Décisions | Chambre civile
ACJC/541/2024 du 30.04.2024 sur ORTPI/1316/2023 ( OO ) , IRRECEVABLE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/4191/2022 ACJC/541/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 30 AVRIL 2024 |
Entre
A______ SA, sise ______ [GE], recourante contre une ordonnance rendue par la 16ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 novembre 2023, représentée par Me Jean-Yves REBORD, avocat, Etude Python, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève.
et
Madame B______, domiciliée ______ [VD], intimée, représentée par
Me Sébastien FRIANT, avocat, rue de Lausanne 1, case postale 1140, 1800 Vevey.
A. Par ordonnance de preuve n° ORTPI/1316/2023 du 23 novembre 2023, notifiée aux parties le 27 novembre 2023, le Tribunal de première instance, statuant dans le cadre de la procédure qui oppose B______ à A______ SA, a rejeté la requête de production de la pièce 252 formulée par B______ (ch. 1 du dispositif), ordonné la production par A______ SA de la pièce 253 telle que requise par B______ (ch. 2) et imparti à A______ SA un délai au 8 janvier 2024 afin de produire les documents requis en pièce 253 dans leur intégralité (ch. 3).
B. a. Par acte expédié le 4 décembre 2023 à la Cour de justice, A______ SA a formé recours contre cette ordonnance, dont elle sollicite, principalement, l'annulation des chiffres 2 et 3 de son dispositif.
Elle a produit une pièce nouvelle, ainsi que le contrat de cession faisant l'objet de la pièce 253, partiellement caviardé.
b. A titre superprovisionnel et provisionnel, A______ SA a requis la suspension de l'ordre visant la production de la pièce 253 telle que requise par B______.
Par arrêt du 6 décembre 2023, la Cour a rejeté la requête de A______ SA tendant à suspendre, à titre superprovisionnel, le caractère exécutoire des chiffres 2 et 3 du dispositif de l'ordonnance querellée.
Après avoir invité B______ à se déterminer, ce à quoi celle-ci n'a pas donné suite, la Cour a fait droit à la requête de A______ SA, par arrêt du 14 décembre 2023.
c. Dans sa réponse expédiée le 18 décembre 2023, B______ a conclu à l'irrecevabilité du recours, et cas échéant à son rejet.
d. Par courrier expédié le 29 janvier 2024, A______ SA a répliqué, persistant dans ses conclusions.
e. B______ n'ayant pas fait usage de son droit de dupliquer, les parties ont été informées par courrier du greffe du 19 février 2024 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :
a. A______ SA est une société dont le but est toutes opérations immobilières, soit notamment l'achat, la vente, la construction, la location, l'administration, la gestion et la mise en valeurs de tous biens immobiliers, ainsi que toutes prestations de services dans le domaine de l'immobilier, principalement dans le canton de Genève.
b. C______ SA était une société anonyme dont le but était notamment l'achat, la vente, la construction et la gestion de tous biens immobiliers, à l'exclusion des opérations prohibées par la Loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (LFAIE).
c. Le 18 janvier 2005, C______ SA et D______ ont conclu un contrat de prêt hypothécaire "n° 1______ E______" (ci-après, le "prêt hypothécaire") portant sur un montant de 3'400'000 fr. auprès d'une communauté de créanciers (ci-après, la "communauté des créanciers"), tous représentés par la FONDATION F______. Le prêt hypothécaire a notamment été conclu afin de financer l'acquisition par C______ SA d'un immeuble situé sur la parcelle n° 2______ de la commune de G______ [GE], sise chemin 3______, [code postal] G______.
d. Le prêt hypothécaire a été garanti par neuf cédules au porteur d'un montant total de 3'400'000 fr., avec intérêt maximal à 12% l'an, grevant la parcelle n° 2______ de la commune de G______.
e. Par convention du 16 janvier 2009, H______ s'est substitué à D______ dans l'exécution du prêt hypothécaire susmentionné, dont il est devenu co-débiteur solidaire aux côtés de C______ SA.
f. Par convention du 3 février 2015, H______ a conclu avec son épouse, B______, une "Convention de donation/partage – Cession d'actions", aux termes de laquelle il a cédé à celle-ci la moitié du capital-actions de C______ SA.
