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Décisions | Chambre civile

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C/14002/2021

ACJC/1301/2022 du 30.09.2022 sur JTPI/13747/2021 ( OO ) , RENVOYE

Normes : CPC.59; CPC.201; CPC.197
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14002/2021 ACJC/1301/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 30 SEPTEMBRE 2022

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], appelant d'un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 octobre 2021, comparant par Me Diane BROTO, avocate, CG PARTNERS, rue du Rhône 100, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

1) Monsieur B______, domicilié ______[GE], intimé, comparant par Me Tatiana TENCE, avocate, place du Bourg-de-Four 8, case postale 3707, 1211 Genève 3, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.

2) SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES (SCARPA), rue Ardutius-de-Faucigny 2,
1204 Genève, autre intimé, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/13747/2021 du 26 octobre 2021, reçu par A______ le 2 novembre suivant, le Tribunal de première instance a déclaré la demande irrecevable (chiffre 1 du dispositif), mis les frais judiciaires, arrêtés à 120 fr. et compensés avec l'avance, à la charge de A______ (ch. 2) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3).

B. a. Par acte déposé le 1er décembre 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ fait appel de ce jugement, dont il sollicite l'annulation.

Il conclut, avec suite de frais, à ce que la demande en modification du jugement de divorce formée le 15 juillet 2021 à l'encontre de B______ et de l'Etat de Genève, soit pour lui le SCARPA, soit déclarée recevable, à ce que la cause soit renvoyée en première instance pour suite d'instruction, à ce qu'il soit ordonné au Tribunal de suspendre la procédure en application de l'art. 126 al. 1 CPC jusqu'à droit connu sur le recours qu'il avait formé par-devant le Tribunal fédéral le 17 mai 2021 dans la cause 5A_407/2021, et à ce que B______ soit débouté de toutes autres ou contraires conclusions.

b. Le SCARPA s'en est rapporté à justice quant au sort de l'appel.

c. B______ a conclu, avec suite de frais, au déboutement de A______ de toutes ses conclusions et à la confirmation du jugement entrepris.

d. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

e. B______ n'a pas dupliqué.

f. Par pli du 13 mai 2022, reçu en copie par B______, A______ a transmis à la Cour un tirage de l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 6 mai 2022 à la suite du recours en matière civile qu'il avait interjeté contre l'arrêt de la Cour du 23 mars 2021.

g. Le greffe de la Cour a informé les parties par plis du 23 mai 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______, né en 1968, et C______, née en 1976, tous deux originaires de Genève, se sont mariés le ______ 1997 à Genève, sans conclure de contrat de mariage.

Ils sont les parents de D______, née le ______ 2000, et de B______, né le ______ 2003, aujourd'hui majeurs.

Les parties vivent séparées depuis l'année 2013.

b. Les modalités de la vie séparée des parties ont été réglées par jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale JTPI/110303/2015 du 25 septembre 2015 et par arrêt de la Cour de justice ACJC/172/2016 du 12 février 2016.

Dans ce cadre, la garde des deux enfants a été attribuée à la mère et un droit de visite a été réservé à A______, lequel a été condamné à contribuer à leur entretien à raison de 1'000 fr. par mois et par enfant.

Par la suite, la contribution d'entretien en faveur de D______ a été supprimée dès lors que la garde de celle-ci a été confiée à A______, lequel s'est engagé à prendre en charge ses frais d'entretien.

c. Le 10 février 2017, A______ a formé une demande unilatérale en divorce, assortie d'une requête de mesures provisionnelles (C/1______/2017).

d. Dans ses dernières conclusions au fond, il s'est engagé à verser, à titre de contribution à l'entretien de B______, la somme de 1'000 fr. par mois, allocations familiales et d'études non comprises, jusqu'aux 18 ans de celui-ci. Il a en outre conclu à ce qu'aucune contribution d'entretien post-divorce ne soit allouée à son ex-épouse.

