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Décisions | Chambre civile

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C/1977/2020

ACJC/1367/2023 du 12.10.2023 sur JTPI/2600/2023 ( OO ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 22.11.2023, 4A_563/2023
Normes : CL.16; CL.23; CL.15; LDIP.114; LDIP.120; CP.88
En fait
En droit

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1977/2020 ACJC/1367/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 12 OCTOBRE 2023

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés ______, France, appelants d'un jugement rendu par la 16ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 27 février 2023, représentés par Me Frédéric SUTTER, avocat,

et

C______, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Laurent MARCONI, avocat, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219, 1211 Genève 8.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2600/2023 du 27 février 2023, le Tribunal de première instance a déclaré recevable la demande en constatation formée par C______ le 21 juillet 2020 et modifiée le 28 mars 2022 (chiffre 1 du dispositif), mis les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., à la charge solidaire de A______ et B______, condamnant ces derniers à verser ce montant à C______ qui en avait fait l'avance (ch. 2), ainsi que 5'940 fr. à titre de dépens (ch. 3), réservé la suite de la procédure (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

En substance, le Tribunal a considéré, d'une part, que la clause d'élection de for conclue par les parties en faveur des juridictions genevoises était valable et, partant, créait un for à Genève et, d'autre part, que C______ disposait d'un intérêt digne de protection à sa demande.

B. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 31 mars 2023, A______ et B______ forment appel contre ce jugement, dont ils sollicitent l'annulation.

Dans de nombreuses conclusions, parfois redondantes, ils concluent à ce que la Cour constate l'incompétence des juridictions genevoises pour connaître de la demande dirigée à leur encontre par C______ et déclare celle-ci irrecevable, de même que les allégués et conclusions nouveaux formulés par leur partie adverse le 7 avril 2022. Subsidiairement, ils concluent au rejet de la demande et, plus subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

A l'appui de leur appel, ils produisent un chargé comprenant de nombreuses pièces complémentaires.

b. Dans sa réponse, C______ conclut, à la forme, à l'irrecevabilité des allégués 177 à 179 ainsi que des pièces 30 à 35 de ses parties adverses et, au fond, au rejet de l'appel.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, en persistant dans leurs conclusions respectives.

d. A______ et B______ se sont encore déterminés par écrit le 7 juillet 2023.

e. Par avis du greffe de la Cour du 27 juillet 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

C.A a. D______ SUISSE SA (ci-après : D______ SA), était une société anonyme de droit suisse dont le siège se situait à Genève et qui, selon l'extrait du registre du commerce et ses statuts, était active dans l'octroi en Suisse de financements garantis notamment par des biens immobiliers sis en Europe et sur le pourtour méditerranéen.

En octobre 2013, elle a été absorbée par fusion par C______ qui en a repris tous les actifs et passifs.

Aux fins des présentes, ces deux établissements seront ainsi pareillement et indifféremment cités en tant que C______ ou la banque.

b. Les époux A______ et B______, elle enseignante, lui médecin, tous deux de nationalité française, étaient domiciliés en France, puis en Polynésie française jusqu’au printemps 2012.

Le 15 avril 2012, ils sont venus s’établir en Suisse, soit à Fribourg, où ils sont restés domiciliés jusqu’au 31 décembre 2021, date à laquelle ils ont annoncé leur départ pour la France.

c. En 2008, les époux A______/B______, voulant contracter un emprunt, en ont fait la demande et adressé leur dossier y relatif à E______, société de courtage sise à F______, France.

E______ a transmis à son tour cette demande de financement à C______, laquelle a formulé une première offre portant sur un prêt en Euros. A la demande des époux A______/B______, E______ a négocié le taux d'intérêts conduisant C______ à formuler une seconde offre portant sur un prêt en francs suisses, à un taux inférieur.

c.a Interrogé devant le Tribunal, B______ a expliqué que lui et son épouse avaient vu des publicités sur internet concernant E______ et qu'ils avaient envoyé un dossier à cette société. Celle-ci leur avait rapidement parlé de C______ qui leur avait proposé un premier prêt en Euro au mois d'octobre 2008. A réception de cette offre, ils avaient interrogé E______ pour voir s'il était possible de négocier le taux d'intérêts à la baisse et celle-ci avait alors contacté C______. Ils avaient ensuite reçu une nouvelle offre avec un meilleur taux d'intérêts. Cette offre portait sur un prêt en francs suisses, mais il était indiqué qu'il devait être converti en euros.

c.b Interrogée par le Tribunal en tant que représentante de C______, G______ a déclaré qu'elle travaillait depuis 2010 au sein de la banque en tant que juriste.

Elle a indiqué qu'en 2008 et par la suite, la banque n'avait jamais fait de publicité pour l'octroi des crédits accordés aux époux A______/B______. La banque n'avait pas non plus mandaté la société E______, dans la mesure où elle ne donnait pas de mandat pour rechercher de la clientèle. Cette société leur avait présenté les époux A______/B______ en qualité d'apporteurs d'affaires. Elle a précisé que les apporteurs d'affaires n'avaient pas le droit non plus de faire de la publicité et ne disposaient d'aucune exclusivité auprès de C______.

c.c Le témoin H______, employé de la banque de 2006 à 2016 en qualité de gestionnaire de crédits puis de directeur du groupe, a exposé que la banque ne faisait pas de démarchage dans les pays tiers de sorte que les époux A______/B______ étaient forcément venus par eux-mêmes ou par l'intermédiaire d'un tiers. La société E______ ne lui évoquait rien. La banque ne mandatait pas de société concernant l'acquisition de potentiels clients à l'étranger. Elle avait des contrats avec des apporteurs d'affaires, mais sans leur déléguer de compétences. Elle ne les formait pas non plus.

