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Décisions | Chambre civile

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C/16405/2020

ACJC/375/2022 du 15.03.2022 sur JTPI/2195/2021 ( OO ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 02.05.2022, rendu le 08.11.2023, CONFIRME, 5A_322/2022
Normes : CC.114; CPC.232
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16405/2020 ACJC/375/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 15 MARS 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 février 2021, comparant par Me Gaétan DROZ, avocat, MBLD Associés, rue Joseph-Girard 20, case postale 1611, 1227 Carouge, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Nicolas MOSSAZ, avocat, OA Legal SA, place de Longemalle 1, 1204 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2195/2021 du 23 février 2021, le Tribunal de première instance a déclaré recevable la demande en divorce déposée le 24 août 2020 par B______ (chiffre 1 du dispositif), réservé la suite de la procédure de divorce au fond (ch. 2), mis les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., à la charge de A______, condamné celui-ci à rembourser cette somme à B______ (ch. 3), ainsi qu'à lui verser un montant de 2'000 fr. à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

En substance, le Tribunal a considéré que les époux étaient séparés depuis plus de deux ans au moment du dépôt de la demande en divorce, ne formant plus une communauté domestique et familiale malgré le fait qu'ils aient continué à vivre sous le même toit.

B. a. Par acte expédié le 15 avril 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, dont il sollicite l'annulation.

Principalement, il conclut au rejet de la demande en divorce déposée par son épouse au motif que le délai de séparation de deux ans n'était pas échu au moment de l'introduction. Subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause au Tribunal pour ouverture des débats principaux et nouvelle décision.

b. B______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. A la demande des parties, la cause a été suspendue du 27 août au 27 septembre 2021.

d. Par réplique du 1er novembre et réplique du 3 décembre 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

A l'appui de sa réplique, A______ a déposé un bordereau de preuves, comprenant l'audition des parties et de trois témoins.

e. Les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour du 6 décembre 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______, né le ______ 1971, de nationalité britannique, et B______, née le ______ 1977, de nationalité américaine, se sont mariés le ______ 2010 à C______ (Etats-Unis), sans conclure de contrat de mariage.

b. Deux enfants sont issus de cette union, tous deux nés à Genève, D______ le ______ 2011 et E______ le ______ 2013.

c. La famille vit depuis le mois d'août 2015 dans une villa individuelle sise à F______ (GE), acquise pour 4'500'000 fr. par A______.

d. Les parties ont évoqué leur séparation au début de l'année 2018. Selon un échange de courriels du 26 février 2018, elles se sont mises d'accord sur le principe de leur séparation et ont entamé des discussions sur la prise en charge des enfants.

e. Les 7 et 20 juin 2018, A______ et B______ ont chacun déposé une requête en mesures protectrices de l'union conjugale, alors qu'ils vivaient encore sous le même toit. Chaque époux demandait l'attribution en sa faveur de la garde des enfants et la jouissance du domicile conjugal. Une curatrice de représentation a été nommée en faveur des enfants.

f. A______ s'est adressé, par courriel du 7 mars 2018, au thérapeute en charge du suivi des enfants, le Dr G______, lui demandant conseils sur la manière de communiquer la séparation aux enfants. Il se disait inquiet quant au "timing" de telles discussions dès lors que la procédure de séparation prendrait plusieurs mois. Le Dr G______ lui a répondu qu'il ne semblait effectivement pas dans l'intérêt des enfants d'en être informés puisque la situation resterait en suspens pendant des mois. La curatrice des enfants estimait en revanche que ces derniers devaient recevoir une information.

g. Par ordonnance du 26 septembre 2018, le Tribunal, statuant d'entente entre les parties sur mesures superprovisionnelles, a réglé la garde des enfants, donnant acte aux parties de ce que les week-ends avec les enfants débuteront le samedi matin et se termineront le dimanche soir, et de leur engagement à faire en sorte qu'elles puissent passer le jour de leur propre anniversaire en présence des enfants et que chaque enfant passe, en alternance une année sur deux, son anniversaire avec chacun de ses parents. En outre, le Tribunal a fixé l'organisation des vacances pour les années 2018 et 2019, les répartissant par moitié entre les parents.

h. Statuant sur mesures provisionnelles le 29 novembre 2018, le Tribunal a donné acte à A______ et B______ de leur accord d'exercer leur droit de garde sur leurs enfants, E______ et D______, un week-end sur deux.

