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Décisions | Chambre civile

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C/23549/2022

ACJC/726/2023 du 06.06.2023 sur OTPI/86/2023 ( SCC ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23549/2022 ACJC/726/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 6 JUIN 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'une ordonnance rendue par la 25ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 février 2023, comparant par Me Michael RUDERMANN, avocat, AVOCATS ASSOCIÉS, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Olivier SEIDLER, avocat, KULIK SEIDLER, rue du Rhône 116, 1204 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/86/2023 du 6 février 2023, reçue par les parties le 8 février 2023, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a ordonné la suspension provisoire de la poursuite n° 1______ diligentée à l'encontre de B______ (chiffre 1 du dispositif), réservé la décision finale quant au sort des frais (ch. 2) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3).

B. a. Par acte déposé le 16 février 2023 au guichet universel du Pouvoir judiciaire, A______ forme appel à la Cour de justice contre le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance précitée, dont elle requiert l'annulation. Elle conclut, avec suite de frais, au rejet de la requête de B______ tendant à la suspension provisoire de la poursuite n° 1______.

Elle produit une pièce nouvelle, à savoir un courrier recommandé du 6 février 2023, par lequel la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l'Université de Genève l'a informée que, ayant réussi l'examen effectué le 15 décembre 2022, elle était admise à participer à la suite de la procédure d'admission au deuxième cycle de Baccalauréat universitaire en sciences de l'éducation, orientation 5______ pour l'année académique 2023-2024 (pièce 6). Elle allègue un fait nouveau résultant de cette pièce (allégué 11).

Elle a conclu préalablement à l'octroi de l'effet suspensif à son appel. A l'appui de cette requête, elle a produit trois pièces nouvelles, soit un extrait du Registre du commerce de Genève relatif à C______ SA, dont B______ est l'administrateur unique (pièce 7) et deux extraits imprimés le 13 février 2023 des sites Internet des Centres D______ [à] E______ et F______, dont B______ est le médecin-dentiste répondant (pièces 8 et 9).

b. Dans sa réponse du 6 mars 2023, B______ conclut à la confirmation de l'ordonnance attaquée, avec suite de frais.

Se référant à la page 4 de l'ordonnance attaquée (qui retient que, vu la majorité de A______, "les rentes AI complémentaires lui revenaient directement"; cf. ci-dessous let. D. d), il allègue nouvellement que la rente complémentaire pour enfant revenant à A______ est perçue par celle-ci depuis sa majorité.

Il se prévaut de l'irrecevabilité des pièces 7 à 9 de A______.

c. Dans sa réplique du 9 mars 2023, A______ allègue nouvellement que "contrairement à ce qu'a retenu le premier juge sur une base que l'on ignore, la rente complémentaire AI en faveur de l'appelante continue d'être perçue par son ayant droit, soit la mère de l'appelante" et qu'elle n'aurait jamais demandé que la rente lui soit versée directement.

d. Par arrêt ACJC/346/2023 du 10 mars 2023, la Cour a rejeté la requête de A______ tendant à suspendre le caractère exécutoire de l'ordonnance attaquée et dit qu'il serait statué sur les frais dans l'arrêt au fond.

e. Les parties ont été informées le 30 mars 2023 de ce que la cause était gardée à juger, B______ n'ayant pas fait usage de son droit de dupliquer.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour.

a. G______ et B______ sont les parents non mariés de A______, née le ______ 1998.

Par jugement définitif et exécutoire JTPI/16/2001 du 18 janvier 2001, le Tribunal de première instance, statuant d'accord entre les parties, a donné acte à B______ de son engagement, et l'a condamné en tant que de besoin, à verser en mains de G______ une contribution échelonnée à l'entretien de A______, fixée à 1'400 fr. par mois et d'avance "au-delà de la majorité et en cas d'études de l'enfant A______". Le jugement prévoyait en outre que cette contribution serait indexée à l'indice genevois des prix à la consommation le 1er janvier de chaque année, pour la première fois le 1er janvier 2002, l'indice de base étant celui en vigueur au jour du prononcé de la décision.

b. G______ a été mise au bénéfice d'une rente entière de l'assurance-invalidité, ainsi que d'une rente complémentaire pour A______ à compter du 1er novembre 2002. Initialement fixée à 811 fr. par mois, la rente complémentaire pour enfant a régulièrement augmenté pour atteindre un montant de 941 fr. par mois en 2021.

Le 12 mars 2003, la Caisse cantonale genevoise de compensation a écrit à B______ que la somme qu'elle lui avait versée le 26 février 2003 correspondait "au remboursement des pensions alimentaires pour la période du 1er avril 2002 au 31 octobre 2022" et que "depuis le 1er novembre 2002, la rente complémentaire en faveur de A______ [était] versée à sa mère Madame G______, en début de mois pour le mois en cours". La décision de la caisse ne figure pas à la procédure.

G______ a régulièrement transmis à B______ les attestations de rente complémentaires en faveur de leur fille A______ pour le calcul de la contribution d'entretien. A______ allègue que sa mère a agi de la sorte "mal conseillée par ses précédents avocats" et "par erreur".

