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Décisions | Chambre civile

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C/25051/2012

ACJC/266/2022 du 24.02.2022 sur JTPI/5255/2021 ( OO ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 31.03.2022, rendu le 03.01.2023, CONFIRME, 4A_152/2022
Normes : CO.760.al1; CO.754.al1; CO.756.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25051/2012 ACJC/266/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du JEUDI 24 FEVRIER 2022

 

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 avril 2021, comparant par
Me Philippe GIROD, avocat, boulevard Georges-Favon 24, 1204 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

1) Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par
Me Olivier CARRARD, avocat, CMS von Erlach Partners SA, rue Bovy-Lysberg 2, case postale, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

2) Monsieur C______, domicilié ______, autre intimé, comparant par
Me Thomas BARTH, avocat, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12, en l'étude duquel il fait élection de domicile.


 

EN FAIT

A. Par jugement JTPI/5255/2021 du 23 avril 2021, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), "statuant sur incident" (sic) de prescription, a constaté que l'action intentée le 20 novembre 2012 par A______ SA contre B______ et C______ était prescrite (chiffre 1 du dispositif), l'a déboutée en conséquence des fins de sa demande (ch. 2), mis à sa charge les frais judiciaires, arrêtés à 30'240 fr. (ch. 3), l'a condamnée à verser à B______ et C______ 20'000 fr. chacun à titre de dépens (ch. 4 et 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B. a. Par acte expédié le 2 juin 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ SA forme appel contre ce jugement, reçu le 3 mai 2021, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement, elle conclut à ce que l'exception de prescription soulevée par ses parties adverses soit rejetée et au renvoi de la cause au Tribunal pour suite d'instruction. Subsidiairement, elle sollicite des actes préparatoires et, cela fait, à ce que B______ et C______ soient condamnés, conjointement et solidairement, à lui verser un montant de 1'826'923 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2011.

b. Dans leurs réponses, distinctes, B______ et C______ ont tous deux conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris dans son intégralité.

c. Par réplique et dupliques, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées par avis du greffe de la Cour du 28 octobre 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

La société A______ SA

a. A______ SA (ci-après : la société ou la SA) est une société créée en 1955 dont le but est l'achat, la vente, la construction et l'exploitation d'immeubles dans le canton de Genève.

Elle a été fondée par D______ et E______.

b. L'actionnariat de la société a été détenu, dès 1979, pour moitié par les fondateurs précités, puis par leurs familles respectives, toujours pour moitié chacune.

En 2001, D______ a transféré ses actions à son épouse, F______. Selon plusieurs pièces du dossier, dont les courriers des 11 mars 2005, 9 mai et 8 juin 2006, il a néanmoins continué de représenter la part d'actionnariat de son épouse, se considérant et intervenant auprès de tiers en tant que "représentant du 50% du capital-actions" de la société.

De son côté, E______ a transféré la moitié de ses actions à son épouse, B______.

E______ est décédé en ______ 2010.

Depuis lors, la société est détenue à hauteur de 50% par F______, 25% par B______, et 25% par l'hoirie de feu E______, composée de ses trois fils M______, H______ et C______.

c. L'administrateur actuel de la société A______ SA est G______. Auparavant, cette fonction a été occupée par :

- E______ jusqu'au 2 juillet 2003;

- B______ du 2 juillet 2003 au 25 juillet 2008;

- C______ du 25 juillet 2008 au 17 novembre 2010 et

- H______ et I______, fille de D______ et F______, avec signature individuelle, du 17 novembre 2010 au 18 septembre 2014, ainsi que J______, avec signature collective à deux, dès le 22 novembre 2012.

d. Cette société a également eu deux fondés de procuration, avec signature collective à deux, du 2 juillet 2003 au 21 septembre 2006 en les personnes de D______ et de C______.

Les parkings sis à K______ [GE]

e. A______ SA est notamment propriétaire de parkings, sis 1______ à K______ (ci-après: les parkings), qu'elle exploite par la L______ SARL (ci-après: L______ SARL ou la SARL), créée en 1981 à cette fin.