Dans ce cadre, chaque parent s'est engagé à indiquer, à l'avance, à l'autre parent s'il entendait rester au domicile conjugal durant son week-end de garde; si tel était le cas, l'autre parent s'engageait à quitter le domicile conjugal durant le week-end et de n'y revenir que le dimanche soir.

i. Une expertise familiale a été réalisée au cours de la procédure sur mesures protectrices.

Dans son rapport d'expertise du 28 février 2019, le Dr H______ a notamment conclu que les parties et leurs enfants présentaient un état psychologique particulièrement affecté par la dynamique conflictuelle qui s'était développée au cours de ces dernières années. Dans ce contexte de stress familial, les époux étaient entrés dans une lutte réciproque autour du processus de séparation et de la garde des enfants. Le fait que les époux puissent trouver au plus vite une solution s'agissant de la jouissance du domicile conjugal, impliquant une séparation effective, contribuerait grandement à apaiser l'état psychologique des enfants. Lors de son audition le 10 avril 2019, l'expert a confirmé que la séparation physique du couple permettrait à A______ de ne pas être tout le temps en contact B______ dont il jugeait le comportement inadéquat et d'être plus apaisé. Tous les intervenants contactés avaient fait part à l'expert des problèmes de communication importants entre les parents, aggravés par le fait qu'ils vivaient encore ensemble. S'il y avait bien un point néfaste pour les enfants dans la situation actuelle, c'était la cohabitation des parents sous le même toit.

j. Par jugement rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale le 11 octobre 2019, partiellement réformé par arrêt de la Cour de justice du 26 mai 2020, la situation des parties a été réglée comme suit :

- A______ et B______ ont été autorisés à vivre séparés.

- Une garde alternée sur les enfants D______ et E______ a été mise en place, s'exerçant, sauf accord contraire des parents, une semaine sur deux, du vendredi à la sortie de l'école jusqu'au vendredi de la semaine suivante, à la sortie de l'école également, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires.

- Une curatelle de surveillance et d'organisation des relations personnelles a été instaurée, et la poursuite des thérapies des parties ainsi que des enfants prononcée.

- La jouissance exclusive du domicile conjugal a été attribuée, dans un premier temps au père, puis à la mère sur appel de celle-ci. Un délai au 30 septembre 2020 a été donné à A______ pour libérer les lieux.

- A______ a été condamné à verser en mains de B______, par mois et d'avance, 7'510 fr. à titre de contribution à son propre entretien, ainsi que 5'200 fr. en faveur de D______ et 5'620 fr. en faveur de E______, dès la séparation effective des parties, mais au plus tard dès le 1er octobre 2020,

- la séparation de biens des parties a été prononcée.

k. A______ a formé recours par-devant le Tribunal fédéral contre l'arrêt du 26 mai 2020 de la Cour de justice en tant qu'il portait sur les contributions d'entretien. Par courrier de son conseil, il a confirmé que son recours ne portait pas sur le domicile conjugal et qu'il respecterait la décision de la Cour.

l. Le 5 septembre 2020, A______ a quitté le domicile conjugal pour déménager dans un appartement qu'il a pris en location.

m. Par acte du 24 août 2020, B______ a formé une demande unilatérale en divorce, non (ou peu) motivée. Elle a notamment exposé que les époux étaient séparés depuis le début de l'année 2018.

n. Lors de l'audience du 6 novembre 2020, A______ s'est opposé au divorce, en expliquant que les époux n'étaient séparés que depuis le 5 septembre 2020, lorsqu'il avait quitté le domicile conjugal.

