Décisions | Chambre civile
ACJC/338/2024 du 12.03.2024 sur JTPI/12129/2023 ( SDF ) , MODIFIE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/11765/2023 ACJC/338/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 12 MARS 2024 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 13e Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 18 octobre 2023, représenté par Me Barbara LARDI PFISTER, avocate, Dini Lardi Avocats, place du Port 1, 1204 Genève,
et
Madame B______, domiciliée ______, intimée, représentée par Me Jennifer OWEN, avocate, Dayer Ahlström Fauconnet, quai Gustave-Ador 38, case postale 6293,
1211 Genève 6.
A. Par jugement JTPI/12129/2023 du 18 octobre 2023, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé les époux A______ et B______ à vivre séparés et constaté qu'ils vivaient séparés depuis le 1er février 2022 (chiffre 1 du dispositif), attribué à A______ la jouissance exclusive du domicile conjugal (ch. 2), condamné A______ à payer à B______, par mois et d'avance, dès le 1er juillet 2022, un montant de 790 fr. à titre de contribution à son entretien (ch. 3), prononcé la séparation de biens des parties dès le 7 juin 2023 (ch. 4) et prononcé ces mesures pour une durée indéterminée (ch. 5).
Le premier juge a arrêté les frais judiciaires à 400 fr., qu'il a compensés à due concurrence avec l'avance fournie par A______ et les a mis à la charge des parties par moitié chacune, la part de B______ étant provisoirement laissée à la charge de l'Etat, sous réserve d'une décision de l'assistance juridique (ch. 6), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 7) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 8).
B. a. Par acte expédié le 30 octobre 2023 à la Cour de justice (ci-après: la Cour), A______ a appelé de ce jugement qu'il a reçu le 20 octobre 2023. Il a conclu à l'annulation du chiffre 3 du dispositif du jugement et, cela fait, à ce qu'il soit dit qu'aucune contribution d'entretien n'était due entre époux et à ce que B______ soit condamnée en tous les frais de seconde instance.
Il a préalablement sollicité l'octroi de l'effet suspensif.
Il a produit une pièce nouvelle (n° 22), soit la police d'assurance de B______ pour l'année 2022, datée du 12 octobre 2021.
b. Par arrêt ACJC/1598/2023 du 1er décembre 2023, la Cour a suspendu le caractère exécutoire du jugement attaqué s'agissant du chiffre 3 de son dispositif et dit qu'il serait statué sur les frais dans l'arrêt au fond.
c. Dans sa réponse du 4 décembre 2023, B______ a conclu à la confirmation du jugement, ainsi qu'à la condamnation de A______ en tous les frais et dépens de l'instance.
Elle a produit des pièces nouvelles, soit une attestation médicale du Dr. C______ du 28 novembre 2001 (pièce n° 5) et un relevé bancaire du 29 novembre 2023 (pièce n° 6).
d. Par réplique spontanée du 18 décembre 2023, A______ a conclu à l'irrecevabilité de la pièce n° 5 de l'intimée et des faits y relatifs. Il a persisté dans ses conclusions pour le surplus.
e. Les parties ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 9 janvier 2024.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:
a. A______, né le ______ 1967 à D______ (Arménie), de nationalité arménienne, et B______, née le ______ 1970 à E______ (France), de nationalité française, se sont mariés le ______ 2011 à Genève.
b. Aucun enfant n'est issu de cette union.
B______ est la mère d'une enfant, majeure, issue d'une précédente union.
c. Les parties ont vécu séparément depuis le début de leur mariage jusqu'en 2020, A______ à Genève et B______ à F______ (France) avec sa fille.
En 2020, B______ est venue habiter avec sa fille à Genève, chez A______, en raison de la pandémie liée au COVID-19. Elle a quitté le domicile de A______ en février 2022, ce dernier indiquant ne plus avoir reçu de nouvelles d'elle jusqu'en février 2023 lorsqu'elle serait venue récupérer des affaires.
d. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 juin 2023, A______ a formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, dans laquelle il n'a pris aucune conclusion relativement à l'entretien des époux.