Cette entité était détenue par moitié par D______ et E______ jusqu'en 1990, puis par ce dernier seul. Depuis 2000, E______ et son fils, M______, en ont été les associés-gérants avec signature individuelle.

f. Le 30 juin 1981, A______ SA a conclu avec la L______ SARL un contrat de bail à loyer portant sur les parkings pour un loyer annuel de 21'000 fr. versé par la seconde à la première.

Ce contrat a été renouvelé le 1er octobre 1991 pour un loyer de 52'000 fr., indexé sur le 50% de l'ISPC, et le 1er juillet 2001 pour un loyer de 48'300 fr., non indexé. Ces contrats prévoyaient également que la locataire était autorisée à apposer des enseignes publicitaires dont elle assumait les charges d'entretien et d'installation.

g. Le 16 novembre 1981, A______ SA a conclu avec N______ un contrat de bail à loyer portant sur des locaux commerciaux, comprenant une partie des parkings, pour un loyer annuel total de 457'000 fr. La part du loyer pour les parkings s'élevait à 90'000 fr. par an, réévaluée à 132'000 fr. en février 2004.

Il était convenu que le loyer annuel pour l'utilisation des parkings serait versé par N______ à la L______ SARL, et non pas au bailleur (A______ SA). Après déduction de ses frais, la SARL versait le solde du loyer perçu à la SA, sous la forme d'une redevance fixe.

h. Des discussions ont été entamées en 2004, puis poursuivies en 2005, entre B______, D______ et C______, alors administratrice, respectivement fondés de procuration de la société A______ SA, et la fiduciaire O______ SA, réviseur de la société, afin de remédier à la problématique liée à l'existence de deux contrats de bail parallèles et de la TVA. En effet, N______ refusait de payer la TVA sur la location des places de parking.

i. Par courrier du 25 juin 2004 adressé à A______ SA, soit pour elle B______, O______ SA a rappelé que la part des loyers afférente à la surface commerciale était encaissée par le bailleur et celle relative aux parkings par la L______ SARL, laquelle assumait certaines charges liées à l'exploitation des parkings (surveillance, entretien des appareils, etc.) et encaissait d'autres recettes (comme celles de l'horodateur). La SA, quant à elle, s'acquittait également d'une partie des charges liées aux parkings, à savoir les intérêts hypothécaires et l'assurance bâtiment par exemple. O______ SA a relevé que les actionnaires de la SA connaissaient et acceptaient cette situation depuis des années. Elle a ajouté que cette organisation était néanmoins problématique au niveau des impôts car, d'une part, elle impliquait des prestations appréciables en argent sous la forme d'une non-entrée d'un produit ou du moins d'une marge concédée par la SA et, d'autre part, présentait des inconvénients du point de vue de la TVA.

j. A compter du 1er janvier 2005, il a été convenu que N______ verserait désormais le loyer afférent aux parkings directement à A______ SA et que celle-ci reverserait une redevance à la L______ SARL, dont le montant devait encore être déterminé.

k. De nombreux courriers ont été échangés, principalement entre B______ et D______, au sujet du montant de cette redevance et de son mode de calcul, sans qu'un accord puisse être conclu.

Dans un courrier du 1er mars 2005, B______ a communiqué à D______ le montant que la SA versait mensuellement à la SARL, à savoir 6'532 fr. 75, ainsi que son mode de calcul qui se présentait comme suit : du montant du loyer versé par N______ (133'156 fr.) était soustrait l'ancien versement de la SARL à la SA (60'300 fr.) auquel était ajoutée la TVA obligatoire (5'537 fr.), ce qui donnait un total annuel de 78'393 fr.

D______ s'est opposé à ce montant. Ce dernier refusait que la TVA soit supportée par la SA.

l. Des réunions de travail se sont tenues les 14, 21 décembre 2004 et 22 mars 2005 en présence de A______ SA, soit pour elle B______, D______, C______ et E______, et de la L______ SARL, soit pour elle M______.

Il a été discuté des courriers échangés entre B______ et D______, dont lecture a été faite. Il a ensuite été convenu qu'un contrat de travail serait signé entre la SA et la SARL et qu'une facture pour prestations serait établie par cette dernière.

