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Décisions | Chambre civile

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C/23034/2019

ACJC/1555/2022 du 25.11.2022 sur JTPI/607/2022 ( OO ) , CONFIRME

Descripteurs : CRÉANCE GARANTIE PAR GAGE;GAGE MOBILIER;INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL)
Normes : CO.18; CC.884
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23034/2019 ACJC/1555/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 25 novembre 2022

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 18 janvier 2022, comparant par
Me Thomas GOOSSENS, avocat, CHABRIER AVOCATS SA, rue du Rhône 40, case postale 1363, 1211 Genève 1, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ INC, sise ______ (Panama), intimée, comparant par Me Marco FRIGERIO, avocat, piazza Costantino Bernasconi 5, 6830 Chiasso, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/607/2022 du 22 janvier 2022, notifié aux parties le 24 janvier suivant, le Tribunal de première instance a :

- dit que A______ SA (ci-après : A______ SA ou la banque) a bloqué à bon droit les avoirs de B______ INC dans le cadre de la relation n° 1______ en lien avec la problématique relative à l'investissement dans le fonds C______ LTD jusqu'au 14 février 2018 (ch. 1 du dispositif),

- dit que A______ SA a bloqué sans droit les avoirs de B______ INC dans le cadre de la relation n° 1______ en lien avec la problématique relative à l'investissement dans le fonds C______ LTD après le 14 février 2018 (ch. 2),

- dit que A______ SA a bloqué sans droit les avoirs de B______ INC dans le cadre de la relation n° 1______ en lien avec la problématique relative à l'investissement dans le fonds D______/2______- USD (ch. 3),

- ordonné à A______ SA de débloquer tous les avoirs de B______ INC détenus dans le cadre de la relation n° 1______ (ch. 4),

- condamné A______ SA à transférer immédiatement tous les avoirs de B______ INC détenus dans le cadre de la relation n° 1______ auprès du compte ouvert au nom de B______ INC auprès de E______ SA, IBAN n° 3______ (ch. 5),

- condamné A______ SA à verser à B______ INC la somme 5'687,50 USD avec intérêts à 5% dès le 15 août 2020 (ch. 6),

- renvoyé la décision sur les frais à la décision finale (ch. 7),

- réservé la suite de la procédure (ch. 8), et

- débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 9).

B. a. Par acte déposé le 23 février 2023 à la Cour de justice, A______ SA a appelé de ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation des chiffres 2 à 6 et 9 du dispositif.

Elle a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens d'appel, à ce que, dans le cadre de la relation n° 1______ :

- il soit dit qu'elle a bloqué à bon droit les avoirs de B______ INC en lien avec la problématique relative à l'investissement dans le fonds C______ LTD après le 14 février 2018, et

- il soit dit qu'elle a bloqué à bon droit les avoirs de B______ INC en lien avec la problématique relative à l'investissement dans le fonds D______/2______- USD.

Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause au premier juge.

b. B______ INC a conclu à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens d'appel.

c. Par réplique du 24 mai et duplique du 15 juin 2022, les parties ont persisté dans leurs explications et conclusions respectives.

d. Les parties ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 11 juillet 2022.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier soumis à la Cour :

a. B______ INC est une société constituée au Panama qui s'occupe de la gestion de son propre patrimoine.

b. A______ SA est un établissement bancaire inscrit au Registre du commerce de Genève.

c. Le 21 novembre 1988, B______ INC a ouvert un compte bancaire numérique (n° 1______) auprès de F______ SA, devenue ensuite G______ SA, cette dernière ayant ensuite fusionné avec H______ SA pour donner naissance à A______ SA.

Différents documents contractuels ont alors été signés par B______ INC dans ce cadre, parmi lesquels des conditions générales signées le 21 novembre 1988 et un acte de nantissement général signé le 12 mai 1992.

d. Le 9 octobre 1997, un mandat d'administration en faveur de tiers a été conclu entre B______ INC, I______ - en tant que tiers gérant - et la banque, aux termes duquel B______ INC a confié à ce tiers gérant les pouvoirs de gérer tous les biens et valeurs déposés pour son compte auprès de la banque.

e. Le 6 juillet 1998, alors que le compte précité a été nouvellement intitulé au nom de B______ INC, de nouveaux documents ont été signés par cette dernière, soit en particulier une demande d'ouverture de compte, des conditions générales et une convention de nantissement.

e.a Il ressort, notamment, des conditions générales, qui énoncent que toutes les relations entre la banque et le client sont régies par les conditions générales en vigueur, que :

- en garantie de toutes ses prétentions contre le client, résultant notamment de facilités de crédit de tout genre accordées contre garanties expresses ou sans garantie, sans égard à leurs échéances ou aux monnaies dans lesquelles elles sont libellées, la banque jouit d'un droit de compensation et d'un droit de gage général sur l'ensemble des avoirs et créances du client qu'elle détient, directement ou indirectement, pour le compte du client, chez elle ou dans un autre lieu en Suisse ou à l'étranger ( ) (art. 10),

- la banque crédite et débite au client les intérêts, commissions, impôts et autres charges pour les services fournis, à son choix, en fin de mois, trimestre, semestre ou année; à cet effet, elle applique ses tarifs et taux d'intérêts en vigueur; elle se réserve le droit de les modifier en tout temps et sans préavis (art. 11),

- la banque peut modifier en tout temps, sans préavis et avec effet immédiat, ses conditions générales et s'efforce d'en informer le client par les moyens qui lui paraissent appropriés (art. 24), et

- les relations entre le client et la banque sont régies par le droit suisse exclusivement et les litiges éventuels seront soumis à la juridiction exclusive du tribunal suisse compétent au lieu de l'établissement de la banque auprès duquel le compte est ouvert (art. 25).

e.b La convention de nantissement prévoit, quant à elle, notamment, que le gage, qui porte en particulier sur tous les avoirs et créances détenues par la banque pour le compte de B______ INC, garantit "le remboursement de tous prêts, avances, crédits, frais ou toute autre facilité, telle que découvert en compte courant, notamment pour achat de titres, transactions en devises, avances ou prêts à terme fixe, émissions de garanties bancaires/lettres de crédit (ci-après: "les facilités"), accordés [à B______ INC] par la Banque ou "les autres Créanciers" selon les modalités fixées par la Banque, resp. "les autres Créanciers", de cas en cas, que ces facilités aient été accordées directement ou indirectement, solidairement ou simplement, qu'elles soient garanties ou non-garanties, actuelles ou futures, échues ou non, conditionnelles ou certaines, constituées directement ou par cession, et quelle que soit leur cause juridique" ( ) (ch. 4),

Elle comprend, par ailleurs, les mêmes clauses concernant le for et le droit applicable que celles prévues dans les conditions générales (ch. 8).

e.c Les conditions générales de la banque ont été régulièrement modifiées et adressées à B______ INC. Ces versions subséquentes prévoient toutes une disposition concernant les frais bancaires presque identique à celle susmentionnée, la dernière version prévoyant toujours l'application du droit suisse aux relations entre les parties ainsi qu'un for au lieu du siège principal ou au lieu de la succursale auprès de laquelle le compte est ouvert.