d. Par contrat du 23 novembre 2008, signé par les époux A______/B______, C______ leur a octroyé un prêt de 1'347'000 fr. Le contrat stipulait notamment que :

- le montant de 1'347'000 fr. du prêt était destiné à être converti et libéré en euros, au taux de conversion en vigueur deux jours avant la mise à disposition des fonds;

- le prêt était destiné par les emprunteurs à la souscription d’une assurance vie, au remboursement d’emprunts immobiliers antérieurs et à la construction de trois bungalows en Polynésie française (art. 3);

- le prêt était garanti par une hypothèque sur un immeuble dont les emprunteurs étaient propriétaire à I______, France, et par le nantissement en faveur de C______ de l’assurance vie à souscrire par les premiers;

- le prêt porterait intérêts conventionnels, payables mensuellement, calculés sur un taux indiciel à fixer et réviser de trois ans en trois ans;

- le prêt n’était pas sujet à des amortissements périodiques et devait être remboursé en capital et éventuels intérêts échus quinze ans après la libération des fonds;

- le prêt deviendrait immédiatement exigible au remboursement en cas de défaut des emprunteurs, notamment, à s’acquitter des intérêts conventionnels échus;

- le contrat de prêt était soumis au droit suisse et le lieu de son exécution, de toutes obligations afférentes, de même que le for judiciaire en cas de litige sur son exécution ou son interprétation, étaient fixés à Genève.

Egalement signées par les époux A______/B______, les conditions générales de C______ disposaient pareillement que le contrat de prêt était soumis au droit suisse et que le lieu de son exécution et le for des litiges y relatifs étaient à Genève.

Les époux A______/B______ ont confirmé en audience avoir lu les deux textes avant de les signer.

e. Les 23 décembre 2008 et 6 janvier 2009, C______ a libéré le prêt de 1'347'000 fr. en versant aux époux A______/B______ la contrevaleur de ce montant en euros, soit 871'563 euros (au cours de CHF/EUR de 1.5455 du 22 décembre 2008).

Le 30 décembre 2008, C______ leur a subséquemment adressé un échéancier des intérêts mensuels (3,79% l’an pour les trois premières années du prêt), en 4'254 fr. 30 payables les 10 de chaque mois.

f. A compter de début 2010, l’euro s’est fortement déprécié par rapport au franc suisse, passant d’un taux CHF/EUR de quelque 1,5 à moins de 1.1 à mi-2011, puis oscillant entre 1,2 et 1 de début 2012 jusqu’à ce jour.

Pour les époux A______/B______, cela s’est traduit, lorsqu’ils vivaient encore en zone euro et percevaient des revenus en euros, par l'augmentation de la valeur de leurs mensualités due au taux de change, la contrevaleur de 4'254 fr. passant de quelque 2'700 euros à 4'300 euros.

g. Le 10 juin 2011, ils s’en sont plaints auprès de C______, lui reprochant de les avoir mal conseillés.

h. A leur demande, les époux A______/B______ ont conclu avec la banque, en septembre 2009, respectivement juin 2012, deux avenants à leur contrat de prêt du 23 novembre 2008 :

- le premier stipulant notamment un rachat partiel et donc une réduction de la valeur du contrat de l’assurance vie souscrite par les emprunteurs et nantie en faveur de C______ en garantie du prêt ;

- le second stipulant notamment une modification à la baisse de l’indice de référence du taux des intérêts conventionnels applicables au capital emprunté.

Ces deux avenants précisaient que les autres clauses et conditions du contrat de prêt demeuraient inchangées.

i. A compter de l'année 2018, les époux A______/B______ ont émis le souhait d'amortir leur prêt.

Le 1er mars 2018, ils ont ainsi proposé à C______ d’amortir le prêt à raison de 10'000 fr. par mois jusqu’à fin 2019, puis de 5'000 fr. par mois, et requis un allongement de la durée du prêt, sans succès.

j. Le 8 mai 2019, les époux A______/B______, indiquant à C______ que leur dette s’élevait selon eux à 389'885 fr. en capital, ont demandé à pouvoir la rembourser en lui payant 252'272 euros pour solde de tous comptes.

k. C______ a rejeté leur requête en leur exposant que le capital restant dû s’élevait à 734'466 fr. et serait exigible au remboursement à l’échéance finale du 10 janvier 2024.

l. Par courrier de leur conseil du 13 janvier 2020, les époux A______/B______ ont requis C______ de pouvoir rembourser l’entier du prêt par le paiement, pour solde de tous comptes, d’un montant, cette fois, de 222'665 euros.

Ils ont précisé qu'en cas de refus de cette proposition, ils feraient valoir "devant toutes les juridictions compétentes", notamment et en substance, la nullité du contrat de prêt.

Ils ont allégué que celui-ci était contraire aux dispositions légales françaises en matière de protection du consommateur et, en outre, avait été contracté sous l’empire de vices de leur consentement. C______ avait fautivement violé ses obligations contractuelles en leur octroyant un prêt en francs suisses sans les avertir du risque de variation du taux de change CHF/EUR. La conclusion de ce contrat de prêt leur avait causé un préjudice de "plusieurs centaines de milliers de francs suisses" dont C______ était tenue de les indemniser.

C.B a. Le 28 janvier 2020, C______ a saisi le Tribunal d'une demande initiale en constatation judiciaire tendant à faire constater que les époux A______/B______ étaient liés à elle par un contrat de prêt portant sur un solde dû de 714'450 fr. à l’échéance du 10 janvier 2024.