Lors de la réunion du 21 décembre 2004, D______ a présenté un contrat d'exploitation, qui n'a toutefois pas été approuvé par les actionnaires.

m. Le 26 mai 2005, D______ a indiqué à B______ que le contrat entre la SA et la SARL devait être un contrat d'entreprise et non une convention d'exploitation comme elle le proposait. Il l'a rendue attentive à la responsabilité pour actes illicites commis dans la gestion de la SA qu'elle encourrait en cas de signature d'un contrat d'une autre nature.

La Convention litigieuse

n. Le 10 juin 2005, B______ a communiqué à O______ SA, soit pour elle P______, une copie du projet de convention d'exploitation entre la SA et la SARL, soulignant que ce projet avait déjà été soumis aux actionnaires de la SA. Elle lui demandait son avis et lui a joint le courrier du 26 mai 2005 de D______.

Le projet de convention prévoyait notamment la facturation par la SARL à la SA d'un montant annuel de 78'393 fr. TTC, indexé sur 60% de l'ISPC (art. 4), la possibilité pour la SARL d'installer un automate d'encaissement à son profit (art. 4) et l'autorisation de la SA pour la pose de panneaux publicitaires, dont le coût serait à la charge de la SARL (art. 7).

o. Par courrier du 28 juillet 2005, O______ SA s'est déterminée sur le projet de convention et a estimé que A______ SA n'aurait pas convenu les mêmes conditions avec un tiers véritable. Elle a mentionné, entre autres, que cette société mettait à disposition de la SARL des locaux dont elle pourrait retirer un revenu et qu'elle ne percevait pas tous les revenus, en particulier ceux des horodateurs, alors que les honoraires convenus ne correspondaient pas à ceux d'une régie. Elle a exposé quel en était le risque fiscal (prestation appréciable en argent) et a estimé opportun de mettre à plat cette organisation afin de revenir à une situation simple, laquelle impliquerait des règlements entre actionnaires. Elle a recommandé que la SA réalise l'activité de la SARL, qui deviendrait inutile.

p. Le 21 septembre 2005, une réunion de direction s'est tenue en présence de B______, C______, D______, M______ et P______.

Le premier point à l'ordre du jour de cette séance mentionnait : "Projet de convention SI-Sàrl suite courrier SI/O______". Après discussion, il a été décidé que la SARL justifierait sa facture auprès de la fiduciaire afin d'éviter, en cas de contrôle des impôts, les problèmes découlant du mixage entre les actionnaires de la SA et ceux de la SARL (E______). S'agissant de l'aspect financier, il a été expliqué que sur les 132'000 fr. versés par N______ à titre de loyer des parkings, la SA retenait un montant de 51'300 fr. par an pour les frais du propriétaire (assurance, hypothèque, etc.) et un autre de 6'000 fr. pour la location d'un bureau. Il a également été notifié que le revenu de l'horodateur revenait bien à la SARL, ceci étant indépendant de la SA, et que le loyer du bureau n'était pas gratuit puisqu'il était défalqué du loyer que N______ versait auparavant à la SARL.

q. Le 21 décembre 2005, D______ a accusé réception du projet de convention d'exploitation, soulignant que ses propositions quant à une autre organisation lui semblaient plus adéquates.

r. Le 10 janvier 2006, une convention d'exploitation pour locaux commerciaux à usage de parking (ci-après : la Convention) a été conclue entre A______ SA, représentée par B______, et la L______ SARL, représentée par M______.

La teneur de la Convention était similaire au projet établi le 10 juin 2005 et prévoyait en substance les éléments suivants:

-       A______ SA confiait à la L______ SARL l'exploitation et la maintenance des parkings pour une durée de huit ans dès le 1er janvier 2006, avec possibilité de renouvellement deux fois pour cinq ans (art. 2);

-       la facturation par la SARL à la SA d'un montant annuel de 78'436 fr. HT, plus 5'961 fr. de TVA, soit une mensualité de 7'033 fr., indexée sur le modèle du bail avec N______ (art. 4);

-       la possibilité pour la SARL d'installer un automate d'encaissement à son profit afin de compléter les frais de gestion de l'exploitation (art. 4);

-       l'autorisation de la SA pour la pose de panneaux publicitaires dont le coût serait à la charge de la SARL (art. 7).

s. Lors de l'audience du 28 septembre 2020 devant le Tribunal, les parties ont confirmé que la Convention du 10 janvier 2006 reflétait la volonté des actionnaires de l'époque, mentionnant à cet égard, E______ et B______ (25% + 25%) ainsi que D______ (50%).