Sur quoi, le Tribunal a ouvert les débats sur la question de la durée de la séparation des parties, imparti un délai aux parties pour déposer des conclusions écrites sur cette question et réservé la suite de la procédure.

o. Dans ses écritures du 25 novembre 2020, B______ a conclu à ce qu'il soit constaté que le principe du divorce était bien-fondé.

Elle a exposé que les époux avaient pris la décision de se séparer en février 2018 et qu'ils avaient par la suite entrepris les démarches usuelles en ce sens. S'ils étaient demeurés au domicile conjugal pendant la procédure de mesures protectrices, ce n'était pas en raison d'une volonté de sauver leur couple mais uniquement parce que tous les deux souhaitaient obtenir l'attribution de ce logement, avec pour conséquence qu'aucun d'entre eux ne souhaitait déménager. Ils ne partageaient en revanche ni intimité, ni centre d'intérêts, ni projet commun, vivant de manière indépendante en limitant les contacts au minimum nécessaire en lien avec l'organisation du quotidien des enfants.

p. Dans ses écritures du 15 janvier 2021, A______ a conclu au rejet de la demande en divorce, au motif que les conditions de l'art. 114 CC n'étaient pas respectées.

Il a allégué que la vie maritale avait perduré de manière inchangée. Jusqu'en été 2020, les époux avaient dormi côte à côte dans la même chambre et avaient partagé la même salle de bain, alors que la maison offrait d'autres pièces à disposition. Les époux se rendaient services et coordonnaient les tâches domestiques, notamment les courses alimentaires dont il se chargeait généralement pour toute la famille. Il n'y avait dans la villa familiale qu'une unique table à manger et un équipement de cuisine, une salle à manger et un unique séjour, cela alors que la villa aurait permis de cloisonner la vie de couple, ce qui n'avait pas été fait.

q. B______ n'a pas répliqué.

r. A l'appui de leurs conclusions écrites, les parties ont offert, à titre de moyens de preuve, l'audition des parties et d'un témoin, sans toutefois prendre de conclusion formelle en ce sens.

s. Le 23 février 2021, le Tribunal a rendu la décision dont est appel.

t. Il ressort encore de la procédure que, à la suite d'une demande formée le 11 janvier 2019 par les époux, ou du moins par A______ (B______ expose avoir ignoré la démarche), l'administration fiscale a rendu une décision de scission pour les impôts cantonaux et fédéraux du couple relatifs aux années 2016 et 2017 afin de déterminer quelle part d'impôt a été générée par chacun des époux, sans toutefois mettre un terme à la solidarité entre époux.

Par courriel du 4 juin 2018, la fiduciaire des époux a indiqué que pour l'année 2017 et les années à venir, la situation de ces derniers étant celle d'un divorce, il convenait de procéder à une déclaration séparée. Les époux pouvaient néanmoins encore s'entendre sur une taxation commune pour 2017, d'autant plus s'ils n'étaient pas encore séparés de fait en 2017. Elle a ajouté qu'afin d'éviter tout conflit d'intérêts, elle ne pourrait conseiller qu'un seul époux à l'avenir, en l'occurrence A______.

Par décision du 9 mai 2019, l'administration fiscale a constaté que les parties ne faisaient plus ménage commun et mis un terme à la responsabilité solidaire entre époux. A______ conteste le bien-fondé de cette décision, qu'il considère fausse au regard des critères propres du droit fiscal, distincts du droit civil et du droit matrimonial. Il n'a toutefois pas formé de réclamation à son encontre, expliquant que cette décision lui était au fond favorable.

EN DROIT

1. 1.1 L’appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 francs au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Selon l'art. 237 al. 1 CPC, une décision est de nature incidente, lorsque l’instance de recours pourrait prendre une décision contraire qui mettrait fin au procès et permettrait de réaliser une économie de temps ou de frais appréciable.

La décision incidente est sujette à un recours immédiat, respectivement un appel immédiat selon la valeur litigieuse en cause; elle ne peut être attaquée ultérieurement avec la décision finale (art. 237 al. 2 CPC).

Le délai pour déposer appel est de 30 jours (art. 311 al. 1 CPC).