e. Par jugement JTPI/10931/2020 du 25 août 2020, le Tribunal a, notamment, prononcé le divorce des époux, attribué la garde de B______ à sa mère, un droit de visite étant réservé à A______, condamné ce dernier à contribuer à l'entretien de B______ par le versement de 1'000 fr. par mois, allocations d'études en sus, jusqu'à ce que celui-ci ait obtenu une formation professionnelle appropriée à achever dans un délai raisonnable, mais jusqu'à l'âge de 25 ans au plus, payables en mains de la mère pendant la minorité puis directement à celui-ci dès sa majorité. A______ a aussi été condamné à verser à son ex-épouse une contribution d'entretien de 3'500 fr. par mois jusqu'à ce qu'elle ait obtenu, après achèvement de sa formation au sein de la Haute école E______, un emploi rémunéré à hauteur de 4'300 fr. par mois au minimum, mais au plus tard jusqu'à fin décembre 2022.

f. Par arrêt ACJC/450/2021 du 23 mars 2021 statuant sur l'appel formé par A______, la Cour a partiellement réformé ce jugement. Sur mesures provisionnelles, elle a libéré A______ de son obligation de contribuer à l'entretien de son ex-épouse et de B______ à compter du
19 octobre 2020 en raison de la baisse de revenus qu'il avait subie. Au fond, elle l'a condamné, dès le 1er mai 2021, à verser une contribution à l'entretien de B______ à hauteur de 1'000 fr. par mois, allocations d'études en sus, jusqu'à ce que celui-ci ait obtenu une formation professionnelle appropriée à achever dans un délai raisonnable, payable en mains de sa mère pendant sa minorité, puis en ses mains dès qu'il serait majeur. Elle l'a également condamné à verser une contribution d'entretien en faveur de son ex-épouse de 3'140 fr., dès le
1er mai 2021 et au plus tard jusqu'à la fin décembre 2022.

g. Par acte du 17 mai 2021, A______ a exercé un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il a conclu à la suppression de toute contribution d'entretien en faveur de son fils et de son ex-épouse à compter du 1er mai 2021, au motif, notamment, que sa situation financière ne lui permettait pas de s'acquitter d'un quelconque montant à ce titre.

h. Par arrêt 5A_407/2021 du 6 mai 2022, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé par A______ et réformé l'arrêt entrepris, en ce sens que la contribution mensuelle due pour l'entretien de B______ à compter du 1er mai 2021 était fixée à 910 fr., allocations d'études en sus, jusqu'à ce que celui-ci ait obtenu une formation professionnelle appropriée à achever dans un délai raisonnable.

Le Tribunal fédéral a considéré, en substance, que le raisonnement aux termes duquel la Cour avait imputé un revenu hypothétique de 13'000 fr. par mois à A______ à compter du 1er mai 2021 ne prêtait pas le flanc à la critique (consid. 4.3). Celui-ci disposant d'une situation économique plus favorable que son ex-épouse, la Cour avait retenu à juste titre qu'il devait continuer à assumer l'entretien financier de B______ au-delà de sa majorité (consid. 6.2.2). La contribution devait toutefois être réduite à 910 fr. par mois à partir du 1er mai 2021 en raison de la baisse des charges de B______ (consid. 6.3.2).

Le recours formé par A______ a été rejeté pour le surplus et la cause renvoyée à la Cour pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.

D. a. B______ étant devenu majeur le ______ 2021, A______ a, parallèlement au recours en matière civile susmentionné, saisi le Tribunal de première instance d'une action en modification du jugement de divorce le
15 juillet 2021. Cette action fait l'objet de la présente procédure.

Il a conclu à la suppression de toute contribution d'entretien en faveur de B______, subsidiairement à la réduction de celle-ci, avec effet au 15 juillet 2021. Il a fondé ses conclusions sur l'absence totale de relation entre B______ et lui-même depuis plus de huit ans. Conformément à l'art. 277
al. 2 CC, il ne pouvait dès lors plus être astreint au paiement d'une contribution à l'entretien de son fils.

