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Décisions | Chambre civile

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C/13560/2022

ACJC/320/2024 du 07.03.2024 ( IUO )

Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13560/2022 ACJC/230/2024

ORDONNANCE

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU 7 MARS 2024

 

Entre

ORGANISATION AUTONOME A BUT NON-LUCRATIF "A______", sise ______, RUSSIE, demanderesse, représentée par Me Dmitry PENTSOV et
Me Nadine VON BÜREN-MAIER, avocats, MLL FRORIEP SA, rue du Rhône 65, case postale 3199, 1211 Genève 3,

et

B______ SA, sise ______ [GE], défenderesse, représentée par Me Paul HANNA, avocat, BOREL & BARBEY, rue de Jargonnant 2, 1211 Genève 6.

 


Attendu, EN FAIT, que le 14 juillet 2022, ORGANISATION AUTONOME A BUT NON LUCRATIF "A______" (ci-après : A______) a déposé devant la Cour de justice une demande en cession de la marque, en protection de la marque, en cessation de l'atteinte, en protection de la raison de commerce et en protection du nom à l'encontre de B______ SA; qu'elle a conclu en particulier à ce que soit ordonnée la cession des marques suisses nos 1______, 2______ et 3______ dont est titulaire B______ SA et à ce qu'il soit ordonné à l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle d'inscrire le transfert de ces marques en sa faveur, à ce qu'il soit fait interdiction à B______ SA d'utiliser le signe "C______" [acronyme] et à ce que B______ SA soit condamnée à faire radier du registre du commerce sa raison sociale;

Que le A______ a allégué en substance que son Directeur général était D______ et que son Conseil était composé de plusieurs personnes, dont E______ et F______ (allégués 4 et 5); que par contrat du 23 décembre 2018, il avait chargé G______ SA de créer les sociétés nécessaires pour la création d'un établissement international d'enseignement ______ à Genève, soit H______, mettre en place l'infrastructure nécessaire et organiser le processus d'apprentissage (allégués 18 ss, not., 30 ss); que dans le cadre de ce contrat, G______ SA avait notamment constitué B______ SA (allégués 36 ss, not. 39 ss) et déposé les marques nos 1______, 2______ et 3______, à son insu en ce qui concerne les deux dernières citées (allégués 45 ss, 70 ss et 80 ss); que I______, qui avait avancé les fonds pour libérer le capital de 100'000 fr. lors de la constitution de B______ SA, refusait de transférer en exécution du contrat du 23 décembre 2018 les actions de cette société (allégué 56 ss ); que le A______ avait finalement résilié le contrat du 23 décembre 2018 (allégués 78 ss); qu'au vu du refus de I______, le A______ avait conclu un accord de collaboration avec T______ SA (actuellement J______ SA), soit la deuxième société créée par G______ SA en vue de développer le projet de création d'un établissement international d'enseignement ______ (allégués 85 ss); que le 28 janvier 2022, B______ SA avait cependant formé devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles à l'encontre de J______ SA et d'une autre société, K______ SA, tendant notamment à ce qu'il soit fait interdiction aux citées d'enrôler des étudiants (allégués 96 ss);

Qu'en droit, le A______ a fondé sa demande sur les art. 4 et 53 LPM, ainsi que sur la LCD; qu'il a soutenu, en substance, que les marques litigieuses avaient été déposées au nom de B______ SA par son administratrice L______, mais dans le cadre de l'exécution du contrat qu'elle avait conclu avec G______ SA, dont la précitée était également directrice; que par ses manœuvres, B______ SA tentait de s'approprier son projet par des agissements déloyaux;

Que par arrêt du 8 décembre 2022, la Cour a rejeté la requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens formée le 21 octobre 2022 par B______ SA;

Que le 23 janvier 2023, B______ SA a répondu à la demande, concluant, au fond, au rejet de celle-ci et au déboutement du A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais;

Qu'elle a allégué, en substance, que la demanderesse n'avait aucun lien avec elle (allégué 51) et qu'elle et G______ SA étaient deux entités juridiques distinctes (allégué 67); que sa création résultait de la coopération entre I______ et l'Association S______ de Russie et les universités partenaires, sans implication du A______ (allégué 75); qu'elle a par ailleurs consacré de longs développements au litige l'opposant à J______ SA et K______ SA et à la procédure pendante devant la Chambre civile du Tribunal cantonal vaudois (allégués 126 à 302); qu'en droit, elle a considéré, au fond, que les prétentions élevées à son encontre l'étaient sur la base du contrat du 23 décembre 2018, conclu avec G______ SA, qui ne peut être qualifié de contrat de mandat; qu'en l'absence de relation contractuelle entre elle et le A______, l'art. 4 LPM n'était pas applicable, faute d'un "autre utilisateur autorisé" au sens de cette disposition; que sous l'angle de la LCD, elle a relevé qu'elle était active dans le domaine de l'enseignement privé en Suisse depuis 2019, alors que la demanderesse n'avait aucune activité sur le territoire suisse;

