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Décisions | Chambre civile

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C/24014/2019

ACJC/1711/2022 du 21.12.2022 sur JTPI/16031/2021 ( OO ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 10.02.2023, rendu le 13.06.2023, CONFIRME, 4A_96/2023
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24014/2019 ACJC/1711/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 21 DECEMBRE 2022

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 décembre 2021, comparant par Me Shahram DINI, avocat, place du Port 1, 1204 Genève, en l'Etude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur C______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Daniel UDRY, avocat, rue du Rhône 100, 1204 Genève, en l'Etude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/16031/2021 du 21 décembre 2021, reçu par A______ SA le 1er février 2022, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur requête de sûretés, a rejeté la requête en fourniture de sûretés déposée le 6 juillet 2021 par C______ (ch. 1 du dispositif). Statuant par voie de procédure ordinaire, sur demande principale, il a rejeté l'action en libération de dette formée par A______ SA dans le cadre de la poursuite n. 1______ (ch. 2). Sur demande reconventionnelle, il a condamné A______ SA à payer à C______ les sommes de 300'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2018, 4'600'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2018, 2'300'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2018, 25'361 fr. 45 plus intérêts à 5% l'an dès le 25 février 2019, 360'837 fr. 60 plus intérêts à 5% l'an dès le 25 février 2019 et 108'467 fr. 80 plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 25 février 2019 (ch. 3) ainsi que prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ SA au commandement de payer, poursuite n. 1______, à concurrence des montants sous chiffre 3 du dispositif (ch. 4). Il a arrêté les frais judiciaires à 20'000 fr., compensés avec l'avance de frais effectuée par A______ SA en 80'000 fr. et mis à la charge de celle-ci, invité les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à ce titre à A______ SA la somme de 60'000 fr. et à C______ la somme de 2'000 fr. (ch. 5), condamné A______ SA à payer à C______ la somme de 35'000 fr. TTC au titre de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

b. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 3 mars 2022, A______ SA a formé appel à l'encontre dudit jugement, concluant, sous suite de frais, à l'annulation des chiffres 2 à 7 de son dispositif et, cela fait, à ce qu'il soit dit et constaté qu'elle ne doit pas à C______ les sommes de 300'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2018, 4'600'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2018 et 2'300'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2018, faisant l'objet de la mainlevée provisoire prononcée par jugement du Tribunal de première instance JTPI/13913/2019 dans la cause C/2______/2019 le 2 octobre 2019 et de la poursuite n. 1______. Elle a conclu également à ce qu'il soit dit et constaté qu'elle ne doit pas à C______ les sommes de 25'361 fr. 45 plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 25 février 2019, 360'837 fr. 60 plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 25 février 2019 et 108'467 fr. 80 plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 25 février 2019 faisant l'objet de la poursuite n. 1______. Enfin, elle a sollicité qu'il soit dit que la poursuite n. 1______ n'ira pas sa voie. SM______idiairement, elle a conclu au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

c. Dans sa réponse du 16 mai 2022, C______ a conclu, sous suite de frais, à la confirmation du jugement entrepris.

d. Les 22 juin et 19 juillet 2022, les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. Par courriers du 7 septembre 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ SA est une société ayant son siège à Genève et pour but la promotion, l'achat et la vente de biens immobiliers. D______, née en 1968, en est l'unique administratrice et actionnaire.

C______, né en 1952, est un banquier privé aguerri, ancien associé senior du groupe bancaire "E______".

b. D______ et C______ ont fait connaissance aux alentours de l'année 2001. Ils ont entretenu une relation sentimentale durant quatre ans, ayant perduré, selon les parties, sous la forme d'une relation d'"amitié amoureuse", ceci également après le mariage de celui-ci intervenu en 2005.

c. Par contrat du 8 décembre 2004, C______ a accordé à D______ un prêt de 200'000 fr. Selon les allégations de celui-ci et aux termes dudit contrat, le but était de "financer sa société F______ SA". Le prêt portait intérêts à 2,5% l'an et était remboursable au 31 décembre 2014.

Ce contrat a été transmis à D______ par C______ avec une note manuscrite non datée dont le contenu est le suivant : "Chère D______ [prénom], voici comme promis un document qui te permettra de prouver à la banque G______ quelle est l'origine et la nature des fonds transférés en faveur de F______ SA. Amitiés, C______ [prénom]".

C______ a procédé, notamment au cours de l'année 2006, à des versements importants auprès de la banque G______ sur le compte de la société F______ SA, dont D______ était directrice munie de la signature individuelle.

Aux termes d'une note manuscrite du 23 juin 2006, C______ communiquait à D______ un relevé de compte M______ démontrant qu'il avait effectué en faveur de celle-ci quatre, et non deux, virements de 50'000 fr. "depuis février". Il avait "néanmoins fait encore un transfert de 50'000 fr. mais cette fois en faveur de la G______".

Aucune somme n'a été remboursée par F______ SA à C______.

Selon A______ SA, C______ aurait en définitive financé sans contrepartie des travaux d'aménagement du centre de beauté et de remise en forme exploité à Genève par F______ SA, à hauteur de 1'000'000 fr. environ, montant total qui est contesté. Elle expose, ce qui est contesté, que cette donation était, pour des raisons fiscales, dissimulée par le contrat de prêt précité signé en 2004, ce qui ressortirait de la note manuscrite non datée mentionnée plus haut. C______ a, pour sa part, allégué avoir renoncé au remboursement des sommes avancées en raison de la mauvaise rentabilité du projet, motif qui est contesté. Devant le Tribunal, il a précisé ne pas avoir sollicité de remboursement car la société précitée était dépourvue d'actifs et il n'imaginait pas pouvoir en récupérer quelque chose.

d. En 2006, C______ a fait don à D______ d'un appartement sis à H______ (France) d'une valeur de 160'210 Euros dont il était propriétaire, que celle-ci habitait et dans lequel ils se retrouvaient pour leurs rencontres.