Depuis novembre 2002, B______ déduit de la contribution due pour l'entretien de sa fille un montant correspondant à la rente complémentaire pour enfant.

c. Depuis la majorité de A______, intervenue le ______ octobre 2016, B______ a versé, au titre de contribution à son entretien, 1'171 fr. 20 en novembre 2016, 7'077 fr. 60 en 2017, 7'262 fr. 40 en 2018, 7'396 fr. 80 en 2019, 7'300 fr. 80 en 2020 et 6'512 fr. de janvier à novembre 2021, soit un total de 36'720 fr. 80 pour la période de novembre 2016 à novembre 2021.

d. Entre 2016 et 2020, A______ a fréquenté le Collège H______ puis l'Ecole de culture générale (ECG) I______, ses notes au collège lui ayant permis d'intégrer directement la 3ème année de l'ECG en septembre 2018. En juin 2020, elle a obtenu une maturité professionnelle, avec option "travail social".

A compter de la rentrée 2020, elle a suivi des cours au Collège pour adultes J______ dans le but d'obtenir le certificat de l'examen complémentaire "passerelle" lui donnant accès à l'université et aux hautes écoles suisses dès la rentrée 2022. Elle a obtenu ce certificat le 2 juillet 2022. Elle s'est ensuite inscrite au semestre d'automne 2022, du 19 septembre au 19 février 2023, à la Faculté de psychologie et de sciences de l'éducation de l'Université de Genève, pour le Baccalauréat universitaire en sciences de l'éducation. Comme indiqué (cf. ci-dessus, let. B.a), elle a réussi l'examen effectué le 15 décembre 2022, de sorte qu'elle a été admise à participer à la suite de la procédure d'admission au deuxième cycle de Baccalauréat universitaire en sciences de l'éducation, orientation 5______ pour l'année académique 2023-2024.

e. Le 9 novembre 2021, A______ a fait notifier à B______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme de 55'725 fr. 20, avec intérêts à 5% l'an dès le 30 avril 2019, réclamée à titre de "solde impayé des contributions alimentaires dues selon jugement n°JTPI/16/2001 du Tribunal de première instance de Genève du 18 janvier 2001 pour la période de novembre 2016 à octobre 2021 (60 mois)".

B______ a formé opposition totale à ce commandement de payer.

f. Par requête formée devant le Tribunal le 21 janvier 2022, A______ a conclu au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée à la poursuite n° 1______ (C/2______/2022).

Elle a allégué que la somme de 55'725 fr. 20 déduite en poursuite correspondait à la contribution d'entretien de 1'400 fr. par mois due par B______, après indexation, ce qui correspondait mensuellement à 1'517 fr. en 2016, 1'514 fr. en 2017, 1'529 fr. en 2018, 1'541 fr. en 2019, 1'541 fr. en 2020 et 1'532 fr. en 2021. La somme totale due entre novembre 2016 et octobre 2021 s'élevait donc à 91'854 fr. Après déduction des montants déjà versés par B______ durant la même période, soit 36'128 fr. 80 au total, celui-ci restait lui devoir 55'725 fr. 20.

f.a Lors de l'audience du Tribunal du 6 mai 2022, B______ a fait valoir que, dans la mesure où sa fille percevait une rente complémentaire pour enfant de l'assurance-invalidité, le montant de cette rente devait être déduit du montant des contributions d'entretien en application de l'art. 285a al. 3 CC. Pendant plus de vingt ans, il avait versé les contributions d'entretien fixées par le Tribunal, sous déduction des rentes complémentaires pour enfant, sans que ce mode de faire ne soit contesté. Il estimait donc ne rien devoir à sa fille. En tout état, il n'était pas tenu de contribuer à l'entretien de A______ au-delà de la majorité, dans la mesure où celle-ci ne poursuivait pas d'études sérieuses et régulières. En effet, âgée de 23 ans, l'intéressée n'avait terminé aucune formation post-obligatoire et suivait des cours au collège pour adultes.

A______ a produit deux attestations de scolarité établies respectivement en janvier et mars 2022. Elle a contesté l'application de l'art. 285a al. 3 CC. Elle a en outre relevé que, dans la mesure où ses prétentions portaient sur une période postérieure à sa majorité, les choix effectués par sa mère durant sa minorité ne lui étaient pas opposables.

f.b Par jugement du 1er juin 2022, le Tribunal a rejeté la requête de mainlevée définitive.

Il a considéré que A______ fondait sa requête de mainlevée sur un jugement définitif et exécutoire. Elle était en outre "légitimée à se prévaloir de la créance de contribution d'entretien" compte tenu de son accession à la majorité le ______ octobre 2016. Toutefois, B______ avait démontré s'être acquitté des contributions fixées dans le jugement sous déduction des rentes complémentaires AI pour enfant, ce qu'il était en droit de faire en application de l'art. 285a al. 3 CC.

f.c Par arrêt ACJC/1402/2022 du 20 octobre 2022, la Cour a annulé le jugement précité et a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Elle a examiné si B______ avait apporté la preuve stricte des moyens libératoires qu'il invoquait :

- A______ soutenait que son père n'était pas en droit de soustraire le montant des rentes complémentaires pour enfant (art. 35 LAI) des contributions dues à son entretien. Selon elle, l'art. 285a al. 3 CC n'était applicable que dans l'hypothèse où la rente complémentaire pour enfant revenait au parent débiteur de la contribution d'entretien. De son côté, B______ soutenait qu'il importait peu de savoir à quel parent revenait la rente complémentaire, celle-ci devant dans tous les cas être déduite de la contribution d'entretien.

