimée, que l'appelante ne conteste pas autrement que par la production de tableaux irrecevables, peuvent être repris mutatis mutandis.

En l'occurrence, nonobstant l'accident survenu le 25 juillet 2003, il faut admettre que l'intimée a d'abord perçu le salaire afférent à son activité précédente jusqu'au 31 décembre 2003, date pour laquelle elle a été effectivement licenciée. Ensuite, soit dès le 1er janvier 2004, il convient de prendre comme référence son dernier salaire (71'890 fr. brut par an) et de l'adapter en fonction de l'indice de l'évolution des salaires nominaux (IESN) de l'Office fédéral de la statistique (OFS; cf. https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/catalogues-banques-donnees .assetdetail.22304313.html).

Le revenu net peut ensuite être calculé en déduisant du revenu brut ainsi obtenu la part employé des cotisations sociales usuelles, soit 8.925%, ainsi que la part employé des cotisations de prévoyance professionnelle, soit 5% du salaire coordonné de 62'475 fr. jusqu'à 44 ans, 7.5% de 45 à 54 ans et 9% de 55 à 65 ans (cf. art. 8 al. 1 et art. 16 LPP). Comme l'a retenu le Tribunal, le revenu réalisé par l'intimée auprès de U______ SA à l'époque de l'accident doit par ailleurs servir de base de calcul jusqu'à la fin de l'année 2011, dès lors que le salaire perçu auprès de X______ était initialement inférieur à son revenu antérieur à l'accident.

Les revenus que l'intimée aurait pu réaliser durant cette période se présentent dès lors comme suit:

Année

Age

Revenu brut hypothétique
à 60%

IESN

Déductions sociales 
de 8.925%

Taux LPP sur 62'475 fr.

Déduction LPP

Revenu net
hypothétique à 60%

2003 

38 

71'890.00 

1.70% 

 

 

 

2004 

39 

73'112.13 

1.10% 

6'252.26 

5.00% 

3'123.75 

63'463.12 

2005 

40 

73'916.36 

1.10% 

6'597.04 

5.00% 

3'123.75 

64'195.57 

2006 

41 

74'729.44 

1.30% 

6'669.60 

5.00% 

3'123.75 

64'936.08 

2007 

42 

75'700.93 

1.50% 

6'756.31 

5.00% 

3'123.75 

65'820.87 

2008 

43 

76'836.44 

1.80% 

6'857.65 

5.00% 

3'123.75 

66'855.04 

2009 

44 

78'219.50 

2.10% 

6'981.09 

5.00% 

3'123.75 

68'114.66 

2010 

45 

79'862.11 

1.10% 

7'127.69 

7.50% 

4'685.63 

68'048.79 

2011 

46 

80'740.59 

1.00% 

7'206.10 

7.50% 

4'685.63 

68'848.86 

 

 

 

 

 

 

Total 

530'283.00

6.2.4 Dès 2012, le revenu déterminant peut être fondé sur le revenu effectif de l'intimée, ce que celle-ci elle a admis devant le Tribunal, en l'augmentant pour correspondre à un taux d'activité de 100%. Pour la période postérieure à 2020, pour laquelle l'intimée n'a pas documenté ses revenus, son salaire est présumé correspondre à celui de 2020, y compris un bonus moyen équivalent à celui perçu de 2015 à 2019. Les revenus que l'intimée aurait pu réaliser durant cette période subséquente, jusqu'au prononcé du jugement entrepris, se présentent comme suit:

Année

Age

Revenu brut réel à 60%

Revenu brut qu'elle aurait pu réaliser à 100%

Déductions sociales de 8.925%

Taux LPP sur 62'475 fr.

Déduction LPP

Revenu net qu'elle aurait pu réaliser à 100%

2012

47

85'995.00

143'325.00

12'791.75 

7.50%

4'685.63

125'847.62 

2013

48

85'994.60

143'324.33

12'791.69 

7.50%

4'685.63

125'847.01 

2014

49

86'528.10

144'213.50

12'871.05 

7.50%

4'685.63

126'656.82 

2015

50

88'860.07

148'100.11

13'217.93 

7.50%

4'685.63

130'196.55 

2016

51

90'459.77

150'766.28

13'455.89 

7.50%

4'685.63

132'624.76 

2017

52

92'145.80

153'576.33

13'706.68 

7.50%

4'685.63

135'184.02 

2018

53

95'759.80

159'599.66

14'244.27 

7.50%

4'685.63

140'669.76 

2019

54

90'194.80

150'324.66

13'416.47 

7.50%

4'685.63

132'222.56 

2020

55

94'952.04

158'253.40

14'124.11 

9.00%

5'622.75

138'506.54 

2021

56

94'952.04

158'253.40

14'124.11 

9.00%

5'622.75

138'506.54 

2022

57

94'952.04

158'253.40

14'124.11 

9.00%

5'622.75

138'506.54 

2023

58

94'952.04

158'253.40

14'124.11 

9.00%

5'622.75

69'253.27 

 

 

 

 

 

 

Total :

1'534'022.00

Le total des gains que l'intimée aurait pu réaliser durant la période écoulée s'élève dès lors à 2'064'305 fr. (530'283 fr. + 1'534'022 fr.).