Entendu à titre de témoin, P______ a déclaré qu'il n'avait jamais été contesté que les loyers des parkings arrivent à la SARL, ni que la totalité de ceux-ci ne soit pas reversée à la SA. Il a précisé que l'idée qui habitait les protagonistes lors de l'établissement de la Convention était d'obtenir les mêmes montants avant qu'après, la SARL devant être bénéficiaire ou en tout cas à l'équilibre. Il a ajouté que dans la mesure où les bénéficiaires de chacune des sociétés n'étaient pas les mêmes, il fallait faire en sorte que la SARL soit normalement rétribuée.

t. Le 9 mai 2006, D______ a sollicité une copie du contrat signé entre la SA et la SARL.

D'après M______, entendu devant le Tribunal, D______ devait avoir la Convention en sa possession. Ceci dit, il ne voyait pas pourquoi il ne lui aurait pas transmis ce document s'il le lui avait demandé. I______ a, quant à elle, reconnu que son père détenait peut-être la Convention définitive, mais que ce n'était sûrement pas le cas de sa mère.

Les événements subséquents

u. Une réunion d'actionnaires de la société A______ SA s'est tenue le 9 mai 2006 en présence de B______, administratrice, D______, suivi de la mention "représentant d'actionnaires", E______, actionnaire, et M______, suivi de la mention "PV".

Sur une remarque de D______, B______ a rappelé la réflexion qui avait été menée pour aboutir à la Convention du 10 janvier 2006.

v. Lors de l'assemblée générale de la société A______ SA du 21 juin 2006, à laquelle a notamment participé D______ et au cours de laquelle le 100% des actions de la société était représenté, la question de la Convention du 10 janvier 2006 a à nouveau été évoquée. Il a été indiqué que la facture de la SARL à la SA pour la gestion des parkings s'était élevée à 78'393 fr., montant correspondant à celui qu'il restait à la SARL sous l'ancien système, lorsque cette dernière percevait directement le loyer de N______ et reversait à la SA un loyer pour les bureaux et les parkings.

Les comptes 2005 de la SA ont été approuvés à l'unanimité et l'Assemblée a donné, à l'unanimité, décharge à l'administratrice pour sa gestion 2005.

w. D______ est décédé au mois de janvier 2007. Depuis, c'est sa fille, I______, qui représentait les actions détenues par F______.

x. Lors de l'assemblée générale ordinaire de la SA du 28 février 2007, à laquelle a participé I______, il a été constaté en début de séance que toutes les actions de la société étaient présentes ou représentées.

Les comptes 2006 ont été approuvés à l'unanimité et décharge a été donnée à B______ pour sa gestion 2006.

S'agissant de l'administration, il a été relevé qu'avant son décès, D______ représentait son épouse et développait, malgré l'absence de siège au conseil de la société, une activité importante pour la bonne gestion de l'administration courante, par ses compétences techniques en particulier. Depuis son décès, F______ souhaitait que ses actions soient toujours représentées correctement et que sa voix soit entendue et prise en compte dans la gestion courante de la société. Proposition a ainsi été faite d'inclure un représentant de la famille D______/F______ dans le conseil d'administration, ce qui a donné lieu à débat. A l'unanimité, il a été décidé de reconduire B______ dans ses fonctions d'administratrice unique et de convoquer des réunions trimestrielles.

y. Au printemps 2007, F______ a mandaté une avocate afin de faire valoir ses droits au sein de la SA. S'en sont suivis de nombreux échanges de courriers et des procédures judiciaires.

Le 19 mars 2007, le conseil de F______ a sollicité des renseignements concernant notamment la Convention d'exploitation, ainsi que son suivi, soulignant que jusqu'alors sa cliente avait été représentée par son époux, puis par sa fille.