Il a sollicité, à titre préalable, la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur le recours formé par-devant le Tribunal fédéral en date du 17 mai 2021.

L'action était dirigée contre B______ et le SCARPA.

b. Par ordonnance du 20 juillet 2021, le Tribunal a imparti à A______, conformément à l'art. 202 CPC et à l'art. 32 du règlement fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC; E 1 05.10), un délai au 25 août 2021 pour fournir une avance de frais de 120 fr. pour la procédure de conciliation, montant qui a été réglé dans le délai imparti.

c. Par ordonnance du 25 août 2021, le Tribunal a transmis la requête de conciliation à B______ et au SCARPA et leur a imparti un délai au 30 septembre 2021 pour se déterminer sur la suspension de la procédure.

d. Par courrier du 10 septembre 2021, le SCARPA s'en est rapporté à justice s'agissant de la demande de suspension. Il a précisé qu'il n'avançait aucune pension à B______ et que les paiements qu'effectuait son père à titre d'acomptes de pension étaient reversés directement à celui-ci.

e. Par réponse du 30 septembre 2021, B______ a conclu, principalement, à l'irrecevabilité de la demande de modification du jugement de divorce formée par A______ en application de l'art. 284 CPC, lequel prévoit que la décision dont la modification est demandée doit avoir acquis force de chose jugée. Cette condition n'était toutefois pas remplie dès lors que A______ avait interjeté un recours au Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt de la Cour du 23 mars 2021, lequel était toujours pendant.

f. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a considéré que le jugement de divorce dont A______ sollicitait la modification faisait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral et n'était dès lors pas encore entré en force de chose jugée. La demande était dès lors irrecevable au sens de l'art. 59 al. 2 let. e CPC.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et
311 CPC) et dans le délai utile de 30 jours (art. 142, 311 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision d'irrecevabilité de l'autorité de conciliation, soit une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), qui statue sur action en modification de la contribution à l'entretien de l'enfant, soit sur une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est, compte tenu des montants réclamés à ce titre, supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1, 92 et 308 al. 2 CPC).

1.2 Sont également recevables la réponse de l'intimé et la réplique, déposées dans le délai légal, respectivement imparti à cet effet (art. 314 al. 2, 316 al. 1 CPC).

1.3 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC).

2. L'appelant a déposé une pièce nouvelle en appel.

2.1 La Cour examine d'office la recevabilité des faits et moyens de preuve nouveaux en appel (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2016, n. 26 ad art. 317 CPC).

Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Les "vrais nova" sont des faits et moyens de preuve qui ne sont survenus qu'après la fin des débats principaux, soit après la clôture des plaidoiries finales
(cf. ATF
138 III 788 consid. 4.2; Tappy, in Code de procédure civile, Commentaire romand, 2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 229 CPC). En appel, ils sont en principe toujours admissibles, pourvu qu'ils soient invoqués sans retard dès leur découverte (ATF 143 III 42 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1006/2017 du 5 février 2018 consid. 3.3).

2.2 En l'espèce, l'appelant a produit, par pli du 13 mai 2022, un tirage de l'arrêt du Tribunal fédéral du 6 mai 2022 statuant sur le recours qu'il avait interjeté contre l'arrêt de la Cour du 23 mars 2021. Cette pièce constitue par conséquent un vrai "novum" et a été produite sans retard, avant que la cause n'ait été gardée à juger. Elle est dès lors recevable de ce point de vue.

Indépendamment de ce qui précède, le prononcé de cet arrêt constitue également un fait notoire connu des deux parties et de la Cour, dès lors qu'il est intervenu dans le cadre de la procédure C/1______/2017, qui opposait les parties devant la Cour. Ce fait est dès lors recevable, nonobstant la question de savoir si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC sont réalisées (arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2021 du 8 novembre 2021 consid. 2.3 et les arrêts cités).

3. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir déclaré irrecevable sa demande en modification de la contribution d'entretien fixée par l'arrêt de la Cour du 23 mars 2021.