De cette somme, il convient de déduire les salaires que l'intimée a effectivement perçus en reprenant une activité à temps partiel, soit un montant non contesté de 1'238'065 fr. 70 (correspondant à 953'528 fr. 64 entre 2006 et 2019, puis un montant arrêté à 284'537 fr. 05 entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2023, bonus compris; cf. en fait, consid. C let. g.l et g.m), ainsi que les sommes versées par les assureurs sociaux durant la période concernée, totalisant 966'451 fr. 15 (soit 7'240 fr. 15 de l'assurance chômage, 321'295 fr. de l'assurance-invalidité, 568'915 fr. de l'assureur-accident et 69'001 fr. de prestations d'invalidité au titre de la prévoyance professionnelle, cf. en fait, consid. C let. h.g).

Le total des sommes perçues s'élève ainsi à 2'204'517 fr. en chiffres ronds (soit 1'238'065 fr. 70 + 966'451 fr. 15). Il s'ensuit que l'intimée n'a pas subi de perte de gain, mais au contraire réalisé un bénéfice de 140'212 fr. (soit 2'204'517 fr.
– 2'064'305 fr.) entre le jour de l'accident et le prononcé du jugement entrepris.

Le chiffre 1 du dispositif dudit jugement sera dès lors annulé en tant qu'il a condamné l'appelante à payer à l'intimée les sommes de 259'158 fr. 85 et 94'423 fr. 20 plus intérêts au titre de sa perte de gain actuelle et future. Celle-ci sera déboutée de ses prétentions à ce titre.

6.2.5 Pour l'avenir, comme l'a fait le Tribunal, il faut estimer la perte de gain future de l'intimée en capitalisant la perte de gain annuelle nette résultant de la différence entre le revenu annuel net sans invalidité en 2023 (138'506 fr. 54) et le revenu d'invalide net en 2023 (81'296 fr. 30), soit un montant de 57'210 fr. 24. Le facteur de capitalisation pour une femme âgée de 58 ans au moment de la capitalisation (30 juin 2023) étant de de 5.34 (Stauffer/ Schaetzle, Tables et programmes de capitalisation, 2018, table A3y, p. 241), la perte de gain future s'éleve à 305'502 fr. 70 (57'210 fr. 24 x 5.34), montant que l'appelante ne critique pas en tant que tel.

Sous déduction des prestations qui seront encore versées par les assureurs sociaux, totalisant 39'528 fr. par an (soit 6'432 fr. de l'assurance-invalidité, 26'964 fr. de l'assurance-accidents et 6'132 fr. de la prévoyance professionnelle, cf. en fait, consid. C let. h.f), elles-mêmes capitalisées selon un facteur de 5.34 (39'528 fr. x 5.34 = 211'079 fr. 50), la perte de gain future représente une somme totale de 94'423 fr. 20 (305'502 fr. 70 – 211'079 fr. 50).

Cette somme de 94'423 fr. 20 demeure inférieure au bénéfice de 140'212 fr. réalisé par l'intimée pour la période comprise entre le jour de l'accident et le prononcé du jugement entrepris (cf.  consid. 6.2.4 in fine ci-dessus). Il s'ensuit que l'intimée ne subit pas non plus de perte de gain future, de sorte que le ch. 1 du dispositif du jugement entrepris sera également annulé en tant qu'il a condamné l'appelante à verser à l'intimée une somme de 94'423 fr. 20 plus intérêts au titre de sa perte de gain future, sous déduction des sommes déjà versées.

7.             L'appelante reproche également au Tribunal d'avoir alloué à l'intimée une indemnité pour dommage de rente.

7.1 Par dommage de rente, il faut entendre la diminution de la rente de retraite, due à la diminution du salaire en raison de l'atteinte à l'intégrité. Cette perte équivaut à la différence entre la rente hypothétique de vieillesse (sans l'atteinte à l'intégrité) et la rente hypothétique, probablement diminuée en raison des cotisations réduites après l'accident. Il s'agit d'un dommage futur (Brehm, La réparation du dommage corporel en responsabilité civile, 2ème éd., 2019, n. 123-124 et les références). En d'autres termes, il convient de soustraire des rentes de vieillesse probables les prestations des assurances sociales versées durant la même période que les rentes de vieillesse (ATF 129 III 135 consid. 2.2 et 3.3).

Il s'agit d'indemniser le lésé pour la différence entre la rente de vieillesse hypothétique qu'il aurait touchée sans l'invalidité et celle (vraisemblablement) effective qu'il touchera en raison de l'accident. La capitalisation s'opérera sur la base de la table de capitalisation de Stauffer/Schaetzle "rente viagère différée" (Brehm, op. cit., n. 128).