Un entretien s'est tenu le 17 avril 2007 à cette fin dans les locaux de A______ SA entre B______ et le conseil de F______.

z. Par courrier du 15 mai 2007, le conseil de F______ a rappelé qu'une gestion performante de la SA était attendue et que la responsabilité de cette gestion incombait à B______, seule, en sa qualité d'administratrice unique. Cette position n'était pas très confortable et pour prévenir des conflits, elle a suggéré de porter le conseil d'administration à deux administrateurs afin que l'ensemble de l'actionnariat soit représenté et d'associer une régie pour la gestion immobilière.

A teneur des éléments du dossier, aucune suite n'y a été donnée.

D. a. Par acte déposé par-devant le Tribunal le 20 novembre 2012, déclaré non concilié et introduit au fond le 4 juin 2013, A______ SA, représentée alors par ses administrateurs I______, H______ et J______, a conclu à la condamnation de B______ et C______, pris conjointement et solidairement, à lui payer le montant de 800'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2011.

Elle a allégué avoir subi un manque à gagner annuel de 100'000 fr. de 2006 à 2012 ainsi qu'un dommage complémentaire de 100'000 fr. en 2013, correspondant aux revenus accessoires (recettes de caisse et recettes publicitaires) auxquels B______ avait décidé unilatéralement de renoncer pour le compte de la société en signant la Convention. Cela avait eu pour but de créer une situation privilégiée pour M______, gérant unique de la SARL et actionnaire de la SA, aux dépens de cette dernière. Elle a affirmé qu'C______, qui avait succédé à sa mère au conseil d'administration, n'avait pas agi dans les intérêts de la SA puisqu'il n'était pas entré en matière sur l'étude de rentabilité d'un autre système d'exploitation des parkings, pourtant sollicitée par les autres actionnaires.

Elle a ajouté que ce n'était qu'avec le changement d'administrateurs dans le courant de l'année 2010, et le retour à une situation d'équilibre entre les deux familles dans la gestion de la SA, que la teneur et les conséquences de la Convention avaient pu être connues, de même que les comptes de la SARL mettant en lumière les avantages financiers dont celle-ci avait bénéficié durant des années. Entendus devant le Tribunal, H______ et I______ ont affirmé avoir eu connaissance du courrier de O______ SA du 28 juillet 2005 mettant en garde contre ces avantages lorsqu'ils avaient été nommés administrateurs et qu'il leur avait fallu plusieurs mois afin de récupérer les documents et les mettre en ordre. Ils avaient alors découvert une réelle intention de favoriser les membres de la famille B______/C______ par la signature de la Convention. H______ avait recommandé de résilier ladite Convention, ce que les actionnaires avaient refusé. Il avait tout de même décidé de procéder à la résiliation et d'initier la présente procédure.

b. Dans sa réponse, C______ a conclu au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions.

Il a affirmé que la Convention avait été élaborée à la suite de longues discussions entre l'administratrice, les fondés de pouvoir, les actionnaires, O______ SA, N______ et H______. Sa mère n'avait donc pas pris cette décision seule. La situation n'était du reste pas nouvelle mais remontait à 1981, lorsque la SA avait confié la gestion et l'exploitation des parkings à la SARL.

Par ailleurs, il a soutenu que le délai de prescription de cinq ans était largement dépassé.

c. B______ a également conclu au rejet de la demande.

Elle a affirmé, à l'instar de son fils, que l'action était prescrite. Selon elle, tant les actionnaires de l'époque que les administrateurs d'aujourd'hui de la SA connaissaient le système en place depuis 1981 et repris dans la Convention.

d. La procédure a été suspendue d'accord entre les parties du 17 juin 2014 au 20 février 2018.

e. Le 13 avril 2018, A______ SA a augmenté sa prétention en paiement à 1'826'923 fr., avec suite d'intérêts.

f. A l'issue de l'audience du 12 mars 2019, le Tribunal a ordonné la limitation de la procédure à la question de la prescription.

g. Par conclusions motivées du 9 avril 2019, A______ SA a persisté dans ses précédentes conclusions.