Quant aux conditions tarifaires, elles ont fait l'objet de modifications au fil des années. La dernière version produite, applicable dès le 1er janvier 2014, a été adressée à B______ INC.

f. Le 1er décembre 2000, B______ INC a confié un mandat de gestion spécifique à la banque, aux fins de gérer et d'administrer tous les biens et valeurs déposés sur le compte de B______ INC en procédant à toutes les opérations visées au chiffre 1 dudit mandat et d'effectuer pour son compte et à ses risques exclusifs les opérations visées aux chiffres 2 et suivants, certaines opérations devant être munies du visa de la cliente.

Ce mandat de gestion a été résilié le 5 mai 2003 en raison du départ du gestionnaire.

g. Auparavant, soit le 28 avril 2000, la banque a acquis, sur instruction de B______ INC et pour le compte de cette dernière, 1'409 parts du fonds C______ LTD – USD, dont il n'est pas contesté qu'il était lié au groupe de J______, pour un montant total de 297'073,56 USD.

h. Le 27 juin 2002, la banque a procédé à l'achat de 249,536 parts du fonds D______/2______- USD, dont il n'est pas contesté qu'il était également lié au groupe de J______, pour un montant total de 250'000,14 USD.

i. Le 30 janvier 2004, suite à l'instruction de B______ INC, la banque a vendu pour le compte de cette dernière toutes les parts du fonds C______ LTD pour un montant total de 425'958,07 USD et toutes les parts du fonds D______/2______ pour un montant total de 266'428,11 USD.

j. Plusieurs années plus tard, en décembre 2008, a été découverte la fraude orchestrée par J______.

Au cours du même mois a été initiée la mise en liquidation de la société de J______, J______ LLC.

k. Le 5 décembre 2010, K______, le trustee de la masse en faillite de J______ LLC a déposé une plainte contre différents défendeurs, dont A______ SA, auprès d'un tribunal américain.

Cette plainte mentionne, notamment, que "to this end, the Trustee is bringing the action against the Defendants to recover no less than $ 2.3 billion in avoidable transfers received from J______ LLC by the Defendants and/or persons or entities on their behalf, for the six year period ending on the filing date", cette dernière date étant le 11 décembre 2008.

Elle vise à recouvrer les montants subséquemment reçus par les "A______ SA Defendants", dont fait partie la banque, de la part du fonds nourricier C______ LTD, à qui J______ LLC avait initialement transféré des fonds au cours des 6 ans précédant la "filing date", soit entre le 11 décembre 2002 et le 11 décembre 2008.

l. Par courrier du 8 février 2011 adressé à B______ INC, la banque a informé cette dernière de certaines restrictions imposées sur son compte en raison de l'action judiciaire déposée par K______ aux Etats-Unis, notamment, contre la banque, afin de récupérer des montants reçus par celle-ci en lien avec des fonds nourriciers liés à J______ LLC. La banque a ainsi indiqué à B______ INC qu'elle avait décidé de bloquer un montant égal aux remboursements crédités sur son compte en lien avec lesdits fonds. Elle a ajouté qu'une solution alternative serait que la cliente signe une "deed of indemnity form" et qu'elle fournisse à la banque une garantie bancaire.

m. La banque a alors bloqué les avoirs de B______ INC pour un montant total de 598'292,42 USD, correspondant à ce qui se trouvait sur le compte de sa cliente, ce montant étant, selon la banque, inférieur de 94'093,76 USD à la somme totale faisant l'objet d'un risque de "clawback", soit 692'386,18 USD, correspondant au montant total reçu par la cliente à la suite de la vente des parts dans les fonds D______/2______ et C______ LTD.

B______ INC a contesté ces mesures de blocage les 18 mars et 2 septembre 2011 et des courriers ont été échangés par les parties dans ce cadre, étant relevé que le courrier adressé par B______ INC à la banque le 18 mars 2011 porte le titre "Action du Fonds D______".

n. Les 13 avril 2016, 19 septembre 2017, 16 novembre 2017, 20 avril 2018, 19 février 2019, la banque a adressé à B______ INC des informations actualisées concernant les procédures judiciaires à l'étranger en lien avec des fonds
liés à la société de J______, mentionnant dans ses courriers les fonds D______/4______ LTD, D______/5______ LTD et D______/6______ LTD, qu'elle a globalement dénommés les fonds D______.

o. La banque a allégué que ses conseils américains lui avaient annoncé, au début de l'année 2018, que les sommes correspondant au prix d'acquisition des parts du fonds C______ LTD remboursées au client avant le 11 décembre 2006 ne devaient plus être sujets à un risque de "clawback" de la part des liquidateurs du fonds, contrairement aux profits réalisés qui, eux, demeuraient à risque.