Dans la note manuscrite du 23 juin 2006 citée plus haut, C______ écrivait à D______ ce qui suit : "Chère D______, voici comme convenu une copie du contrat de vente original de ton appartement. Il faudrait faire examiner comment je pourrais t'en transférer la propriété sans que cela ne nous pose de problème fiscal ni à toi ni à moi".

Un acte de vente devant notaire a été signé par les précités le 29 novembre 2006.

e. En février 2007, C______ a fait don à D______ d'un terrain sis à I______ (France) d'une valeur de 376'000 Euros, en finançant l'achat du bien par la précitée moyennant le versement d'un montant de 404'250 Euros sous forme de chèques remis à celle-ci. Le nom du précité n'est pas apparu dans ces opérations.

f. Par acte notarié du 10 février 2010, C______ a procédé à deux donations en faveur de D______ d'immeubles sis à Lucerne destinés à la location, d'une valeur totale de 8'000'000 fr. Le but était d'assurer à D______ un patrimoine et des revenus réguliers.

D______ avait cherché ces biens dans le canton de Lucerne en raison du fait que les donations y étaient exemptées de taxes. C______ a procédé à leur acquisition et en est resté propriétaire entre six mois et une année avant de procéder à leur donation en faveur de D______. Le respect de ce délai avait également pour motif d'éviter l'impôt.

g.a Durant l'été 2013, D______ a fait part à C______ de son projet d'acquisition d'un terrain sis dans la commune de J______ [GE] pour développer une promotion immobilière (ci-après : la promotion immobilière).

Il a été convenu que C______ financerait ce projet.

g.b D______ a versé au moyen de ses propres deniers le montant du capital de 100'000 fr. pour constituer A______ SA, dont l'existence était liée audit projet.

g.c Le 3 juillet 2013, A______ SA a signé un contrat de vente à terme portant sur un terrain sis à J______.

g.d Par acte du 4 septembre 2013, pour financer cet achat, les frais de mutation et de notaire ainsi que les premiers acomptes pour l'architecte, C______ a consenti à A______ SA un prêt hypothécaire de 8'000'000 fr., portant intérêt annuel moyen à 2,7% fixe (ci-après : le contrat de prêt hypothécaire). Les signatures des parties au contrat ont été légalisées devant notaire.

Ce prêt a été garanti par huit cédules hypothécaires de 1'000'000 fr. chacune, grevant la propriété et détenues par C______. Son remboursement devait intervenir par tranches de 2'000'000 fr. les 6 septembre 2015, 6 septembre 2016, 6 septembre 2017 et 6 septembre 2018.

C______ a allégué que "contrairement aux donations et aux cadeaux clairement désignés comme tels, la volonté des parties était ici de contracter un prêt", ce qui a été admis.

g.e A______ SA envisageait de procéder à une vente sur plans de la promotion immobilière. Cela n'a pas pu avoir lieu en raison de la baisse de 10 à 15% des ventes sur l'arc lémanique à la suite de la modification des règles sur l'utilisation du 2ème pilier dans l'acquisition immobilière.

g.f C______ et A______ SA, représentée par D______, ont signé les trois autres contrats de prêt suivants, les signatures étant légalisées devant notaire (ci-après : les contrats litigieux) :

i) Le premier de 300'000 fr. signé le 9 juillet 2014 avait pour but de financer le début des travaux de la promotion immobilière;

ii) Le deuxième de 4'600'000 fr. signé le 29 octobre 2014 avait pour but de financer les travaux de la promotion immobilière jusqu'à la phase dite "hors d'eau hors d'air";

iii) Le troisième de 2'300'000 fr. signé le 22 mai 2016 avait pour objectif de financer les travaux jusqu'à la remise des clés pour l'ensemble des villas.

Pour ce qui est des trois contrats, aucune garantie n'a été convenue et un taux d'intérêt de 2% l'an ainsi qu'un remboursement au 30 septembre 2018 ont été stipulés.

Les montants précités ont été versés selon les termes des contrats par C______ à A______ SA. Les avis de débit y relatifs des 22 juillet et 31 octobre 2014 ainsi que 23 mai 2016 faisaient état des mentions suivantes : "Bénéficiaire : A______ SA […] Communication : Prêt […] ".

g.g Le 22 mai 2016, date de conclusion du troisième contrat litigieux, C______ a adressé à D______ un courriel dont la teneur est la suivante : "J'ai pu aller à mon bureau […] j'ai signé […] et j'ai déjà ordonné le virement. Il serait maintenant utile de faire un plan pour la suite, car ce sera plus facile pour les cas où je ne suis pas disponible […]. Jusqu'à maintenant j'ai financé le projet à raison de 108'000 fr. de commission de l'intermédiaire, 8'000'000 fr. de prêt hypothécaire, 4'600'000 fr. de prêt chirographaire et encore maintenant 2'300'000 fr. de prêt supplémentaire […]. Sais-tu quelles sont actuellement les prévisions de l'entreprise pour le coût total clés en mains, ce qu'il est nécessaire de savoir pour évaluer le succès de l'entreprise, et le coût de revient final de l'opération? Et est-ce qu'ils donnent maintenant une date pour la fin de la construction? J'ai vu aussi que le prêt hypothécaire fait l'objet de remboursements, dont une partie aurait déjà dû avoir lieu. Pour que j'aie une vision claire, ce serait bien que j'aie le bilan et le compte de PP de la société A______ SA. As-tu une telle comptabilité à me fournir, et si oui, a-t-elle déjà fait l'objet de la révision? Finalement, tu me dis qu'une partie du prêt est destinée à me payer les intérêts. Y aurait-il intérêt à porter en compte ces intérêts? Cela m'éviterait de payer des impôts sur un revenu qui n'en est pas encore vraiment un et permettrait peut-être d'éviter un plus grand financement à l'avenir. Je t'embrasse et me réjouis de te revoir."

g.h Aucun remboursement des montants faisant l'objet des trois contrats litigieux n'est intervenu.