1.2 En l'espèce, la décision entreprise, en tant qu'elle admet que la condition liée à la durée de séparation des époux au sens de l'art. 114 CC est réalisée et réserve la suite de la procédure, constitue une décision incidente. En effet, si l'instance supérieure venait à renverser cette décision, elle serait amenée à rejeter la demande en divorce et mettrait ainsi fin à la procédure, ce qui permettrait de réaliser une économie de temps ou de frais appréciable, compte tenu de la durée prévisible de la procédure laquelle porte, notamment, sur la garde des enfants, l'entretien de la famille et la liquidation du régime matrimonial qui comporte, entre autres, un bien immobilier.

Dite décision doit être contestée par la voie de l'appel, compte tenu de la valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr.

Interjeté en temps utile, compte tenu des féries judiciaires de Pâques et selon la forme prévue par la loi (art. 130, 131, 145 al. 1 let. a et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 L'instance d'appel dispose d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). En particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. Dans un premier moyen d'ordre formel, l'appelant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, faisant grief au Tribunal de ne pas avoir respecté les règles de de procédure, ce qui a entraîné l'absence de contestation de ses allégués, l'absence de débats principaux, l'absence de traitement des probatoires requises et, surtout, l'absence de plaidoiries finales.

2.1 Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. garantit notamment le droit pour une partie de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où il l'estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1; 139 II 489 consid. 3.3; 139 I 189 consid. 3.2; 138 I 484 consid. 2.1).

Le droit de répliquer n'impose pas à l'autorité judiciaire l'obligation de fixer un délai à la partie pour déposer d'éventuelles observations. Elle doit seulement lui laisser un laps de temps suffisant, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision, pour qu'elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l'estime nécessaire. D'une manière générale, ce laps de temps peut être fixé à 20 jours au maximum (ATF 138 I 484 consid. 2.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_17/ 2020 du 20 mai 2020 consid. 3.2.2; 1B_214/2019 du 25 juin 2019 consid. 2.1 et 2C_560/2012 du 21 janvier 2013 consid. 4.4).

Le droit d'être entendu comprend également pour le justiciable le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 143 V 71 consid. 4.1; 142 II 218 consid. 2.3; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références citées). Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu'elles ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion. Le refus d'une mesure probatoire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3; 141 I 60 consid. 3.3; 136 I 229 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_31/2020 du 6 juillet 2020 consid. 3.1).

En règle générale, la renonciation par le juge aux plaidoiries finales sans l'accord des parties conformément à l'art. 232 al. 2 CPC constitue, en principe, une violation du droit d'être entendu. Toutefois, tel n'est pas nécessairement le cas, en particulier lorsque aucune administration de preuve pertinente n'a eu lieu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_587/2018 du 16 avril 2019 consid. 3)

Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Le droit d'être entendu doit permettre d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Ce droit n'est cependant pas une fin en soi. La violation de ce droit peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (ATF 145 I 167 consid. 4.4; 142 II 218 consid. 2.8.1) ou lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; 142 II 218 consid. 2.8.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_70/2021 du 18 octobre 2021 consid. 3.1 et les références citées).

2.2 En l'espèce, à l'issue de l'audience du 6 novembre 2020, le Tribunal a ouvert les débats sur la question spécifique de la durée de la séparation des parties, impartissant à celles-ci un délai pour se déterminer par écrit sur cette question. Les parties ont ainsi eu l'occasion de se déterminer oralement lors de l'audience précitée ainsi que, de manière plus approfondie, par écrit dans leurs écritures respectives des 25 novembre 2020 et 15 janvier 2021.

Pour sa part, l'appelant s'est déterminé par écrit le 15 janvier 2021 sur les conclusions de l'intimée et sur le principe du divorce. L'intimée n'a ensuite pas fait usage de son droit à la réplique, étant ici précisé qu'elle a disposé de suffisamment de temps, soit plus d'un mois avant que la décision entreprise ne soit rendue, et qu'il n'appartenait pas au Tribunal de lui fixer un délai à cette fin, ce dont elle ne se plaint au demeurant pas. Les parties ont, par conséquent, eu connaissance de toute l'argumentation présentée au Tribunal et ont pu faire valoir leur point de vue et arguments sur la question du principe du divorce.