3.1.1 Selon l'art. 284 al. 1 CPC, la modification du jugement de divorce est régie par les art. 124e, al. 2, 129 et 134 CC s'agissant des conditions et de la compétence à raison de la matière.

Conformément à l'art. 134 al. 3 CC, la compétence pour modifier l'attribution de l'autorité parentale et de la garde ainsi que pour ratifier la convention relative à l'entretien de l'enfant revient, en cas d'accord entre les père et mère, à l'autorité de protection de l'enfant. Dans les autres cas, la décision appartient au juge compétent pour modifier le jugement de divorce. La procédure de divorce sur requête unilatérale s'applique par analogie à la procédure contentieuse de modification (art. 284 al. 3 CPC).

Dans les procédures indépendantes concernant les enfants dans les affaires de droit de la famille, la procédure simplifiée s'applique indépendamment de la valeur litigieuse (art. 295 CPC).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, certes contestée, lorsque l'action porte exclusivement sur l'entretien de l'enfant majeur et que la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire est applicable (ATF 139 III 368 consid. 3, SJ 2013 I 578; arrêt du Tribunal fédéral 5A_524/2017 du 9 octobre 2017 consid. 3.2.2; critique : Bohnet, in RSPC 2013, p. 493 ss, et in Droitmatrimonial.ch, Newsletter 9/2013).

3.1.2 L'obligation d'entretien des père et mère dure jusqu'à la majorité de l'enfant. Si, à sa majorité, l'enfant n'a pas encore de formation appropriée, les père et mère doivent, dans la mesure où les circonstances permettent de l'exiger d'eux, subvenir à son entretien jusqu'à ce qu'il ait acquis une telle formation, pour autant qu'elle soit achevée dans les délais normaux (art. 277 al. 1 et 2 CC)

La modification ou la suppression de la contribution d'entretien de l'enfant est régie par l'art. 286 al. 2 CC. Elle suppose que des faits nouveaux importants et durables soient survenus dans la situation du débirentier ou du parent gardien, qui commandent une réglementation différente. La procédure de modification n'a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1; 131 III 189 consid. 2.7.4; 120 II 177 consid. 3a).

3.1.3 Lorsque le parent agit dans le cadre d'un procès en divorce, la capacité de faire valoir les droits de l'enfant, qui lui est expressément conférée par la loi, vaut non seulement pour la période couvrant la minorité de l'enfant, mais aussi pour celle allant au-delà de l'accès à la majorité (art. 133 al. 1, 2ème phrase, CC, transférée à l'art. 133 al. 3 CC au 1er juillet 2014). Depuis l'introduction de cette disposition dans la loi, la jurisprudence admet de manière générale l'attribution d'une telle contribution au-delà de la majorité. En effet, bien qu'en théorie l'art. 277 al. 2 CC subordonne à certains critères la fixation de la contribution d'entretien pour une période allant au-delà de l'accès à la majorité, ceux-ci ne peuvent donner lieu à un examen précis; les circonstances personnelles, telles que le refus de l'enfant d'entretenir des relations avec son parent, voire même la possibilité effective de réaliser des études, ne peuvent en effet que difficilement faire l'objet d'un pronostic. Ces critères doivent être examinés au moment de l'accès à la majorité, cas échéant dans le cadre d'une action en modification au sens de l'art. 286 al. 2 CC (ATF 139 III 401 consid. 3.2.2 et les arrêts cités;
arrêt du Tribunal fédéral 5A_517/2020 du 4 octobre 2021 consid. 4.2).

3.1.4 S'agissant de la procédure à suivre pour modifier la contribution d'entretien en faveur de l'enfant mineur fixée par le jugement de divorce, le Tribunal fédéral considère que, selon l'art. 134 al. 3 CC, la compétence pour modifier cette contribution revient au juge de la modification du jugement de divorce. Cette disposition prescrit dès lors l'application de la procédure prévue pour la modification du jugement de divorce (art. 284 CPC), peu importe que le procès porte uniquement sur l'entretien de l'enfant mineur et qu'aucun point relevant du droit matrimonial ne soit remis en cause. Conformément à l'art. 291 al. 2 CPC applicable par analogie, la conciliation doit dès lors être tentée après le dépôt de la demande (arrêt du Tribunal fédéral 5A_880/2020 du 4 janvier 2022 consid. 2.3, commenté par Bastons Bulletti, Newsletter CPC Online 2022-N7, n. 3 s.).