Aux termes de cette convention, B______ déclarait connaître et accepter les engagements hypothécaires en cours et les partager avec son époux.
g. Par courrier du 13 juillet 2015 à l'attention de C______ SA, la communauté des créanciers, représentée par la FONDATION F______, a dénoncé le prêt hypothécaire pour le 31 janvier 2016. Le même jour, un courrier d'une teneur identique a été adressé à H______.
h. Par courrier du 9 juin 2016, adressé à l'attention de C______ SA, la FONDATION F______ a dénoncé les neuf cédules hypothécaires en remboursement.
i. Durant l'année 2017, agissant en tant que représentante des créanciers, la FONDATION F______ a engagé deux poursuites en réalisation du gage à l'encontre de C______ SA et H______, débiteurs solidaires, en recouvrement de 3'094'000 fr. (créance en capital) et de 307'799 fr. 90 (intérêts échus).
Un premier commandement de payer, poursuite n° 4______, a été notifié à C______ SA le 13 mars 2017, et un second, n° 5______, à l'attention de H______, le 20 mars 2017. Un exemplaire supplémentaire de ce second commandement de payer a été notifié à C______ SA, en sa qualité de propriétaire du gage.
j. Le 31 mai 2017, une "convention de remboursement et moratoire de poursuites" a été signée entre la communauté des créanciers et C______ SA, aux termes de laquelle celle-ci s'est notamment engagée à retirer les oppositions formées aux poursuites susvisées. C______ SA était alors représentée par I______, administrateur et fils de B______.
k. Le 23 novembre 2017, la communauté des créanciers a requis la vente de l'immeuble gagé, en raison du non-respect, selon elle, des termes de la "convention de remboursement et moratoire de poursuites". Une première vente aux enchères de l'immeuble a été fixée par l'Office des poursuites le 24 mars 2020, qui a été annulée à la suite d'une plainte formulée par B______.
l. H______ est décédé le ______ 2018, laissant pour héritiers légaux son épouse B______ et ses trois filles nées d'une précédente union.
m. Le 13 octobre 2020, la communauté des créanciers, représentée par la FONDATION F______, ainsi que A______ SA, ont signé une "Déclaration de cession et de reprise des droits et obligations". Il en ressort que A______ SA, agissant en tant que cessionnaire, se substituait aux droits et obligations des créanciers cédants. Le 7 décembre 2020, le Registre foncier a inscrit A______ SA comme étant le porteur des neuf cédules hypothécaires, garantissant le prêt hypothécaire.
n. A la suite d'une plainte formulée par B______, conduisant en dernier lieu au prononcé d'un arrêt du Tribunal fédéral 5A_825/2020 du 25 mars 2021, un commandement de payer, dans la poursuite n° 5______, a également été notifié à la communauté héréditaire de H______ le 7 mai 2021. B______ y a formé opposition totale.
o. Le 14 juin 2021, A______ SA a requis la mainlevée provisoire de l'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 5______.
Par jugement JTPI/1758/2022 du 14 juillet 2021, le Tribunal a prononcé la mainlevée de l'opposition. Par arrêt ACJC/1068/2022 du 22 août 2022, la Cour de justice a rejeté le recours formé par B______ contre ce jugement.
p. Le 7 mars 2022, B______ a saisi le Tribunal d'une action en libération de dette dirigée contre A______ SA. Elle a conclu, principalement, à ce que le Tribunal constate que la succession de feu H______ n'est pas débitrice de A______ SA des montants de 3'094'000 fr. avec intérêts à 12% l'an dès le 1er mars 2017 et intérêts échus et impayés au 28 février 2017 de 307'799 fr. 90, subsidiairement, de la somme de 3'094'000 fr. avec intérêts à 12% l'an dès le 1er mars 2017. Elle a également conclu au maintien de l'opposition totale formée au commandement de payer, poursuite n° 5______, et à ce qu'il soit ordonné au préposé de l'Office des poursuites de procéder à l'annulation, respectivement à la radiation des commandements de payer, poursuite n° 5______.
A l'appui de ses conclusions, B______ a contesté, entre autres, la validité de la mise en gage de la parcelle n° 2______ afin de garantir le prêt hypothécaire. Elle a également contesté, pour différents motifs, la validité de la dénonciation du prêt hypothécaire intervenue le 13 juillet 2015 par la FONDATION F______, tout comme la validité de la "convention de remboursement et moratoire de poursuites" du 31 mai 2017, qu'elle a allégué avoir invalidée en décembre 2021. Elle a invoqué une violation de l'art. 169 CC, dès lors qu'elle conteste avoir eu connaissance de la convention du 16 janvier 2009, par laquelle H______ et C______ ont repris conjointement le prêt hypothécaire.
q. Dans sa réponse du 13 juin 2022, A______ SA a conclu principalement à l'irrecevabilité de l'action en libération de dette déposée par B______, subsidiairement à son rejet, ainsi qu'au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 5______.