Selon le Tribunal fédéral, les rentes de vieillesse se situent, selon l'expérience, entre 50% et 80% du salaire déterminant, si bien qu'une moyenne de 65% peut être retenue (ATF 129 III 135 consid. 3.3). La doctrine considère que les prestations vieillesse au moment de la retraite se situent entre 60% et 70% de la rémunération brute (Stauffer/Schaetzle, Manuel de capitalisation, 2001, n. 4.58, p. 500).

7.2 En l'espèce, le Tribunal a correctement retenu que le montant hypothétique des rentes de vieillesse de l'intimée sans l'accident s'élevait à 102'864 fr. 71, correspondant à 65% de son revenu annuel brut sans invalidité en 2023 (158'253 fr. 40 x 65%, taux d'activité de 100%). Il a de même retenu que le montant de ses rentes réelles s'élèverait à 61'718 fr. 82, correspondant à 65% de son revenu annuel brut actuel de 94'952 fr. 04 (à un taux d'activité de 60%). De la différence entre ces deux montants, qui s'élevait à 41'145 fr. 89, il convenait de déduire de la rente de l'assureur LAA de 26'964 fr., qui constituait une rente viagère.

Le dommage de rente annuel s'élevait ainsi à 14'181 fr. 89 (41'145 fr. 89 – 26'964 fr.), ce qui, capitalisé selon un facteur de 13.45 (Stauffer/Schaetzle, op. cit., Table M4y, p. 157; rente de mortalité différée jusqu'à 64 ans pour une femme de 58 ans), permettait d'arrêter le dommage de rente à 190'746 fr. 42 (14'181 fr. 89 x 13.45).

L'appelante ne critique pas ces chiffres, autrement que par la production d'un tableau postulant que l'intimée aurait continué à travailler à un taux de 60% jusqu'à la retraite si l'accident n'était pas survenu. Cette hypothèse ne pouvant être retenue (cf. consid. 6.2.1 ci-dessus), l'intimée peut donc prétendre au paiement de 190'746 fr. 42 à titre de réparation de son dommage de rente. Il convient toutefois de déduire de cette somme le solde du bénéfice réalisé sur ses gains passés et futurs, soit un montant de 45'788 fr. 80 (140'212 fr. – 94'423 fr. 20; cf. ci-dessus, consid. 6.2.5 in fine).

Le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris sera dès lors réformé en ce sens que l'appelante sera condamnée à verser à l'intimée une somme de 144'957 fr. 62 (190'746 fr. 42 – 45'788 fr. 80) au titre de son dommage de rente, plus intérêts dès la date de capitalisation, et ce sous déduction des sommes déjà versées. L'intimée sera déboutée de ses prétentions à ce titre pour le surplus.

8.             L'appelante fait ensuite grief au premier juge d'avoir alloué à l'intimée différentes sommes en réparation de son préjudice ménager, actuel et futur. Elle lui reproche notamment d'avoir suivi les résultats de l'expertise qu'il a ordonnée à ce propos.

8.1 Une personne victime d'une lésion corporelle, au sens de l'art. 46 al. 1 CO, peut être atteinte dans sa capacité de travail, particulièrement celle se rapportant à des activités non rémunérées, telles que la tenue du ménage ainsi que les soins et l'assistance fournis aux enfants. Il est alors question de dommage domestique ou de préjudice ménager (ATF 134 III 534 consid. 3.2.3.1; 131 III 360 consid. 8.1; 129 III 135 consid. 4.2.1). Selon la jurisprudence, ce type de préjudice donne droit à des dommages-intérêts en application de l'art. 46 al. 1 CO, peu importe qu'il ait été compensé par une aide extérieure, qu'il occasionne des dépenses accrues de la personne partiellement invalide, qu'il entraîne une mise à contribution supplémentaire des proches ou que l'on admette une perte de qualité des services prodigués jusque-là (ATF 134 III 534 consid. 3.2.3.1; 132 III 321 consid. 3.1; 131 III 360 consid. 8.1.1). Ce dommage est dit normatif (ou abstrait), car il est admis sans que soit établie une diminution concrète du patrimoine du lésé (ATF 134 III 534 consid. 3.2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_29/2018 du 18 mars 2019 consid. 3.1 et les références citées).

Lors du calcul du préjudice ménager, il convient de procéder en trois étapes: il s'agit d'abord d'évaluer le temps que, sans l'accident, la personne lésée aurait consacré à accomplir des tâches ménagères, puis, en partant du taux d'invalidité médicale résultant de l'accident, de rechercher l'incidence de cette invalidité médico-théorique sur la capacité de la personne lésée à accomplir ses tâches ménagères et, enfin, de fixer la valeur de l'activité ménagère que la personne lésée n'est plus en mesure d'accomplir (arrêts du Tribunal fédéral 4A_481/2019 du 27 février 2020; 4A_29/2018 précité consid. 3.2).