Qu'un deuxième échange d'écritures a été ordonné par la Cour, au terme duquel les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions;

Que les parties ont déposé des répliques spontanées les 3 août, 28 août, 8 septembre et 27 septembre 2023;

Que lors de l'audience de débats d'instruction du 4 octobre 2023, les parties ont déposé chacune un bordereau de preuves, récapitulant les moyens de preuve dont ils avaient sollicité l'administration dans leurs différentes écritures; que les débats principaux ont été ouverts et que les parties ont persisté dans leurs conclusions aux termes de leurs premières plaidoiries;

Que par courrier du 10 octobre 2023, le A______ a indiqué l'ordre de priorité dans lequel ses représentants devraient être entendus;

Que le 23 octobre 2023, B______ SA s'est déterminée sur ce courrier;

Que les parties ont encore déposé des déterminations spontanées sur les preuves à administrer les 3 et 16 novembre 2023;

Considérant, EN DROIT, que l'art. 5 al. 1 let. d CPC prévoit que le droit cantonal institue la juridiction compétente pour statuer en instance cantonale unique sur les litiges relevant de Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (loi sur la protection des marques, LPM; RD 232.11);

Qu'à Genève, il s'agit de la Chambre civile de la Cour civile de la Cour de justice (art. 120 let. a LOJ);

Que la demanderesse a fondé la cession de marques qu'elle sollicite sur l'art. 4 LPM, en lien avec l'art. 53 LPM, de sorte que la Cour est, sous cet angle, compétente; que la défenderesse a soutenu que la demanderesse fondait cette cession sur la violation d'un contrat auquel elle n'est pas partie, de sorte que la Cour ne serait pas compétente pour statuer en instance cantonale unique; que cela étant, cette question est liée au fond de la cause et sera examinée dans ce cadre, comme cela a été convenu lors de l'audience de débats d'instruction;

Qu'en application de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit; que le juge enfreint en particulier cette disposition s'il tient pour exactes les allégations non prouvées d'une partie, nonobstant leur contestation par la partie adverse, ou s'il refuse toute administration de preuve sur des faits pertinents en droit (ATF 130 III 591 consid. 5.4 p. 601 s.; 114 II 289 consid. 2a p. 290);

Que la preuve a pour objet les faits pertinents et contestés (art. 150 CPC);

Que toute partie a le droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuve (cf. art. 168 al. 1 CPC) proposés régulièrement et en temps utile (art. 152 al. 1 CPC);

Que le tribunal doit ainsi administrer une preuve offerte, pour autant qu'elle soit adéquate, autrement dit qu'elle soit apte à forger la conviction du tribunal sur la réalité d'un fait pertinent, à savoir dont la démonstration peut avoir une incidence sur l'issue du litige (adéquation objective); qu'une mesure probatoire ne doit pas être superfétatoire, ce qui signifie que la preuve n'est pas inutile parce que le juge, après avoir pris connaissance des autres preuves, est déjà convaincu de l'existence ou de l'inexistence du fait à prouver (adéquation subjective; arrêt du Tribunal fédéral 5A_877/2013 du 10 février 2014 consid. 4.1.3);

Que ni le droit d'être entendu, ni l'art. 8 CC, ni l'art. 152 CPC ne s'opposent à ce que le juge procède à une appréciation anticipée des preuves et renonce à ordonner une mesure d'instruction pour le motif qu'elle est manifestement inadéquate, porte sur un fait non pertinent, ou n'est pas de nature à ébranler la conviction que le juge a acquise sur la base des éléments déjà recueillis (ATF 134 I 140 consid. 5.3; 130 III 734 consid. 2.2.3;
122 III 219 consid. 3c);

Qu'en l'espèce, est litigieuse en particulier la question de savoir dans quelles circonstances et à quel titre la défenderesse a enregistré les marques dont la cession est demandée par la demanderesse; que l'utilisation subséquente qui est faite desdites marques et un éventuel risque de confusion avec d'autres marques enregistrées par la demanderesse ou des sociétés dont elle est proche, utilisées dans le cadre de leurs activités d'enseignement juridique, n'est en revanche pas pertinente dans le cadre de la présente procédure et fait l'objet d'une autre procédure pendante dans le canton de Vaud; qu'aucune preuve ne sera dès lors administrée dans le cadre de la présente procédure en lien avec des faits concernant cet autre litige;