A______ SA a contesté l'ensemble des allégations de B______. Elle a soutenu avoir valablement repris, en date du 13 octobre 2020, l'ensemble des droits et obligations de la communauté des créanciers envers C______ SA, ceci en raison du changement de comportement des débiteurs du prêt hypothécaire quant à son remboursement.
r. Les parties ont répliqué et dupliqué devant le Tribunal, persistant dans leurs conclusions.
B______ a contesté, entre autres, la validité de la cession de créance intervenue en faveur de A______ SA, ainsi que les motifs pour lesquels cette cession était intervenue. Elle a sollicité la production du contrat de cession (pièce 253), afin de connaître les motifs ayant conduit à la cession de créance, ainsi que ses contreparties. En outre, elle a allégué que la dénonciation du prêt hypothécaire était directement liée à des infractions que la FONDATION F______ aurait commises, raison pour laquelle elle a sollicité la production de la procédure pénale (pièce 252) ouverte à cet égard.
A______ SA s'est opposée à la production du dossier pénal (pièce 252), dès lors que le prêt hypothécaire n'était pas concerné par ladite procédure, ainsi qu'à la production du contrat de cession. A cet égard, elle a invoqué que les cédules, remises à de titre sûretés, étaient cessibles sans l'accord des débiteurs ou du donneur de gage, et que les débiteurs du prêt avaient implicitement renoncé à connaître les motifs d'une cession. Elle a également réitéré les motifs ayant poussé les créanciers à céder leur créance, à savoir le comportement des débiteurs quant au remboursement du prêt, et a également conclu au rejet de la production du contrat de cession (pièce 253).
s. Lors de l'audience du 5 octobre 2022, B______ a persisté dans ses conclusions tendant à la production des pièces 252 et 253.
A______ SA a proposé que la question de la production de la pièce 252 soit suspendue jusqu'à l'audition du témoin J______, président du conseil de la FONDATION F______, dès lors que celui-ci avait participé à l'intégralité de la procédure pénale. A______ SA a toutefois réitéré son opposition à la production de la pièce 253, dès lors que tant l'Office des poursuites, que le Tribunal fédéral dans son arrêt 5A_825/2020 du 25 mars 2021, avaient pris acte de la substitution de parties par A______ SA, ceci en l'absence de toute opposition de B______ à ce propos. A______ SA a également proposé que J______ soit entendu en amont d'une décision tendant à accepter ou rejeter la production de la pièce 253.
t. Le 26 janvier 2023, le Tribunal a rendu une ordonnance de preuve n° ORTPI/110/2023, dans laquelle il a réservé la production des pièces 252 et 253 dans l'attente de l'audition de J______.
u. Par courrier du 31 août 2023, A______ SA a produit, en tant que pièce nouvelle, un jugement du Tribunal JTPI/9268/2023 du 24 août 2023, prononçant la dissolution de C______ SA dans le cadre d'une procédure diligentée contre elle par la communauté héréditaire de H______.
v. Entendu le 4 octobre 2023, J______ a indiqué que le prêt hypothécaire de C______ SA n'était pas concerné par la procédure pénale en lien avec les surfinancements hypothécaires de la FONDATION F______. Il a également informé le Tribunal de ce qu'il était disposé à produire le contrat de cession, en caviardant toutefois le montant du prix de la cession.
w. A l'issue de l'audience susmentionnée, B______ a maintenu l'intégralité de ses conclusions tendant à la production du dossier pénal (pièce 252) et du contrat de cession (pièce 253).
A______ SA a maintenu son opposition à la production du dossier pénal (pièce 252,), mais ne s'est toutefois pas opposée à la production partielle du contrat de cession (pièce 253), à la condition que le prix de la cession soit caviardé.
D. Dans l'ordonnance entreprise, le Tribunal a considéré qu'il n'était pas nécessaire d'ordonner la production de la pièce 252, dès lors que J______ avait indiqué que le prêt hypothécaire accordé à la société C______ SA n'était pas concerné par la procédure pénale diligentée en lien avec les surfinancements hypothécaires.
Le Tribunal a ordonné la production de la pièce 253 dans son intégralité et non caviardée, dès lors que B______ alléguait que les contreparties convenues dans le contrat de cession étaient pertinentes pour apprécier la validité de la cession.
1. 1.1 Le recours est recevable contre des décisions et ordonnances d'instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).