Les parties, ainsi que le bénéficiaire économique des avoirs de B______ INC, ont ainsi conclu, en date du 14 février 2018, un accord intitulé "deed of indemnity" et rédigé sur le papier en-tête de la banque, lequel prévoit, notamment :

"WHEREAS [ ]

(B) The Indemnitors [soit B______ INC et le bénéficiaire économique] acknowledge that prior to 11 December 2008, the Client instructed the Bank to purchase on its behalf shares (the "Shares") in J______ feeder funds (the "Fund"), which are beneficially owned by the Beneficial Owner listed above ("the "Beneficial owner");

(C) The Indemnitors acknowledge that prior to 11 December 2008, in connection with the Account or any other account that it may have had on the Bank's books, the Client instructed the Bank to procure the redemption of the Shares, such transaction was successfully effected by the Bank, and the proceeds of which was transferred to the Account (the "Redemption Amount");

(D) The Indemnitors are aware that the Bank was the nominee holder of record of the Shares on its behalf during the time of the investment in the Fund. The Indemnitors are further aware that the Bank is currently exposed or potentially exposed to certain losses, claims, damages or expenses as a result of litigation, including but not limited to such exposures as a result of "clawback" litigation claims asserted (or to be asserted in the future) by the US Trustee for the liquidation of J______ LLC ("J______ LLC") (the "US Trustee") and such exposures arising from or relating to litigation initiated by the liquidator of the Fund, which seeks recovery of certain redemption amounts;

(E) The Indemnitors agree that the exposures described in recital (D) above stem at least in part from the facts that (1) the Bank was holding, on the Client's behalf as nominee and holder of record, the Shares in the years prior to the commencement of the J______ LLC liquidation on 11 December 2008 and (2) the Shares were redeemed pursuant to the Client's instructions. Accordingly, the Indemnitors are, agree to be, and will be ultimately liable for such exposures, among any other exposures related to the litigation described in recital (D) above and the Client's investment(s) in the Fund;

(F) The Indemnitors acknowledge that, pursuant to the Pledge Agreement governing the Account (the "Pledge Agreement") and as per a communication from the Bank dated 8 February 2011, the Bank instituted a block on the Client's assets at the Bank in an amount sufficient to secure the exposures described above with respect to the Redemption Amount i.e. USD 425'958.07 (the "Blocked Amount");

(G) The Bank is planning to reduce the Blocked amount redeemed between 11 december 2002 and 10 December 2006 up to the amount of your original investment i.e. leaving frozen the "fictious profits", subject to your agreement to indemnify the Bank for any liability it incurs with respect to these released amounts pursuant to this Deed of Indemnity. Indeed, as the J______ LLC Trustee has pled that the Fund had actual knowledge of the J______ LLC fraud (and the U.S. Bankruptcy Court confirmed the sufficiency oft he pleadings in ist decision dated 11 August 2015), there remains a risk that the Trustee will be able to recover certain redemption payments you received in the six-year period prior to the commencement of the J______ LLC liquidation on 11 December 2008; and

NOW, THEREFORE :

1. The Bank agrees to partially reduce the Blocked Amount by USD 297'073.56 (the "Released Amount") subject to the terms of this Indemnity i.e. the Blocked Amount being accordingly reduced to USD 128'884.51.

Please note that the above decision does not affect the blocking of the redemption amount of D______/4______ LTD units which amounts to as of today USD 266'428.11 ( )".

Cet accord prévoit, en outre, que la cliente et l'ayant droit économique s'engagent à indemniser la banque en particulier de toutes responsabilités, actions, procédures, créances, demandes, impôts et taxes ainsi que de tout autre coût ou frais dont la banque pourrait, en relation avec le montant libéré, être tenue responsable en raison de la détention, par celle-ci, des parts telle que précédemment décrite.

p. Seul le montant de 202'979,80 USD a été libéré par la banque, celle-ci ayant exposé qu'elle avait dû déduire du montant de 297'073,56 USD à libérer la somme de 94'093,76 USD correspondant à la différence entre la créance initiale invoquée de 692'386,18 USD et le solde du compte de B______ INC de 598'292,42 USD.

q. Le 3 décembre 2018, B______ INC a demandé à la banque de débloquer complètement ses avoirs, de procéder à la clôture de la relation bancaire entre les parties, de transférer les avoirs existants auprès d'un autre établissement bancaire et de lui restituer les commissions prélevées depuis 2010.

La banque lui a répondu, le 21 février 2019, qu'elle proposait de libérer le capital contre un engagement de remboursement et la fourniture d'une garantie bancaire; s'agissant du remboursement des commissions, elle était exceptionnellement d'accord de rembourser un montant de 10'000 USD correspondant aux frais perçus entre 2016 et 2018.

Des échanges de correspondance ultérieurs ont encore eu lieu entre les parties en 2019 et 2020, sans que celles-ci ne parviennent à se mettre d'accord, B______ INC ayant en particulier indiqué qu'elle ne pouvait pas accepter le montant avancé par la banque au sujet des commissions.

r. Par courrier du 6 décembre 2019, la banque a informé B______ INC qu'un accord avait été trouvé entre le liquidateur de J______ LLC et les liquidateurs du fonds C______ LTD, notamment, et que le blocage des avoirs y relatifs pouvait être levé.

Le solde de la somme demeuré bloqué en lien avec le fonds C______ LTD a ainsi été libéré et versé sur le compte de B______ INC auprès de E______.

Après ce déblocage, des avoirs de B______ INC pour 266'428,11 USD sont restés bloqués en lien avec la vente des parts dans le fonds D______/2______.

s. Entre le 31 mars 2011 et le 31 mars 2020, la banque a débité du compte de B______ INC des montants correspondant à des commissions forfaitaires d'administration de titres, des frais d'envoi des extraits de compte, des commissions forfaitaires de tenue de compte, la TVA sur certains de ces postes et des intérêts débiteurs de manière essentiellement trimestrielle ou semestrielle.

En particulier, entre le 8 octobre 2014 et le 31 mars 2018, de tels frais ont été prélevés par la banque sur les avoirs de B______ INC pour un montant total de 16'230,53 USD. La banque a ensuite prélevé de tels frais totalisant 2'950,55 USD entre le 1er avril 2018 et le 31 décembre 2018, puis 966,10 USD entre le 1er janvier 2019 et le 31 mars 2020.