Elle a fondé la compétence des juridictions genevoises sur l'élection de for contenue dans le contrat de prêt litigieux. Pour le surplus, elle a exposé avoir un intérêt à agir au sens de l'art. 88 CPC, dans la mesure où elle ne détenait pas d'action condamnatoire puisque sa créance ne serait exigible qu'au terme de la durée contractuelle échéant en janvier 2024. Cela étant, au vu du courrier du 13 janvier 2020 des époux A______/B______, par lequel ces derniers remettaient en cause la validité du contrat, elle disposait d'un intérêt à clore ce litige par la constatation du rapport de droit.

b. Dans leur réponse, les époux A______/B______ ont conclu à l'irrecevabilité de la demande, subsidiairement à son rejet.

Préalablement, ils ont soulevé l'exception d'incompétence ratione loci, remettant en cause la validité de la clause de prorogation de for, et le défaut d'intérêt de la banque à agir en constatation au sens de l'art. 88 CPC.

Au fond, les époux A______/B______ ont invoqué la nullité du contrat de prêt litigieux, que ce soit à l'aune du droit français, qu'ils considéraient applicable, ou du droit suisse.

c. Par ordonnance du 10 novembre 2020, le Tribunal a limité la procédure à la question de la recevabilité.

d. Par ordonnance de preuve rendue le 18 février 2021, le Tribunal a constaté la recevabilité de la demande en constatation à l'aune de l'art. 88 CPC et a statué sur les offres de preuve requises par les parties.

Saisie d'un recours, la Cour de justice a, par arrêt du 15 juillet 2021, annulé l'ordonnance précitée en tant qu'elle portait sur la recevabilité de la demande et renvoyé la cause pour suite d'instruction et nouvelle décision. Elle a considéré que, pour des motifs d'opportunité et d'économie de procédure, il convenait de statuer dans une seule et même décision, après l'administration des preuves ordonnées, sur la compétence ratione loci et la recevabilité à l'aune de l'art. 88 CPC, conformément à l'objet de la limitation de la procédure et aux conclusions, communes sur ce point, des parties.

e. Dès la reprise de la procédure, le Tribunal a entendu les parties ainsi que le témoin cité, dont les déclarations ont été reprises dans la partie EN FAIT ci-dessus, dans la mesure utile.

f. En cours de procédure, les époux A______/B______ ont cessé de payer les mensualités portant sur les intérêts conventionnels du prêt.

Par courrier du 9 mars 2022, C______ a sommé les époux A______/B______ de s’acquitter au 25 mars 2022 des intérêts, échus et impayés en janvier et février 2022, en 7'665 fr.

Le 21 mars 2022, les époux A______/B______ lui ont répondu que ses prétentions étaient mal fondées et qu’ils ne lui paieraient plus rien.

Le 28 mars 2022, C______ a dénoncé le prêt au remboursement pour le 10 avril 2022 et les a sommés de lui payer à ce titre 660'022 fr. en capital, intérêts échus et frais.

g. Le 7 avril 2022, C______, alléguant et se prévalant de la dénonciation du prêt au remboursement intervenue le 28 mars, a modifié sa demande initiale et nouvellement conclu au paiement par les époux A______/B______ de 660'022 fr., intérêts en sus.

h. Les parties ont déposé, le 28 novembre 2022, leurs plaidoiries finales écrites sur la question de la recevabilité, persistant chacune dans ses conclusions, les appelants concluant à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet de la demande dirigée à leur encontre et l'intimée concluant à la recevabilité de celle-ci.

 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

En tant qu'il constate la recevabilité de la demande faisant l'objet de la procédure, le jugement entrepris constitue une décision incidente.

L'appel a été introduit en temps utile, selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1 et 311 al. 1 CPC), et porte sur des conclusions supérieures à 10'000 fr.

Il est donc recevable.

Il en va de même de la réponse de l'intimée, dont la motivation est compréhensible, contrairement à ce que soutiennent les appelants. En effet, l'intimée se détermine sur les allégués de fait de sa partie adverse de manière intelligible en les reprenant par chapitre avant d'exposer sa partie en droit. Cette écriture est conforme aux exigences de motivation (art. 311 al. 1 CPC).

1.2 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, un fait ou un moyen de preuve nouveau n'est pris en compte au stade de l'appel que s'il est produit sans retard (let. a) et avec la diligence requise (let. b).

Cela étant, les faits et pièces se rapportant à la compétence du Tribunal, respectivement de la Cour, sont recevables à tous stades de la procédure, indépendamment des conditions posées par l'art. 317 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 5A_801/2017 du 14 mai 2018 consid. 3.3.1; 4A_229/2017 du 7 décembre 2017 consid. 3.2 et les références citées). En effet, selon l'art. 60 CPC, le tribunal examine d'office si les conditions de la procédure sont remplies. Les conditions de procédure sont ainsi soustraites à la disposition des parties. Les parties ne doivent cependant pas être autorisées, par ce biais, à contourner les règles applicables quant à l'établissement des faits du litige (arrêt du Tribunal fédéral 4A_229/2017 du 7 décembre 2017 consid. 3.3.2 et les références citées).

En l'occurrence, la Cour est à ce stade saisie de la seule question de la recevabilité, qu'elle examine d'office. Les pièces produites par l'appelante en appel, dont une partie figure au demeurant déjà au dossier, seront ainsi déclarées recevables pour trancher les questions liées à la recevabilité de la demande, sans préjudice sur l'établissement des faits relatifs au fond du litige.

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2. Le litige revêt un caractère international compte tenu de la connexité que la cause présente avec l'étranger (ATF 140 III 294 consid. 4; 135 III 185 consi. 3.1) - ce qui n'est au demeurant pas contesté -, au vu notamment de la nationalité française des appelants, de leur domicile en France au moment de la conclusion du contrat litigieux et des modalités de celui-ci, les parties n'ayant alors aucune attache avec la Suisse.