Chacune des parties faisait valoir que l'art. 285a al. 3 CC était clair dans le sens qu'elle entendait lui donner. Pour étayer leurs positions respectives, les parties procédaient toutes deux à une interprétation de la disposition légale litigieuse, en se référant aux travaux préparatoires ainsi qu'à la jurisprudence et aux avis doctrinaux traitant de cette problématique. Ce faisant, elles ne faisaient qu'illustrer le fait que la question juridique soulevée était délicate et ne pouvait être aisément résolue. Si la version française de l'art. 285a al. 3 CC prévoyait que les rentes d'assurances sociales destinées à l'entretien de l'enfant revenant "au père ou à la mère" devaient être déduites de la contribution d'entretien, sans préciser si le parent concerné était tenu de pourvoir à l'entretien de l'enfant, les versions allemande et italienne, quant à elles, se limitaient à prévoir une déduction d'office des rentes dans l'hypothèse où celles-ci revenaient au parent débiteur d'aliments ("der unterhaltspflichtige Elternteil" en allemand, "il genitore tenuto al mantenimento" en italien). Dans ces conditions, l'on ne pouvait affirmer, sans autre examen, que l'art. 285a al. 3 CC s'appliquait également lorsque la rente destinée à l'enfant revenait au parent qui n'était pas tenu de contribuer à l'entretien de celui-ci. Pour trancher cette question, il était nécessaire d'interpréter le texte légal et d'en rechercher le sens véritable, ce qui impliquait de procéder à une analyse de la situation juridique selon le droit matériel. Une telle analyse excédait la cognition du juge de la mainlevée définitive.

C'était ainsi à tort que le Tribunal avait rejeté la requête de mainlevée, au motif que le père était habilité à réduire d'office le montant des contributions dues à l'entretien de sa fille conformément à l'art. 285a al. 3 CC.

B______ ne prouvait donc pas s'être acquitté de la totalité des contributions d'entretien dues pour la période du 1er novembre 2016 au 31 octobre 2021.

- B______ soutenait qu'il n'était plus tenu de contribuer à l'entretien de sa fille, car celle-ci n'était pas parvenue à justifier d'un suivi sérieux et régulier de sa formation.

Il ressortait des pièces produites que A______ avait obtenu une maturité professionnelle en juin 2020 et qu'elle poursuivait depuis lors une formation "passerelle" auprès du Collège pour Adultes J______, qui lui aurait permis, en cas de succès, d'entreprendre des études universitaires. B______ n'alléguait pas que sa fille avait abandonné ses études. Son grief consistant à dire qu'elle ne démontrait pas par titre que sa formation pouvait être achevée dans des délais raisonnables tombait à faux. En effet, selon la jurisprudence, la question de savoir si une formation était achevée dans des délais normaux, tout comme celle de savoir si une formation était suivie avec l'assiduité requise, dépendait des circonstances du cas concret. Or, l'examen de ces circonstances excédait le pouvoir du juge de la mainlevée définitive qui n'avait pas à trancher des questions pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation jouait un rôle important.

Par conséquent, le moyen libératoire soulevé par l'intimé ne pouvait faire échec au prononcé de la mainlevée définitive.

- Dans un dernier moyen, B______ soutenait que sa fille commettait un abus de droit en lui réclamant le paiement de l'entier des contributions d'entretien fixées par le jugement JPTI/16/2001 du 18 janvier 2001, alors qu'elle avait toléré pendant de nombreuses années qu'il en déduise le montant des rentes complémentaires.

En soi, le fait que A______ réclamait le paiement des contributions d'entretien fondées sur un jugement définitif et exécutoire, dont le débiteur n'avait pas sollicité la modification, ne pouvait être qualifié d'abusif. A cela s'ajoutait qu'il n'était pas d'emblée évident que les déductions opérées par B______ pouvaient l'être en vertu de l'art. 285a al. 3 CC. En tout état, la question de savoir si A______ pouvait se voir opposer le fait que sa mère avait consenti à ces déductions pendant sa minorité et/ou le fait qu'elle-même n'avait pas sollicité, immédiatement après sa majorité, le versement de l'entier des contributions litigieuses, dépendait de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce (se posait notamment la question de savoir si A______ et/ou sa mère étaient dans l'erreur lorsqu'elles avaient toléré ces déductions), dont l'examen excédait largement la cognition limitée du juge de la mainlevée.

Le dernier moyen libératoire soulevé par le débiteur ne pouvait donc pas non plus faire échec au prononcé de la mainlevée définitive.

g. B______ a déposé le 22 avril 2022 en conciliation, puis porté devant le Tribunal le 7 septembre 2022, une action en répétition de l'indu à l'encontre de A______, tendant au remboursement par celle-ci de la totalité des sommes versées pour son entretien au-delà de la majorité (36'720 fr. 80, cf. ci-dessus let. C.c), en faisant valoir que sa fille ne poursuivait pas de formation ou d'études de façon sérieuse et régulière (C/3______/2022).