D. a. Après avoir déposé une requête de conciliation et obtenu une autorisation de procéder le 16 janvier 2020, B______ INC a, par acte déposé le 16 avril 2020 au Tribunal de première instance, agi à l'encontre de A______ SA, concluant à ce que :

- il soit ordonné à la banque de libérer tous ses avoirs et de les transférer immédiatement sur la relation IBAN 3______ auprès de E______ SA (conclusion n° 1.1),

- la banque soit condamnée à lui restituer la somme de 39'132,56 USD (correspondant à 37'899 fr. 88) avec intérêts à 5% dès le 8 octobre 2019 (à titre de remboursement des commissions indûment prélevées par la banque pendant la période de blocage entre 2011 et 2018; conclusion n° 1.2),

- la banque soit condamnée à lui verser la somme de 411'666,45 USD (correspondant à 395'833 fr. 10) avec intérêts à 5% dès le 8 octobre 2019 (à titre du dommage subi en raison du blocage illicite de ses avoirs; conclusion n° 1.3).

b. A______ SA a conclu au déboutement de B______ INC de toutes ses conclusions.

c. Par réplique du 17 septembre 2020, B______ INC a modifié ses conclusions en augmentant le montant réclamé à sa conclusion n° 1.2 à 40'100,80 USD (correspondant à 36'215 fr. 03 au 31 août 20) à titre de remboursement des frais et commissions prélevés indûment jusqu'au 31 août 2020 et réduisant la somme réclamée à sa conclusion n° 1.3 à 359'145 USD (correspondant à 324'343 fr. 85), persistant, pour le surplus, dans ses conclusions.

d. Lors de l'audience tenue le 15 mars 2021 par le Tribunal, les parties se sont déclarées d'accord de limiter le litige à la question de la validité juridique du blocage et à la question des frais perçus par la banque durant cette période de blocage.

e. Par courrier adressé le 19 mai 2021 au Tribunal, B______ INC a augmenté sa conclusion n° 1.2 à 41'308,92 USD.

f. Dans leurs plaidoiries finales écrites des 19 et 20 août 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives, B______ INC précisant que sa conclusion n° 1.2 relative au remboursement de 41'308,92 USD (correspondant à 47'092 fr. 17 au 31 août 2020) portait intérêt à 5% dès le 8 octobre 2019.

A la suite de déterminations spontanées des parties intervenues les 6 septembre et 4 octobre 2021, la cause a été gardée à juger le 29 octobre 2021 par le Tribunal.

g. A______ SA a, notamment, produit devant le Tribunal une newsletter établie par D______/7______ LLC le 12 juin 2020 décrivant les actions entreprises en lien avec les entités D______, laquelle ne mentionne pas expressément le fonds D______/2______.

h. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a, notamment, considéré, en application de l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_540/2015 du 1er avril 2016, qu'un gage portant sur toutes les créances actuelles ou futures de la banque envers le constituant, s'il est certes excessif, couvre néanmoins les créances résultant des relations d’affaires en cours ou envisageables entre la banque et le client. Dans le cas d'espèce, si les conditions générales de la banque instituaient certes un large droit de gage en faveur de l'établissement bancaire, la convention de nantissement était plus restrictive. Cela étant, en signant le "deed of indemnity" du 14 février 2018, la cliente avait expressément reconnu que la banque avait bloqué ses avoirs conformément au contrat de gage pour garantir son exposition à des prétentions auxquelles elle pourrait faire face dans le cadre de procédures visant à recouvrer certains montants qui lui avaient été versés suite à la vente des parts dans les fonds J______ LLC. Il y avait lieu de retenir, sur la base du principe de la confiance, qu'elle avait ainsi reconnu qu'il existait un droit de gage de la banque lui ayant permis de bloquer ses avoirs, ce qu'elle n'avait pas non plus expressément remis en cause par la suite, de sorte que la banque devait être considérée comme étant au bénéfice d'un droit de gage couvrant la créance invoquée (question de l'existence d'un droit de gage).

S'agissant de l'investissement dans le fonds C______ LTD, la banque ayant agi à titre fiduciaire pour et sur instruction de sa cliente et en conformité de ses obligations contractuelles, elle disposait d'un droit d'être libérée de la prétention invoquée à son encontre dans la procédure américaine (question du droit d'être libéré de la banque). Au moment du blocage des avoirs de la cliente au début de l'année 2011, la banque était effectivement assignée devant les juridictions américaines par le trustee de J______ LLC aux fins de recouvrer les montants qu'elle avait reçus de la part du fonds C______ LTD qu'il avait lui-même reçus de J______ LLC entre le 11 décembre 2002 et le 11 décembre 2008. Dans la mesure où la vente des parts dans le fonds C______ LTD était intervenue le 30 janvier 2004, le versement y relatif s'inscrivait dans la période visée par la procédure américaine et la banque, actionnée avec d'autres entités du groupe A______ SA, faisait effectivement face à un risque suffisamment concret de devoir restituer ce paiement, qui n'était alors pas limité aux profits réalisés dans le cadre de cet investissement (question du risque concret encouru par la banque), de sorte qu'elle était légitimée à bloquer les avoirs de B______ INC en 2011 en relation avec l'investissement dans le fonds C______ LTD, avant le 14 février 2018.

Tel n'était, en revanche, plus le cas après la signature du "deed of indemnity" le 14 février 2018, puisque la banque n'avait pas prouvé qu'elle faisait alors toujours face à une action tendant à la restitution des profits perçus suite à la vente des parts du fonds C______ LTD ni que l'accord qu'elle évoquait entre le liquidateur de J______ LLC et les liquidateurs du fonds C______ LTD était intervenu fin 2019 comme elle le soutenait. De plus, les risques mentionnés aux lettres D et G du "deed of indemnity" n'étaient pas suffisamment précis pour que la cliente puisse reconnaître l'existence d'un risque concret pour la banque et l'on ne pouvait pas déduire de cet accord une volonté de la cliente de ratifier le blocage pour le futur même si elle reconnaissait l'existence d'un droit de gage.

S'agissant de l'investissement dans le fonds D______/2______, la banque n'avait fourni aucune preuve de l'existence d'un risque concret, dès lors que l'action déposée par le trustee de J______ LLC contre elle le 5 décembre 2010 ne concernait pas les investissements dans le fonds D______/2______, étant relevé que la newsletter établie par D______/7______ LLC le 12 juin 2020 ne mentionnait pas expressément l'entité D______/2______, la banque n'ayant pas indiqué en quoi ladite entité serait concernée par les actions décrites dans ladite newsletter. En outre, indépendamment de la question de savoir si le "deed of indemnity" concernait aussi les investissements dans le fonds D______/2______, le risque évoqué, notamment au paragraphe D, n'était pas suffisamment précis pour que la cliente puisse avoir globalement reconnu l'existence d'un risque concret pour la banque. Par ailleurs, l'accord ne contenait pas de ratification par B______ INC du blocage de ses avoirs en lien avec l'investissement lié au fonds D______/2______.