En matière internationale, la compétence des autorités judiciaires suisses et le droit applicable sont régis par la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP; RS 291), sous réserve des traités internationaux (art. 1 al. 1 let. a et b et al. 2 LDIP).

Dans les rapports entre la Suisse et, notamment, la France, la Convention de Lugano (CL; RS 0.275.12) est applicable (art. 63 al. 1 CL; ATF 140 III 115 consid. 3).

3. Les appelants contestent la compétence ratione loci des juridictions genevoises, que le Tribunal a admise sur la base de l'élection conventionnelle de for.

Ils se prévalent des dispositions relatives au contrat de consommation découlant de la Convention de Lugano. Se considérant comme "consommateurs" au sens de cette convention, ils allèguent que l'élection de for n'est pas valable car elle avait été conclue avant la survenance du litige, contrevenant ainsi à une règle semi-impérative (art. 17 CL). Sans cette clause de prorogation, il n'existe pas de for à Genève.

3.1.1 La Convention de Lugano fixe notamment la compétence judiciaire en matière de litiges à caractère international et de nature civile.

Les normes de compétence de cette Convention reposent sur différents critères d'extranéité. Pour chaque norme de compétence, il faut donc rechercher quel est le point de rattachement avec l'étranger. Lorsque la cause n'entre pas dans le champ d'application territorial et personnel (räumlich-persönlicher Anwendungsbereich) de cette Convention ou que la norme de compétence de celle-ci ne régit que la compétence internationale, et non la compétence locale (interne), les dispositions de la LDIP, en tant que loi nationale de la Suisse applicable en matière civile internationale, s'appliquent. Les règles de compétence du CPC ne sont pas applicables aux causes de nature internationale (art. 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral destiné à la publication 4A_310/2022 du 12 juillet 2023 consid. 5.1 et les références citées).

3.1.2 En vertu de l'art. 23 al. 1 CL, si les parties, dont l'une au moins a son domicile dans un État contractant, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un État contractant pour connaître, notamment, des différends à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou ces tribunaux sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties.

La notion d'élection de for de l'art. 23 CL est autonome : elle doit être interprétée uniquement en relation avec les exigences posées par cette disposition. Selon la jurisprudence de la Cour de justice européenne (rendue à propos de l'art. 17 CL-1968, remplacé par l'art. 23 CL), il faut examiner si la clause qui attribue la compétence a fait effectivement l'objet d'un consentement entre parties et si celui-ci se manifeste d'une manière claire et précise, les exigences de forme de l'art. 23 CL ayant pour fonction d'assurer que le consentement entre parties soit effectivement établi. Si la prorogation de compétence déroge au principe général du domicile du défendeur de l'art. 2 CL ou aux autres compétences spéciales de la CL, les conditions de validité des clauses d'élection de for doivent être interprétées strictement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_310/2022 du 12 juillet 2023 consid. 7.3.1 et les références citées).

3.1.3 En matière de contrats conclus par les consommateurs, le for de compétence revient, si l'action est dirigée contre le consommateur, à l'Etat sur le territoire duquel est domicilié le consommateur (art. 16 al. 2 CL).

Le domicile du consommateur visé par l’art. 16 CL s’entend de celui qui était le sien, non pas lors de la conclusion du contrat de consommation, mais au moment de l’ouverture de l’action (Cour de justice de l’Union européenne : ordonnance du 3 septembre 2020, C-98/20 ; arrêt du 30 septembre 2021, C-296/20; Gehri, in Basler Kommentar LugÜ, 2ème éd. 2016, n° 6 ad art. 16 CL; Bonomi, in Commentaire romand, LDIP/CL, 2011, n° 11 ad art. 16 CL). Ce consommateur doit ainsi, par principe, être attrait devant les tribunaux de l’Etat partie à la Convention de Lugano où il était domicilié lors de la litispendance de l’action (art. 16 al. 2 CL).

Les parties ne peuvent valablement convenir d'une convention d'élection de for dérogeant à cette disposition qu'aux conditions fixées par l'art. 17 CL, sous peine que celle-ci demeure sans effet (art. 23 al. 5 CL). En particulier, les parties ne peuvent en principe pas déroger au for légal précité de l'art. 16 al. 2 CL par une convention antérieure à la survenance du litige (art. 17 ch. 1 CL, étant précisé que les autres hypothèses de l'art. 17 CL ne sont ici pas réalisées).

L'art. 15 al. 1 CL délimite le champ d'application des art. 16 et 17 CL et détermine la notion de contrat conclu par un consommateur au sens de cette convention. Ce type de contrat appréhende tout contrat qui est étranger à l'activité professionnelle de l'un des cocontractants, dit consommateur, et qui entre au contraire dans le cadre des activités commerciales ou professionnelles de l'autre cocontractant (art. 15 al. 1 let. c CL). Une condition supplémentaire doit être satisfaite : soit l'autre cocontractant exerce les activités commerciales ou professionnelles en cause dans l'Etat où le consommateur a son domicile, soit il les exerce ailleurs mais il les "dirige" vers cet Etat (ATF 142 III 170 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_94/2020 du 12 juin 2020 consid. 4.5.1).