A______ y a répondu le 9 janvier 2023, en concluant au rejet de l'action.

h. Par avis de saisie du 7 novembre 2022 émis dans le cadre de la poursuite n° 1______, l'Office cantonal des poursuites a convoqué B______ le 15 décembre 2022 pour être interrogé sur sa situation patrimoniale en vue de procéder à la saisie de ses biens nécessaires pour couvrir le montant dû à A______, soit 66'317 fr. 95, comprenant les intérêts, les frais échus au 15 décembre 2022 et les frais d'encaissement.

D. a. Le 28 novembre 2022, B______ a déposé devant le Tribunal une action dirigée contre A______ en annulation de la poursuite n° 1______. Il a requis la suspension provisoire de celle-ci sur la base de l'art. 85a al. 2 LP, avec suite de frais.

Il a invoqué l'art. 285a al. 3 CC, l'abus de droit et l'absence de formation choisie par sa fille durant la minorité et achevée dans des délais normaux, soit les trois moyens libératoires qu'il avait soumis au juge de la mainlevée définitive.

b. Dans ses déterminations du 13 janvier 2023, A______ a conclu au rejet de la requête de suspension provisoire de la poursuite, avec suite de frais.

c. Lors de l'audience du Tribunal du 24 janvier 2023, B______ a déposé des pièces complémentaires relatives à la saisie, notamment de salaire. Il a formé une conclusion nouvelle, en demandant au Tribunal de donner ordre à l'Office des poursuites de "procéder à la rétention des deniers dans le cadre de la poursuite n° 1______".

Les parties ont ensuite plaidé, en persistant dans leurs conclusions.

Le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles à l'issue de l'audience.

d. Dans l'ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré que A______ avait été mise au bénéfice d'un droit de rente AI complémentaire pour enfant postérieurement au jugement du 18 janvier 2001 fixant les montants des contributions d'entretien. Aucune des parties ne remettait expressément en cause le fait que les montants perçus à ce titre par la précitée étaient destinés à couvrir tout ou partie de son entretien selon les périodes considérées. Dans ces circonstances, peu importait, au stade des mesures provisionnelles, de répondre à la question soulevée par la Cour dans l'arrêt du 20 octobre 2022, soit celle de savoir si l'art. 285a al. 3 CC trouvait application suivant le parent concerné par le droit à la rente. La Caisse cantonale de compensation semblait avoir suivi l'interprétation de B______ à cet égard en lui rétrocédant les montants concernés pour une partie de l'année 2002. Au vu de la période circonscrite par A______ dans le cadre de la poursuite diligentée à l'encontre de son père (soit de novembre 2016 à octobre 2021), il apparaissait que la précitée avait accédé à la majorité et que partant, les rentes AI complémentaires pour enfant lui revenaient directement. Il n'y avait donc pas lieu, en l'état, de procéder à une interprétation outrepassant le pouvoir de cognition du juge des mesures provisionnelles, puisqu'il ne s'agissait plus de "déterminer en quelles mains de parent le versement des rentes revenait".

L'action de B______ apparaissait ainsi très vraisemblablement fondée, de sorte qu'il convenait de faire droit à sa conclusion en suspension provisoire de la poursuite, les conditions d'effectivité de la saisie étant par ailleurs désormais remplies, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner plus avant si les conditions de l'art. 277 CC étaient satisfaites.


 

EN DROIT

1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles si la valeur litigieuse est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

1.2 En l'espèce, l'appelant requiert, à titre provisionnel, la suspension d'une poursuite introduite à son encontre et portant sur une créance d'un montant en capital de 55'725 fr. 20, de sorte que la valeur litigieuse est atteinte.

Par ailleurs, l'exception prévue par l'art. 309 lit. b ch. 4 CPC concernant l'art. 85 LP est précise et ne s'étend volontairement pas à l'action prévue par l'art. 85a LP (Bodmer/Bangert, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs I, 2010, n. 6a ad art. 85a LP; Jeandin, CR-CC, Bâle 2019, n. 12 ad art. 309 CPC).

Il s'ensuit que la voie de l'appel est ouverte.

Interjeté dans le délai utile de 10 jours (art. 314 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC); dans le cadre de mesures provisionnelles, instruites selon la procédure sommaire (art. 248 let. 4 CPC). Sa cognition est toutefois circonscrite à la vraisemblance des faits allégués ainsi qu'à un examen sommaire du droit (ATF 131 III 473 consid. 2.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5.1; 2C_611/2011 du 16 décembre 2011, consid. 4.2). Les moyens de preuve sont, en principe, limités à ceux qui sont immédiatement disponibles (art. 254 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, p. 283 n. 1556).

La preuve est généralement apportée par titre au sens de l'art. 177 CPC et, sauf exception, la maxime des débats s'applique (art. 55 al. 1 CPC; Bohnet, in Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 201 s.). Le requérant est ainsi tenu d'apporter tous les faits pertinents à l'appui de sa prétention et de produire les preuves qui s'y rapportent.