Il a préalablement conclu à ce qu'il soit ordonné à B______ de produire toutes les pièces nécessaires à l'établissement de sa situation financière, soit, notamment, les relevés de ses comptes bancaires 2022 et 2023 ainsi que les pièces justifiant de l'ensemble de ses revenus (fiches et certificats de salaire 2022 et 2023).
e. A l'audience du Tribunal du 2 octobre 2023, le conseil de B______, en l'absence de cette dernière, a indiqué que celle-ci était officiellement domiciliée à la même adresse que son époux mais qu'elle "se trouvait entre la France et Genève" et ne vivait pas avec A______. Les factures de primes d'assurance-maladie concernaient les arriérés de 2022. B______ n'avait pas résilié son assurance-maladie. Elle ne travaillait pas "en l'état" et sollicitait le versement d'une contribution d'entretien de 790 fr. par mois afin de couvrir son assurance-maladie.
A______ a déclaré avoir uniquement payé l'assurance-maladie de B______ et de sa fille durant le mariage, paiements qu'il avait arrêtés à partir de 2021, considérant qu'il n'en n'avait plus les moyens et ayant lui-même beaucoup de poursuites.
Il a plaidé et persisté dans ses conclusions. Il s'est notamment opposé au versement d'une contribution d'entretien en faveur de B______.
B______ a conclu à la condamnation de A______ à lui verser, pas mois et d'avance, dès le 7 juin 2022, un montant de 790 fr., à titre de contribution d'entretien, montant correspondant à celui de sa prime d'assurance-maladie.
Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.
D. La situation personnelle et financière des parties est la suivante:
a. A______ travaille en qualité de machiniste au G______. Il est en arrêt de travail depuis le 22 février 2022. Il a perçu un revenu mensuel net de 7'512 fr. 25 en 2022, montant auquel s'ajoutent 80 fr. d'indemnité annuelle pour repas et vêtements. En 2023, il a perçu des revenus nets de 7'290 fr. 80 en janvier, 6'623 fr. 50 en février et 6'703 fr. 50 en mars. Le Tribunal a retenu que ses revenus s'élevaient à environ 6'800 fr. nets par mois, montant non contesté en appel.
Ses charges mensuelles non contestées par les parties totalisent 3'946 fr. 30, comprenant son loyer (1'490 fr.), sa prime d'assurance-maladie LAMal (477 fr. 30), ses frais de téléphonie (120 fr.), ses frais médicaux non remboursés (342 fr., soit 4'104 fr. 15/12), ses frais de transport (20 fr.), ses impôts (297 fr.; estimation) et le montant de base OP (1'200 fr.).
Il produit en appel la police d'assurance de B______ pour l'année 2022, à teneur de laquelle la prime d'assurance LAMal de cette dernière s'est élevée à 536 fr. 85 par mois.
b. B______ n'a que très peu renseigné le tribunal sur sa situation financière et personnelle.
Elle a produit trois sommations de son assurance maladie, datées des 21 mai, 20 août et 19 novembre 2022, pour des montants de 2'382 fr. dont 20 fr. de frais de sommation, soit des montants de 2'362 fr. 20 pour les périodes du 1er avril au 30 juin, du 1er juillet au 30 septembre et du 1er octobre au 31 décembre 2022.
Une saisie d'un montant total de 6'500 fr. a été effectuée sur son compte bancaire auprès de [la banque] H______ (compte n° 1______), selon un procès-verbal de saisie du 4 juillet 2023. Le solde dudit compte était de 1'371 fr. 99 au 31 octobre 2023.
Sa prime d'assurance-maladie LAMal s'est élevée à 536 fr. 86 par mois pour l'année 2022.
Elle allègue en appel qu'elle serait hébergée par sa famille à F______.
E. Dans la décision querellée, le premier juge a retenu, s'agissant du seul point encore litigieux en appel, que A______ percevait 6'800 fr. par mois depuis qu'il était en arrêt maladie. Ses charges s'élevant à 3'946 fr. 30, il avait un disponible de 2'853 fr. 70, montant arrondi à 2'800 fr. B______ avait tu le montant de ses revenus et de ses charges. Elle n'habitait pas à Genève mais probablement à F______. Son conseil avait indiqué qu'elle ne travaillait pas et A______ n'avait pas allégué qu'elle travaillerait, de sorte qu'il pouvait être retenu qu'elle était sans emploi. Dans ces circonstances, même si elle percevait une aide sociale de 800 euros ou 1'000 euros par mois, cette aide était subsidiaire, de sorte qu'elle accusait un déficit. En 2022, elle continuait à payer 787 fr. 40 pour une assurance-maladie en Suisse.