Cette condition supplémentaire suppose un lien entre le contrat concerné et l'Etat où le consommateur a son domicile. Un besoin de protection n'est consacré, sur le plan international, qu'en faveur du consommateur qui a commandé des biens ou des services par suite d'une sollicitation faite dans son pays par un fournisseur à l'étranger. Au contraire, un consommateur qui s'est adressé de sa propre initiative à un fournisseur à l'étranger, sans y avoir été incité par une offre ou une publicité dans son propre pays, est censé être conscient du caractère international du contrat, et censé accepter le risque d'un procès à l'étranger (ATF 142 III 170 consid. 3.1 et les références doctrinales citées; arrêt du Tribunal fédéral 4A_454/2016 du 16 décembre 2016 consid. 3.1).

L'art. 16 al. 2 CL ne régit que la compétence internationale ("général"); le tribunal spécialement compétent devra être déterminé sur la base de règles de procédure de l'Etat concerné. En suisse, il faudra appliquer la LDIP, soit les art. 114 pour les actions ouvertes par le consommateur et les art. 112 et 113 pour celles ouvertes par le fournisseur (Bonomi, in Commentaire romand, LDIP/CL, 2011, n. 16 ad art. 17 CL; n. 6 ad. art.114 LDIP).

3.1.4 Selon la LDIP, le for des contestations concernant un contrat conclu avec un consommateur est régi par l'art. 114 LDIP. L'al. 1 let. a de cette disposition autorise le consommateur à agir devant le Tribunal suisse de son domicile, et l'art. 114 al. 2 LDIP lui interdit de renoncer d'avance à ce for.

La notion de contrats conclus par des consommateurs comprend, selon cette norme, les contrats portant sur une prestation de consommation courante destinée à un usage personnel ou familial du consommateur et qui n’est pas en rapport avec l’activité professionnelle ou commerciale du consommateur (art. 120 al. 1 LDIP auquel l'art. 114 al. 1 LDIP renvoie). Les emprunts, investissements et services financiers portant sur des sommes importantes sortent du cadre de consommation courante d'un ménage privé, avec pour conséquence que le plaideur impliqué dans de semblables affaires ne jouit d'aucune protection spéciale concernant le for (ATF 132 III 268 consi. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_229/2018 du 12 octobre 2018 consid. 9).

3.1.5 Il incombe au demandeur de prouver les faits qui fondent la compétence, notamment par la conclusion d'une élection de for. Si cette preuve est apportée, il incombe au défendeur de prouver des faits exceptionnels, par exemple l'existence d'une compétence spéciale en matière de consommation au sens des art. 15 ss. CL (ATF 139 III 278 consid. 3.2, in JdT 2014 II 337 et les références citées).

3.2 En l'espèce, les appelants élèvent plusieurs griefs à l'encontre du jugement entrepris s'agissant de l'admission de sa compétence et en particulier quant à la validité de la clause de l'élection eu égard aux art. 15 ss. CL.

3.2.1 Au préalable, les appelants reprochent au Tribunal de s'être livré à une constatation inexacte des faits sur plusieurs aspects du litige, notamment sur le but social de D______ SA (désormais C______), le rôle de celle-ci et de la société E______, la destination du prêt contracté, le montant des mensualités, les avenants au contrat de juin 2009 et septembre 2012 et sur le montant du capital remboursé.

Les critiques émises par les appelants portent, pour une partie d'entre elles, sur des faits relatifs au fond du litige, qui ne sont pas pertinents pour trancher la recevabilité de la demande, seule question dont est à ce stade saisi le Tribunal, respectivement la Cour. Au surplus, par leur argumentation, qui relève davantage de leur propre appréciation des faits et des preuves, les appelants remettent en cause certains faits qui se recoupent avec les conditions d'application des normes légales invoquées, de sorte que leurs griefs seront examinés ci-après dans la discussion en lien avec l'application des art. 15 ss de la Convention de Lugano (cf. consid. 3.2.4 infra).

3.2.2 Dans un premier moyen, les appelants reprochent au Tribunal de ne pas avoir statué, en particulier dans le dispositif du jugement entrepris, sur la question de la compétence ratione loci.

Sous un chapitre spécifiquement intitulé "I. Compétence à raison du lieu", le Tribunal a débuté sa motivation en droit en examinant la question de la compétence ratione loci en tenant compte expressément des arguments des appelants. Cette analyse s'étend du reste sur quatre pages, soit sur la majeure partie de la discussion juridique. Le Tribunal conclut de manière claire et sans équivoque que sa compétence à raison du lieu est donnée et résulte de la convention d'élection de for qu'il tient pour valablement conclue entre les parties, déployant en conséquence tous ses effets (cf. jugement entrepris, p. 7-10).

Partant, en déclarant recevable la demande de l'intimée, sans aucune limitation ou autre indication, au chiffre 1 de son dispositif, le Tribunal a implicitement admis sa compétence ratione loci au vu de la motivation précitée, ce qui ne pouvait échapper aux appelants qui sont représentés par avocat. Ce faisant, le Tribunal a pleinement respecté l'arrêt de renvoi de la Cour du 15 juillet 2021 qui l'invitait à statuer sur l'ensemble des questions de recevabilité.

Infondé, ce grief doit être rejeté.

3.2.3 Dans un deuxième moyen, les appelants reprochent au Tribunal d'avoir statué en contradiction avec l'ordonnance de preuve rendue le 18 février 2021 en remettant en question le fait que la cause présentait un caractère international et en ne statuant pas sur la question portant sur leur qualité de consommateur, alors que ces aspects avaient été retenus comme déterminants pour fixer les probatoires.

A la lecture du jugement entrepris, il apparaît que le Tribunal s'est déclaré compétent en application les règles de la Convention de Lugano et de la LDIP, applicable à titre de loi nationale suisse concernant les situations internationales. Ce faisant, il a admis l'élément d'extranéité dans son raisonnement, de sorte que cette critique tombe à faux.