Les avoirs bloqués en lien avec l'investissement dans le fonds D______/2______ devaient, ainsi, être restitués.

Quant aux frais et commissions prélevés par la banque, B______ INC pouvait élever une prétention en restitution pour les montants prélevés depuis le 8 octobre 2014, sa créance étant antérieurement prescrite.

Pour la période allant du 8 octobre 2014 au 31 mars 2018 (premier prélèvement suivant le 14 février 2018), la cliente avait, certes, bénéficié de prestations de la part de A______ SA, mais elle avait été privée de la disposition de ses avoirs en violation du contrat liant les parties, de sorte qu'il y avait lieu de réduire la rémunération de la banque, qui comprenait l'ensemble des frais perçus, y compris les intérêts débiteurs, dans la mesure où il s'agissait de frais correspondant à des intérêts sur des comptes courants en négatif, et non de frais perçus en lien avec la créance alléguée par la banque envers la cliente qui dépassait les avoirs de celle-ci. Puisque le blocage avait été justifié pour la majorité des avoirs et que, pour les avoirs bloqués en lien avec l'investissement dans D______/2______, B______ INC avait tout de même bénéficié de prestations de la banque, le Tribunal a estimé équitable de réduire la rémunération (laquelle s'élevait à un montant total de 16'230,53 USD) de 20%, soit de 3'246,10 USD.

Pour la période allant du 1er avril au 31 décembre 2018 au cours duquel le contrat avait été résilié, les avoirs étaient entièrement bloqués en violation du contrat liant les parties, mais la cliente avait tout de même également bénéficié des prestations de la banque, si bien qu'une réduction de 50% de la rémunération (d'un montant total de 2'950,55 USD) apparaissait équitable, soit de 1'475,30 USD.

Pour la période allant du 1er janvier 2019 au 31 mars 2020, A______ SA avait gardé les avoirs de B______ INC sans droit, dans son propre intérêt et de mauvaise foi. Elle ne pouvait prétendre à une rémunération sur la base de la gestion d'affaires sans mandat, s'étant, au contraire, enrichie sans cause aux dépens de B______ INC, si bien qu'elle devait lui restituer l'entier des frais perçus correspondant à l'appauvrissement de sa cliente (art. 62 CO), correspondant à 966,10 USD.

Le Tribunal a fixé le point de départ des intérêts moratoires dus sur les frais et commissions à restituer à une date moyenne située entre le 8 octobre 2019 et le 19 mai 2021, soit au 15 août 2020 (art. 104 al. 1 CO).

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Une décision est finale, au sens de l'art. 236 CPC, lorsqu'elle met fin à la procédure, que ce soit par une décision au fond, pour un motif tiré du droit matériel, ou par une décision d'irrecevabilité, pour un motif de procédure. La décision partielle, soit celle qui statue, de manière finale, sur un ou plusieurs chefs d'une demande, mais renvoie l'examen d'un ou plusieurs autres à une décision ultérieure (ATF 132 III 785 consid. 2), est assimilée à une décision finale, dès lors qu'elle met un terme à l'instance relativement aux demandes concernées, mais non à la procédure (l'instance perdure à raison de la partie non tranchée du litige). Le jugement partiel est attaquable immédiatement (ATF 135 III 212 consid. 1.2; Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 8 ad art. 308 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2336).

En se référant au dernier état des conclusions, l'art. 308 al. 2 CPC vise les conclusions litigieuses devant l'instance précédente, non l'enjeu de l'appel (Tappy, Les voies de droit du nouveau Code de procédure civile, in JT 2010 III 126).

La valeur litigieuse étant, en l'espèce, supérieure à 10'000 fr., le présent appel, motivé et formé par écrit dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision, est recevable (art. 130, 131, 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 CPC).

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d’examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC). Conformément à l’art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l’appelant estime entachés d’erreurs et qui ont fait l’objet d’une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413, consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016, consid. 5.3). Elle applique en outre la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

En vertu de la présomption de l'art. 150 al. 1 CPC, il est admissible dans le cadre de la maxime des débats de considérer comme non contestés les faits retenus dans la décision attaquée s'ils ne sont pas critiqués par l'appelant (Tappy, op. cit., p. 137; Reetz/Theiler, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2016, n. 38 ad art. 311 ZPO).

2. La cause revêt un caractère international au vu du siège de l'intimée au Panama.

Les parties ne contestent pas la compétence des tribunaux genevois et l'application du droit suisse au présent litige conformément aux élections de for et de droit convenues entre elles (art. 5, 105 et 106 LDIP).

3. Les parties ne remettent pas non plus en cause avoir noué un rapport juridique mixte comprenant les éléments caractéristiques d'un compte-courant (pour le décompte des opérations), d'un dépôt irrégulier (pour les fonds remis) et, plus généralement, d'un mandat.

4. L'appelante reproche au premier juge d'avoir considéré qu'elle avait bloqué sans droit les avoirs de l'intimée en lien avec la problématique relative à l'investissement dans le fonds C______ LTD après le 14 février 2018 et en lien avec la problématique relative à l'investissement dans le fonds D______/2______.

Elle soutient, s'agissant des fonds D______/2______, que, compte tenu des liens notoires entre les différents fonds de la galaxie des fonds D______ – y compris le fonds D______/2______ – avec J______ LLC, il avait été établi qu'une action judiciaire relative auxdits fonds aurait pour corolaire un risque de "clawback", que l'intimée a reconnu l'existence d'une telle procédure tant lors de l'échange de courriers (en particulier le courrier adressé à la banque le 18 mars 2011, lequel mentionne le titre "Action du Fonds D______") que par la signature du "deed of indemnity" le 14 février 2018 (let. D), qu'indépendamment de la référence au fonds " D______/4______ LTD" dans ce document, elle a également reconnu et accepté le maintien du blocage dans cet accord, que la let. D du "deed of indemnity" décrit de manière suffisamment précise les risques encourus par la banque, d'autant plus que la cliente avait connaissance des procédures judiciaires déjà engagées par les Etats-Unis à l'encontre de la banque depuis de nombreuses années, et qu'elle avait ratifié le blocage de ses avoirs.