A______ était en mesure de s'acquitter du montant réclamé par son épouse. Peu importait que le montant sollicité soit destiné au paiement de sa prime d'assurance maladie, laquelle paraissait inutile; B______ avait le droit de participer au bénéfice de son époux.
A______ pouvait être condamné au versement d'une contribution à l'entretien de B______ de 790 fr. par mois, rétroactivement à partir d'une année avant le dépôt de la requête, soit par mesure de simplification dès le 1er juillet 2022.
1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (ATF 137 III 475 consid. 4.1), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).
En l'espèce, le litige porte sur la contribution due à l'entretien de l'épouse, soit une question de nature patrimoniale, qui, capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC, conduit à une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.
1.2 Interjeté dans le délai utile de dix jours dès la notification du jugement (art. 142 al. 1, art. 143 al. 1, art. 271 lit. a et art. 314 al. 1 CPC), suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.
La réponse de l'intimée et la réplique spontanée de l'appelant sont également recevables (art. 312, 314 al. 1 et 316 al. 2 CPC; sur le droit à la réplique spontanée: cf. ATF 146 III 97 consid. 3.4.1).
1.3 La cause présente un élément d'extranéité du fait de la nationalité étrangère des parties. Les parties ne contestent pas, à juste titre, la compétence des autorités judiciaires genevoises (art. 46 LDIP) et l'application du droit suisse (art. 48 et 49 LDIP; art. 4 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires).
2. 2.1 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).
Les mesures protectrices de l'union conjugale étant soumises à la procédure sommaire (art. 271 let. a CPC), l'autorité peut se limiter à la simple vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.4).
2.2 En tant qu'elle porte sur la question de la contribution à l'entretien de l'épouse, la cause est soumise à la maxime de disposition (art. 58 al. 1 CPC) et à la maxime inquisitoire limitée (art. 55 al. 2, 272 et 277 CPC), de sorte que le Tribunal ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_571/2019 du 25 février 2020 consid. 5.1).
L'obligation du juge d'établir les faits d'office ne dispense cependant pas les parties de collaborer activement à la procédure. Il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (ATF 130 III 102 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_584/2022 du 18 janvier 2023 consid. 3.1.1).
3. Les parties ont déposé des pièces nouvelles devant la Cour.
3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).
Ces conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_239/2021 du 16 décembre 2022 consid. 4.2.1). S'agissant des vrais nova ("echte Noven"), la condition de nouveauté posée par la lettre b est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate doit être examinée. En ce qui concerne les pseudo nova ("unechte Noven"), à savoir les faits et moyens de preuves qui étaient déjà survenus à la fin de l'audience des débats principaux de première instance, il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être produit en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).
Des faux nova sont excusables lorsque le comportement de la partie adverse en première instance a permis de croire qu'il n'était pas nécessaire de les présenter (arrêts du Tribunal fédéral 5A_697/2020 du 22 mars 2021 consid. 3; 5A_621/2012 du 20 mars 2013 consid. 5.4; Bastons Bulleti, PC- CPC, 2021, n° 14 ad art. 317 CPC) ou lorsqu'un thème est abordé pour la première fois en appel (arrêts du Tribunal fédéral 5A_621/2012 précité; 4A_360/2017 du 30 novembre 2017 consid. 8.1; 4A_305/2012 du 6 février 2013 consid. 3.3; Bastons Bulletti, ibid.).
3.2 En l'espèce, la pièce nouvelle n° 22 produite par l'appelant, soit le décompte de primes d'assurance-maladie 2022 de l'intimée, est antérieure à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger. Cela étant, dans la mesure où l'appelant n'a formulé aucune conclusion relative à l'entretien entre époux dans sa requête de mesures protectrices et que l'intimée n'a conclu à l'octroi d'une telle contribution qu'au cours de l'unique audience, à l'issue de laquelle le Tribunal a immédiatement gardé la cause à juger, la question de savoir si l'appelant était fondé à croire qu'il n'était pas nécessaire de présenter un tel titre pourrait se poser. La recevabilité de cette pièce souffre en tout état de rester indécise, dès lors que l'intimée a non seulement admis les faits y relatifs, mais encore qu'elle les a elle-même allégués dans son écriture de réponse à l'appel. N'étant pas contestés, ils n'ont plus à être prouvés.