Quant au fait que la motivation du jugement entrepris diffère de celle avancée à l'appui de l'ordonnance de preuve, les appelants se méprennent sur la portée de ladite ordonnance, en particulier lorsqu'ils la qualifient de décision incidente au sens de l'art. 237 CPC. En effet, l'ordonnance de preuve est une mesure d'instruction au sens de l'art. 154 CPC, qui détermine les moyens de preuve pertinents à administrer selon un examen prima facie de la situation et qui peut être modifiée en tout temps. Dite ordonnance ne saurait lier de manière définitive le Tribunal dans son raisonnement juridique. Dans son arrêt du 15 juillet 2021, la Cour a d'ailleurs clairement distingué la décision incidente, malencontreusement comprise dans cette ordonnance qui portait sur la recevabilité de la demande à l'aune de l'art. 88 CPC, laquelle a été annulée, et l'ordonnance de preuve qui constituait une simple mesure d'instruction, de sorte que l'on ne saurait considérer l'ordonnance du 18 février 2021 comme une décision incidente dans son ensemble.

Ce grief s'avère ainsi également infondé.

3.2.4 Concernant la compétence en tant que telle, les appelants reprochent au Tribunal d'avoir violé les règles semi-impératives de la Convention de Lugano en matière de consommation en ne retenant pas leur qualité de consommateurs et en considérant que la clause litigeuse d'élection de for en faveur des tribunaux genevois était valable et leur était opposable.

En l'espèce, la convention d'élection de for conclue entre les parties figure expressément dans le contrat de prêt du 23 novembre 2008, signé par les parties. Elle est libellée de façon claire et sans équivoque, et se situe, de manière habituelle, à la fin du contrat ainsi que dans les conditions générales que les parties ont confirmé avoir lus avant de les signer. L'élection de for repose ainsi sur un consentement clair et réciproque des parties, revêtu de la forme écrite.

Reste à examiner si les règles semi-impératives en matière de contrats conclus par les consommateurs sont applicables au cas présent et, cas échéant, si la clause d'élection de for contrevient à celles-ci.

Il est acquis que le contrat de prêt litigieux est étranger à l'activité professionnelle des appelants, étant rappelé qu'ils sont lui médecin et elle enseignante, et s'inscrit en revanche dans le champ des activités commerciales de l'intimée.

La relation a été nouée directement avec l'établissement de l'intimée sis à Genève. Cela étant, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la procédure n'a pas permis d'établir que cet établissement "dirigeait" ses activités commerciales vers la France et/ou ait démarché les appelants, par le biais de la société E______.

A cet égard, les appelants ont expliqué en audience qu'ils ont eux-mêmes cherché un financement sur internet et ont envoyé leur demande de prêt à la société E______. Le dossier ne comporte aucun élément permettant de constater une quelconque forme de publicité ou de prospection qui leur aurait été adressée, comme ils l'allèguent. De plus, les témoins entendus devant le Tribunal ont tous deux confirmé que la société E______ n'était pas mandatée par l'intimée et que, d'une manière générale, la banque n'octroyait pas de mandat pour rechercher de la clientèle. Dans un arrêt publié aux ATF 142 III 170, le Tribunal fédéral eu l'occasion de souligner que si les banques suisses avaient certes progressivement acquis une très forte réputation à l'étranger, notamment parce qu'elles avaient pu durant de très nombreuses années offrir des garanties particulières de stabilité, de sécurité et de discrétion, et qu'elles avaient ainsi attiré de nombreux déposants résidant hors du pays, on ne pouvait inférer de cette seule position que l'activité des banques suisses soit "dirigée" vers l'étranger au sens de l'art. 15 al. 1 let. c CL.

Les appelants, à qui il incombe de prouver les faits qui fondent la compétence spéciale en matière de consommation au sens des art. 15 ss. CL, ne sont ainsi pas parvenus à démontrer avoir été démarchés par l'intimée et, partant, leur qualité de consommateur au sens de cette convention.

Par conséquent, ils ne peuvent se prévaloir de la protection accordée par ces dispositions pour faire échec à la convention d'élection de for.

3.2.5 Par surabondance, même à considérer que les dispositions protectives des art. 15 ss CL seraient applicables, le for du domicile du défendeur consommateur de l'art. 16 al. 2 CL ne régit que la compétence internationale et doit être examiné au moment du lien de litispendance (cf. consid. 3.1.3 supra). En l'occurrence, au moment de l'introduction de la demande au mois de janvier 2020, les appelants étaient domiciliés en Suisse (à Fribourg) où ils étaient établis depuis 2012. Les juridictions compétentes selon la CL étaient dès lors les Tribunaux suisses (et non spécifiquement ceux de Fribourg) puisque l'art. 16 al. 2 CL se limite à attribuer la compétence au niveau international. Il s'ensuit que l'élection de for prévue par les parties, qui attrait les appelants devant les Tribunaux suisses (Genève), ne contrevient pas aux règles de protection en matière de consommation puisqu'elle prévoit le même for au niveau international.