8.1.1 Pour évaluer le temps nécessaire aux activités ménagères, le tribunal peut soit se prononcer de façon abstraite, en se fondant exclusivement sur des données statistiques, soit prendre en compte les activités effectivement réalisées par la personne lésée dans le ménage (ATF 132 III 321 consid. 3.1; 131 III 360 consid. 8.2.1; 129 III 135 consid. 4.2.1). La jurisprudence considère que l'enquête suisse sur la population active (ESPA), effectuée par l'Office fédéral de la statistique, offre une base idoine pour la détermination du temps effectif moyen consacré par la population suisse aux activités ménagères et pour la fixation du temps consacré dans chaque cas individuel (ATF 132 III 321 consid. 3.2; 
131 III 360 consid. 8.2.1).

Le choix de la méthode "abstraite", fondée exclusivement sur des données statistiques, suppose à tout le moins que le tribunal explique en quoi telle donnée statistique correspond peu ou prou à la situation de fait du cas particulier et, le cas échéant, opérer des ajustements en fonction des circonstances concrètes
(ATF 129 III 135 consid. 4.2.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_98/2008 du 8 mai 2008 consid. 3.1.3; 4A_19/2008 du 1er avril 2008 consid. 3.2.2). Dans cette optique, la personne lésée qui se réfère aux données statistiques doit décrire son ménage et le rôle qu'elle y joue de manière suffisamment précise pour que le tribunal puisse apprécier si ces données reposent sur la recension de ménages présentant des caractéristiques similaires à celui de la personne lésée ou, alternativement, dans quelle mesure ces données statistiques permettent de tirer des conclusions sur la situation de la personne lésée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_430/2019 du 9 décembre 2019 consid. 2.1; 4C.166/2006 du 25 août 2006 consid. 5.1).

8.1.2 Le préjudice s'entend au sens économique. Lorsqu'il s'agit d'indemniser un dommage domestique, est déterminante la diminution de la capacité de la personne lésée à accomplir les tâches ménagères (ATF 129 III 135 consid. 4.2.1). Selon la jurisprudence, le dommage consécutif à l'invalidité doit, autant que possible, être établi de manière concrète; le tribunal partira du taux d'invalidité médicale (ou théorique) et recherchera l'incidence de l'invalidité médicale sur la capacité de la personne lésée à accomplir des tâches ménagères (ATF 129 III 135 consid. 4.2.1).

Il est tout à fait possible que le handicap dont souffre la personne n'exclue pas la poursuite d'une activité ménagère ou ne commande qu'une faible diminution de celle-ci; inversement, il se peut qu'une certaine affection génère, sur le plan du dommage domestique, des effets sans commune mesure avec le taux d'invalidité médicale qui s'y rapporte (ATF 129 III 135 consid. 4.2.1). Il faut que le tribunal puisse se baser sur des observations fiables et objectives, qui se rapportent à ces tâches-là et qui soient suffisamment différenciées pour permettre de tirer des conclusions ayant une certaine force probante (ATF 129 III 135 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_481/2019 du 27 février 2020 consid. 4.5.2). Cela ne signifie cependant pas qu'il faille systématiquement dresser la liste de toutes les tâches ménagères effectuées par le lésé et établir, pour chacune de ces tâches, la mesure exacte dans laquelle son exercice est concrètement entravé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_98/2008 du 8 mai 2008 consid. 3.2.3).

8.1.3 Pour déterminer la valeur du travail ménager, il convient de prendre comme base le salaire d'une personne employée pour effectuer un travail domestique (ATF 132 III 321 consid. 3.1; 131 III 360 consid. 8.3.; 129 II 145 consid. 3.2.1). Le tribunal dispose à cet égard d'un pouvoir d'appréciation très étendu
(ATF 131 III 360 consid. 8.3; 129 II 145 consid. 3.2.1). Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de confirmer que dans l'arc lémanique, retenir un salaire horaire de 30 fr. ne constitue manifestement pas un abus de ce pouvoir d'appréciation (ATF 131 III 360 consid. 8.3; cf. arrêt du Tribunal fédéral 4C.495/1997 du 9 septembre 1998 consid. 5a/bb).

8.2 En l'espèce, les trois étapes permettant de calculer le préjudice ménager subi par l'intimée appellent les développements suivants:

8.2.1 S'agissant tout d'abord du temps consacré par l'intimée à l'accomplissement de tâches ménagères, l'appelante reproche au premier juge de ne pas avoir retenu que celle-ci échouait à démontrer les proportions effectives dans lesquelles elle effectuait des travaux ménagers avant l'accident.

En l'occurrence, l'appelante perd cependant de vue que le Tribunal ne s'est pas prononcé de façon concrète sur le temps dévolu par l'intimée aux activités ménagères. Il a au contraire apprécié ce temps de façon abstraite, comme l'y autorisaient expressément les principes rappelés ci-dessus, en se fondant explicitement sur les statistiques ESPA communément admises et en tenant compte de la situation particulière de l'intimée, en particulier de son âge, du fait qu'elle vivait en couple, du nombre d'enfants dans son ménage et de l'âge du plus jeune de ceux-ci. Le grief tombe dès lors à faux et les valeurs retenues par le Tribunal à ce propos peuvent être confirmées sans autre examen, dès lors que l'appelante ne soutient pas, ni ne démontre, que le Tribunal aurait procédé une application incorrecte des statistiques susvisées.