S'agissant des pièces nouvelles produites par l'intimée, la pièce n° 5 est antérieure à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger. L'intimée n'expose pas de raison qui l'aurait empêchée de la produire en première instance. Cette pièce est par conséquent irrecevable, ainsi que les allégués de fait s'y rapportant, étant précisé qu'elle est quoi qu'il en soit sans pertinence pour l'issue du litige. La pièce n° 6 est postérieure à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger. Elle est par conséquent recevable, de même que les faits qui s'y rapportent.
4. L'appelant reproche à l'instance précédente d'avoir procédé à une constatation inexacte des faits sur plusieurs points. L'état de fait présenté ci-dessus a été rectifié et complété dans la mesure utile, sur la base des actes et des pièces de la présente procédure, de sorte que le grief de l'appelant en lien avec la constatation inexacte des faits ne sera pas traité plus avant.
5. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir alloué une contribution d'entretien à l'intimée. Il fait valoir que les époux ayant toujours convenu d'une indépendance totale entre eux, l'intimée ne serait pas fondée à prétendre au versement d'une contribution d'entretien sur mesures protectrices de l'union conjugale.
5.1 Selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, lorsque le juge constate que la suspension de la vie commune est fondée, il fixe la contribution pécuniaire à verser par un époux à l'autre.
5.1.1 Le principe et le montant de la contribution d'entretien due selon l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux. Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune, l'art. 163 CC constitue la cause de l'obligation d'entretien (ATF 145 III 169 consid. 3.6; 140 III 337 consid. 4.2.1; 138 III 97 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_255/2022 du 6 juillet 2023 consid. 3.1; 5A_935/2021 du 19 décembre 2022 consid. 3.1).
Le juge doit donc partir de la convention, expresse ou tacite, que les conjoints ont conclue au sujet de la répartition des tâches et des ressources entre eux (art. 163 al. 2 CC).
Il doit ensuite prendre en considération qu'en cas de suspension de la vie commune, le but de l'art. 163 CC, soit l'entretien convenable de la famille, impose à chacun des époux le devoir de participer, selon ses facultés, aux frais supplémentaires qu'engendre la vie séparée. Si leur situation financière le permet encore, le standard de vie antérieur choisi d'un commun accord – qui constitue la limite supérieure du droit à l'entretien afin de ne pas anticiper sur la répartition de la fortune – doit être maintenu pour les deux parties. Quand il n'est pas possible de conserver ce standard, les conjoints ont droit à un train de vie semblable. Il se peut donc que, suite à cet examen, le juge doive modifier la convention conclue pour la vie commune afin de l'adapter à ces faits nouveaux, la reprise de la vie commune n'étant ni recherchée, ni vraisemblable. C'est dans ce sens qu'il y a lieu de comprendre la jurisprudence selon laquelle, lorsque la séparation est irrémédiable, le juge doit prendre en considération, dans le cadre de l'art. 163 CC, les critères applicables à l'entretien après le divorce pour statuer sur la contribution d'entretien et, en particulier, sur la question de la reprise ou de l'augmentation de l'activité lucrative d'un époux. En revanche, le juge des mesures protectrices ne doit pas trancher, même sous l'angle de la vraisemblance, les questions de fond, objet du procès en divorce, en particulier celle de savoir si le mariage a influencé concrètement la situation financière du conjoint (ATF 147 III 293 consid. 4.4;
140 III 337 précité consid. 4.2.1; 137 III 385 précité consid. 3.1, précisant l'arrêt paru aux ATF 128 III 65; arrêts du Tribunal fédéral 5A_884/2022, 5A_889/2022 du 14 septembre 2023 consid. 8.2.1; 5A_935/2021 du 19 décembre 2022 consid. 3.1; 5A_554/2021 du 11 mai 2022 consid. 8.1).
