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Décisions | Chambre civile

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C/20726/2021

ACJC/1546/2022 du 15.11.2022 sur JTPI/2386/2022 ( OO ) , RENVOYE

Normes : CPC.143
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20726/2021 ACJC/1546/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 15 NOVEMBRE 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 février 2022, comparant par Me Ghita DINSFRIEND-DJEDIDI, avocate, DNZ Avocats, rue Robert-Céard 6, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

B______ & CIE, sise ______, intimée, comparant par Me Alireza MOGHADDAM, avocat, BAROKAS, rue de l'Athénée 15, case postale 368, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 24 février 2022, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure ordinaire, a déclaré irrecevable la demande formée le 29 octobre 2021 par A______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'200 fr., mis ceux-ci à la charge de cette dernière et ordonné à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, de lui restituer le solde de son avance de frais, de 3'800 fr. (ch. 2), condamné A______ à payer à B______ & CIE un montant de 1'500 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 10 mars 2022, A______ a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu, avec suite de frais, à son annulation et, cela fait, à ce que l'action en libération de dette qu'elle a formée le 28 octobre 2022 soit déclarée recevable et à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour instruction.

b. Dans sa réponse du 3 juin 2022, B______ & CIE a conclu à ce qu'il soit constaté que la "part afférente à la Demande en paiement" était irrecevable et, s'agissant de la "part dédiée à l'Action en libération de dette", elle s'en est rapportée à l'appréciation de la Cour, et à ce que, dans l'hypothèse où l'appel était admis à cet égard, la cause soit renvoyée au Tribunal et à ce qu'aucun frais ne soit mis à sa charge.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées le 3 octobre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. A______ exploite l'entreprise C______, qui elle-même exploite une boulangerie-pâtisserie, avec buvette permanente.

B______ & CIE est une société en nom collectif exploitant le café-restaurant "D______", avec service sur place et à l'emporter.

b. Le 4 décembre 2020, B______ & CIE a fait notifier à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour un montant de 11'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er juin 2019, auquel elle a formé opposition.

Faisant suite à la requête de B______ & CIE, le Tribunal a, par jugement du 5 octobre 2021, notamment prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer susmentionné à concurrence de 11'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 21 septembre 2020.

Ce jugement a été notifié aux parties le 8 octobre 2021. Il n'a pas fait l'objet d'un recours.

c. Par acte daté du 28 octobre 2021, mais expédié le lendemain à teneur du timbre postal figurant sur l'enveloppe contenant ledit acte, A______ a agi en libération de dette et en paiement à l'encontre de B______ & CIE. Elle a conclu, avec suite de frais, à ce que le Tribunal constate qu'elle ne doit pas à B______ & CIE la somme de 11'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 21 septembre 2020, faisant l'objet du prononcé de la mainlevée provisoire du 5 octobre 2021 et condamne B______ & CIE à lui payer la somme de 71'098 fr., avec intérêts à 5% dès le 31 mai 2019.

L'enveloppe contenant l'action en libération de dette comprenait, d'une part, un timbre postal portant la date du 29 octobre 2021 et, d'autre part, un numéro de recommandé.

d. Par ordonnance du 21 décembre 2021, le Tribunal a limité la procédure à la problématique de la recevabilité de l'action en libération de dette et demande en paiement et imparti aux parties un délai au 24 janvier 2022 pour se déterminer à cet égard.

d.a Dans ses déterminations du 24 janvier 2022, A______ a conclu à ce que le Tribunal déclare recevable l'action en libération de dette et demande en paiement. Subsidiairement, elle a conclu à ce que le Tribunal disjoigne l'action en libération de dette de la demande en paiement. Elle a examiné différentes conditions de recevabilité, à savoir son intérêt à agir, la compétence ratione loci et materiae du Tribunal, la qualité pour agir et défendre, sa capacité d'ester en justice, la litispendance et la question de la conciliation préalable.

d.b Dans ses déterminations du 24 janvier 2022, B______ & CIE a préalablement conclu à ce que le Tribunal écarte les déterminations de A______ sur la recevabilité de son action et, cela fait, déclare irrecevable l'action en libération de dette et demande en paiement, sous suite de frais et dépens.

e. Dans son jugement du 24 février 2022, le Tribunal a considéré que A______ avait introduit sa demande en paiement sans conciliation préalable, de sorte que sa demande devait être déclarée irrecevable.

En outre, le jugement de mainlevée du 5 octobre 2021 avait été notifié à A______ le 8 octobre 2021. Ainsi, le délai de vingt jours pour agir en libération de dette arrivait à échéance le 28 octobre 2021. Or, A______ avait expédié son action le 29 octobre 2021. Par conséquent, l'action en libération de dette était également irrecevable.

f. Par courrier du 2 mars 2022 adressé au Tribunal, A______ a sollicité l'annulation du jugement du 24 février 2022 au motif qu'il ressortait du suivi des envois de la Poste qu'elle produisait que le pli recommandé contenant son action en libération de dettes et demande en paiement avait été déposé le 28 octobre 2021 à 21 heures 17.

