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Décisions | Chambre civile

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C/16790/2021

ACJC/1485/2022 du 15.11.2022 sur JTPI/4070/2022 ( OS ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.311.al1; CO.398.al2; CO.127; CO.130.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16790/2021 ACJC/1485/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 15 NOVEMBRE 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [VD], appelante d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 30 mars 2022, comparant en personne,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, comparant par Me Mathias ZINGGELER, avocat, Keppeler Avocats, rue Ferdinand-Hodler 15, case postale 6090, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/4070/2022 du 30 mars 2022, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure simplifiée, a débouté A______ de toutes ses conclusions (en paiement de 29'069 fr.) (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 2'100 fr. compensés avec les avances fournies, laissés à la charge de la précitée (ch. 2) et l'a condamné à payer à [la fiduciaire] B______ SA la somme de 1'000 fr. à titre de dépens (ch. 3).

Le Tribunal a considéré que les prétentions de A______ étaient prescrites, la violation contractuelle alléguée par elle datant de l'année 2010 et la requête de conciliation du 31 août 2021. Même si lesdites prétentions n'étaient pas prescrites, A______ n'avait pas démontré la mauvaise exécution du contrat de mandat conclu avec B______ SA.

B. a. Par acte expédié le 4 avril 2022 au Tribunal, transmis à la Cour de justice le 7 avril suivant, A______, comparant en personne, a implicitement formé appel de ce jugement. Elle ne prend pas de conclusions formelles. Elle indique ce qui suit : "Ce courrier pour information et mieux vous renseigner au sujet de mon affaire au Tribunal. Merci à vous d'en prendre connaissance". "P.S. : Devrais-je y laisser ma santé pour une injustice ? Seriez-vous prête à cela ?".

Elle a produit de nouvelles pièces et formé de nouveaux allégués.

b. Dans sa réponse du 29 juillet 2022, B______ SA a conclu à l'irrecevabilité de l'appel. Au fond, elle a conclu à l'irrecevabilité des courriers des 14 et 17 juillet 2020 de même que la déclaration de renonciation à la prescription du 16 juillet 2020 produits par A______ et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais et dépens.

c. Par réplique du 14 septembre 2022, A______ a conclu à ce que la Cour constate que B______ SA lui "doit immédiatement et promptement" le montant de 29'069 fr, voire plus avec intérêts à 5% à compter du 27 mai 2019, sous suite de frais et dépens. Elle a également conclu à l'irrecevabilité de la réponse déposée par B______ SA.

d. Dans sa duplique du 23 septembre 2022, B______ SA a persisté dans ses conclusions.

e. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 13 octobre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ était copropriétaire d’un immeuble dans le canton de Genève.

b. B______ SA, inscrite au Registre du commerce genevois le ______ 2007, a pour but toutes prestations de services en matière fiduciaire et ______.

c. A______ a confié à B______ SA le mandat d’établir ses déclarations fiscales de 2001 à 2010.

d. En 2009 l’immeuble, copropriété de A______, a été vendu et elle a perçu la somme de 3'585'380 fr., laquelle a été versée sur un compte auprès de la banque C______.

e. La déclaration fiscale de A______ pour 2009 ne mentionne pas le compte ouvert auprès de C______ et la somme de 3'585'380 fr.

f. Cette déclaration est établie et signée par un employé de B______ SA.

g. En juillet 2010, l'Administration fiscale cantonale a procédé à la taxation de A______ pour l'année 2009, sans que le compte auprès de C______ ne soit pris en considération.

A______ n’a pas réagi à la réception de sa taxation relative à l'année 2009.

h. Elle a quitté le canton de Genève en 2010 et n’a plus fait appel à B______ SA. La précitée lui a restitué la totalité de son dossier.

i. Le 27 mai 2019, l’Administration fiscale cantonale a adressé à A______ une nouvelle taxation pour l'exercice 2009, lui réclamant un impôt supplémentaire de 28'753 fr. 45, les intérêts de 6'569 fr. 05 et une amende de 14'376 fr., réduite après réclamation à 9'584 fr. L'Administration a pris en compte la fortune mobilière, de 3'475'473 fr., se trouvant dans les livres de C______.

j. Par courrier du 18 mai 2021, le conseil de A______ a réclamé à B______ SA le paiement de la somme de 16'069 fr., la tenant pour responsable du dommage subi.

k. Le 4 juin 2021, le conseil de B______ SA a contesté être responsable du dommage subi par A______. Il a précisé que toutes les pièces avaient été restituées à la précitée plus de dix ans auparavant, que la déclaration avait été remplie sur la base des informations reçues et que la fiduciaire n’avait pas été informée de la vente de l’immeuble.