Par définition, les décisions visées à l'art. 319 let. b CPC ne sont ni finales, ni partielles, ni incidentes, ni provisionnelles. Il s'agit de décisions d'ordre procédural par lesquelles le tribunal détermine le déroulement formel et l'organisation matérielle de l'instance (Jeandin, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, CPC, n. 11 ad art. 319 CPC; Freiburghaus/Afheldt, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd., 2016, n. 11 ad art. 319 ZPO).
Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision pour les ordonnances d'instruction (art. 321 al. 1 et 2 CPC).
1.2 Dans le cadre de la décision querellée, le Tribunal a notamment ordonné la production de moyens de preuve. Il a ainsi rendu une ordonnance d'instruction, par laquelle il a statué sur le déroulement de la conduite de la procédure. Ladite ordonnance peut ainsi faire l'objet d'un recours au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, dès lors que les hypothèses visées par l'art. 319 let. b ch.1 CPC ne sont pas réalisées.
Interjeté dans le délai imparti et suivant la forme prévue par la loi (art. 130, 131 et 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable sous cet angle.
2. Il reste à déterminer si l'ordonnance querellée est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable à la recourante au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.
2.1.1 La notion de préjudice difficilement réparable est plus large que celle de "préjudice irréparable" au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 138 III 378 consid. 6.3). Constitue un préjudice difficilement réparable toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure doit se montrer exigeante, voire restrictive avant d'admettre l'accomplissement de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu : il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (parmi plusieurs : ACJC/1396/2022 du 18 mars 2022 consid. 2.1; Jeandin, op. cit., n. 22 ad art. 319 CPC).
Le préjudice sera ainsi considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (ATF 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2), ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d'affaires sont révélés ou qu'il y a atteinte à des droits absolus à l'instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée, ou encore, lorsqu'une ordonnance de preuve ordonne une expertise ADN présentant un risque pour la santé ce qui a pour corollaire une atteinte à la personnalité au sens de l'art. 28 CC (Jeandin, op. cit., n. 22a ad art. 319 CPC et les références citées).
En règle générale, la décision refusant ou admettant des moyens de preuve offerts par les parties ne cause pas de préjudice difficilement réparable puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à tort ou, à l'inverse, d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier (arrêts du Tribunal fédéral 4A_248/2014 du 27 juin 2014 consid. 1.2.3, 4A_339/2013 du 8 octobre 2013 consid. 2; 5A_315/2012 du 28 août 2012 consid. 1.2.1; Colombini, Code de procédure civile, 2018, p. 1024).
Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 134 III 426 consid. 1.2 par analogie).
Si la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, le recours est irrecevable et la partie doit attaquer la décision incidente avec la décision finale sur le fond (Message du Conseil fédéral, FF 2006 6841, p. 6984; Jeandin, op. cit., n. 24ss. ad art. 319 CPC).
2.1.2 Par "secret d'affaires" ou "secret commercial" – dont la terminologie recoupe le même concept tiré de l'art. 162 CP, des articles 4 let. c LCD et 6 LCD, ainsi que de l'article 25 al. 4 LCart –, on entend toutes les informations qui touchent à l'exploitation, à la situation commerciale et à l'organisation d'une entreprise (ATF 142 II 268 consid. 5.2.3; 103 IV 283 consid. 2b; Fischer/Richa/Raedler, in Commentaire romand, Code pénal II, 2017, n. 10s. et 20s. ad art. 152 CP). Cela comprend en particulier les listes de clients, les stratégies commerciales adoptées, les données relatives au calcul des prix, l'organisation interne (licite) d'une entreprise, le rendement de machines utilisées par une entreprise ou encore les sources d'achat et d'approvisionnement (ATF 142 II 268 consid. 5.2.3; ATF 103 IV 283 consid. 2b; Fischer/Richa/Raedler, op. cit., n. 20 ad art. 152 CP; Fischer/Richa, in Commentaire romand, LCD, 2017, n. 13 ad art. 6 LCD).
Est déterminante la question de savoir si les informations secrètes peuvent avoir une incidence sur la capacité concurrentielle de l'entreprise en conférant au maître un avantage sur le marché (ATF 142 II 268 consid. 5.2.3; 103 IV 283 consid. 2b; Fischer/Richa, op. cit., n. 13 ad art. 6 LCD).