Sur la question de la prescription, elle a rappelé que c'était seulement en juin 2010, suite au changement au sein de son conseil d'administration, que l'accès aux comptes de la SARL avait permis la découverte des éléments concrets du préjudice. Selon elle, l'existence du dommage ne résultait pas de la seule signature de la Convention mais de l'absence de tout élément d'information quant aux modalités de ladite Convention. Elle a affirmé que B______ avait maintenu le flou sur la réorganisation des relations entre A______ SA, N______ et la L______ SARL, qu'elle avait ignoré les demandes et propositions de D______ de même que la mise en garde de O______ SA. Elle en a déduit qu'aucune connaissance concrète des éléments du dommage réclamé n'existait avant l'accès aux comptes de la SARL et la découverte de la mise en garde de O______ SA. La prescription de l'action en responsabilité n'avait dès lors commencé à courir qu'à compter de ce moment-là et avait valablement été interrompue par l'introduction de la présente procédure.

h. Dans leurs écritures respectives du 14 juin 2019, B______ et C______ ont persisté dans leurs conclusions.

B______ a contesté les allégations formulées à son encontre. En tout état, elle a allégué que la SA avait eu connaissance des éléments lui permettant d'apprécier son dommage, à savoir la méthode de paiement du loyer telle que prévue dans la Convention, les conditions financières entre A______ SA et la L______ SARL, en particulier en ce qui concernait les redevances et les recettes issues des horodateurs et des panneaux publicitaires, ainsi que le prétendu déséquilibre entre ces deux sociétés, au plus tard le 15 mai 2007.

C______ a, pour sa part, affirmé que le prétendu dommage était connu dès la réunion du 21 septembre 2005, lors de laquelle la situation entre les deux sociétés avait été abordée et longuement discutée. En outre, les comptes 2005 et 2006 de la SA avaient été approuvés à l'unanimité, lesquels mentionnaient le montant versé à la SARL.

Ils en ont tous les deux déduit que le délai de prescription était dépassé au moment du dépôt de la demande dirigée à leur encontre, le 20 novembre 2012.

i. Lors des audiences des 28 septembre et 16 novembre 2020, le Tribunal a entendu les parties et plusieurs témoins, dont les déclarations ont été reprises dans l'état de fait ci-dessus dans la mesure utile.

j. Le 29 janvier 2021, les parties ont déposé leurs plaidoiries finales écrites sur la question de la prescription, chacune persistant dans ses conclusions.

Elles ont encore déposé des écritures les 12 février et 8 mars 2021.

E. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a retenu que l'action déposée le 20 novembre 2012 par A______ SA était prescrite, considérant que l'ensemble des actionnaires avait eu connaissance des circonstances propres à fonder et à motiver une demande en justice au mois de décembre 2005. En effet, le montant de la redevance versée à la L______ SARL, le principe de la facturation, le fait que les bénéfices de l'horodateur étaient laissés à la SARL, ainsi que la possibilité de mettre des panneaux publicitaires, figuraient dans le projet de convention ainsi que dans la Convention finale du 10 janvier 2006, laquelle avait été élaborée à la suite de longues discussions entre B______, les fondés de pouvoir, les actionnaires, O______ SA, N______ et H______, qui avait été spécifiquement mandaté à ce sujet. Cela étant, le Tribunal s'est dit pouvoir admettre une date postérieure, laquelle a été arrêtée au plus tard le 15 mai 2007, lorsque le conseil de F______ s'était entretenu avec B______ sur la gestion des parkings et avait fait part de son avis par courrier.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 CPC), ce qui est le cas en l'espèce vu les prétentions en paiement de plus de 1'800'000 fr. prises en dernier lieu par l'appelante.

Interjeté dans le délai utile de trente jours (art. 311 al. 1 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La cause est soumise à la maxime des débats et au principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

1.3 La Cour dispose d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC), dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 et les références citées).

2. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu que son action en indemnisation était prescrite. Parmi plusieurs griefs, elle se plaint d'une constatation inexacte des faits, en particulier concernant la date de la connaissance effective du dommage, et reproche au Tribunal de ne pas avoir distingué l'action de la société de celle des actionnaires, imputant ainsi l'inaction des actionnaires à la société.