C'est également de manière conforme aux principes rappelés ci-dessus que le Tribunal a retenu qu'il était sans incidence que l'intimée puisse compter sur l'aide et le soutien de ses proches, notamment de son mari et de ses filles, pour combler la part des tâches ménagères qu'elle n'est plus en mesure d'effectuer.

8.2.2 Concernant la capacité de l'intimée à effectuer des tâches ménagères après l'accident, il est constant que son taux d'invalidité médicale résultant de l'accident a d'abord été complet jusqu'à fin septembre 2005, sous réserve d'une brève période au printemps 2005 où il n'était que de 60%. Ce taux s'est ensuite élevé à 60% dès le mois d'octobre 2005, selon les décisions de l'Office cantonal AI, jusqu'au début de l'année 2012, pour s'établir finalement à 40% environ depuis lors.

Dans ces conditions, on ne voit pas en quoi le Tribunal aurait erré en retenant notamment que le taux d'incapacité ménagère de l'intimée s'élevait à 100% du 27 juillet 2003 au 31 mars 2004, puis de 80% jusqu'au 30 septembre 2005.

L'appelante reproche au Tribunal de s'être basé ensuite sur le résultat de l'expertise judiciaire, qui retient un taux d'incapacité ménagère de 51.5% au titre de l'empêchement pondéré, sans réduction des tâches à la charge de B______ qui seraient désormais exigibles d'un tiers (cf. en fait, consid. D let. j.e.b). Outre que le choix de ce taux, plutôt que de celui de 23.5% tenant compte des tâches pouvant être accomplies par un tiers, est conforme aux principes rappelés ci-dessus, c'est en vain que l'appelante conteste la valeur probante des constatations de l'experte. Celle-ci a notamment distingué le taux d'empêchement selon plusieurs catégories de tâches ménagères et le seul fait que son travail se soit d'abord basé sur des questionnaires remplis par l'intimée elle-même ne permet pas de remettre en cause le bien-fondé de ses conclusions. Devant le Tribunal l'experte a en effet rappelé que les questionnaires en question avaient été suivis d'une évaluation pratique, au cours de laquelle l'intimée avait dû reproduire les gestes concernés en sa présence. L'experte a également exposé les mesures prises pour éviter d'éventuelles simulations de la personne observée et expliqué de manière convaincante que, s'il lui arrivait parfois de constater des incohérences entre les réponses aux questionnaires et ses constatations de visu, tel n'avait pas été le cas avec la personne de l'intimée, dont les compensations dans différents mouvements révélaient de manière fiable les douleurs et les difficultés qu'elle rencontrait au quotidien.

Le fait que l'experte n'ait pas été en mesure d'évaluer la capacité de l'intimée à accomplir deux des tâches mentionnées dans l'ordonnance d'expertise, soit la course et le travail en hauteur, ne compromet par ailleurs pas la valeur de ses conclusions fondées sur les autres points, contrairement à ce que soutient l'appelante. Outre que l'experte a exposé de manière crédible que l'évaluation de telles tâches s'avérerait difficile dans le cas de l'intimée, en raison notamment du syndrome de stress dont elle souffrait, les principes rappelés ci-dessus n'exigent pas d'examiner en détail toutes les tâches susceptibles d'être accomplies par la personne lésée, mais seulement de disposer d'observations objectives et fiables de plusieurs tâches, lesquelles doivent être suffisamment différenciées pour que les conclusions qui en sont tirées possèdent une certaine force probante. Or, tel est à l'évidence le cas des observations effectuées par l'experte dans le cas d'espèce, portant sur des activités aussi diverses que les travaux de nettoyage, la préparation de nourriture ou les soins donnés aux enfants.

Il s'ensuit que le Tribunal pouvait valablement faire siennes les conclusions du rapport de l'experte pour estimer le taux d'invalidité de l'intimée dans l'accomplissement de tâches ménagères. Le fait que l'intimée ait au surplus pu être observée en train d'être véhiculée par son époux, d'emprunter les transports publics ou de faire des achats, activités durant lesquelles elle utilisait sa main droite comme sa main gauche pour effectuer des gestes usuels tels que tenir un parapluie ou fermer une portière, ne contredit pas les conclusions du rapport susvisé, étant précisé que l'intimée n'a pas été vue en train de porter une charge excédant un kilogramme dans sa main droite, ni d'effectuer un mouvement nécessitant un effort important au moyen de son bras droit, en de telles occasions. Comme l'a reconnu le détective mandaté par l'appelante, ses constatations ne permettent par ailleurs pas de mesurer les craintes ressenties par l'intimée lors de ses déplacements en train ou en véhicule privé. Elles ne permettent pas non plus d'exclure l'accumulation excessive de fatigue ou l'apparition de douleurs après l'exercice des activités observées, phénomènes dont l'experte et l'ergothérapeute entendues par le Tribunal ont confirmé que l'intimée souffrait encore durablement.