La situation est en revanche différente lorsque seule est en cause la contribution d'entretien en faveur de l'enfant majeur. Bien que le demandeur, qui entend obtenir la suppression de la contribution au motif que les conditions d'un entretien au-delà de la majorité (art. 277 al. 2 CC) ne sont plus remplies, doive, là également, introduire une action en modification selon l'art. 286 al. 2 CC, cette action constitue une procédure indépendante de la procédure initiale de divorce au sens de l'art. 295 CPC, et non une procédure en modification du jugement de divorce selon l'art. 284 CPC. Elle tend en effet à l'examen de conditions
(art. 277 CC) qui n'ont pas pu être examinées dans le procès en divorce.
Les art. 290 ss CPC ne lui étant pas applicables par analogie, cette procédure doit être précédée d'une tentative de conciliation conformément à l'art. 197 CPC (Bastons Bulletti, Newsletter CPC Online 2022-N8, n. 3b, 4 et 6b et les références; Tappy, op. cit., art. 284 CPC, n. 8a).

3.2 En l'espèce, l'appelant a formé, le 10 février 2017, une demande unilatérale en divorce à l'encontre de son ex-épouse, laquelle a abouti au prononcé du divorce par jugement du 25 août 2020. Par arrêt du 23 mars 2021, la Cour a partiellement réformé ce jugement et condamné l'appelant, notamment, à verser, dès le
1er mai 2021, une contribution à l'entretien de l'intimé de 1'000 fr. par mois, allocations d'études non comprises, jusqu'à l'achèvement de la formation professionnelle de celui-ci, payable en mains de sa mère pendant sa minorité, puis en ses mains dès qu'il serait majeur. L'appelant a formé un recours en matière civile contre cet arrêt le 17 mai 2021, dans lequel il a conclu à être libéré de cette obligation d'entretien avec effet au 1er mai 2021, au motif que sa situation économique ne lui permettait pas de s'acquitter d'une telle contribution.

En parallèle, l'appelant a déposé, le 15 juillet 2021, auprès du Tribunal de première instance, une action en modification du jugement de divorce, dans laquelle il a conclu, notamment, à la suppression de la contribution d'entretien allouée à l'intimé par l'arrêt du 23 mars 2021 avec effet au jour du dépôt de la demande. Il a fondé cette prétention sur l'art. 277 al. 2 CC, au motif qu'il n'entretenait plus aucune relation avec son fils désormais majeur.

Conformément à la doctrine susmentionnée, cette action, bien qu'elle visât à modifier l'arrêt rendu dans le cadre de la procédure de divorce ayant opposé l'appelant et son ex-épouse, constituait une procédure indépendante au sens de l'art. 295 CPC, en tant qu'elle ne portait que sur l'entretien de l'enfant majeur et le respect des conditions de l'art. 277 CC, question qui n'avait pu être examinée dans le cadre de la procédure initiale de divorce. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ladite action était en outre soumise à la procédure ordinaire et non simplifiée, la valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr. compte tenu des montants en jeu (art. 92 al. 2 CPC). Il s'ensuit que dans un cas comme dans l'autre, cette action était soumise à une tentative préalable de conciliation au sens de l'art. 197 CPC. Le Tribunal ne s'y est d'ailleurs pas trompé puisqu'il a qualifié la demande de "requête de conciliation" et a fixé l'avance de frais selon le barème applicable à la procédure de conciliation.

Reste à déterminer si le Tribunal était fondé à rendre un jugement d'irrecevabilité au motif que la décision dont la modification était sollicitée faisait l'objet d'un recours en matière civile sur lequel le Tribunal fédéral n'avait pas encore statué.