2. 2.1 En vertu de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

Il faut distinguer les "vrais nova" des "pseudo nova". Les "vrais nova" sont des faits et moyens de preuve qui ne sont survenus qu'après la fin des débats principaux, soit après la clôture des plaidoiries finales (cf. ATF 138 III 788 consid. 4.2; Tappy, in CPC, Commentaire romand, 2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 229 CPC). En appel, ils sont en principe toujours admissibles, pourvu qu'ils soient invoqués sans retard dès leur découverte. Les "pseudo nova" sont des faits et moyens de preuve qui étaient déjà survenus lorsque les débats principaux de première instance ont été clôturés. Leur admissibilité est largement limitée en appel, dès lors qu'ils sont irrecevables lorsqu'en faisant preuve de la diligence requise, ils auraient déjà pu être invoqués dans la procédure de première instance. Il appartient au plaideur d'exposer en détails les motifs pour lesquels il n'a pas pu présenter le "pseudo nova" en première instance déjà (ATF 143 III 42 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1006/2017 du 5 février 2018 consid. 3.3).

2.2 En l'espèce, la pièce nouvelle 6 de l'appelante a été envoyée à celle-ci après que le Tribunal avait gardé la cause à juger, de sorte qu'elle est recevable, comme les faits qu'elle vise. Ces faits ont été intégrés à la partie "En fait" ci-dessus, sous let. C.d.

Les indications figurant au Registre du commerce accessibles sur Internet sont des faits notoires, de sorte que la pièce nouvelle 7 de l'appelante est recevable (cf. art. 151 CPC).

La recevabilité des pièces nouvelles 8 et 9 de l'appelante peut demeurer indécise, compte tenu du fait qu'elles ont été produites à l'appui de la requête d'effet suspensif, jugée par la Cour le 10 mars 2023.

Les allégations nouvelles des parties au sujet du versement direct à l'appelante de la rente complémentaire pour enfant auraient pu être formées en première instance, de sorte qu'elles ne sont pas recevables.

3. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir considéré à tort que l'action en annulation de la poursuite était très vraisemblablement fondée, alors que la Cour s'était déjà prononcée, avec un même pouvoir de cognition, sur les motifs fondant la requête en suspension provisoire de la poursuite.

3.1

3.1.1 Aux termes de l'art. 85a LP, que la poursuite ait été frappée d'opposition ou non, le débiteur poursuivi peut agir en tout temps au for de la poursuite pour faire constater que la dette n'existe pas ou plus, ou qu'un sursis a été accordé (al. 1). S'il admet la demande, le tribunal ordonne l'annulation ou la suspension de la poursuite (al. 3).

Selon la jurisprudence, cette action en annulation de la poursuite a été introduite pour éviter que le débiteur ne fasse l'objet d'une exécution forcée sur son patrimoine alors que sa dette est inexistante ou non exigible. Le législateur a ainsi voulu offrir un moyen de défense supplémentaire au poursuivi qui, notamment, a omis de former opposition ou dont l'opposition a été définitivement écartée (ATF 129 III 197 consid. 2.1; 125 III 149 consid. 2c).

L'action de l'art. 85a LP revêt une double nature. Elle entraîne d'une part, sur le plan du droit matériel, la constatation de l'inexistence de la dette ou de l'octroi d'un sursis; d'autre part, elle a des effets en droit des poursuites, en ce sens que la poursuite est annulée ou suspendue si l'action est admise (ATF 129 III 197 consid. 2.1; 125 III 149 consid. 2c; arrêt du Tribunal fédéral 5P. 337/2006 du 27 novembre 2006 consid. 4 publié à la Pra 2007 no 59 p. 393).

Lorsque la mainlevée définitive a été accordée sur la base d'un jugement (art. 80 al. 1 LP), le poursuivi qui agit sur la base de l'art. 85a LP ne peut, compte tenu de la force de chose jugée du jugement, se prévaloir - en dehors d'exceptions très limitées découlant du jugement lui-même (p. ex. condamnation à une exécution trait pour trait, conditionnelle, ou préalable du créancier poursuivant) - que des faits survenus après l'entrée en force de celui-ci, à savoir des novas proprement dits, telle une extinction postérieure. Le poursuivi ne peut remettre en cause l'existence de la créance établie par un jugement (ou une décision administrative) que par les voies de droit ordinaires ou extraordinaires prévues par la loi. Le magistrat saisi de l'action de l'art. 85a LP ne peut que tenir compte, cas échéant, d'un fait nouveau, à savoir l'existence d'une nouvelle décision rendue au terme d'une telle procédure de recours ordinaire ou extraordinaire, et examiner s'il en résulte que la créance déduite en poursuite n'existe pas. Dans l'affirmative, il peut ensuite annuler la poursuite (arrêts du Tribunal fédéral 5D_29/2019 du 21 janvier 2020 consid. 1.; 5A_135/2019 du 24 avril 2019 consid. 3.1.2; 5A_445/2012 du 2 octobre 2013 consid. 4.1; 5A_269/2013 du 26 juillet 2013 consid. 5.1.2).

3.1.2 Selon l'art. 85a al. 2 LP, dans la mesure où, après avoir d'entrée de cause entendu les parties et examiné les pièces produites, le juge estime que la demande est très vraisemblablement fondée, il ordonne la suspension provisoire de la poursuite avant la réalisation ou, si celle-ci a déjà eu lieu, avant la distribution des deniers s'il s'agit d'une poursuite par voie de saisie ou en réalisation de gage ou après la notification de la commination de faillite s'il s'agit d'une poursuite par voie de faillite.