Que les questions de fait qui se posent dans le présent litige découlent essentiellement de la nature et du contenu des relations qui lient les parties, de sorte que l'audition de celles-ci sera admise en premier lieu;

Que les parties ont chacune requis l'audition, à titre de partie, de plusieurs représentants de la demanderesse; que dans la mesure où ceux-ci sont appelés à s'exprimer sur les mêmes allégués, l'audition de chacun d'eux n'est pas utile ou nécessaire; que seuls ceux dont les noms sont le plus souvent cités dans les écritures seront donc entendus, à savoir F______, E______ et D______, qui sont plus spécialement désignés par la demanderesse (cf. allégués 4 et 5); que les trois précités étant déjà en mesure de s'exprimer sur les faits utiles et pertinents de la cause, l'audition personnes supplémentaires en qualité de partie pour la demanderesse est inutile;

Que pour la défenderesse, l'audition de L______, administratrice, qui a directement participé aux agissements qui sont reprochés à la défenderesse par la demanderesse, sera ordonnée;

Que les parties ont également requis l'audition de I______, la défenderesse en qualité de partie et la demanderesse comme témoin; qu'il ressort des explications fournies par les parties qu'il a payé le capital social de la défenderesse et que c'est lui qui s'est opposé à la demande de transferts des actions de la demanderesse à cette dernière; que son audition sera dès lors ordonnée; que l'intéressé n'étant pas inscrit au registre du commerce comme organe ou représentant de la défenderesse, il sera entendu comme témoin;

Que la défenderesse a requis l'audition, en qualité de témoin, de M______; que son témoignage est requis sur des allégués pour lesquels d'autres moyens de preuve seront administrés; que cela étant, sa déposition peut être ordonnée, pour autant qu'ils ne concernent pas le litige pendant devant les juridictions vaudoises;

Que la demanderesse a également requis dans ses déterminations du 3 août 2023 l'audition de N______ en qualité de témoin; que son nom n'a été cité ni lors du premier ni lors du deuxième échange d'écritures alors que son audition est requise à propos d'allégués figurant essentiellement dans la demande et dans la réponse; que cette requête d'audition ne se fonde pas sur des faits nouveaux et elle aurait pu être requise avant; que les conditions posées par l'art. 229 al. 1 CPC, applicables même s'il y a eu des débats d'instruction après le deuxième échange d'écritures (ATF 140 III 312, consid. 6.3.2), ne sont donc pas réunies; que son audition sera dès lors refusée; que l'utilité de son audition n'est, en tout état de cause, pas évidente;

Que l'audition de O______, étudiante, a également été requise comme témoin par les parties; que son nom est cité à l'appui d'allégués des parties relatifs à la question de la prétendue erreur dans laquelle se seraient trouvés des étudiants en s'inscrivant auprès d'une école plutôt qu'une autre; que cette question n'est toutefois pas pertinente pour répondre à la question litigieuse dans le cadre de la présente procédure tendant à la cession de marques; que son audition sera dès lors refusée; qu'il en va de même de l'audition de P______ dont l'audition a été requise par la défenderesse;

Que l'audition des autres témoins requise par la défenderesse, soit Q______ et R______, ne paraît pas, en l'état, nécessaire;

Qu'enfin, il ne sera pas donné suite aux 38 requêtes de production de documents formulées par la défenderesse de manière très large pour certaines ("toutes les communications"), qui visent des documents émanant pour certaines de sociétés tierces ou qui sont en mains tierces et dont l'utilité pour la présente procédure est douteuse (comme par exemple des factures pour l'enrôlement d'étudiants, des contrats d'inscription d'étudiants ou la liste de ces derniers);

Que pour le surplus, il est rappelé que les ordonnances de preuve peuvent être modifiées ou complétées en tout temps (art. 154 in fine CPC);

Que les convocations respectives seront adressées par courriers séparés;

Que les frais et dépens de la présente décision seront réglés dans la décision finale.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Admet au titre de moyens de preuve des allégués respectifs des parties, outre les pièces déjà produites, dans la mesure de leur recevabilité,

-     l'audition, en qualité de parties, d'une part, de D______, F______ et E______, et, d'autre part, de L______.

-     l'audition, en qualité de témoins, de I______ et de M______.

Réserve la suite de la procédure.

Dit que les frais de la présente décision seront réglés dans la décision finale.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.