2.2.1 En l'espèce, la recourante soutient que le prix de la cession correspondrait au prix auquel elle serait prête à acheter par compensation de créances l'immeuble gagé. Elle craint que si le prix de la cession venait à être dévoilé, la recourante le communiquerait à son fils, "lequel rêve de conserver l'immeuble ou de le récupérer pour réaliser une promotion immobilière sur les droits à bâtir disponibles et qui motive en réalité toutes les procédures dilatoires entreprises à ce jour jusqu'à excéder sa propre famille". Les allégations de la recourante à ce propos ne sont cependant pas démontrées. Le jugement rendu par le Tribunal le 24 août 2023, auquel elle se réfère sur ce point, ne comporte notamment aucune indication quant à une quelconque volonté du fils de la recourante d'acheter le bien précité. Cette prétendue volonté ne ressort pas davantage du dossier de première instance, de sorte que les allégations de la recourante doivent être qualifiées de simples spéculations, qui ne peuvent être suffisantes pour soutenir l'existence d'un préjudice difficilement réparable.
Il en est de même de l'affirmation de la recourante selon laquelle, dans l'hypothèse où le prix de la cession viendrait à être produit, le fils de l'intimée formerait pression sur le liquidateur de C______ SA, "pour tenter de convaincre la recourante d'accepter une vente de gré à gré proche du prix de la cession plutôt que d'attendre une énième vente forcée".
La recourante se prévaut finalement de la clause de confidentialité contenue dans le contrat de cession. Il n'en sera toutefois pas tenu compte pour les raisons évoquées précédemment, dès lors que le raisonnement de la recourante est fondé sur de simples spéculations et qu'elle ne parvient pas à exposer les motifs réels qui pourraient être à l'origine d'un préjudice difficilement réparable en cas de divulgation du prix. Pour le surplus, les motifs invoqués par la recourante à l'appui de la confidentialité du prix de la cession ne ressortent ni du contrat lui-même, ni du jugement du Tribunal du 24 août 2023.
Dès lors, les allégations de la recourante, qui n'atteignent pas le stade de la vraisemblance, ne suffisent pas à prendre en compte l'existence d'un préjudice difficilement réparable en cas de divulgation du prix de la cession.
2.2.2 La recourante se prévaut également de ce que le prix de la cession, dès lors qu'il correspondrait au prix auquel elle souhaiterait se porter acquéreur de l'immeuble objet du gage, constituerait un secret d'affaires. Le fait de dévoiler le prix de la cession aurait comme conséquence de procurer un avantage compétitif à l'intimée et à son fils, le prix d'achat d'un immeuble dans le cadre d'une vente aux enchères étant, selon la recourante, une information cruciale.
La recourante ne démontre cependant pas qu'un rapport concurrentiel existerait entre elle-même et l'intimée, respectivement le fils de celle-ci. A supposer que le prix de la cession constitue un secret d'affaires au sens des principes susvisés, on ne voit dès lors pas en quoi la recourante s'exposerait à un préjudice difficilement réparable si ledit prix de cession parvenait à la connaissance de l'intimée. Tel n'est pas davantage le cas en relation avec la vente aux enchères projetée de l'objet du gage. La recourante devra enchérir aux mêmes conditions que toute autre personne intéressée et le fait qu'elle puisse le cas échéant s'acquitter de tout ou partie du prix d'adjudication par compensation avec la créance (hypothécaire) qu'elle détient contre la débitrice poursuivie ne change rien à sa position dans ladite vente, la question du prix auquel elle a pu acquérir ladite créance étant irrelevante dans ce contexte. La recourante semble notamment perdre de vue que sa qualité de créancière gagiste lui confère uniquement la possibilité de se désintéresser en priorité jusqu'à concurrence de sa créance, mais non de bénéficier d'une position privilégiée quant à l'achat du gage en cas de réalisation forcée.
La recourante ne parvient pas non plus à démontrer l'existence d'un préjudice difficilement réparable en cas de divulgation du prix de la cession. Le recours sera donc déclaré irrecevable.
3. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais de la procédure de recours (art. 106 al. 1 CPC). Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 1'400 fr. (art. 41 RFTMC,) et compensés avec l'avance de même montant versée par elle, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
La recourante sera en outre condamnée aux dépens de sa partie adverse, lesquels seront arrêtés à 4'000 fr., TVA et débours compris, au regard de l'activité déployée par le conseil de l'intimée (art. 105 al. 2 et 106 al. 1 CPC; art. 20, 23, 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 84, 85 al. 1, 87 et 90 RTFMC).
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La Chambre civile :
Déclare irrecevable le recours interjeté par A______ SA le 4 décembre 2023 contre l'ordonnance ORTPI/1316/2023 rendue le 23 novembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/4191/2022.
Arrête les frais judiciaires du recours à 1'400 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l'avance de frais fournie par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève.
Condamne A______ SA à verser la somme de 4'000 fr. à B______ à titre de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Sophie MARTINEZ, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.