Sur le plan interne, c'est la LDIP qui est applicable à titre de loi nationale de la Suisse. Les appelants ne peuvent pas non plus se prévaloir de l'art. 114 al. 2 LDIP, à teneur duquel le défendeur consommateur ne peut renoncer d'avance au for de son domicile ou de sa résidence habituelle, pour soutenir que la clause d'élection de for ne leur serait pas opposable. En effet, pour entrer dans le champ d'application de cette disposition, le contrat doit, selon l'art. 120 al. 1 LDIP auquel renvoie l'art. 114 LDIP, porter sur une prestation de consommation courante. Or, les emprunts portant sur des sommes importantes sortent du cadre de consommation courante d'un ménage privé selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ce qui est le cas en l'espèce. En effet, le contrat litigieux porte sur un prêt de 1'347'000 fr., ce qui, de par son ampleur, exclut une opération relativement banale ou anodine dans la vie économique des appelants. Ces derniers ont d'ailleurs exposé que l'opération visait à investir dans leur résidence principale située en Polynésie française où ils résidaient alors par la construction de trois bungalows, ce qui ne peut être qualifié de consommation courante. Dès lors, tant le montant que l'affectation du prêt ne relèvent pas d'une prestation de consommation courante au sens des art. 114 et 120 LDIP, de sorte que ces dispositions ne peuvent être invoquées pour faire échec à l'élection de for.

3.3 Au vu de ce qui précède, les griefs des appelants relatifs à la compétence se révèlent infondés. La convention d'élection conclue entre les parties en faveur des tribunaux genevois est valable et leur opposable.

La compétence des juridictions genevoises sera donc confirmée.

4. Les appelants contestent la recevabilité de la demande initiale formée à leur encontre à l'aune de l'art. 88 CPC, alléguant que l'intimée ne disposait d'aucun intérêt digne de protection lors de son dépôt dans la mesure où les mensualités du prêt étaient à ce moment régulièrement payées. Compte tenu de son irrecevabilité ab initio, dite demande ne pouvait ensuite, selon eux, être modifiée en une demande condamnatoire en paiement.

4.1.1 Selon la jurisprudence, l'action en constatation doit être admise lorsque le demandeur a un intérêt important et digne de protection à la constatation immédiate de la situation juridique de droit. Il n'est pas nécessaire que cet intérêt soit juridique, il peut aussi être de nature purement factuelle (ATF 141 III 68 consid. 2.3; 136 III 523 consid. 5; 135 III 378 consid. 2.2).

Cette condition est notamment remplie lorsque les relations juridiques entre les parties sont incertaines et que l'incertitude peut être levée par la constatation judiciaire. Pour cela, n'importe quelle incertitude ne suffit pas; il faut au contraire que l'on ne puisse pas exiger de la partie demanderesse qu'elle tolère plus longtemps le maintien de cette incertitude, parce que celle-ci l'entrave dans sa liberté de décision (ATF 141 III 68 consid. 2.3; 135 III 378 consid. 2.2; 131 III 319 consid. 3.5). Dans le domaine du recouvrement des créances, le cas typique est celui du débiteur qui veut faire constater l'inexistence de la dette sans attendre davantage que le prétendu créancier se décide ou non à l'attaquer. On peut aussi songer à l'hypothèse d'un créancier, dont la créance est contestée et non encore exigible, qui souhaite sans attendre en faire constater l'existence en vue de la remettre en nantissement (ATF 135 III 378 consid. 2.2).

L'intérêt pratique à une constatation de droit fait normalement défaut pour le titulaire du droit lorsque celui-ci dispose d'une action en exécution, en interdiction ou d'une action formatrice, immédiatement ouverte, qui lui permettrait d'obtenir directement le respect de son droit ou l'exécution de l'obligation. Dans ce sens, l'action en constatation de droit est subsidiaire par rapport à une action condamnatoire ou une action formatrice (ATF 135 III 378 consid. 2.2 et les références citées).

Le Tribunal fédéral a toutefois admis l'existence d'un intérêt à la constatation autonome lorsqu'il s'agit de faire constater la validité du rapport juridique sur lequel se fonde une prestation pour son exécution future (ATF 97 II 371 consid. 2; 84 II 685 consid 2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_464/2019 du 30 avril 2020 consid. 1.4; 5A_763/2018 du 1er juillet 2019 consid. 1.2; 4A_679/2016 du 22 mai 2017 consid. 2.1 ; 4A_280/2015 du 20 octobre 2015 consid. 6.2.2). Le Tribunal fédéral a également reconnu un intérêt indépendant à la constatation lorsque les parties ne sont en désaccord que sur la question fondamentale de l'existence d'une obligation, mais que l'exécution de la prestation est assurée (ATF 135 III 378 consid. 2.4; 97 II 371 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_464/2019 du 30 avril 2020 consid. 1.4; 8C_1074/2009 du 2 décembre 2010 consid. 2.4.5; 4C.341/2004 du 4 novembre 2004 consid. 2.1).

4.1.2 L'intérêt digne de protection, comme toute condition de recevabilité, doit exister au moment du jugement (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4, 133 III 539 consid. 4.3, arrêts du Tribunal fédéral 4A_476/2021 du 6 juillet 2022 consid. 4.4.1; 4A_122/2019 du 10 avril 2019 consid. 2.2). Il n'y a d'exception à ce principe que pour la compétence en matière d'actions en divorce et en séparation de corps (ATF 116 II 9 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 4A_165/2021 du 18 janvier 2022 consid. 3.2.1).

Autrement dit, même si toutes les conditions de recevabilité ne sont pas remplies au début de la litispendance, mais qu’elles se réalisent en cours d’instance, le juge doit entrer en matière (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4 ; 133 III 539 consid. 4.3 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 4A_165/2021 du 18 janvier 2022 consid. 3.2.1). Il n'existe donc pas de prescription temporelle ou procédurale qui empêcherait que la procédure se poursuive jusqu'à ce que toutes les conditions de recevabilité soient clarifiées. Compte tenu de la possibilité de remédier à une irrégularité, une telle règle ne serait pas non plus praticable (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4).

4.1.3 Une demande peut être modifiée au cours des débats principaux si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure, qu'elle présente un lien de connexité avec la dernière prétention ou que la partie adverse consent à la modification de la demande et, enfin, et qu'elle repose sur des faits ou moyens de preuves nouveaux (art. 227, 229 et 230 CPC).