La suspension provisoire de la poursuite constitue le seul moyen dont dispose le poursuivi pour sauvegarder son droit à l'examen de sa demande d'annulation de la poursuite sans qu'elle n'aille sa voie (ATF 125 III 149 consid. 2c; arrêts du Tribunal fédéral 5A_473/2012 du 17 août 2012 consid. 1.1; 5P_69/2003 du 4 avril 2003 consid. 4.1.2). Dans ce cadre, les preuves sont rapportées par titre (arrêt du Tribunal fédéral 4A_638/2018 du 19 mars 2019 consid. 6).

3.1.3 Lorsque la demande au fond apparaît manifestement mal fondée ou dilatoire, le poursuivi ne saurait bénéficier d'aucune suspension sur mesures provisionnelles de la poursuite, qu'elle soit provisoire ou pré-provisoire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_473/2012 du 17 août 2012 consid. 1.1; 5P.69/2003 du 4 avril 2003 consid. 5.3.1).

Pour que la suspension provisoire puisse être ordonnée, il faut dès lors que le fondement de la demande apparaisse comme très vraisemblable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_638/2018 du 19 mars 2019 consid. 6; 5A_473/2012 du 17 août 2012 consid. 1.1; 5P.69/2003 du 4 avril 2003 consid. 5.3.1 et les références citées). La demande doit être considérée comme très vraisemblablement fondée dès que les chances de gagner le procès sont plus élevées pour le poursuivi que pour le poursuivant (arrêt du Tribunal fédéral 5A_196/2023 du 6 avril 2023 consid. 3.2). Une preuve stricte n'est pas exigée (Schmidt, Commentaire romand LP. 2005, n. 9 ad art. 85a LP).

3.2 Le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (art. 80 al. 1 LP). En vertu de l'art. 81 al. 1 LP, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription.

Contrairement à ce qui vaut pour la mainlevée provisoire (art. 82 al. 2 LP), le poursuivi ne peut se borner à rendre sa libération vraisemblable; il doit, au contraire, en apporter la preuve stricte (ATF 136 III 624 consid. 4.2.1 et les références citées).

3.3 A teneur du texte français de l'art. 285a CC, les rentes d'assurances sociales et les autres prestations destinées à l'entretien de l'enfant qui reviennent à la personne tenue de pourvoir à son entretien doivent être payées en sus de la contribution d'entretien, sauf décision contraire du juge (al. 2). Les rentes d'assurances sociales ou les autres prestations destinées à l'entretien de l'enfant qui reviennent par la suite au père ou à la mère en raison de son âge ou de son invalidité et en remplacement du revenu d'une activité doivent être versées à l'enfant; le montant de la contribution d'entretien versée jusqu'alors est réduit d'office en conséquence (al. 3).

Selon la jurisprudence, l'art. 285a al. 3 CC (anciennement art. 285a al. 2bis aCC) permet de faire l'économie d'une procédure formelle en modification de la contribution d'entretien lorsque des rentes d'assurances sociales ou d'autres prestations destinées à l'entretien de l'enfant, telles que les rentes pour enfants selon les art. 35 LAI, 22ter LAVS, 17 et 25 LPP, reviennent par la suite au débiteur d'entretien en raison de son âge ou de son invalidité et en remplacement du revenu d'une activité (ATF 145 V 154 consid. 4.2.2.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_372/2016 du 18 novembre 2016 consid. 5.1.2 et les références citées). L'art. 285a al. 3 CC prévoit ainsi une réglementation favorable à l'ayant droit à la rente, débiteur de la contribution d'entretien.

Les textes allemand et italien de l'art. 285a al. 3 CC divergent du texte français, en ce sens que les termes "au père ou à la mère" figurant dans la 1ère phrase sont remplacés par les termes "le parent débiteur d'aliments" ("unterhaltspflichtiger Elternteil" en allemand; "il genitore tenuto al mantenimento" en italien).

Ainsi, la version allemande énonce : "Erhält der unterhaltspflichtige Elternteil infolge Alter oder Invalidität nachträglich Sozialversicherungsrenten oder ähnliche für den Unterhalt des Kindes bestimmte Leistungen, die Erwerbseinkommen ersetzen, so hat er diese Beträge an das Kind zu zahlen; der bisherige Unterhaltsbeitrag vermindert sich von Gesetzes wegen im Umfang dieser neuen Leistungen".

La version italienne énonce quant à elle : "Il genitore tenuto al mantenimento che, per motivi d'età o d'invalidità, riceva successivamente rendite delle assicurazioni sociali o analoghe prestazioni destinate al mantenimento del figlio, che sostituiscono il reddito di un'attività lucrativa, deve pagare tali importi al figlio; il precedente contributo di mantenimento va diminuito per legge dell'importo di tali nuove prestazioni".

Selon la jurisprudence, les versions allemande, française et italienne du texte légal ont la même valeur. Lorsque les textes entre les trois langues officielles divergent, il y a lieu de rechercher lequel de ces textes exprime la volonté réelle du législateur (ATF 140 IV 118 consid. 3.3.1). Il faut se demander si la différence relève d'une erreur dans la procédure législative, d'une différence de signification n'apparaissant qu'à l'occasion de cas concrets en fonction de la compréhension diverse du texte légal dans chaque langue ou, enfin, d'une différence linguistique imputable soit à une impossibilité de traduire sciemment prise en compte dans la rédaction, soit à une incertitude du législateur sur le sens effectivement voulu (ATF 140 IV 118 consid. 3.3.1; 135 IV 113 consid. 2.4.2).