C'est ainsi à bon droit que le Tribunal a estimé le taux d'incapacité de l'intimée dans les activités ménagères à 51.5%, quand bien même son taux d'invalidité médico-théorique n'a été estimé par l'AI qu'à 43% depuis 2012. A fortiori, ce taux peut aussi être appliqué à la période précédente, comprise entre le mois d'octobre 2005 et la fin de l'année 2011, lorsque le taux d'invalidité médico-théorique de l'intimée s'élevait encore à 60%. Il reste à examiner la valeur de l'activité ménagère que l'intimée n'est plus en mesure d'accomplir.

8.2.3 L'appelante ne conteste pas le montant horaire de 30 fr. appliqué par le Tribunal à l'accomplissement de travail domestique, qui est conforme aux principes rappelés ci-dessus.

8.2.3.1 Comme l'a retenu le Tribunal, pour la période entre l'accident et le prononcé du jugement entrepris, le préjudice ménager subi par l'intimée s'établit donc comme suit:

Période

Durée
(jours)

Type de ménage selon ESPA

h/sem.

Incapacité ménagère

Dommage
1h = 30 fr.

25.07.2003 - 31.12.2003

160

Type 5, enfant 3 - 6 ans

49.1

100%

33'668.57

01.01.2004 - 31.03.2004

91

Type 5, enfant 3 - 6 ans

39.2

100%

15'288.00

01.04.2004 - 07.05.2005

402

Type 5, enfant 3 - 6 ans

39.2

80%

54'028.80

08.05.2005 - 30.09.2005

146

Type 5, enfant 7 - 14 ans

34.1

80%

17'069.48

01.10.2005 - 07.05.2013

2776

Type 5, enfant 7 - 14 ans

34.1

51.50%

208'931.67

08.05.2013 - 07.02.2015

641

Type 5, enfant 15 - 17 ans

40.4

51.50%

57'157.05

08.02.2015 - 07.05.2016

455

Type 4, enfant 15 - 17 ans

35.4

51.50%

35'550.45

08.05.2016 - 27.12.2017

599

Type 4, enfant 18 - 24 ans

27.4

51.50%

36'224.95

28.12.2017 - 07.05.2023

1957

Type 3, enfant 18 - 24 ans

20.6

51.50%

88'979.19

08.05.2023 - 30.06.2023

54

Type 2, âge 45 - 64 ans

19.5

51.50%

2'324.12

 

 

 

 

Total:

549'222.28

Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a condamné l'appelante à payer à l'intimée la somme de 549'222 fr. 30, plus intérêts dès la date moyenne du 12 juillet 2013 et sous déduction des sommes déjà versées, à titre de réparation de son préjudice ménager pour la période écoulée.

8.2.3.2 Pour l'avenir, le Tribunal a correctement distingué trois périodes, selon que l'intimée serait âgée de moins de 65 ans, de 65 à 80 ans ou de plus de 80 ans. Avant capitalisation, le calcul du préjudice annuel se présente comme suit:

Période

Type de ménage selon ESPA

h/sem.

Semaines /an

Incapacité ménagère

Dommage (1h = 30 fr.)

01.07.2023 - 03.07.2030

Type 2, âge 45 - 64 ans

19.5

52

51.50%

15'666.30

04.07.2030 – 03.07.2045

Type 2, âge 65 - 79 ans

26.2

52

51.50%

21'049.08

04.07.2045 -

Type 2, âge 80 ans -

28.1

52

51.50%

22'575.45

Pour la première période, le montant du préjudice annuel doit être capitalisé sous forme de rente temporaire d'activité, pour une femme âgée de 58 ans sur une durée de sept ans, selon un facteur de 6.18 (Stauffer/Schaetzle, op. cit. table M2y, p. 135). Le dommage pour cette période s'établit ainsi à 96'818 fr. (15'666 fr. x 6.18).

Pour la deuxième période, le montant du préjudice annuel doit être capitalisé sous forme de rente d'activité différée de sept ans, pour une femme âgée de 58 ans, selon un facteur de 7.71 (soit 9.27, sous déduction d'un facteur de 1.56 relatif à la période subséquente; cf Stauffer/Schaetzle, op. cit., éd. 2001, table 14y). Le dommage pour cette période s'établit ainsi à 162'287 fr. (21'049 fr. x 7.71).

Pour la troisième et dernière période, le montant du préjudice annuel doit être capitalisé sous forme de rente d'activité différée de vingt-deux ans, soit selon un facteur de 1.56 (cf. Stauffer/Schaetzle, op. cit., éd. 2001, table 14y). Le dommage pour cette période s'élève ainsi de 35'217 fr. (22'575 x 1.56).