S'agissant des probatoires, les parties ont sollicité leur audition ainsi que celle d'un témoin au titre de moyens de preuve, sans toutefois prendre de conclusion formelle quant à l'administration de ces mesures. En statuant directement sur le principe du divorce après le dépôt des conclusions motivées des parties, le Tribunal a implicitement rejeté les offres de preuve en lien avec cette question. Ce faisant, il a, par appréciation anticipée des preuves, considéré que celles-ci n'étaient pas pertinentes. En effet, les parties ont été entendues lors de l'audience du 6 novembre 2020 et se sont par la suite déterminées par écrit, de sorte qu'une nouvelle audition n'était pas susceptible d'apporter des éléments nouveaux pertinents. Par ailleurs, comme il sera vu ci-après (cf. consid. 3.2 infra), le dossier et les pièces qu'il comporte contiennent suffisamment d'éléments pour statuer sur ce point. Le Tribunal n'a dès lors pas excédé son pouvoir d'appréciation en procédant de la sorte.

Enfin, le grief de l'appelant tiré de l'absence de plaidoiries finales tombe à faux, dès lors que ces plaidoiries ont pour but de permettre aux parties de se prononcer sur le résultat de l'administration des preuves (art. 232 CPC) et que cette étape n'a en l'occurrence pas eu lieu. Le renvoi de la cause tel que sollicité n'est dès lors pas justifié et ne serait qu'une vaine formalité puisqu'il n'existe pas de résultat de preuves administrées sur lequel se déterminer. Le Tribunal fédéral a d'ailleurs eu l'occasion de préciser que l'absence de plaidoiries finales n'était pas forcément constitutive d'une violation du droit d'être entendu, en particulier lorsque, comme en l'espèce, aucune administration de preuve pertinente n'a eu lieu (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_587/2018 précité consid. 3).

Par ailleurs, l'appelant n'expose pas dans ses écritures d'appel quels allégués de fait et/ou arguments de droit il aurait encore pu faire valoir en première instance, ni quels faits allégués précis auraient dû être instruits. En effet, il se limite à se plaindre de la violation de son droit d'être entendu sans pour autant en indiquer les conséquences. Le simple fait d'avoir exposé sa propre version des faits dans sa partie "En Fait" et produit un bordereau complémentaire de preuves comprenant une demande d'audition de trois témoins à l'appui de sa réplique ne saurait suffire à cet égard.

Il ne saurait donc être question d'une violation du droit d'être entendu de l'appelant. En tout état de cause, l'appelant a pu s'exprimer et faire valoir ses moyens devant la Cour de céans qui dispose d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit, de sorte qu'une éventuelle violation de son droit d'être entendu pourrait être réparée et demeurer sans conséquence.

Le grief sera dès lors rejeté.

3. Invoquant une constatation inexacte des faits, l'appelant reproche au Tribunal d'avoir admis que le délai de séparation de deux ans au sens de l'art. 114 CC était écoulé au début de la litispendance.

3.1 En vertu de l'art. 114 CC, un époux peut demander le divorce lorsque, au début de la litispendance ou au jour du remplacement de la requête par une demande unilatérale, les conjoints ont vécu séparés pendant deux ans au moins.

Le texte légal ne définit pas ce qu'il faut entendre par "vie séparée" (Sutter/Freiburghaus, in Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, Zurich 1999, n. 5 ad art. 114 CC). La séparation débute lorsque les époux ne sont plus unis dans une communauté de vie complète sur le plan physique, intellectuel, affectif et économique (Fankhauser, in FamKomm Scheidung, 2005, n. 13 ad art. 114 CC; Steck, in Basler Kommentar, ZGB I: Art. 1-456 ZGB, Honsell/Vogt/Geiser [éd.], 6e éd. 2018, n. 7 ad art. 114 CC et les références citées). Le délai commence à courir dès qu'un conjoint réalise dans les faits sa volonté de mettre un terme à la vie commune ou, à tout le moins, montre par son comportement qu'il ne prend plus le mariage au sérieux (Steck, op. cit., n. 5-7 ad art. 114 CC; Perrin, Les causes de divorce selon le nouveau droit, in De l'ancien au nouveau droit du divorce, 1999, p. 24; Sutter/Freiburghaus, op. cit., n. 6 ss ad art. 114 CC). Ainsi, le délai de l'art. 114 CC commence à courir dès le jour où les époux ne vivent plus en communauté domestique, conformément à la décision de l'un d'eux au moins (Message du Conseil fédéral FF 1996 I p. 94).