5.1.2 Si, durant le mariage, les époux étaient convenus d'une indépendance totale, chacun d'eux subvenant à ses propres besoins et vivant en tous points de manière autonome par rapport à l'autre, l'octroi d'une contribution d'entretien ne se justifie en principe pas, vu l'absence de train de vie commun. Dans ce cas, la séparation ne crée pas non plus une situation nouvelle justifiant de modifier la convention passée durant le mariage. Tel est notamment le cas lorsque les époux n'ont jamais ou seulement très brièvement vécu ensemble, qu'ils n'ont pas constitué de communauté de vie, sous quelque forme que ce soit, et qu'aucun d'eux n'a contribué, en espèce ou en nature, à l'entretien de l'autre (ATF 137 III 385 consid. 3.2 [concernant le mariage fictif]; arrêts du Tribunal fédéral 5A_935/2021 du 19 décembre 2022 consid. 3.1, 5A_427/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.2, in FamPra.ch 2021 p. 117 ss; 5A_262/2019 du 30 septembre 2019 consid. 7.1, in FamPra.ch 2020 p. 183 ss, et les références; Brunner, in Handbuch des Unterhaltsrechts, 2e éd. 2010, p. 176 § 04.07 ["absence de niveau de vie commun"; voir aussi: arrêt du Tribunal fédéral 5A_409/2015 du 13 août 2015 consid. 3.4 [concernant le partage de l'excédent]).
5.2
5.2.1 En l'espèce, l'appelant reproche à raison au premier juge d'avoir considéré que l'intimée avait en tout état le droit de participer au bénéfice de son époux. Il convenait au contraire de déterminer le contenu de la convention conclue entre les époux, tacitement ou expressément, s'agissant de la répartition des tâches et des ressources dans leur union, le standard de vie choisi d'un commun accord constituant la limite supérieure du droit à l'entretien de l'intimée.
A cet égard, il est établi qu'entre leur mariage et leur séparation, les parties ont vécu séparément, l'appelant à Genève et l'intimée à F______ (France), avec sa fille, à l'exception d'une brève période de deux ans, soit pendant la pandémie liée au COVID-19. L'intimée et sa fille sont alors venues vivre dans l'appartement de l'appelant, selon toute vraisemblance davantage en raison des restrictions sanitaires en vigueur que pour former une véritable communauté de vie, que l'intimée n'allègue au demeurant pas valablement.
Il est également établi que durant leur union les parties ont vécu indépendamment l'une de l'autre sur le plan financier, dès lors qu'il est admis que l'appelant s'est uniquement acquitté de la prime d'assurance-maladie LAMal de l'intimée, cela jusqu'en 2021, date à laquelle il a interrompu ses paiements. L'intimée n'allègue ni ne rend vraisemblable que l'appelant aurait subvenu à ses besoins du temps de leur relation ou après leur séparation, sous réserve du paiement de ladite assurance. Elle ne rend en particulier pas vraisemblable que l'appelant se serait acquitté de ses charges pendant leur cohabitation à Genève, ce qu'elle n'a d'ailleurs pas soutenu avant la procédure d'appel.
Il doit ainsi être retenu que durant leur union, les parties ont principalement vécu séparément, n'ont pas constitué de communauté de vie et avaient convenu d'une indépendance totale l'une de l'autre, sous l'unique réserve du paiement de la prime d'assurance-maladie LAMal de l'intimée par l'appelant. La séparation des parties n'a ainsi pas créé une situation nouvelle justifiant de revoir la convention conclue entre elles, l'intimée n'alléguant pas ni ne rendant vraisemblable le contraire.
Il n'y a ainsi en particulier pas lieu de procéder au partage du bénéfice de l'appelant. Il est précisé à cet égard que si l'existence d'un bénéfice de l'appelant et son montant ne sont pas contestés, de même que les revenus et les charges de ce dernier, la situation tant personnelle que financière de l'intimée n'a pas pu être établie et demeure ignorée, celle-ci n'ayant pas collaboré à la procédure, ni en première instance, ni en appel. Elle n'a en particulier fourni aucune preuve à l'appui de ses rares allégations, alors même que l'appelant avait indiqué ignorer sa situation et requis la production des pièces permettant de l'établir. C'est ainsi à tort que le Tribunal a considéré comme étant établi que l'intimée ne travaillerait pas, ou encore qu'elle devrait percevoir des prestations d'aide sociale.
Au regard des éléments qui précèdent, quand bien même l'appelant a cessé de s'acquitter de la prime d'assurance-maladie de l'intimée dans le courant de l'année 2021, il y a lieu, sur mesures protectrices de l'union conjugale, de maintenir le standard de vie antérieur convenu ensemble par les parties, les ressources de l'appelant étant à cet égard suffisantes. L'intimée est ainsi fondée à obtenir une contribution d'entretien du montant de sa prime d'assurance-maladie LAMal en tant qu'une telle assurance existe, ce qui correspond tant à l'organisation des parties du temps de leur union qu'aux conclusions de l'intimée.