3.3 Conformément à l'art. 59 CPC, le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action (al. 1). Ces conditions sont notamment les suivantes : le litige ne fait pas l'objet d'une litispendance préexistante (al. 2 let. d); le litige ne fait pas l'objet d'une décision entrée en force (al. 2 let. e). Le tribunal examine d'office si ces conditions sont remplies (art. 60 CPC).

A l'instar du principe de l'autorité de chose jugée, le principe de la litispendance tend en particulier à éviter qu'il existe, dans un ordre juridique déterminé, deux décisions judiciaires contradictoires sur la même action et entre les mêmes parties, qui seraient également et simultanément exécutoires. Plus généralement, il s'agit de prévenir les procédés inutiles de nature à surcharger les tribunaux, en empêchant qu'une contestation identique fasse l'objet de plusieurs procès distincts et simultanés entre les mêmes parties (arrêt du Tribunal fédéral 4A_141/2013 du 22 août 2013 consid. 2.2).

L'autorité de conciliation, devant laquelle le procès débute en principe, doit procéder, dans une certaine mesure, à un examen des conditions de recevabilité. La procédure de conciliation étant conçue comme un préalable au débat judiciaire, lors duquel l'autorité de conciliation "tente de trouver un accord entre les parties de manière informelle" (art.201 al.1 CPC), il ne faut toutefois pas que l'examen de questions procédurales remette en cause sa fonction spécifique (Bohnet, in Code de procédure civile, Commentaire romand, 2ème éd. 2019, art.60, n. 15 s.).

Le Tribunal cantonal de Fribourg a ainsi considéré, dans plusieurs arrêts, que l'autorité de conciliation n'avait pas à entrer en matière sur une requête pour laquelle elle n'avait à l'évidence aucune compétence matérielle ou locale. Elle devait dès lors vérifier si les conditions de recevabilité relatives à l'instance étaient réalisées. En revanche, elle n'avait pas à aborder les conditions de recevabilité relatives à l'action, sauf abus de droit manifeste, et devait laisser cette tâche au juge du fond [arrêts du Tribunal cantonal de Fribourg du 28 janvier 2019
(101 2018 142) consid. 2.2.1 et du 10 février 2015 (102 2014 217) consid. 3a, résumés in CPC Online, art. 202]. Il en allait notamment ainsi de la question de savoir si la demande devait être déclarée irrecevable en raison de la litispendance [arrêt du Tribunal cantonal de Fribourg du 28 février 2017 (102 2016 241)
consid. 2b, résumé in CPC Online, art. 202; dans le même sens : arrêt de l'Obergericht du canton de Berne du 15 novembre 2018 (ZK 2018 380)
consid. I.4; Bohnet, op. cit., n. 18; Zingg, in Zivilprozessordnung, Berner Kommentar, art. 60, n. 31].

Le Tribunal d'arrondissement de Lucerne a tenu un raisonnement différent dans un jugement du 24 mars 2016. Il a considéré, en substance, que l'autorité de conciliation devait vérifier les conditions de recevabilité ayant une incidence sur la validité de l’autorisation de procéder, notamment l’absence de litispendance ou de chose jugée. Si l'une de ces conditions n'était clairement pas remplie, ladite autorité pouvait rendre une décision d'irrecevabilité. Si les doutes ne pouvaient en revanche pas être entièrement levés, et si le requérant maintenait sa requête de conciliation, l'autorité devait en revanche mener la procédure de conciliation et cas échéant, délivrer l’autorisation de procéder [jugement du Tribunal d'arrondissement de Lucerne du 24 mars 2016 (1B 15 59, LGVE 2016 I Nr. 8) consid. 6.3.2.1 et 6.3.2.2, résumé in CPC Online, art. 202].