A cet élément subjectif (volonté de vivre séparément) s'ajoutent normalement des éléments objectifs perceptibles de l'extérieur, tel le fait que l'un des époux quitte l'appartement conjugal, bien que la vie séparée soit également concevable dans le cadre d'une demeure commune (Fankhauser, op. cit., n. 15 ad art. 114 CC; arrêt du Tribunal cantonal de Bâle-Campagne du 11 juin 2002 in FamPra.ch 2003 p. 657; arrêt du Tribunal cantonal de Saint-Gall du 20 février 2001 in RSJB 2002 p. 54). La volonté de ne pas vivre en communauté domestique doit être ferme et reconnaissable (Steck, op. cit., n. 7 ad art. 114 CC et les références).

La séparation ne suppose pas que les époux n'entretiennent plus aucune relation. Des contacts isolés en rapport avec les enfants ou dans un cadre professionnel, de même que ceux de nature amicale ou intime, ainsi que des prestations financières ne doivent pas être interprétés comme des indices de la fin de la séparation et ne remplacent pas la vie commune (Steck, op. cit., n. 8 ad art. 114 CC; Sutter/Freiburghaus, op. cit., n. 12 ad art. 114 CC; arrêt du Tribunal cantonal de Saint-Gall du 25 janvier 2002 in FamPra.ch 2002 p. 357). Des relations de camaraderie et des résidus de solidarité conjugale sont normaux et du reste souhaitables, mais sans influence sur la situation de séparation (La Pratique du droit de la famille [FamPra.ch] 2002, p. 357, n. 45).

Il est concevable - même si c'est plus rare - que la vie séparée (volontaire) se déroule à l'intérieur d'une maison ou d'un même appartement, pour autant qu'il n'y ait pas de ménage commun au sens d'une communauté physique, spirituelle et économique (arrêts du Tribunal fédéral 5A_242/2015 du 17 juin 2015 consid. 3.2.3; 5P.26/2007 du 25 juin 2007 consid. 3.3 et les références citées).

Le délai de l'art. 114 CC n'est pas interrompu par une brève tentative de reprendre la vie commune (FF 1996 I 94); une tentative de réconciliation est considérée comme brève lorsqu'elle dure quelques jours ou quelques semaines (Steck, op. cit., n. 16 ad art. 114 CC; Sandoz, in Commentaire romand, CC I, n. 8 ad art. 114 CC; Sutter/Freiburghaus op. cit., n. 12 ad art. 114 CC, p. 94; CREC 18 décembre 2003/767).

Conformément à l'art. 8 CC, la partie demanderesse doit apporter la preuve que le délai de séparation a été respecté. Elle doit ainsi prouver la durée et la qualité de la séparation. Si la partie défenderesse allègue une interruption du délai, la preuve lui en incombe (Steck, op. cit., n. 27 ad art. 114 CC).

3.2 En l'espèce, c'est à juste titre que le Tribunal a retenu que les parties étaient séparées depuis plus de deux ans au moment du dépôt de la demande en divorce le 24 août 2020, en dépit du fait qu'elles ont continué à vivre sous le même toit.

En premier lieu, les parties ont manifesté leur intention de se séparer dès le début de l'année 2018. La teneur du courriel adressé par l'appelant à son épouse le 26 février 2018 est claire et non équivoque, faisant état d'une décision commune de séparation ("we agreed that we would separate", "It is sad that we have agreed to separate but I think it remains the right decision for us"). Cette intention s'est concrétisée par le fait que chaque partie s'est constituée un avocat et a, chacune de son côté, introduit une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale au mois de juin 2018. La procédure a duré près de trois ans au cours de laquelle les époux se sont disputé, entre autres, la garde des enfants, l'attribution du domicile conjugal et les prestations d'entretien. Ces circonstances paraissaient peu conciliables avec le maintien d'une communauté de vie.