En ce qui concerne les fonds C______ LTD, la banque soutient que le risque de "clawback" étant établi lors du blocage, il ne lui appartenait pas de prouver qu'un risque de "clawback" demeurait au-delà du 14 février 2018, qu'il était notoire que l'accord entre le liquidateur de J______ LLC et les liquidateurs du fonds C______ LTD était intervenu à la fin de l'année 2019 et qu'en signant le "deed of indemnity", l'intimée a reconnu l'existence d'un risque concret pour la banque et a ratifié le blocage pour le futur en ce qui concernait la part des profits.

L'appelante considère que l'intimée a accepté que ses avoirs soient bloqués compte tenu des risques de "clawback" de la banque tant dans ses courriers qu'en signant le "deed of indemnity" et qu'en le contestant dans la présente procédure, elle adopte un comportement manifestement contraire à la bonne foi.

4.1 Le droit de gage mobilier ne peut être constitué que sous l'une des formes expressément prévues par la loi (numerus clausus des droits réels). La constitution d'un droit de gage sur des choses mobilières (art. 884 ss CC) ou sur des créances et autres droits (art. 899 ss CC) suppose un titre d'acquisition et une opération d'acquisition; cette dernière comprend elle-même un acte de disposition, soit un contrat réel entre le constituant et l'acquéreur, et un acte matériel, soit, pour les choses mobilières, le transfert de possession. Le titre d'acquisition est l'acte générateur de droit par lequel le constituant s'oblige à constituer ce droit réel limité, c'est-à-dire le contrat constitutif de droit de gage mobilier. Ce titre n'a pas d'influence sur le droit réel lui-même, n'engendrant qu'une créance tendant à la constitution du droit réel. L'acte de disposition est le contrat réel de disposition par lequel le constituant manifeste sa volonté de transférer au créancier gagiste, en exécution de l'obligation résultant du contrat constitutif de gage, la chose ou le droit mis en gage. Il présuppose que le titre d'acquisition soit juridiquement valable; l'acte de disposition est en effet causal, et non abstrait (principe de causalité). Il exige que le constituant ait le pouvoir de disposer de l'objet du gage. Si le droit mis en gage est une créance non incorporée dans un papier-valeur, le contrat de disposition requiert la forme écrite (art. 900 al. 1 CC); il se confond avec le contrat constitutif en ce sens que le même acte exprime la volonté du constituant de créer le droit de gage et l'acte de disposition nécessaire à cette fin, un transfert de la possession étant impossible. L'acte matériel consiste dans le transfert de possession de la chose mobilière ou, si la créance est incorporée dans un titre, de ce titre (art. 900 al. 1 in fine CC) (ATF 142 III 746 consid. 2.1).

4.2 Le contenu du contrat constitutif de gage n'est pas réglementé spécialement par les art. 884 ss CC; il s'agit d'un contrat innomé. Les règles de la partie générale du code des obligations lui sont applicables (art. 7 CC). Les conditions matérielles de ce contrat, sur lesquelles l'accord des parties doit porter, sont l'obligation du constituant de constituer le droit de gage mobilier, la désignation de l'objet grevé et la désignation de la créance garantie. Le constituant doit s'obliger à constituer le droit de gage; autrement dit, le contrat doit contenir l'engagement de conclure l'acte de disposition et en plus, pour les choses mobilières et les créances incorporées dans un titre, l'acte matériel. Seules des choses mobilières ou des créances ou des droits peuvent être grevés de droit de gage, conformément au principe de spécialité (ATF 142 III 746 consid. 2.2). 

En ce qui concerne la désignation de la créance garantie, le droit de gage mobilier peut être constitué pour garantir une créance quelconque, actuelle (exigible ou non), future, conditionnelle ou simplement éventuelle. Cette créance peut être de nature contractuelle, mais aussi une créance en dommages-intérêts de la banque contre le client en relation avec le contrat passé avec lui ou une créance pour enrichissement illégitime en raison de l'annulation, de la nullité ou de la révocation du contrat lorsque les parties en sont expressément convenues ou que cela doit être admis selon leur volonté hypothétique. Le principe de spécialité ne s'applique pas strictement : la créance garantie ne doit être déterminée ni qualitativement ni quantitativement (contrairement à l'hypothèque qui exige l'indication d'une somme maximale, cf. art. 794 al. 1 CC). Il suffit que les créances garanties par le contrat de gage mobilier - rapport de sûreté - soient déterminées ou suffisamment déterminables au moment de la conclusion du contrat de gage, ce qu'elles sont lorsqu'elles sont connexes aux relations d'affaires entre créancier et débiteur, qui constitue le rapport de base. Il résulte en outre du principe de l'accessoriété que le droit de gage mobilier ne peut pas exister indépendamment de la créance garantie. L'existence du droit de gage dépend donc de l'existence d'une créance garantie valable (ATF 142 III 746 consid. 2.2.1). 

En ce qui concerne les créances futures éventuelles, en particulier des banques à l'égard de leurs clients, elles sont suffisamment déterminables au moment de la conclusion du contrat constitutif de gage lorsque les parties devaient raisonnablement compter avec leur survenance. Autrement dit, il est nécessaire que ces créances découlent clairement des rapports d'affaires entre la banque et le client - connexité avec le rapport de base - et que les parties aient pu ou dû raisonnablement penser, lors de la conclusion du contrat constitutif de gage, qu'elles pourraient prendre naissance. Il importe, en effet, que le constituant du gage ait accepté de garantir de telles créances, ce qui présuppose qu'au moment de conclure le contrat constitutif de gage, lesdites créances aient été prévisibles. Il peut donc s'avérer nécessaire de devoir interpréter la volonté des parties (ATF
142 III 746 consid. 2.2.2). 

Le droit de gage mobilier sur une créance future (éventuelle ou conditionnelle) naît déjà au moment du transfert de possession de l'objet du gage ou, pour les créances et autres droits non incorporés dans un titre, au moment du contrat de disposition en la forme écrite, et ce en dépit du fait que la créance future ne soit pas encore née. Dans cette mesure, la jurisprudence a admis une exception au principe de l'accessoriété, dans l'intérêt des besoins du commerce. Toutefois, la banque n'est autorisée à retenir l'objet du gage que lorsque la créance future (éventuelle ou conditionnelle) est née (ATF 142 III 746 consid. 2.2.3). 