A______ SA soutient que C______ lui a fait don des montants versés, ces trois contrats étant simulés pour des raisons fiscales, ce qui est contesté. Selon elle, les parties étaient associées et avaient un but commun, à savoir le maintien en secret de la relation personnelle entre D______ et le précité ainsi que le bien-être matériel et l'épanouissement, notamment professionnel, de D______. S'agissant de la légalisation des signatures, D______ a exposé devant le Tribunal que les contrats litigieux avaient été signés "pour fournir un cadre juridique comme par le passé". Elle a ajouté ce qui suit : "Je n'avais absolument pas de craintes suite à la signature de ce document car nous nous faisions confiance et cela avait toujours fonctionné comme ça". Devant le Tribunal, C______ a, quant à lui, déclaré n'avoir eu aucun intérêt à s'associer aux projets de A______ SA. Le but du versement des montants faisant l'objet des prêts était de permettre à D______ de réaliser un bénéfice dans le cadre de la promotion immobilière. Il n'avait pas sollicité de garantie hypothécaire, car il faisait confiance à l'administratrice de A______ SA. Par ailleurs, selon lui, en sollicitant la légalisation des signatures, ce qui avait pour objectif de donner un cadre plus solennel aux contrats de prêt, il aurait accepté que les trois actes en question soient soumis à l'Administration fiscale, ce qui démontrerait que ces actes n'étaient pas simulés.

h. Le 19 janvier 2017, C______ a fait don à D______ d'un diamant solitaire d'une valeur de 630'000 USD, acquis par ses soins auprès de la joaillerie K______ à Genève au prix de 530'000 fr., étant relevé que la facture y relative a été libellée au nom de la précitée exclusivement.

Par messages des 16 et 17 janvier 2017, C______ avait fait part à D______ de ce qui suit : "Sur le plan pratique j'aimerais toutefois qu'ils te disent comment faire pour qu'ils ne sachent pas de qui cela vient. Vu l'importance de l'objet la discrétion est essentielle. Et je ne voudrais pas que toi ou moi devions payer un impôt de donation sur une transaction comme cela. Peux-tu voir avec eux? [...] Je peux faire le virement maintenant si tu me confirmes que tout est bon. Je reste un peu soucieux pour l'impôt de donation mais le risque est faible".

i. Le 12 avril 2017, D______ a adressé à C______ un message dont la teneur est la suivante : "[…] Je n'insisterai pas plus que ça, de toute façon ta décision était déjà prise. Aussi, je ne comprends pas, comme à chaque fois que je te sollicite, ton argumentation qui pour moi n'a pas de sens dans la mesure où le projet de J______ a bien été géré et jusqu'au bout. Je te rappelle que pour ce cas comme ceux que je projetais de faire tu prêtes de l'argent à A______ SA et donc tu n'es pas investisseur! C'est pour me rendre service et surtout pour m'occuper dans une activité épanouissante (je t'ai prouvé à plusieurs reprises mon sérieux et la réussite de mes engagements). Tu es toujours dans une peur panique alors qu'il n'y a pas lieu !!! Ton argent ne va pas s'envoler car tu sais tb aussi que la construction c'est un domaine qui paye de toute façon. J'en conclus que c'est juste pour me dire non pour me faire du mal!! Tu me freines dans mon enthousiasme […] A______ SA te remboursera comme convenu […]".

j. En date du 15 décembre 2017, aux termes d'un courriel de C______ à Me L______, notaire, le premier pensait avoir reçu de A______ SA, au titre du remboursement du contrat de prêt hypothécaire, la somme totale de 6'000'000 fr. en six paiements de 1'000'000 fr. effectués chacun d'entre eux à l'occasion de la vente d'une parcelle sise à J______. A cette date, selon lui, un montant de 2'000'000 fr. restait ainsi encore dû sur le capital du prêt hypothécaire, auquel il convenait d'ajouter les intérêts non payés aux échéances prévues.

En date du 29 mars 2018, à teneur d'un courriel de Me L______ à C______, la dernière parcelle sise à J______, grevée d'une cédule hypothécaire de 1'000'000 fr., avait été vendue. Ce montant serait payé la semaine suivante en faveur de celui-ci. Ainsi, l'entier du capital de 8'000'000 fr. faisant l'objet du prêt hypothécaire serait, ensuite de ce paiement, remboursé.

Cette dernière tranche de 1'000'000 fr. du capital prêté a été remboursée le 4 avril 2018, étant relevé que l'avant-dernière tranche du même montant qui restait encore due selon C______ le 15 décembre 2017 avait donc été payée dans l'intervalle.