l. Le 31 août 2021, agissant en personne, A______ a déposé une requête en conciliation et réclamé à B______ SA la somme de 29'069 fr. à titre de dommage subi.

m. Aucune accord n'étant intervenu, une autorisation de procéder a été délivrée à A______. Elle a déposé sa demande au Tribunal le 18 novembre 2021 et a conclu au paiement de 29'069 fr., soit 9'500 fr. au titre d’amende, 6'569 fr. 05 d’intérêts de rappel d’impôt, 1'000 fr. de frais d’avocat et 12'000 fr. de dédommagement pour ses nombreuses démarches.

n. Lors de l’audience du Tribunal du 23 février 2022 A______ a persisté dans ses conclusions.

B______ SA a contesté toute responsabilité, invoqué la prescription et l’absence de la réaction de A______ à la réception de sa taxation relative à l'année 2009, en 2010. Elle a indiqué que la précitée n’avait réagi que lorsqu'elle avait reçu un rappel d’impôt.

Elle a sollicité l'octroi d'un délai pour produire des pièces, auquel le Tribunal a fait droit.

La cause a été gardée à juger dès réception des pièces de B______ SA, transmises à A______ le 8 mars 2022.

EN DROIT

1. 1.1 L’appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance, lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 francs au moins (art. 308 al. 1et 2 CPC), ce qui est le cas en l'espèce.

1.2
1.2.1
 Il incombe au recourant de motiver son appel (art. 311 al. 1 CPC), c'est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée. Pour satisfaire à cette exigence, il ne lui suffit pas de renvoyer aux moyens soulevés en première instance, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée. Sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'autorité d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 
141 III 569 consid. 2.3.3; 138 III 374 consid. 4.3.1). La motivation de l'appel constitue une condition de recevabilité, qui doit être examinée d'office; Lorsque l'appel est insuffisamment motivé, l'autorité n'entre pas en matière (arrêts du Tribunal fédéral 5A_247/2013 du 15 octobre 2013 consid. 3.1; 4A_651/2012 du 7 février 2013 consid. 4.2);

L'appel doit également contenir des conclusions, qui doivent le cas échéant être chiffrées. Celles-ci doivent être interprétées selon les règles de la bonne foi. Il suffit à cet égard que le sens dans lequel la modification de la décision attaquée est demandée résulte clairement de la motivation de l'appel, cas échéant mise en relation avec la décision attaquée (ATF 137 III 617 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_112/2018 du 20 juin 2018 consid. 2.1). Les conclusions doivent être suffisamment précises pour qu'en cas d'admission, elles puissent être reprises sans modification dans le dispositif de la décision (ATF 137 III 617 consid. 4.3). Il n'existe pas de présomption selon laquelle celui qui ne précise pas ses conclusions serait censé reprendre celles formulées devant l'instance précédente (arrêt du tribunal fédéral 4A_402/2011 du 19 décembre 2011 consid. 1.2).

L'art. 132 CPC permet d'obtenir un délai supplémentaire uniquement pour rectifier des vices de forme, et non pas pour remédier à l'insuffisance des moyens au fond, même si le mémoire émane d'une personne sans formation juridique (ATF
137 III 617 consid. 6.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_736/2017 du 30 mars 2017 consid. 4.3);

1.2.2 En l'espèce, l'appelante semble contester le jugement attaqué. Elle n'explique toutefois pas en quoi les motivations du Tribunal relatives, tant à la prescription des prétentions qu'elle a émises à l'encontre de l'intimée, qu'à l'absence de preuve de la mauvaise exécution du contrat de mandat, seraient erronées ou contraires au droit. L'appelante ne formule aucun grief à l'encontre de la décision querellée et n'indique pas non plus sur quels points ledit jugement serait erroné. De plus, l'appel ne contient aucune conclusion. En outre, il ne peut être tenu compte des explications fournies par l'appelante après l'échéance du délai d'appel, dans sa réplique, laquelle ne permet pas de compléter les griefs et la motivation de l'appel.

Par conséquent, faute de motivation suffisante, même en faisant preuve de l'indulgence nécessaire envers un plaideur agissant en personne, l'appel doit être déclaré irrecevable.

2. Même s'il avait été recevable, l'appel aurait été infondé, pour les motifs qui suivent :

2.1

2.1.1 La Cour examine d'office la recevabilité des faits et moyens de preuve nouveaux en appel (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2016, n. 26 ad art. 317 CPC).