Il découle du principe de l'accessoriété que le droit de gage s'éteint par le paiement de la créance garantie ou pour une autre cause (art. 889 al. 1 CC). Tant que la créance garantie n'est pas éteinte, le droit de gage subsiste et permet à la banque de retenir les objets grevés. Si le gage garantit plusieurs créances, l'obligation de restituer les choses gagées ne prend naissance qu'au moment où la dernière créance garantie a été réglée (ATF 142 III 746 consid. 2.2.4).  

4.3 Lorsque le contrat constitutif de gage prévoit que le droit de gage garantit l'ensemble des créances actuelles et futures de la banque contre son client, la licéité de l'accord peut se poser au regard des art. 27 al. 2 CC et 19 al. 2 CO. L'exigence de la déterminabilité suffisante de la créance garantie, en particulier des créances futures, sert à l'individualisation de la créance garantie; en revanche, la protection des droits de la personnalité assurée par les art. 27 al. 2 CC et 19 al. 2 CO entend protéger celui qui s'oblige contre des engagements excessifs. L'engagement de garantir toutes les créances futures qu'une personne pourrait avoir envers une autre, sans que celles-ci soient définies par une limite dans le temps, par le genre d'affaires dont elles résultent ou par la manière dont le créancier les a acquises, est nul en vertu de ces dispositions (ATF 142 III 746 consid. 2.3).  

4.4 Dans un arrêt 4A_540/2015 rendu le 1er avril 2016 dans une composition à trois juges dans une cause tranchée par la Cour de céans - concernant un cas où la banque était actionnée par les liquidateurs d'un fonds impacté par la fraude de J______, dans lequel le client avait souhaité investir avec la contribution de la banque -, le Tribunal fédéral a admis, contrairement à la solution retenue par la Cour, que l'établissement bancaire pouvait invoquer son droit de gage contractuel pour retenir les avoirs du client en garantie de ses prétentions éventuelles résultant des actions des liquidateurs du fonds en question. Le contrat de gage signé par le client garantissait toutes les créances actuelles ou futures de la banque envers le constituant. Une délimitation aussi vaste étant excessive au regard de l’art. 27 al. 2 CC, elle devait être restreinte aux créances résultant des relations d’affaires en cours ou envisageables entre la banque et le client. Or, selon le Tribunal fédéral, la créance dont se prévalait la banque étant étroitement liée à une opération d’investissement s’inscrivant dans des relations d’affaires prévisibles, de sorte qu'il convenait d'admettre qu’une telle créance était couverte par le droit de gage (consid. 2.3.3).

Six mois plus tard, dans un arrêt 4A_81/2016 rendu le 3 octobre 2016 dans une composition à cinq juges - concernant un cas dans lequel la banque avait investi pour la cliente dans des parts de deux fonds de placements sans que celle-ci ait participé à la prise de décision à cet égard et alors que la banque était simplement menacée d'une action contre elle -, le Tribunal fédéral a renversé sa jurisprudence précitée sans même citer l'arrêt précédent et considéré qu’une créance future ou éventuelle n’était suffisamment déterminable que si, cumulativement, elle était connexe à la relation d’affaires existant entre les parties et elle était prévisible au moment de la conclusion du contrat constitutif de gage. Alors que jusqu’ici le Tribunal fédéral admettait qu’une créance était suffisamment déterminable et prévisible lorsqu’elle résultait des relations d’affaires entre les parties, cet arrêt a ajouté une condition de prévisibilité subjective. Cet arrêt a fait l'objet de la publication ATF 142 III 746 précitée.

4.5 En présence d'un litige sur l'interprétation de clauses contractuelles, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant, empiriquement sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais aussi le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat, des projets de contrat, de la correspondance échangée ou encore de l'attitude des parties après la conclusion du contrat, établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 140 III 86 consid. 4.1; 
125 III 263 consid. 4c; 118 II 365 consid. 1). Déterminer ce qu'un cocontractant savait et voulait au moment de conclure relève des constatations de fait (ATF
132 III 268 consid. 2.3.2; 131 III 606 consid. 4.1; 128 III 419 consid. 2.2).

Lorsque le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre, c'est-à-dire conformément au principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; 133 III 61 consid. 2.2.1; 132 III 268 consid. 2.3.2; 132 III 626 consid. 3.1; 130 III 417 consid. 3.2). L'interprétation objective s'effectue non seulement d'après le texte et le contexte des déclarations, mais également sur le vu des circonstances qui les ont précédées et accompagnées, à l'exclusion des événements postérieurs. La détermination de la volonté objective des parties, selon le principe de la confiance, est une question de droit (ATF 142 III 239 consid. 5.2.1; 133 III 61 consid. 2.2.1).

L'interprétation de la volonté subjective a la priorité sur l'interprétation de la volonté objective (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1).

En vertu de la règle "in dubio contra stipulatorem", les clauses ambiguës doivent s'interpréter en défaveur de celui qui les a rédigées. Cette règle intervient de manière subsidiaire, lorsque les moyens d'interprétation usuels ne permettent pas de dégager le sens de clauses ambiguës (ATF 133 III 61 consid. 2.2.2.3;
122 III 118 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_469/2017 du 8 avril 2019 consid. 3.3).

Selon l'article 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit.

4.6 Selon l'art. 151 CPC, les faits notoires ou notoirement connus du tribunal et les règles d'expérience généralement reconnues ne doivent pas être prouvés.

Selon la jurisprudence, ils ne doivent pas même être allégués de sorte qu'ils peuvent être pris en considération d'office et sont soustraits à l'interdiction des nova (ATF 137 III 623 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_719/2018 du 12 avril 2019 consid. 3.2.1 et 3.2.3).

Des faits sont notoires lorsqu'ils sont généralement connus de tous, en tout cas au for du tribunal. Il n'est pas exigé que tout le monde connaisse directement le fait notoire; il suffit qu'il puisse être connu par des sources accessibles à tous (ATF 143 IV 380 c. 1.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_719/2018 précité, ibidem).

4.7 En l'espèce, il convient de traiter distinctement la licéité des blocages litigieux intervenus avant la signature du "deed of indemnity" en date du 14 février 2018 et leur licéité dès cette date.