Elle soutient que tant et aussi longtemps que la société était administrée par B______ et C______, de 2003 à 2010, celle-ci (la société) n'était pas à même de réunir les éléments utiles à l'établissement du dommage. De plus, elle ne disposait d'aucune possibilité concrète d'agir en justice, dans la mesure où il n'était pas concevable que B______ et C______ aient pu agir au nom de la société à leur propre encontre, en tant qu'auteurs du dommage. Le dies a quo relatif à la prescription avait dès lors commencé à courir au plus tôt au cours de l'année 2011, selon elle, soit dans les mois qui avaient suivi la fin du mandat d'administrateurs des intimés et la reprise de cette fonction par les nouveaux administrateurs.

2.1.1 Les membres du conseil d'administration d'une société anonyme répondent à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'ils leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs (art. 754 al. 1 CO).

Conformément à l'art. 756 al. 1 CO, la société et chaque actionnaire ont le droit d'intenter action pour le dommage causé à la société.

La doctrine a souligné certaines situations dans lesquelles le conseil d'administration serait peu enclin à ouvrir une action en responsabilité contre tout ou partie de ses membres. Tel est notamment le cas lorsqu'une petite société dont l'actionnaire majoritaire est également l'administrateur contre lequel l'action devrait être introduite. Dans ces cas, on peut sérieusement redouter que l'action sociale ne soit pas exercée par la société. L'art. 756 CO tend à diminuer ce risque et à sauvegarder la créance de la société en permettant à chaque actionnaire d'exercer l'action sociale (Corboz/Aubry Girardin, in Commentaire romand CO II, n. 5 et 6 ad art. 756 CO, Gericke/Waller, in Basler Kommentar OR II, n. 4 ad art. 756 CO et les références citées).

2.1.2 Aux termes de l'art. 760 al. 1 CO, les actions en responsabilité prévues aux art. 752 ss CO se prescrivent par cinq ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage, ainsi que de la personne responsable et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s'est produit.

Le mécanisme repose sur deux délais de prescription. Il y a, tout d'abord, un premier délai de prescription, appelé délai relatif, qui court à compter de la connaissance par le lésé des éléments qui lui permettraient de fonder une action en justice. Ce premier délai est d'une durée de cinq ans. Il y a ensuite un second délai de prescription, appelé délai absolu, qui court à compter de la survenance du fait dommageable, indépendamment de savoir si le lésé en a ou non connaissance et si le dommage s'est ou non déjà produit. Ce second délai est d'une durée de dix ans. La prescription est atteinte, dès que l'un des deux délais est écoulé. Ainsi, la prescription est atteinte si le lésé a laissé s'écouler sans agir plus de cinq ans depuis le moment où il a acquis la connaissance des faits qui lui permettraient de fonder son action, même si le fait dommageable remonte à moins de dix ans. Inversement, la prescription est atteinte s'il s'est écoulé plus de dix ans depuis le fait dommageable, même si le lésé n'a eu connaissance des faits que depuis moins de cinq ans ou n'en a jamais eu connaissance (Corboz/Aubry Girardin, op. cit., n. 4 ad art. 760 CO).

S'agissant de l'action de la société, il faut en principe se baser sur la connaissance des personnes chargées de la gestion, tels que le conseil d'administration ou la direction. Le délai de prescription ne commence cependant pas à courir tant que seuls les organes qui ont eux-mêmes agi de manière illicite ou qui se trouvent en situation de conflit d'intérêts ont connaissance du dommage. En pareils cas, il est admis en doctrine que la connaissance de la société ne doit être admise que lorsque l'assemblée générale ou tous les actionnaires sont informés des faits pertinents (Hänni, La responsabilité des administrateurs hors de la faillite de la société anonyme, Collection neuchâteloise, 2017, n. 980, p. 362, Jenny, Abwehrmöglichkeiten von Verwaltungsratsmitgliedern in Verantwortlichkeits-prozessen, 2012, n. 473, p. 281.; Bürgi /Nordmann, in Zürcher Kommentar, V. Band, OR, n. 9 ad art. 760 CO et les références citées).