4.2.1 En l'espèce, la demande en constatation a été introduite le 28 janvier 2020 et a fait l'objet de la présente procédure qui a rapidement été limitée à la question de la recevabilité.

Contrairement à l'avis des appelants, la condition de recevabilité en lien avec l'existence d'un intérêt digne de protection doit être réalisée au jour du prononcé du jugement entrepris et pas nécessairement au moment du dépôt de la demande déjà, étant rappelé que la jurisprudence susmentionnée accorde la possibilité de remédier à d'éventuelles irrégularités. Dans l'intervalle, rien n'empêche la procédure de poursuivre son cours jusqu'à ce que cette question soit tranchée.

En l'occurrence, entre l'introduction de la demande et le prononcé de la décision statuant sur la recevabilité, la demande en constatation a été modifiée en action condamnatoire en application de l'art. 230 al. 1 CPC, compte tenu du fait (nouveau) que la créance litigieuse est devenue exigible en cours de procédure en raison de la cessation de paiement des mensualités. Quoi qu'en disent les appelants, la prétention nouvelle en paiement relève de la même procédure de nature ordinaire (art. 219 ss CPC), présente manifestement un lien de connexité avec la demande initiale puisque les deux actions se fondent sur le même contrat de prêt et le même état de fait et repose sur la dénonciation du prêt du 28 mars 2022 invoqué à titre de fait nouveau sans retard par l'intimée dans ses écritures du 7 avril 2022. Il s'ensuit que la demande en constatation s'est valablement transformée en action condamnatoire lors du dépôt des conclusions modifiées le 7 avril 2022, soit avant que la question de la recevabilité ne soit tranchée.

Dans la mesure où la jurisprudence n'impose pas que les conditions de recevabilité soient réunies au moment de l'introduction de la demande, il n'y a pas lieu d'examiner l'intérêt à agir au moment du dépôt.

4.2.2 Devrait-on arriver à la conclusion inverse qu'il conviendrait de retenir que l'intimée disposait, en tout état de cause, d'un intérêt digne de protection lors du dépôt de sa demande initiale.

En effet, les parties s'opposent depuis mai 2019 sur le montant dû à titre de remboursement du prêt de même que sur la monnaie dans laquelle le remboursement doit intervenir, les appelants ayant proposé de verser 252'272 euros pour solde de tous comptes tandis que l'intimée estime que le solde s'élève à 734'466 fr. En outre, en janvier 2020, les appelants ont remis en cause la validité même du contrat de prêt, invoquant tant des causes d'invalidation que de nullité et menaçant de saisir toutes les juridictions compétentes pour les faire valoir.

Ainsi, au moment de l'introduction de l'action, le 28 janvier 2020, les relations juridiques entre les parties étaient entièrement remises en cause et demeuraient incertaines quand bien même les appelants continuaient, à ce moment-là, de régler les traites de remboursement. Le contrat remis en cause liait de surcroît les parties à long terme puisque le remboursement n'arrivait à échéance qu'en 2024. L'intimée avait dès lors un intérêt faire constater la validité du rapport juridique pour connaître le sort du contrat sur lequel se fondaient les prestations y relatives et leur exécution future et ainsi connaître la validité de ses créances futures en remboursement du prêt et paiement des intérêts. Par ailleurs, lors du dépôt de sa demande, l'intimée ne disposait d'aucun autre moyen, ne disposant en particulier pas d'une action condamnatoire en remboursement du prêt puisque les échéances mensuelles étaient réglées. Contrairement à l'avis des appelants, on ne pouvait contraindre l'intimée, au vu de la nature du contrat remis en cause, de sa durée et de son déroulement futur, à attendre que les appelants se décident d'arrêter de payer les mensualités dues pour intenter une action condamnatoire.

Il faut ainsi reconnaître à l'intimée un intérêt digne de protection à son action initiale en constatation.

Le jugement sera ainsi confirmé dans son intégralité.

Il ne se justifie pas de réformer le chiffre 1 du dispositif entrepris qui mentionne, par erreur, que la demande a été modifiée le 28 mars 2022 en lieu et place du 7 avril 2022 dans la mesure où ce point est admis par les parties et qu'il ne porte pas à conséquence.

5. Les frais judiciaires d'appel seront mis à la charge solidaire des appelants, qui succombent intégralement dans leurs conclusions (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront arrêtés à 5'000 fr. (art. 36 RTFMC), compte tenu notamment de la complexité de la cause et de l'importance du travail qu'elle a impliqué au vu, entre autres, de l'ampleur des écritures déposées devant la Cour et des nombreux griefs soulevés par les appelants (dont l'appel de près de 80 pages et la réplique de 30 pages). Ces frais seront partiellement compensés avec l'avance de frais de 2'400 fr. versée par les appelants, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Ces derniers seront en conséquence condamnés, solidairement, à verser 2'600 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Les appelants seront en outre condamnés, solidairement, à verser 5'000 fr. à l'intimée à titre de dépens d'appel (art. 84, 87 et 90 RTFMC).

* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 31 mars 2023 par A______ et B______ contre le jugement JTPI/2600/2023 rendu le 27 février par le Tribunal de première instance dans la cause C/1977/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 5'000 fr., les met à la charge solidaire de A______ et B______ et dit qu'ils sont partiellement compensés avec l'avance de frais fournie par ces derniers, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ et B______, solidairement, à verser 2'600 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de solde des frais judiciaires d'appel.

Condamne A______ et B______, solidairement, à verser 5'000 fr. à C______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Cédric-Laurent MICHEL,
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.