Selon le décompte final établi par A______ SA et transmis pour accord par le notaire susvisé à C______ le 17 avril 2018, un montant de 883'458 fr. restait à payer le 4 avril 2018 au titre des intérêts sur le prêt hypothécaire, après déduction de la somme de 60'000 fr. réglée à ce titre le 6 novembre 2014.

Les intérêts encore dus sur le prêt hypothécaire ont été payés le 4 mai 2018.

k.a Le 14 août 2018, C______ a adressé un courriel à D______ dont la teneur est la suivante : "Comme nous ne pourrons pas nous voir à court terme en raison de nos voyages respectifs je t'écris concernant les prêts de gré à gré de A______ SA. En effet, ils échoient dès la fin septembre mais peuvent être remboursés par anticipation si les deux parties sont d'accord. Vu que la promotion est terminée et qu'à ce stade le temps qui passe ne fait qu'augmenter la charge d'intérêts, je voulais te proposer de les rembourser par anticipation si ça t'arrange".

k.b D______ a répondu le lendemain dans ces termes : "Ne t'inquiète pas trop, si cela peut te rassurer, je préférerai qu'on se voit à ton retour pour discuter des formalités".

k.c Le 14 septembre 2018, D______ et C______ se sont rencontrés. Ce dernier a appris que A______ SA avait investi dans un nouveau projet le "solde disponible" de la promotion immobilière d'environ 2'000'000 fr.

Devant le Tribunal, D______ a déclaré ce qui suit : "A cette occasion, j'avais préparé une documentation détaillée. J'avais déjà entamé la discussion précédemment sur ce nouveau projet. Il n'était pas intéressé par ce projet et souhaitait que nous ayons des relations intimes ce que j'ai refusé. Il l'a très mal pris et m'a indiqué que je verrais ce qu'il se passerait par la suite. Le revirement de Monsieur C______ a mis fin au second projet de A______ SA".

k.d Le jour même, C______ écrivait ce qui suit à D______ : "[…] Je comprends ta frustration et que tu l'aies exprimée. C'est vrai que tu m'as mis devant un fait accompli de manière très cavalière, et que ça m'a étonné et un peu choqué. Tu ne le vois évidemment pas ainsi mais que quoi qu'il en soit nous restons liés par cette affaire et je compte sur toi et te fais confiance pour faire de ton nouveau projet un grand succès".

k.e Dans un courrier du 31 octobre 2018, C______ a fait part à D______ de ce qui suit : "[…] Je sais que je t'ai déçue et blessée, il y a maintenant 16 ans, en me tournant ailleurs, puis en allant même jusqu'à sceller cette orientation par un mariage, il y a un peu plus de 13 ans. Pendant toutes ces années tu ne m'as jamais oublié, et tu as probablement gardé l'espoir. Avec le recul, peut-être aurais-je dû m'écarter complètement, pour ne pas te permettre de nourrir cet espoir. Mais il est vrai que j'avais plaisir à te voir, et j'ai l'impression que toi aussi tu y tenais. Cette relation, même décousue et distante, m'a permis aussi de t'aider à te construire une nouvelle vie en Suisse, de prendre un nouveau départ après avoir quitté tes amis et ta famille dans la région lyonnaise. Je pensais avoir fait preuve d'une certaine générosité, même si elle aurait pu et dû à tes yeux être plus spontanée. En finançant les villas de J______, j'ai accepté de te donner une chance d'exprimer ton talent. Même s'il a fallu finalement accepter de tout financer en fonds propres car les ventes peinaient à démarrer, l'ensemble a finalement été réalisé et vendu dans les temps. Pour moi la fin de ce projet était le moment de faire le point, mais tu m'as dit avoir décidé de te lancer dans un autre projet sans même m'en parler, alors même que les prêts arrivaient à échéance. Comme tu l'as compris l'autre jour, ce n'est pas comme ça que je voyais les choses, et j'en ai été choqué et déstabilisé. Je le prends comme une rupture du lien de confiance. Je comprends que tu veuilles poursuivre cette activité professionnelle qui te motive et te passionne. Mais ce n'est pas comme cela qu'il faut le faire. Un financement doit se faire sur la base d'un dossier bien monté, sur le plan architectural, commercial, juridique et financier, et tu ne m'as donné aucun élément sur tous ces points. Je ne voulais pas poursuivre cette expérience sur cette base. Je veux bien croire que tu as un projet qui, à tes yeux, est plein de potentiel. Peut-être qu'il aurait mérité que je l'analyse pour essayer d'en comprendre le potentiel et les risques. Mais comme je sens qu'il sera difficile pour nous de communiquer, pour des raisons pratiques, mais aussi émotionnelles, je pense qu'il vaut mieux que ces échanges se passent par un intermédiaire professionnel. Je souhaite donc me faire représenter pour suivre la situation dans laquelle tu m'as mis contre mon gré".

k.f Le 2 novembre 2018, D______ a répondu dans ces termes : "[…] Je t'ai expliqué la raison de cet investissement, mais tu n'as même pas essayé de comprendre ni même daigner m'écouter. Tu as voulu me punir!! […]. Tu enterres comme ça 16 ans de notre relation. […]. Tu deviens méchant et colérique. Il n'y a pas de quoi!! Lors de notre dernière entrevue tu t'es tellement braqué que je n'ai même pas eu le temps de te remettre les documents que tu m'avais demandé. […] Je n'ai pas trahi ta confiance j'ai voulu faire bien c'est tout […] Qui est-ce qui te fait tellement peur? Je suis une personne intègre et comme je te l'ai dit, je te rembourserai c'est juste que cela demandera un peu plus de temps c'est tout. […] Je voulais juste que tu sois fier de moi dans ce que je fais et ne pas dépendre de toi. […]".