3.4 En l'espèce, le Tribunal a considéré, comme indiqué ci-avant, que l'arrêt de la Cour du 23 mars 2021, dont la modification était demandée, faisait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral et n'était pas encore entré en force de chose jugée. Il a dès lors déclaré la demande irrecevable au sens de l'art. 59 al. 2 let. e CPC, lequel prévoit que la requête est irrecevable lorsque le litige fait déjà l'objet d'une décision entrée en force. Ce cas de figure n'était toutefois pas réalisé puisque la requête de suppression de la contribution d'entretien était fondée sur l'absence de relations entre l'appelant et l'intimé, soit sur une question qui ne pouvait être examinée dans le cadre de la procédure de divorce qui était encore pendante
(cf. supra consid. 3.1.3). Il est dès lors vraisemblable que le Tribunal entendait plutôt faire référence à l'art. 59 al. 1 let. d CPC et déclarer la demande irrecevable au motif que le Tribunal fédéral n'avait pas encore statué sur le montant de la contribution d'entretien en faveur de l'intimé et qu'il existait dès lors un risque de décisions contradictoires.

Cela étant, dans la mesure où il statuait en tant qu'autorité de conciliation, le Tribunal ne pouvait procéder qu'à un examen sommaire de la recevabilité de la requête et refuser d'entrer en matière qu'en cas d'irrecevabilité manifeste, telle une incompétence à raison du lieu ou de la matière. Même à supposer qu'il pût examiner d'autres conditions de recevabilité, telle que l'absence de litispendance, il ne lui incombait pas de se pencher sur des questions délicates, comme celle de savoir si le fait que la procédure de divorce fût encore pendante au Tribunal fédéral empêchait l'appelant d'introduire une nouvelle procédure, tendant à la suppression de la contribution d'entretien en raison de l'absence de relations avec l'intimé, entretemps devenu majeur. Le Tribunal devait laisser l'examen de cette question au juge du fond et se consacrer à sa mission, consistant à tenter de trouver un accord entre les parties et, en cas d'échec, à délivrer l'autorisation de procéder.

Au vu de ce qui précède, la décision querellée sera annulée et l'affaire renvoyée au Tribunal afin qu'il reprenne la procédure de conciliation dans le sens des considérants.

Dans la mesure où le Tribunal fédéral a statué par arrêt du 6 mai 2022 sur le recours en matière civile formé par l'appelant à l'encontre de l'arrêt de la Cour du 23 mars 2021, la conclusion tendant à ce que le Tribunal de première instance suspende la présente procédure jusqu'à droit connu sur ledit recours est, quant à elle, devenue sans objet.

4. 4.1 Les frais – qui comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95
al. 1 CPC) – sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1
1ère phrase CPC). La Cour peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

4.2 En l'espèce, les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 800 fr. (art. 32 et
35 RTFMC) et compensés avec l'avance, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Vu l'issue et la nature familiale du litige, ils seront mis à la charge des parties par moitié chacune. L'intimé plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, le montant à sa charge sera provisoirement supporté par l'Etat de Genève, lequel pourra en exiger ultérieurement le remboursement auprès de lui (art. 122 al. 1 let. b, 123 al. 1 CPC). Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront dès lors invités à verser 400 fr. à l'appelant à titre de remboursement partiel des frais judiciaires d'appel.

Pour les mêmes motifs, il ne sera pas alloué de dépens d'appel.

La décision entreprise étant annulée et la cause renvoyée au Tribunal, celui-ci statuera sur les frais de la procédure de première instance dans la décision finale.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ le 1er décembre 2021 contre le jugement JTPI/13747/2021 rendu le 26 octobre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14002/2021-22.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Renvoie l'affaire au Tribunal afin que celui-ci reprenne la procédure de conciliation dans le sens des considérants.

Dit que le Tribunal statuera sur les frais de la procédure de première instance dans la décision finale.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr., les compense avec l'avance effectuée par A______ et les met à la charge des parties par moitié chacune.

Dit que les frais dus par B______ demeurent provisoirement à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à verser 400 fr. à A______ à titre de remboursement partiel des frais judiciaires d'appel.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.