Au total, le préjudice ménager futur s'élève à 294'322 fr. (96'818 fr. + 162'287 fr.. + 35'217 fr.). Le jugement entrepris sera également confirmé en tant qu'il a condamné l'appelante à indemniser l'intimée à concurrence de cette somme, plus intérêts à compter du jour de la capitalisation, soit dès le 30 juin 2023, et sous déduction des sommes déjà versées.

9.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir au surplus accordé à l'intimée une indemnité au titre de ses frais et honoraires d'avocat encourus avant le présent procès.

9.1 Les frais d'avocat avant le procès civil sont en règle générale inclus dans les dépens prévus par l'art. 95 al. 3 CPC, de sorte qu'ils ne peuvent pas être réclamés dans une action civile séparée ou ultérieure qui serait fondée sur le droit civil fédéral (ATF 139 III 190 consid. 4.2 et 4.4).

Ils peuvent néanmoins constituer un élément du dommage, mais uniquement s'ils étaient justifiés, nécessaires et adéquats pour faire valoir une créance et seulement dans la mesure où ils ne sont pas inclus dans les dépens (ATF 131 II 121 consid. 2.1; 117 II 394 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_264/2015 du 10 août 2015 consid. 3).

Dans certaines circonstances, l'art. 42 al. 2 CO (également applicable à la responsabilité contractuelle en vertu de l'art. 99 al. 3 CO) autorise le juge à statuer sur l'existence et la quotité du dommage ex aequo et bono, en considération du cours ordinaire des choses. L'allègement du fardeau de la preuve que consacre cette disposition étant d'application restrictive, le lésé est tenu de fournir, dans la mesure du possible, tous les éléments de fait constituant des indices de l'existence du préjudice et permettant d'évaluer en équité sa quotité; les circonstances alléguées doivent ainsi faire apparaître un préjudice comme pratiquement certain, une simple possibilité étant insuffisante pour l'allocation de dommages-intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 5A_170/2013 du 3 octobre 2013 consid. 7.1.2).

9.2 En l'espèce, il ressort de la note d'honoraires produite par l'intimée que son conseil actuel a développé une activité régulière pour le compte de celle-ci depuis le 18 juillet 2013, alors que la présente action n'a été formée que le 29 août 2019, soit six ans plus tard. Dans l'intervalle, et par le biais de son conseil, l'intimée a conduit des négociations avec l'appelante, laquelle lui a notamment demandé de lui exposer ses prétentions dès le mois d'avril 2014. Le conseil de l'intimée a également fait notifier à l'appelante plusieurs commandements de payer, dans le but d'interrompre la prescription. En 2017, l'appelante a cependant opposé une fin de non-recevoir aux prétentions de l'intimée, en partie à tort compte tenu des considérants qui précèdent. Dans ces conditions, au vu de la complexité du dossier et des calculs requis, on peut effectivement tenir pour certain qu'une partie des frais et honoraires facturés par le conseil de l'intimée ont trait à une activité qui était à la fois nécessaire à la défense des intérêts de celle-ci et qui ne sera pas couverte par les dépens alloués dans le cadre du présent procès. Contrairement à ce que soutient l'appelante, il ne s'agissait pas seulement de traiter des problèmes administratifs ne nécessitant pas l'aide d'un avocat.

Le montant de 21'000 fr. octroyé à ce titre par le Tribunal, correspondant ex aequo et bono aux deux tiers de la note d'honoraires de 32'011 fr. 35 dont l'intimée réclamait le remboursement, n'est au surplus pas réellement contesté par l'appelante, qui soutient seulement que le conseil de l'intimée aurait fait traîner le litige en longueur, sans développer plus avant sa critique, ni se référer à des éléments concrets.

Par conséquent, le jugement entrepris sera également confirmé en tant qu'il a condamné l'appelante à verser à l'intimée une somme de 21'000 fr. plus intérêts à titre de remboursement des frais et honoraires de son conseil avant procès, sous déduction des sommes déjà versées.

9.3 Pour les mêmes motifs, c'est également à bon droit que le Tribunal a condamné l'appelante à rembourser à l'intimée les frais de l'évaluation ergothérapeutique à laquelle celle-ci s'est soumise 2014, soit 2'994 fr. 95 plus intérêts.

10.         Les sommes allouées à l'intimée s'élèvent en définitive à moins de 1'000'000 fr. en capital (144'957 fr. 62 + 549'222 fr. 30 + 294'322 fr. + 21'000 fr. + 2'994 fr. 95 = 1'012'496 fr. 87, soit 907'111 fr. 85 après déduction de 105'385 fr. 40 déjà versés), plus intérêts dès diverses dates postérieures au 25 juillet 2003.

A supposer même que la prescription n'ait valablement été interrompue qu'à concurrence de 1'000'000 fr. plus intérêts dès le 25 juillet 2003, comme le soutient l'appelante, compte tenu des commandements de payer qui lui ont été notifiés les 8 août 2013, 11 août 2014 et 12 août 2015, les prétentions de l'appelante ne seraient en conséquence pas prescrites.