k.g Par courrier de son conseil du même jour, C______ a mis A______ SA en demeure de rembourser les montants dus en capital et intérêts conformément aux contrats litigieux dans un délai échéant le 12 novembre 2018.

k.h Le 5 novembre 2018, C______ a adressé à D______ un courriel dont le contenu était le suivant : "J'ai bien compris que ces projets ont pour but de te rendre indépendante, et que je puisse être fier de toi. C'est bien avec cet esprit de soutien que je t'ai aidée à faire ta maison à I______ (dont tu ne m'as dit que le fait qu'elle s'est terminée en un "trou"), te permettre de créer F______ SA, dont j'ai dû essuyer les pertes, et de faire la promotion de J______, qui (comme je le prévoyais) ne t'a pas permis de dégager un bénéfice, mais me causera certainement des pertes. Tu veux faire maintenant un nouveau projet, et tu devrais comprendre, vu l'historique, que je puisse avoir quelques doutes. Heureusement, j'ai pu te donner sous forme de biens immobiliers dans le canton de Lucerne, un patrimoine important que peu de personnes arrivent à créer même en fin de carrière. Je l'ai fait pour que tu sois tranquille, puisse être indépendante, et vivre à l'abri du besoin. J'espère que tu as au moins bien géré ce patrimoine important. Tu parles de respect pour ce qui nous lie, et c'est aussi très important pour moi. Je n'arrive pour cette raison pas à comprendre ton attitude. En effet, la décision que tu m'as annoncée de te lancer dans un nouveau projet sans m'en parler, et en contradiction des engagements que tu avais pris par devant notaire, est incompréhensible : pour commencer c'est un manque de professionnalisme qui ne peut pas me permettre d'être "fier de toi" comme je le souhaitais; c'est potentiellement même assez malhonnête; c'est surtout un incroyable manque d'égard envers moi. J'avais déjà destiné le montant d'une grande partie de ce remboursement à une autre affectation (pas la totalité car je pensais bien que tu aurais des pertes – malgré ton absence totale de transparence sur ce sujet) et tu m'as mis dans une situation assez gênante. […] Je veux bien examiner ton nouveau projet, et il faudra probablement bien que je le fasse, mais pas dans une relation comme celle-ci. Je n'y arrive plus, mais je suis sûr que si tu collabores avec mon avocat tout reste peut-être possible".

k.i Par courriel du jour même, D______ a répondu notamment dans ces termes : "Je reste toujours sur ma position, je n'ai rien fait de mal, j'ai fait cette opération dans laquelle je crois car j'ai bien l'intention de te rendre ce que tu m'as prêté, tu ne m'as jamais dit que tu doutais de quoi que ce soit dans tout ce que j'ai fait. […] N'oublie pas que je t'ai déjà rendu une première partie rubis sur ongle avec des intérêts limite usuriers sympa!! Si tu tenais tant à ce que ce soit une réussite pourquoi les as-tu encaissés tu aurais pu au moins me proposer de réduire le taux quand je t'avais signifié qu'il y avait un resserrement du marché dont tu avais de toute façon connaissance. […]".

l. Après une dernière relance du 17 décembre 2018, A______ SA s'est vu notifier, le 25 février 2019, un commandement de payer, poursuite n. 1______, à concurrence des sommes de 300'000 fr., 25'361 fr. 45 (intérêts contractuels de 2% l'an du 9 juillet 2014 au 30 septembre 2018), 4'600'000 fr., 360'837 fr. 60 (intérêts contractuels de 2% l'an du 29 octobre 2014 au 30 septembre 2018), 2'300'000 fr. et 108'467 fr. 80 (intérêts contractuels de 2% l'an du 22 mai 2016 au 30 septembre 2018), le capital dû sur chacun des prêts portant intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2018 et les intérêts conventionnels dus sur chacun des prêts portant intérêts à 5% l'an dès le 30 janvier 2019.

A______ SA a formé opposition totale audit commandement de payer.

Par jugement du 2 octobre 2019, le Tribunal a prononcé la mainlevée provisoire de cette opposition à concurrence de 300'000 fr., 4'600'000 fr. et 2'300'000 fr., le tout avec intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2018.

C. a. Le 24 octobre 2019, A______ SA a déposé auprès du Tribunal une action en libération de dette à l'encontre de C______. Elle a conclu à ce qu'il soit constaté qu'elle ne lui devait pas les sommes en capital et intérêts faisant l'objet de la mainlevée provisoire prononcée par le jugement précité du Tribunal du 2 octobre 2019 et à ce qu'il soit dit que la poursuite n'irait pas sa voie.

b. C______ a conclu au déboutement de A______ SA de ses conclusions. A titre reconventionnel, il a conclu à la condamnation de celle-ci à lui payer les sommes de 7'200'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2018 et 494'666 fr. 85 plus intérêts à 5% l'an dès le 30 janvier 2019, à la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n. 1______ à concurrence de ces sommes et à ce qu'il soit dit que la poursuite irait sa voie.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions. A______ SA a pris de nouvelles conclusions tendant à ce qu'il soit constaté qu'elle ne devait pas à C______ les sommes de 25'361 fr. 45, 360'837 fr. 60 et 108'467 fr. 80 ni les intérêts sur ces sommes, C______ devant être débouté de toutes ses conclusions pour le surplus.

D. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a retenu que l'existence d'un contrat de société simple entre les parties ou entre D______ et C______ n'avait pas été démontrée. En premier lieu, l'on ne discernait pas quel aurait été le but commun des parties. A______ SA avait pour objectif de développer une activité de promotion immobilière dont elle était seule bénéficiaire. L'idée était pour l'actionnaire de développer une activité professionnelle pérenne. En second lieu, A______ SA échouait à prouver que C______ aurait pu participer à sa gestion. Il devait uniquement aider D______ à mettre un pied à l'étrier. D'ailleurs, il n'avait pas eu accès à la comptabilité de A______ SA et le nouveau projet immobilier de l'été 2018 ne lui avait pas été présenté avant l'acquisition du terrain en faisant l'objet. Qu'il ait suggéré la constitution de la société ou apporté son soutien à cette occasion n'y changeait rien. D______ avait procédé au moyen de ses propres deniers à la constitution de A______ SA. C______ n'avait par ailleurs jamais sollicité de devenir actionnaire de la société. Qu'il ait requis des informations au sujet de la promotion immobilière et la comptabilité de A______ SA ne permettait pas de retenir qu'il partageait le but de celle-ci ou de son amie. Le fait qu'il ait suggéré une nouvelle activité professionnelle à D______, lui apportant son soutien, y compris financier pour le développement de la promotion immobilière, et qu'il se soit enquis de l'issue de cette dernière, s'expliquait par leurs relations personnelles. Par ailleurs, le fait qu'il ait par le passé consenti de nombreuses donations en faveur de D______, respectivement abandonné certaines créances à son encontre, n'y changeait rien. La signature des contrats litigieux reflétait un tournant dans la relation des précités.

Le Tribunal a ensuite retenu que A______ SA échouait également dans sa démonstration d'une volonté commune de simuler la conclusion des contrats de prêt litigieux. Leur texte était clair et les signatures avaient été authentifiées par un notaire. Cela étant, les déclarations des parties relatives à leur volonté réelle divergeaient. A______ SA exposait avoir accepté de signer en raison des relations personnelles entre C______ et D______. Elle n'expliquait toutefois pas pour quels motifs ces contrats auraient été formalisés par écrit et la signature de son administratrice légalisée. L'absence de volonté de conclure les contrats de prêt ne ressortait pas davantage des comportements des parties après leur conclusion. Au vu des relations de confiance qui unissaient celles-ci et dès lors que la promotion immobilière était en cours, le fait que C______ n'ait pas réclamé de remboursement ou les intérêts convenus durant un certain temps n'était pas déterminant. Parallèlement à la conclusion du troisième prêt, en mai 2016, il avait rappelé à D______ qu'il avait financé jusqu'alors le projet et qu'une partie du remboursement du prêt hypothécaire aurait déjà dû avoir lieu. Il lui avait demandé qu'elle l'informe de la situation et lui communique la comptabilité de A______ SA. L'administratrice de A______ SA avait en outre exposé par message du 12 avril 2017 que C______ n'était pas investisseur, mais qu'il prêtait de l'argent à A______ SA laquelle le rembourserait. Elle avait par la suite réitéré ses intentions de rembourser le précité, précisant qu'une première partie l'avait déjà été.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de 30 jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) rendue dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1, 94 et 308 al. 2 CPC).

Le mémoire de réponse de l'intimé, déposé dans la forme et le délai prescrits (art. 312 CPC), est également recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition applicables au présent contentieux (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC). La procédure ordinaire s'applique (art. 243 al. 1 CPC a contrario).

2. L'appelante reproche au premier juge d'avoir nié l'existence d'un contrat de société simple conclu entre les parties et le fait que les contrats de prêt litigieux étaient simulés.

2.1.1 Lorsque la mainlevée provisoire a été accordée, le débiteur peut, dans les 20 jours à compter de la mainlevée, intenter au for de la poursuite une action en libération de dette (art. 83 al. 2 LP).

2.1.2 En présence d'un litige sur l'interprétation de clauses contractuelles, le juge doit rechercher la réelle et commune intention des parties, le cas échéant, empiriquement sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais aussi le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat, des projets de contrat, de la correspondance échangée ou encore de l'attitude des parties après la conclusion du contrat, établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 140 III 86 consid. 4.1; 125 III 263 consid. 4c; 118 II 365 consid. 1).

2.1.3 On est en présence d'un acte simulé au sens de l'art. 18 CO lorsque les deux parties sont d'accord que les effets juridiques correspondant au sens objectif de leur déclaration ne doivent pas se produire et qu'elles n'ont voulu créer que l'apparence d'un acte juridique à l'égard des tiers. La volonté de simuler un acte juridique est nécessairement liée à une intention de tromper. La volonté véritable des parties tendra soit à ne produire aucun effet juridique, soit à produire un autre effet que celui de l'acte apparent; dans ce dernier cas, les parties entendent en réalité conclure un second acte dissimulé. Juridiquement inefficace d'après la volonté réelle et commune des parties, le contrat simulé est nul, tandis que le contrat dissimulé - que, le cas échéant, les parties ont réellement conclu - est valable si les dispositions légales auxquelles il est soumis quant à sa forme et à son contenu ont été observées. Il incombe à celui qui se prévaut de la simulation d'en apporter la preuve (art. 8 CC), étant précisé qu'on ne saurait admettre trop facilement que les déclarations ou attitudes des parties ne correspondent pas à leur volonté réelle; le juge doit se montrer exigeant en matière de preuve d'une simulation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_90/2016 du 25 août 2016 consid. 3.3.2).

2.2 En l'espèce, l'appelante se plaint d'une constatation incomplète des faits, de sorte que la partie EN FAIT du présent arrêt a été complétée dans la mesure utile.