EN DROIT

1. Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 311 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance qui statue sur des prétentions pécuniaires dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions était supérieure à 10'000 fr. (art. 91ss et 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

2. L'appelante soutient que son action en libération de dette a été déposée dans le délai prescrit par l'art. 83 al. 2 LP.

2.1 L'action en libération de dette (art. 83 al. 2 LP) est une action de droit matériel tendant à faire constater que la créance déduite en poursuite était inexistante ou inexigible au moment de l'introduction de la poursuite. Elle doit être intentée dans les 20 jours "à compter de la mainlevée".

Selon l'art. 143 al. 1 CPC, les actes doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai soit au tribunal soit à l'attention de ce dernier, à la poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse. Le délai est sauvegardé si l'acte est remis le dernier jour du délai à minuit (ATF 142 V 389 consid. 2.2 p. 391 et les références citées). A l'instar d'une boîte postale (cf. ATF 142 V 389 consid. 2.2; arrêt 8C_696/2018 précité consid. 3.3 et les références), il y a lieu d'assimiler l'automate "MyPost 24" à un bureau de poste suisse au sens notamment de l'art. 143 al. 1 CPC, à charge, le cas échéant, pour l'expéditeur de prouver que le délai a été observé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_972/2018 du 5 février 2019, consid. 4.2). La date du dépôt d'un acte de procédure est présumée coïncider avec celle du sceau postal (ATF 142 V 389 consid. 2.2 p. 391;
124 V 372 consid. 3b p. 375; arrêts 6B_154/2020 du 16 novembre 2020 consid. 3.1.1; 6B_157/2020 du 7 février 2020 consid. 2.3, in SJ 2020 I 232).

En cas d'envoi recommandé, le Tribunal fédéral se réfère régulièrement l'extrait Track and Trace de suivi des envois de La Poste Suisse dont il découle une présomption, réfragable, quant à la date de l'envoi (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_86/2022 du 8 juillet 2022, consid. 3.1 et 3.3).

2.2 En l'espèce, le jugement de mainlevée a été notifié à l'appelante le 8 octobre 2021. Il n'est pas contesté que le délai pour déposer l'action en libération de dette venait à échéance le 28 octobre 2021.

Le sceau postal figurant sur l'enveloppe reçue par le Tribunal mentionnait la date du 29 octobre 2021. Ledit sceau postal constituait un élément pertinent pour le Tribunal pour déterminer si l'action en libération de dette avait été déposée dans le délai prescrit par l'art. 83 al. 2 LP. Le Tribunal a par ailleurs donné la possibilité aux parties de se déterminer sur la recevabilité de l'action en libération de dette. A cette occasion, l'appelante ne s'est pas exprimée sur la question du respect du délai pour déposer cette action et n'a notamment pas produit le relevé du suivi des envois de la Poste, qu'elle a déposé après avoir reçu le jugement attaqué seulement.

Cela étant, le Tribunal n'avait pas attiré l'attention de l'appelante sur le fait que l'enveloppe contenant l'action en libération de dette portait la date du 29 octobre 2021. L'action en libération de dette a été envoyée par courrier recommandé au Tribunal et l'enveloppe reçue par ce dernier comportait par ailleurs un numéro d'envoi. Il ressort du suivi des envois de la Poste, auquel le Tribunal pouvait facilement accéder, que l'action en libération de dette a été déposée le 28 octobre 2021, soit dans le délai de l'art. 83 al. 2 LP. Ledit délai a donc été respecté et l'action en libération de dette était recevable à cet égard, ce que l'intimée ne conteste d'ailleurs pas.

Au vu de ce qui précède, l'appel est fondé. Le jugement attaqué sera annulé et la cause renvoyée au Tribunal pour nouvelle décision sur l'action en libération de dette, étant relevé que l'appelante ne conteste pas l'irrecevabilité de sa demande en paiement.

3. Au vu de l'issue du litige, les frais judiciaires de première instance et d'appel seront laissés à la charge de l'Etat (art. 107 al. 2 CPC). Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront dès lors invités à restituer à l'appelante le montant de l'avance qu'elle avait fournie pour la procédure d'appel.

Il ne sera pas alloué de dépens d'appel dans la mesure où l'art. 107 al. 2 CPC permet uniquement de mettre à la charge du canton les frais judiciaires, conformément à son texte qui ne mentionne que ceux-ci, à l'exclusion des dépens (arrêt du Tribunal fédéral 5A_356/2014 du 14 août 2014 consid. 4.1).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/2386/2022 rendu le 24 février 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/20726/2021.

Au fond :

Annule ce jugement et, cela fait, renvoie la cause au Tribunal pour instruction et nouvelle décision.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Laisse les frais judiciaires d'appel à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer la somme de 1'800 fr. à A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.