3.4 L'art. 71ter du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) prévoit que lorsque les parents de l'enfant ne sont pas ou plus mariés ou qu'ils vivent séparés, la rente pour enfant est versée sur demande au parent qui n'est pas titulaire de la rente principale si celui-ci détient l'autorité parentale sur l'enfant avec lequel il vit. Toute décision contraire du juge civil ou de l'autorité tutélaire est réservée (al. 1). L'al. 1 est également applicable au paiement rétroactif des rentes pour enfant. Si le parent titulaire de la rente principale s'est acquitté de son obligation d'entretien vis-à-vis de son enfant, il a droit au paiement rétroactif des rentes jusqu'à concurrence des contributions mensuelles qu'il a fournies (al. 2). La majorité de l'enfant ne modifie pas le mode de versement appliqué jusque-là, sauf si l'enfant majeur demande que la rente pour enfant lui soit versée directement. Toute décision contraire du juge civil ou de l'autorité tutélaire est réservée (al. 3).

La règle prévue à l'art. 71ter al. 2 RAVS vise à éviter que lorsque le parent débiteur des contributions d'entretien s'en est effectivement acquitté, les arriérés de la rente pour enfant soient versés à l'enfant. Ceci conduirait en effet à une surindemnisation discutable au regard du but de la rente complémentaire pour enfant, qui tend à alléger le devoir d'entretien du débiteur devenu invalide et à compenser la diminution du revenu de son activité, et non à enrichir le bénéficiaire de l'entretien (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 840/04 du 28 décembre 2005 consid. 4.2). Le Tribunal fédéral a interprété l'art. 71ter al. 2 1ère phr. RAVS en ce sens qu'il autorise également le paiement rétroactif des rentes pour enfants en mains du parent non bénéficiaire de la rente principale, lorsqu'il est établi que les enfants ont vécu de manière durable et stable chez ce parent et que celui-ci a assumé effectivement leur entretien et leur éducation durant cette période (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 364/05 du 19 juin 2006 consid. 4.2).

3.5 Si, à sa majorité, l'enfant n'a pas encore de formation appropriée, les père et mère doivent, dans la mesure où les circonstances permettent de l'exiger d'eux, subvenir à son entretien jusqu'à ce qu'il ait acquis une telle formation, pour autant qu'elle soit achevée dans les délais normaux (art. 277 al. 2 CC).

Le devoir d'entretien des père et mère de l'enfant majeur est destiné à permettre à celui-ci d'acquérir une formation professionnelle, à savoir les connaissances qui lui permettront de gagner sa vie dans un domaine correspondant à ses goûts et à ses aptitudes. La formation tend donc à l'acquisition de ce qui est nécessaire pour que l'enfant puisse faire face par ses propres ressources aux besoins matériels de la vie (ATF 117 II 372 consid. 5b; arrêt du Tribunal déféral 5A_717/2019 du 20 avril 2020 consid. 5.2.1). Elle doit être achevée dans des délais normaux, ce qui implique que l'enfant doit s'y consacrer avec zèle ou en tout cas avec bonne volonté, sans toutefois faire preuve de dispositions exceptionnelles. La loi n'impose pas l'assistance à un étudiant qui perd son temps; il y a lieu d'accorder une importance décisive à l'intérêt, à l'engagement et à l'assiduité que manifeste un enfant à l'égard d'une formation déterminée dont on peut légitimement admettre qu'elle correspond à ses aptitudes. Il incombe à l'enfant qui a commencé des études depuis un certain temps et réclame une pension de faire la preuve qu'il a déjà obtenu des succès, notamment qu'il a présenté les travaux requis et réussi les examens organisés dans le cours normal des études (ATF 117 II 127 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_717/2019 du 20 avril 2020 consid. 5.2.1; 5A_664/2015 du 25 janvier 2016 consid. 2.1).

Le jugement qui condamne le poursuivi au versement de contributions d'entretien au-delà de la majorité (art. 277 al. 2 CC) est conditionnellement exécutoire, en ce sens qu'il soumet cet entretien à la condition résolutoire de l'achèvement de la formation dans un délai raisonnable (ATF 144 III 193 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_719/2019 du 23 mars 2020 consid. 3.3.1; 5A_445/2012 du 2 octobre 2013 consid. 4.3, SJ 2014 I 189; ABBET, op. cit., n. 37 ad art. 80 LP). La question de savoir si la formation a été ou non achevées dans des "délais normaux" dépend des circonstances du cas concret, dont l'examen - sous réserve de situations manifestes - excède la cognition du juge de la mainlevée définitive, auquel il n'appartient pas de trancher des questions délicates de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important (arrêts du Tribunal fédéral 5A_719/2019 et 5A_720/2019 précités consid. 3.3.1).