Ce moyen ne saurait dès lors faire obstacle à l'allocation des sommes susvisées à l'intimée, sans qu'il soit nécessaire de l'examiner plus avant.

11.         L'appel sera donc partiellement admis et le jugement entrepris sera réformé dans le sens des considérants qui précèdent.

12.         12.1 Lorsqu'elle statue à nouveau, l'instance d'appel se prononce sur les frais de première instance, y compris les dépens (art. 318 al. 3 CPC).

En l'espèce, l'intimée succombe dans une partie de ses prétentions, même si l'appelante demeure sur le principe tenue de répondre envers elle du dommage non couvert par d'autres biais. En équité, il se justifie dès lors de faire supporter à l'intimée un quart des frais judiciaires de première instance (art. 105 al. 1, art. 106 al. 2 CPC), dont le montant de 44'230 fr. n'est pas contesté. Ces frais seront compensés avec les avances fournies par les parties, qui demeurent acquises à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC), la restitution d'un solde de 2'970 fr. à l'intimée sera ordonnée et l'appelante sera condamnée à payer à l'intimée 29'173 fr. à titre de remboursement partiel de son avance (art. 111 al. 2 CPC).

L'appelante sera également condamnée à payer à l'intimée les trois quarts de ses dépens de première instance, arrêtés par le Tribunal à 41'500 fr. TTC et non contestés, soit un montant de 31'125 fr. (art. 105 al. 2, art. 106 al. 2 CPC, art. 84 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

12.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 36'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC). Pour les mêmes motifs, ils seront mis pour trois quarts à la charge de l'appelante et pour un quart à la charge de l'intimée, qui succombe partiellement (art. 105 al. 1, art. 106 al. 2 CPC). Ces frais seront entièrement compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par l'appelante, qui demeure acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC) et l'intimée sera condamnée à verser à celle-ci la somme de 9'000 fr. à titre de remboursement partiel de son avance.

L'appelante sera par ailleurs condamnée à payer à l'intimée les trois quarts de ses dépens d'appel (art. 105 al. 2, art. 106 al. 2 CPC), soit une somme de 19'125 fr. (sur un total de 25'500 fr., en application des art. 84, 85 et 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 14 septembre 2023 par A______ contre le jugement JTPI/8466/2023 rendu le 24 juillet 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/19671/2019.

Au fond :

Annule les chiffres 1 à 4 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau :

Condamne A______ à payer à B______ les sommes de :

-  144'957 fr. 62 avec intérêts à 5% l'an dès le 30 juin 2023 au titre de son dommage de rente;

-  549'222 fr. 30 avec intérêts à 5% l'an dès le 12 juillet 2013 au titre de son dommage ménager actuel,

-  294'322 fr. 00 avec intérêts à 5% l'an dès le 30 juin 2023 au titre de son dommage ménager futur,

-  21'000 fr. 00 avec intérêts à 5% l'an dès le 12 juillet 2013 au titre de ses frais de défense avant procès,

-  2'994 fr. 95 avec intérêts à 5% l'an dès le 27 juin 2014 en remboursement de frais d'expertise privée,

et ce sous déduction des acomptes déjà versés, soit 7'801 fr. 20 le 27 janvier 2004, 5'949 fr. 40 le 7 juin 2004, 2'442 fr. 80 le 22 septembre 2004, 2'403 fr. 40 le 17 novembre 2004, 3'003 fr. 80 le 18 janvier 2005, 1'638 fr. le 30 mai 2005, 701 fr. 10 le 23 juin 2005, 2'403 fr. 40 le 19 août 2005, 2'403 fr. 40 le 7 septembre 2005, 1'201 fr. 70 le 24 novembre 2005, 610 fr. 70 le 6 février 2006, 1'162 fr. 30 le 7 avril 2006, 1'477 fr. 50 le 22 juin 2006, 1'576 fr. le 11 septembre 2006, 15'000 fr. le 11 octobre 2006, 15'000 fr. le 4 juillet 2008, 610 fr. 70 le 24 juin 2008, 20'000 fr. le 8 août 2014 et 20'000 fr. le 26 janvier 2016, augmentés des intérêts à 5% depuis la date de leurs versements respectifs.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 44'230 fr., les met pour trois quarts à la charge de A______ et pour un quart à la charge de B______, compense ces frais avec les avances de frais fournies par les parties, ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer un solde de 2'970 fr. à B______ et condamne A______ à payer à B______ la somme de 29'173 fr. à titre de remboursement partiel de son avance de frais de première instance.

Condamne A______ à payer à B______ la somme de 31'125 fr. à titre de dépens de première instance, débours et TVA compris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 36'000 fr., les met à la charge de A______ pour trois quarts et à la charge de B______ pour un quart, compense ces frais avec l'avance de frais de même montant fournie par A______, qui demeure acquise à l'Etat de Genève, et condamne B______ à payer à A______ la somme de 9'000 fr. à titre de remboursement partiel de son avance.

Condamne A______ à payer à B______ la somme de 19'125 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.