A teneur de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

2.1.2 En l'espèce, les courriers des 14 et 17 juillet 2020, ainsi que la déclaration du 16 juillet 2020, ont été établis avant que le jugement entrepris ne soit rendu et l'appelante n'explicite pas pour quelles raisons elle aurait été empêchée de les produire en première instance. Par conséquent, ces pièces, ainsi que les allégués de fait qui s'y rapportent sont irrecevables et ne seront pas pris en considération.

Les autres titres nouvellement produits sont recevables, sans préjudice de leur pertinence.

2.2

2.2.1 L'art. 398 al. 2 CO prévoit que le mandataire est responsable envers le mandant de la bonne et fidèle obligation du mandat. Cette disposition impose au mandataire une obligation de diligence et de fidélité.

L'obligation principale du mandataire consiste à mettre en œuvre une diligence raisonnable pour atteindre le but voulu par les parties et à livrer le résultat obtenu (Werro, in Code des obligations I, Commentaire romand, 3ème éd. 2021, art. 398 CO, n. 12 et ss). C'est au créancier qu'il incombe de prouver quelles mesures s'imposaient au débiteur dans les circonstances de l'espèce et le fait que celui-ci ait omis de les prendre (Werro, Le mandat et ses effets, p. 305, n. 908; dans le même sens : arrêt du Tribunal fédéral 4A_350/2019 du 9 janvier 2020 consid. 3.1 et les arrêts cités).

2.2.2 Les actions fondées sur des obligations contractuelles se prescrivent, sauf disposition spéciale, par dix ans (art. 127 CO), dès que la créance est devenue exigible (art. 130 al. 1 CO). La prétention en dommages-intérêts découlant de la violation positive du contrat naît et devient exigible au moment de la violation du devoir contractuel, et non pas seulement lorsque le lésé peut reconnaître et constater les conséquences de cette violation. En d'autres termes, elle commence à se prescrire avec la violation du contrat, indépendamment de la survenance du dommage (ATF 143 III 348 consid. 5.3; 137 III 16 consid. 2.3, 2.4.1 et 2.4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_558/2017 du 29 mai 2018 consid. 5.3.1; pour une critique de cette jurisprudence, cf. Pichonnaz, in Code des obligations I, Commentaire romand, 3ème éd. 2021, art. 130 CO, n. 5j). En cas d'omission continue d'exécuter une obligation pendant la période contractuelle, la prescription décennale de l'art. 127 CO commence en principe à courir au plus tard depuis la fin du contrat (ATF 106 II 134 consid. 2d; arrêt du Tribunal fédéral 4A_558/2017 précité, ibidem).

2.2.3 La responsabilité du mandataire est subordonnée aux quatre conditions suivantes, conformément au régime général de l'art. 97 CO : une violation des obligations qui lui incombent en vertu du contrat, notamment la violation de ses obligations de diligence et de fidélité (art. 398 al. 2 CO); un dommage; un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation du contrat et le dommage; et une faute (arrêt du Tribunal fédéral 4A_350/2019 du 9 janvier 2020 consid. 3.1 et les arrêts cités).

Le mandant supporte le fardeau de l'allégation objectif et le fardeau de la preuve des trois premières conditions conformément à l'art. 8 CC; il incombe en revanche au mandataire de prouver qu'aucune faute ne lui est imputable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_350/2019 précité, ibidem et les arrêts cités).

2.2.4 Dans le présent cas, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que l'action intentée par l'appelante était prescrite. En effet, elle a fait l'objet, en juillet 2010, d'une taxation par le service compétent concernant l'exercice fiscal 2009 et a introduit, en conciliation, sa demande le 31 août 2021, soit plus de 10 ans après l'alléguée violation contractuelle.

De plus, il ne résulte pas des pièces – recevables – versées à la procédure que l'intimée aurait été informée de la vente de l'immeuble, de sorte que c'est également à bon droit que le premier juge a considéré que l'appelante n'avait pas démontré une mauvaise exécution du mandat par l'intimée.

3.  Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., seront mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera en outre condamnée à verser à l'intimée des dépens d'appel de 1'500 fr. (art. 105 al. 2, 111 al. 2 CPC; art. 84, 85 al. 1 et 90 RTFMC; art. 23 al. 1 LaCC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare irrecevable l'appel interjeté le 4 avril 2022 par A______ contre le jugement JTPI/4070/2022 rendu le 30 mars 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16790/2021.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______.

Condamne A______ à verser à B______ SA 1'500 fr. à titre de dépens d'appel.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.