Lorsque le jugement prévoit une condition résolutoire, il incombe au débiteur d'apporter la preuve stricte - par titre immédiatement disponible - de la réalisation de la condition résolutoire, à moins que celle-ci ne soit reconnue sans réserve par le créancier ou qu'elle ne soit notoire (ATF 144 II 193 consid. 2.2; 136 III 624 consid. 4.2.1 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1023/2018 du 8 juillet 2019 consid. 6.2.1).

3.6 Le droit à la contribution d'entretien appartient à l'enfant (art. 289 al. 1 CC). Le détenteur de l'autorité parentale dirige les soins et l'éducation de l'enfant en vue de son bien et prend les décisions nécessaires, sous réserve de sa propre capacité (art. 301 al. 1 CC). En cas de conflit d'intérêts, les pouvoirs des parents dans l'affaire en question sont supprimés de par la loi (art. 306 al. 3 CC). Il découle de ces deux dispositions que les décisions concernant l'enfant prises par le père ou la mère qui détient l'autorité parentale ne sont pas systématiquement imputables à l'enfant, en particulier lorsqu'elles ne sont pas compatibles avec son bien (art. 301 al. 1 CC) ou en présence d'un conflit d'intérêts (art. 306 al. 3 CC) (arrêt du Tribunal fédéral 5A_382/2021 du 20 avril 2022 consid. 3.3 non publié in 148 III 353).

3.7 En l'espèce, dans son arrêt du 20 octobre 2022, la Cour - statuant en procédure sommaire dans le cadre de la mainlevée définitive visant la même créance que celle qui est litigieuse dans la présente procédure - a considéré, après un examen détaillé des arguments de l'intimé, que celui-ci n'avait pas établi les moyens libératoires qu'il invoquait. La Cour de céans fait entièrement siens les développements figurant à ce sujet dans l'arrêt précité (ci-dessus, "En fait", let. C.f.c). Sur cette base, il n'est pas possible de retenir que l'action en annulation de la poursuite est très vraisemblablement fondée, soit que les chances de gagner le procès au fond sont plus élevées pour l'intimé que pour l'appelante.

Il n'est pas rendu vraisemblable que la rente complémentaire pour enfant est versée directement à l'appelante. Il ne résulte en effet pas des pièces produites que celle-ci, devenue majeure, aurait fait une demande en ce sens à la caisse de compensation. Par ailleurs, le fait qu'en février 2003 la caisse ait remboursé un certain montant à l'intimé n'est pas déterminant, d'autant moins que les raisons de ce remboursement ne résultent pas du dossier et qu'il n'est donc pas possible de vérifier si celui-ci est intervenu en conformité des dispositions de l'art. 71ter RAVS.

En toute hypothèse, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, il est nécessaire, même si l'appelante est majeure, de déterminer si l'art. 285a al. 3 CC est applicable lorsque le débirentier qui réduit d'office la contribution d'entretien n'est pas l'ayant droit de la rente principale, comme en l'espèce. Il sied de souligner que l'état de fait soumis à la Cour dans le cadre de la procédure de mainlevée était le même que celui qui occupe la Cour de céans, sous réserve de l'évolution du parcours d'études de l'appelante.

L'examen des arguments sur lesquels l'intimé fonde son action en annulation de la poursuite exige, comme en matière de mainlevée définitive, des actes d'instruction incompatibles avec le caractère sommaire de la procédure. A ce stade, lesdits arguments ne sont pas rendus hautement vraisemblables.

Le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance attaquée sera donc annulé et il sera statué à nouveau dans le sens que la requête de suspension provisoire de la poursuite sera rejetée (art. 327 al. 3 let. b CPC).

4. 4.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC). Les frais (frais judiciaires et dépens) sont en principe mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 al. 1. CPC).

4.2 Il n'y a pas lieu de modifier la décision du premier juge de réserver sa décision finale quant au sort des frais, laquelle est conforme à la loi (art. 104 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires de deuxième instance seront arrêté à 500 fr. pour l'appel (art. 48 et 61 OELP) et à 200 fr. pour l'arrêt sur effet suspensif. Ils seront mis à charge de l'intimé à concurrence de 500 fr. et à charge de l'appelante à concurrence de 200 fr. (art. 106 CPC). Il seront compensés avec l'avance de 1'200 fr. versée par l'appelante (art. 111 al. 1 CPC), avance qui demeurera acquise à l'Etat de Genève à due concurrence. Les Services financiers du Pouvoir judiciaires restitueront 500 fr. à l'appelante et l'intimé versera 500 fr. à celle-ci.

L'intimé versera à l'appelante 1'000 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens d'appel réduits (art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC; art. 106 al. 1 CPC pour l'issue de la procédure sur effet suspensif).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 16 février 2023 par A______ contre le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance OTPI/86/2023 rendue le 6 février 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23549/2022-25.

Au fond :

Annule le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance attaquée et, statuant à nouveau sur ce point :

Rejette la requête de B______ tendant à la suspension provisoire de la poursuite n° 1______.

Confirme l'ordonnance attaquée pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 700 fr., les met à charge de B______ à concurrence de 500 fr. et à charge de A______ à concurrence de 200 fr. et les compense avec l'avance effectuée.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 500 fr. à A______.

Condamne B______ à verser à A______ 500 fr. à titre de restitution des frais judicaires d'appel et 1'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.