4.7.1 S'agissant de la licéité des blocages avant le 14 février 2018, il convient de retenir, en se référant à la jurisprudence publiée la plus récente du Tribunal fédéral (ATF 142 III 746 consid. précités et 2.4.2), que, si les créances en libération dont se prévaut la banque à l'égard de l'intimée sont certes en relation avec les opérations d'achats et de reventes des fonds de placement litigieux et, dès lors, connexes à la relation d'affaires entre les parties, elles n'étaient toutefois pas suffisamment déterminables et prévisibles au moment de la conclusion du contrat constitutif de gage. Comme l'a retenu le Tribunal fédéral, les parties ne pouvaient prévoir ni ne devaient raisonnablement prévoir que de telles créances futures éventuelles étaient garanties par le droit de gage; ni la volonté réelle et commune, ni la volonté objective, ni même une volonté hypothétique des parties à cet égard ne peuvent être envisagées pour justifier une telle extension du droit de gage; la créance future éventuelle à garantir doit être prévisible au moment de la conclusion du contrat et l'action révocatoire d'un tiers ou une autre action à la suite d'une fraude n'entre pas dans cette catégorie.

Partant, l'appelante n'était pas légitimée, sur la base du contrat de gage, à bloquer les avoirs de l'intimée avant le 14 février 2018 concernant les investissements tant dans le fonds C______ LTD que dans le fonds D______/2______.

A la question de savoir si, en signant le "deed of indemnity" en date du 14 février 2018, l'intimée - qui a toujours contesté la mesure de blocage - a ratifié le blocage antérieur, il convient de répondre par la négative, dans la mesure où cet accord, rédigé par l'appelante, comprend une constatation que l'établissement bancaire a, sur la base du contrat de gage, décidé d'instaurer cette mesure sur les avoirs de sa cliente afin de couvrir les risques décrits (let. F du "deed of indemnity" en lien avec les let. B à E), mais aucune validation par l'intimée de cette mesure.

Toutefois, malgré la solution adoptée sur ce point, le chiffe 1 du dispositif du jugement attaqué ne sera pas annulé (cf. infra consid. 4.7.3).

4.7.2 Dès le 14 février 2018, il convient de retenir, à l'instar du premier juge, que l'appelante a reconnu qu'au début de l'année 2018, la partie du montant issu de la vente des parts dans le fonds C______ LTD correspondant au prix d'acquisition de celles-ci n'était plus susceptible de faire l'objet d'une action révocatoire, raison pour laquelle elle a accepté de libérer partiellement les avoirs bloqués de l'intimée. Elle n'a toutefois pas démontré qu'elle faisait alors toujours face à une action tendant à la restitution des profits perçus à la suite de la vente des parts du fonds C______ LTD.

S'agissant du fonds D______/2______, le jugement entrepris est également exempt de toute critique lorsqu'il retient que la banque n'a pas établi l'existence d'un risque concret auquel elle ferait face. En effet, l'action déposée par le trustee de J______ LLC contre la banque en date du 5 décembre 2010 ne concerne pas les investissements dans le fonds D______/2______. A cela s'ajoute
qu'aucun document produit - dont la newsletter établie par D______/7______ LLC le 12 juin 2020 - ne fait état de démarches judiciaires en lien avec D______/2______. Le fait que, comme le soutient l'appelante, il était notoire que le D______/2______ GROUP était le plus grand gérant de fonds nourricier de J______ LLC par l'intermédiaire direct, notamment, des fonds D______/4______ LTD, D______/5______ LTD et D______/6______ LTD, lesquels étaient à leur tour alimentés par d'autres fonds nourriciers, tel que le fonds D______/2______, n'y change rien. Comme le relève, par ailleurs, à raison l'intimée, l'appelante n'a pas non plus démontré qu'une éventuelle action à son encontre concernant des investissements en lien avec le fonds D______/2______ n'était pas prescrite selon le droit américain, alors que la vente des parts dudit fonds était intervenue en janvier 2004, soit 14 ans avant la signature du "deed of indemnity".

En tout état, les lettres D et G du "deed of indemnity" ne décrivent pas de manière suffisamment précise les risques encourus par l'appelante pour qu'il puisse être retenu que l'intimée y a reconnu l'existence de risques concrets pour la banque. De plus, l'on ne peut déduire de l'accord précité une volonté de la cliente de ratifier le blocage opéré par la banque pour le futur quand bien même elle y aurait reconnu l'existence d'un droit de gage.

Par conséquent, l'appelante n'était pas légitimée, sur la base du "deed of indemnity" dès le 14 février 2018, à bloquer les avoirs de l'intimée en lien avec l'investissement dans les fonds C______ LTD et D______/2______.

C'est, dès lors, à bon droit, que le Tribunal a ordonné la libération de tous les avoirs litigieux de l'intimée et leur transfert.

4.7.3 Au vu de ce qui précède, les chiffres 2 à 5 du dispositif du jugement entrepris seront confirmés. L'intimée n'ayant pas fait appel contre le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris, celui-ci est entré en force.

5. L'appelante ne remet pas en cause sa condamnation en restitution de divers frais et commissions pour un montant de 5'687.50 USD avec intérêts à 5% dès le 15 août 2020 dans l'hypothèse où l'illicéité des blocages litigieux serait constatée, de sorte que le chiffre 6 du dispositif du jugement entrepris sera confirmé (Reetz/Theiler, op. cit., n. 12 et n. 38 ad art. 311 CPC).

6. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 al. 1 ab initio CPC).

Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront fixés à 9'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC), couverts par l'avance de frais du même montant opérée par l'appelante, avance qui demeure entièrement acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Au vu de l'issue du litige, ces frais judiciaires seront intégralement mis à la charge de l'appelante.

Les dépens d'appel, débours et TVA compris, seront arrêtés à 6'000 fr. au regard de l'activité déployée par le conseil de l'intimée et mis à la charge de l'appelante (art. 95, 104 al. 1, 105 al. 1 et 106 al. 1 CPC; art. 20, 23 al. 1, 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 25 al. 1 LTVA; art. 84, 85 al. 1 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 23 février 2022 par A______ SA contre le jugement JTPI/607/2022 rendu le 18 janvier 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23034/2019-22.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de l'appel à 9'000 fr., les met à la charge de A______ SA et dit qu'ils sont entièrement compensés par l'avance effectuée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à payer à B______ INC 6'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.