Comme le soutient l'appelante, ce litige s'inscrit dans le cadre des relations personnelles et intimes qui ont perduré pendant vingt ans entre l'intimé et D______ et non dans un contexte d'affaires commerciales.

Sans qu'il ne soit besoin, comme le demande l'appelante, d'en tirer des conclusions sous l'angle des normes relatives à la société simple, il convient de constater ce qui suit : lors de la signature des contrats litigieux, comme par le passé et jusqu'à la rupture intervenue en septembre 2018 entre l'intimé et D______, la réelle et commune intention des parties était d'assurer le bien-être, notamment économique, de cette dernière et de maintenir leurs relations personnelles. Ce "but commun ultime" des parties découle tant du contexte et de l'historique des relations entretenues par l'intimé et D______, en particulier des dons et éventuels abandons de créances du premier en faveur de la seconde, que du contenu de leurs échanges.

Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, cette constatation ne veut toutefois pas nécessairement dire que les parties auraient eu également la réelle et commune intention que l'intimé lui fasse don du capital et des intérêts objets des contrats de prêt litigieux.

Certes, en poursuivant le "but commun ultime" mentionné plus haut, l'intimé a consenti d'importantes donations et éventuellement des abandons de créances en faveur de D______, qui ont ou non été dissimulés pour des raisons fiscales et de confidentialité. Il est vrai en outre que cela a été le cas tant avant qu'après la conclusion des contrats litigieux, l'intimé ayant encore fait don à D______ d'un diamant en janvier 2017. Partant, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, lesdits contrats ne reflétaient pas un "tournant", à tout le moins décisif, dans la relation des précités.

Cela étant, ce n'est pas parce que l'intimé a agi de la sorte, qu'il voulait forcément en faire de même s'agissant des capitaux et intérêts faisant l'objet des contrats litigieux. La donation n'était pas le seul moyen de réaliser le "but commun ultime des parties". Un financement important des projets et activités professionnelles de D______ sous forme non pas de dons, mais de prêts portant intérêts, avec ou sans le risque accepté d'essuyer des pertes conséquentes, pouvait tout aussi bien s'inscrire dans ce but et contribuer à le réaliser. Le contrat de prêt hypothécaire faisant l'objet de solides garanties s'inscrivait d'ailleurs en 2013 déjà dans ce "but commun ultime" des parties, aux côtés des dons et éventuels abandons de créance intervenus antérieurement (sous réserve du diamant offert en 2017). L'ensemble de ces actes consentis par l'intimé en faveur de D______ coexistaient dans la relation des précités et s'inscrivaient tous dans le "but commun ultime" des parties. Ce but n'impliquait même pas forcément que l'intimé accepte toutes les demandes de soutien de D______. Aux termes du message de celle-ci du 12 avril 2017, il semble en effet que l'intimé ait refusé de donner suite à une requête de la précitée en vue du financement sous la forme d'un prêt d'un second projet professionnel qu'elle nourrissait après celui de J______. Ce refus semblait motivé par la crainte qu'un remboursement du financement de ce premier projet, au moyen du contrat de prêt hypothécaire et des contrats litigieux, n'intervienne pas ou que partiellement.

En résumé, la preuve du "but commun ultime" des parties et des nombreux dons ainsi qu'éventuels abandons de créances de l'intimé, dissimulés ou non, ne suffit pas à retenir que les parties auraient eu la réelle et commune intention de dissimuler une donation en signant les contrats litigieux.

C'est bien plutôt le contraire qui découle des messages de l'intimé des 22 mai 2016, 14 août, 31 octobre et 5 novembre 2018 ainsi que de ceux de D______ des 12 avril 2017 et 2 ainsi que 5 novembre 2018. Ceux-ci prouvent sans équivoque que les parties avaient la réelle et commune intention de conclure les contrats de prêt litigieux et non de dissimuler une donation. En particulier, dans ces messages, D______ confirmait clairement qu'elle (A______ SA) avait l'intention de rembourser les montants prêtés par l'intimé. Or, ses deux derniers messages précités ne pouvaient se référer qu'aux trois contrats de prêt litigieux. Ils ne portaient pas sur le contrat de prêt hypothécaire, car celui-ci avait déjà été entièrement remboursé en capital et intérêts le 4 mai 2018. D'ailleurs, dans son message du 5 novembre 2018, D______ relevait qu'"une partie" avait déjà été remboursée, faisant référence à ce dernier contrat, l'autre partie à rembourser étant celle faisant l'objet des contrats litigieux. Si les parties avaient eu la réelle et commune intention de dissimuler une donation, la teneur de ces échanges serait inexplicable.

Le fait, invoqué par l'appelante, que les donations consenties par l'intimé entre 2004 et 2017 ont été pour l'essentiel dissimulées, soit au moyen d'actes simulés (vente immobilière simulée), soit par des moyens détournés (remise de fonds non divulguée), afin d'éviter les impôts sur les donations, d'une part, et de garantir une discrétion absolue, d'autre part, ne suffit de loin pas à ébranler la conviction qui découle du contenu clair des messages précités. De plus, sous réserve du diamant dont l'intimé a fait cadeau à D______ en 2017, aucune donation du premier en faveur de la seconde ou de l'appelante n'a été démontrée pour ce qui est de la période postérieure à 2010. Enfin, la prestation accordée par l'intimé au titre des contrats litigieux en 2014 et 2016 n'est pas comparable aux donations effectivement consenties jusqu'en 2010 ni au "cadeau" offert en 2017. Dans la mesure où il s'agissait d'un soutien financier dans le but de permettre à D______ de se réaliser professionnellement en tant qu'indépendante dans le domaine de l'immobilier, cette prestation était en effet d'une nature différente.