Ni l'existence ni le montant de la prime d'assurance-maladie LAMal de l'intimée pour l'année 2022 n'étant litigieux en appel, il convient de retenir que celle-ci s'est élevée à 536 fr. 85 par mois, en lieu et place du montant de 787 fr. 40 retenu par le premier juge, sur la base de la quotité de 2021.
L'intimée n'a pas rendu vraisemblable qu'elle bénéficierait toujours d'une telle assurance en 2023, ni au cours de la procédure de première instance, ni en appel, nonobstant les griefs soulevés par l'appelant. Elle aurait pourtant facilement pu rendre vraisemblable le maintien de sa couverture d'assurance pour l'année 2023 ainsi que le montant des primes éventuellement dues. Il n'est en outre pas possible, au regard de son peu de collaboration, de déterminer si elle remplirait actuellement les conditions pour une telle assurance. Partant, en l'absence d'éléments probants, il sera retenu que l'intimée n'a pas rendu vraisemblable s'acquitter d'une prime d'assurance-maladie LAMal depuis le 1er janvier 2023.
5.2.2 Le dies a quo de la contribution d'entretien, fixé par le premier juge au 1er juillet 2022 – soit une année avant le dépôt de sa requête par l'appelant – n'ayant pas été contesté, il sera confirmé.
5.2.3 L'appelant sera ainsi condamné à verser à l'appelante, pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2022, la somme de 540 fr. par mois (montant arrondi) au titre de contribution à son entretien, soit le montant correspondant à sa prime d'assurance-maladie LAMal.
A compter du 1er janvier 2023, date à partir de laquelle aucune existence d'assurance-maladie – unique réserve à l'indépendance économique convenue entre les parties – n'a été rendue vraisemblable, aucune contribution d'entretien ne sera due entre les époux.
5.2.4 Le chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris sera par conséquent modifié dans le sens qui précède.
6. 6.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).
Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC). La Cour peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).
6.2.1 En l'espèce, l'annulation partielle du jugement entrepris ne commande pas de revoir la décision du Tribunal de répartir les frais judiciaires par moitié et de compenser les dépens. Cette décision est conforme à la loi (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC) et n'a fait l'objet d'aucun grief motivé devant la Cour, de sorte qu'elle sera confirmée.
6.2.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel, comprenant l'émolument de décision sur mesures provisionnelles, seront arrêtés à 1'500 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge des parties par moitié chacune, vue l'issue et la nature familiale du litige (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC). Ils seront compensés à hauteur de 750 fr. avec l'avance versée par l'appelant, qui reste acquise à l'Etat de Genève.
L'intimée étant au bénéfice de l'assistance judiciaire, les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer à l'appelant 250 fr. à titre de remboursement partiel des frais judiciaires d'appel (art. 111 al. 3 et 122 let. b et c CPC), dont l'Etat de Genève pourra réclamer le remboursement à l'intimée aux conditions de l'art. 123 CPC.
Compte tenu de l'issue de la procédure et de la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.
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La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 30 octobre 2023 par A______ contre le chiffre 3 du dispositif du jugement JTPI/12129/2023 rendu le 18 octobre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11765/2023.
Au fond :
Annule le chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris et, statuant à nouveau sur ce point:
Condamne A______ à verser en mains de B______, la somme de 540 fr. par mois du 1er juillet au 31 décembre 2022.
Dit qu'aucune contribution d'entretien n'est due entre les époux à partir du 1er janvier 2023.
Confirme le jugement pour le surplus.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'500 fr., les met à la charge des parties par moitié et les compense avec l'avance fournie par A______ à concurrence de 750 fr., qui reste acquise à l'Etat de Genève dans cette mesure.
Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 250 fr. à A______ à titre de remboursement partiel des frais judiciaires d'appel.
Laisse provisoirement à la charge de l'Etat de Genève la part des frais judiciaires mise à la charge de B______, soit 750 fr., sous réserve de remboursement aux conditions de l'art. 123 CPC.
Dit que chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.
Siégeant :
Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Barbara NEVEUX, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites de l'art. 98 LTF.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.