En deuxième lieu, dès début 2018 également, les parties ont organisé une prise en charge séparée des enfants. Ainsi, il a été convenu que ces derniers passent un week-end sur deux avec chacun de leurs parents, étant ici relevé que les parties s'engageaient à quitter le domicile conjugal durant le week-end de garde de l'autre parent. Les vacances ont également été organisées séparément, de même que les fêtes d'anniversaire lesquelles étaient célébrées de manière alternée, une année sur deux, auprès de chaque parent. Selon les pièces du dossier, cette prise en charge séparée des enfants a été, à tout le moins en partie, exercée de manière effective notamment lors de séjours passés au chalet de I______ [France] ou d'un week-end à J______ [ZH]. Ces modalités tendent à démontrer le souhait des parties de ne plus passer de temps ensemble ni partager les moments familiaux privilégiés, tels que les anniversaires ou les vacances. L'appelant reconnaît du reste que l'intimée se plaignait du fait qu'il demeurait trop présent lors de ses week-ends de garde, ce qui laisse apparaître une volonté de prise d'indépendance.

En troisième lieu, les parties n'ont plus maintenu de vie sociale commune. Il ressort des courriels invoqués à cet égard par l'appelant que les parties recevaient certes des amis et de la famille à leur domicile, mais cela de manière séparée, chacun de leur côté et non pas en tant que couple. Contrairement à l'avis de l'appelant, ces pièces ne démontrent à aucun moment du temps qu'ils auraient passé en commun. Ils s'informaient mutuellement de la venue de leurs proches, sans pour autant passer du temps tous ensemble. Contrairement à l'avis de l'appelant, on ne saurait tirer argument des termes "our place" employés par l'intimée ou en déduire un sens allant au-delà d'un simple logement commun.

En quatrième lieu, l'organisation de la vie des époux sous le même toit ne reflète pas une communauté domestique. Bien que les parties aient continué à partager leur chambre à coucher et leur salle-de-bain alors que la villa disposait d'autres pièces disponibles, force est de constater qu'elles ont séparé le lit, dormant ainsi sur deux lits distincts, séparés par un matelas installé comme cloison. L'appelant admet à cet égard que les époux ont dormi "côte à côte" et non ensemble. L'emménagement de l'intimée dans la chambre d'amis en été 2020 coïncide d'ailleurs avec le prononcé de l'arrêt de la Cour de justice qui lui attribue la jouissance du domicile conjugal, que les parties se disputaient. Il apparaît ainsi que la volonté de chaque époux de rester dans la chambre, tout comme de rester dans le domicile familial, était principalement motivée par les revendications prises sur mesures protectrices plus que par une volonté de maintenir une communauté affective.

Le fait que les parties aient pris des repas communs avec les enfants ou se soient, par moments, consultées pour l'organisation des courses relève de relations d'ordre pratique saines et souhaitables afin de préserver notamment les enfants. Ces circonstances, quand bien même elles auraient été régulières comme le soutient l'appelant, ne sont pas propres à retenir, au vu de l'ensemble des circonstances d'espèce, que les parties formaient une communauté de vie complète.

En cinquième lieu, sur le plan économique, l'appelant ne peut être suivi lorsqu'il prétend qu'aucun changement n'est intervenu dans l'organisation financière de la famille. S'il a certes continué de prendre en charge l'essentiel des besoins de la famille, cela ne signifie pas pour autant qu'il s'agissait du maintien de l'ancien modèle de vie puisque cela résulte de son devoir d'entretien, ayant du reste été condamné en ce sens dans le cadre de la procédure sur mesures protectrices. Les propos de l'intimée tirés de cette procédure - par lesquels elle déclarait que "les habitudes de vie de la famille n'ont jamais changé [ ], la famille ayant conservé le même train de vie " - ne sont d'aucun secours à l'appelant. En effet, il paraît évident que ces affirmations se référaient au niveau de vie de la famille, allégué pour fixer le montant des contributions d'entretien et non au maintien de l'organisation telle qu'elle prévalait jusqu'alors dans les relations internes entre les époux. Par ailleurs, à teneur des pièces du dossier, l'intimée a dû emprunter près de 10'000 fr. auprès de ses parents, selon l'attestation de ces derniers, pour couvrir une partie de ses propres dépenses.