Le fait que, contrairement à ce qui avait été le cas dans le cadre du contrat de prêt hypothécaire antérieur, les contrats litigieux n'ont pas fait l'objet de garanties, ne suffit pas non plus à ébranler la conviction qui découle de la teneur des messages susvisés. Il en sera déduit uniquement que dans le cadre des contrats litigieux, l'intimé a accepté le risque d'essuyer des pertes. C'est la raison pour laquelle il a demandé des informations quant au développement du projet de J______ et un accès aux comptes de l'appelante dans son message du 22 mai 2016, simultanément au virement du capital objet du dernier contrat litigieux. C'est ce qui explique également qu'il a tenté d'obtenir un remboursement anticipé des contrats litigieux, dès que possible, à la fin de ce projet, par message du 14 août 2018. Cette prise de risque de l'intimé, qui s'inscrivait dans le "but commun ultime" des parties, mais qu'il tentait de limiter au maximum, explique enfin pourquoi celui-ci souhaitait analyser les projets pour lesquels il prêtait des fonds, documentation à l'appui, ce qui ressort implicitement des déclarations de D______ devant le Tribunal en lien avec la rencontre des intéressés du 14 septembre 2018 (cf. supra, En fait, let. B. k.c) et des courriels de l'intimé des 31 octobre et 5 novembre 2018 (cf. supra, En fait, let. B. k.e et k.h).

Quant à la question de la légalisation des signatures des contrats litigieux, sur laquelle s'attardent les parties, point n'est besoin d'entrer en matière. Ce fait ne plaide pas d'emblée en faveur d'une thèse plutôt que de l'autre et n'apparaît pas déterminant en comparaison des autres éléments développés ci-dessus.

Il est vrai, comme le fait valoir par ailleurs l'appelante, que la demande de remboursement des contrats litigieux est intervenue seulement et juste après la rupture des relations entre l'intimé et D______ survenue lors de leur rencontre le 14 septembre 2018. Cet élément n'est cependant d'aucun secours à l'appelante. Au contraire, il confirme, si besoin est, la réelle et commune intention des parties de conclure les contrats de prêt litigieux et non de dissimuler une donation. Comme le relève l'intimé, le remboursement des prêts litigieux était attendu précisément à cette époque (échéance au 30 septembre 2018). C'est cette question qui a été à l'origine de la rupture et non l'inverse. Les échanges entre l'intimé et D______ postérieurs à leur rupture du 14 septembre 2018 le démontrent : les fonds disponibles à la fin de la promotion immobilière de J______ auraient pu et dû être utilisés afin de rembourser en temps voulu, bien que partiellement, les montants prêtés aux termes des contrats litigieux; sans l'accord de l'intimé et le mettant ce faisant devant le fait accompli, D______ a toutefois financé au moyen de ces fonds disponibles un nouveau projet professionnel qu'elle nourrissait après l'été 2018, au soutien duquel l'intimé ne s'était pas montré intéressé, dernier point qui ressort des déclarations de D______ devant le premier juge; celle-ci a ensuite tenté de justifier son acte et exposé à l'intimé que le remboursement litigieux était simplement repoussé à une date ultérieure, ce qui n'a pas empêché la rupture qui en est résulté. Rien dans ces échanges ne permet de retenir que cette rupture serait intervenue, comme l'invoque l'appelante sur la base des seules déclarations en audience de D______, parce que celle-ci se serait refusée à l'intimé lors de leur rencontre du 14 septembre 2018.

Parce qu'il lui avait fait don jusque-là de sommes considérables, D______ doit avoir espéré, voire attendu que l'intimé finalement renonce à lui réclamer le remboursement réellement convenu ou à le lui réclamer à l'échéance convenue, comme il l'avait peut-être fait entre 2004 et 2006 en ce qui concernait le projet développé dans le cadre de la société F______ SA. Après l'été 2018, elle a d'ailleurs tenté de lui forcer la main dans ce sens en investissant dans son nouveau projet les fonds dont elle disposait pour le rembourser. Il n'en demeure pas moins que ce remboursement était réellement convenu, comme l'a retenu le Tribunal.

En conclusion, l'appel est infondé et le jugement entrepris sera confirmé.

3. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 20'000 fr. (art. 19 al. 5 LaCC; art. 2, 7 al. 1, 17 et 35 RTFMC), entièrement couverts par l'avance de frais de 70'000 fr. effectuée par l'appelante, laquelle demeure acquise à l'Etat à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC). Ils seront mis à la charge de celle-ci, qui succombe (art. 95, 104 al. 1, 105 et 106 al. 1 CPC).

Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer la somme de 50'000 fr. à l'appelante.

Celle-ci sera, en outre, condamnée aux dépens d'appel de sa partie adverse, arrêtés à 7'000 fr. TVA et débours compris, au regard notamment de la valeur litigieuse et de l'activité déployée par le conseil de l'intimé (art. 95, 104 al. 1, 105 al. 1 et 106 al. 1 CPC; art. 20, 23 al. 1, 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 25 al. 1 LTVA; art. 84, 85 al. 1, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 3 mars 2022 par A______ SA contre les chiffres 2 à 7 du dispositif du jugement JTPI/16031/2021 rendu le 21 décembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/24014/2019-11.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 20'000 fr., les met à la charge de A______ SA et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais fournie, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève à due concurrence.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer la somme de 50'000 fr. à A______ SA.

Condamne A______ SA à verser à C______ la somme de 7'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.