De plus, au niveau des impôts, les époux, à tout le moins l'appelant, ont demandé en janvier 2019 une scission afin de déterminer quelle part de l'impôt découlait de ses propres revenus et quelle part découlait de ceux de son épouse. Si les décisions de scission n'ont pas d'incidence sur la solidarité fiscale des époux, elles dénotent néanmoins une intention de partager la charge d'impôts. Le fait que cette demande ait été formulée au mois de janvier 2019, soit lorsque les parties étaient en pleine procédure de séparation sur mesures protectrices, ne fait que renforcer le constat de leur volonté d'organiser la vie séparée. De surcroît, tant leur fiduciaire que l'administration fiscale cantonale sont parvenues à la conclusion, au vu des éléments en leur possession, que la situation des parties devait être assimilée à une séparation au sens fiscal, justifiant une taxation séparée, ce qui constitue, malgré la contestation de l'appelant à ce sujet, un indice supplémentaire du fait de leur séparation.

Enfin, la volonté de ne plus former une communauté de vie était, d'un point de vue objectif, reconnaissable auprès de tiers. En effet, aussi bien l'expert qui a analysé la situation familiale que les intervenants contactés dans ce cadre ont relevé la situation conflictuelle qui régnait entre les époux, si bien que la séparation effective, à savoir de ne plus vivre sous le même toit, était fortement préconisée. A cet égard, contrairement à ce que soutient l'appelant, le fait les différents thérapeutes aient recommandé une "séparation effective" des parties ne signifie pas a contrario que celles-ci n'étaient pas séparées au sens de l'art. 114 CC jusque-là puisque la vie séparée peut se dérouler sous le même toit. La curatrice des enfants a, pour sa part, estimé que les enfants devaient être informés de la séparation de leurs parents. C'est en vain que l'appelant tente de tirer argument de la position contraire du Dr G______ en sortant ses propos de leur contexte. Si ce dernier s'est montré certes plus sceptique sur l'information à donner aux enfants, compte tenue de la "situation [qui] resterait en suspens pendant des mois", il faisait référence à la procédure de séparation invoquée par l'appelant dans son précédent courriel. On ne saurait en déduire une volonté des époux de maintenir un statu quo dans leurs propres relations internes. Enfin, il était clair pour la fiduciaire des époux que ces derniers ne désiraient plus faire ménage commun, décrivant leur situation comme étant celle d'un "divorce". Il y a ainsi lieu de retenir qu'aux yeux des tiers, la continuation de la vie commune entre les parties n'était pas concevable.

En définitive, au vu de l'ensemble des éléments précités, il convient d'admettre que les parties ne formaient plus une communauté de vie complète sur le plan physique, intellectuel, affectif et économique depuis l'introduction des mesures protectrices de l'union conjugale au moins de juin 2018.

Partant, c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que les conditions de l'art. 114 CC étaient réalisées.

Infondé, l'appel sera rejeté et le jugement confirmé.

4. Les frais de l'appel seront mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 CPC). Ils seront arrêtés à 2'500 fr. (art. 36 RTFMC) et entièrement compensés avec l'avance du même montant fournie par ce dernier, laquelle demeure acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

Vu l'issue du litige, l'appelant sera, en outre, condamné aux dépens de l'intimée, arrêtés à 3'000 fr. (art. 84, 85, 87 et 90 RTFMC).

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PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 15 avril 2021 par A______ contre le jugement JTPI/2195/2021 rendu le 23 février 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16405/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'500 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais fournie par ce dernier, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 3'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.