2.1.3 L'art. 760 CO régit, en tant que disposition spéciale, le délai et le point de départ de la prescription. Pour le reste (notamment la suspension et l'interruption du délai) les règles générales des art. 132 à 142 CO sont applicables (Corboz/Aubry Girardin, op. cit., n. 1 ad art. 760).

Selon l'art. 134 al. 1 ch. 6 CO, la prescription ne court point et, si elle avait commencé à courir, elle est suspendue tant qu’il est impossible, pour des raisons objectives, de faire valoir la créance devant un tribunal.

Selon la jurisprudence, cette disposition ne s'applique que si le créancier est empêché par des circonstances objectives, indépendantes de sa situation personnelle, d'intenter une action en Suisse (ATF 134 III 294 consid. 1.1;
124 III 449 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_148/2017 consid. 4.2.3). Il n'y a dès lors pas de suspension de la prescription si le créancier est empêché d'agir pour une cause inhérente à sa personne (Pichonnaz, in Commentaire romand, CO I, n. 9a ad art. 134 CO; Däppen, in Basler Kommentar, OR I, n. 7 ad art. 134 CO).

Il convient de se montrer strict sur la nature objective - soit indépendante de la situation personnelle du créancier - des circonstances pertinentes pour l'application de l'art. 134 al. 1 ch. 6 CO (ATF 134 III 294 consid. 1.1 in JdT 2010 I 75; 124 III 449 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 5C.122/2006 consid. 3.2 et 3.3, publié in SJ 2007 I 209). En effet, l'institution juridique de la prescription découle de l'intérêt public – sécurité du droit et paix sociale –, ainsi que de la protection de la confiance du débiteur, celui-ci ne devant pas rester durablement dans l'incertitude de savoir si une créance, qui n'a pas été invoquée depuis longtemps et sur laquelle il a raisonnablement de moins en moins compté, devait finalement être réclamée en justice (ATF 134 III 294 consid. 2.1, in
JdT 2010 I 75; 90 II 428 consid. 8 et 9, in JdT 1965 I 243).

2.2 En l'espèce, il convient de déterminer quand les éléments à la base du dommage allégué ont été découverts, respectivement à partir de quand le dies a quo de la prescription a commencé à courir.

2.2.1 A titre liminaire, il sied de relever que la présente action en indemnisation a été déposée par la société A______ SA et non par ses actionnaires. En tant qu'action de la société, il convient d'examiner sa validité, dont la question de la prescription, sous cet angle.

La question qui se pose est dès lors de savoir quand la société elle-même a eu connaissance des éléments permettant d'apprécier le dommage allégué.

Pour rappel, au moment des faits litigieux en 2005-2006, la société était administrée par B______ et le capital-actions était détenu à raison d'une moitié par cette dernière et son époux E______ et, à raison de l'autre moitié par F______. Il ressort cependant du dossier que F______ était représentée par son époux D______, jusqu'au décès de ce dernier, en 2007. En effet, à teneur des échanges de correspondance, notamment des courriers des 11 mars 2005, 9 mai et 8 juin 2006, D______ agissait non seulement en sa qualité de fondé de procuration, mais également en tant que représentant de la moitié de l'actionnariat. Il a d'ailleurs participé à la réunion d'actionnaires du 9 mai 2006 en tant que "représentant d'actionnaire" et a pris part à l'assemblée générale du 21 juin 2006, lors de laquelle il a été relevé que l'entier des actions était représenté, malgré l'absence de F______, ce qui tend à confirmer que celle-ci était valablement représentée par son époux. Ce même constat a d'ailleurs été expressément relevé lors de l'assemblée générale du 28 février 2007, dont le procès-verbal en fait état sans ambiguïté, ainsi que par le courrier du conseil de F______ du 19 mars 2007. De surcroît, les parties ont elles-mêmes déclaré lors de l'audience du 28 septembre 2020 devant le Tribunal que D______ "détenait" 50% du capital-actions. C'est dire qu'il était unanimement admis, aux yeux de l'ensemble des protagonistes, actionnaires et administratrice, que D______ représentait le capital-actions appartenant à son épouse et agissait à ce titre. C'est dans ce sens qu'il y a lieu de comprendre le jugement entrepris lorsqu'il fait référence à l'"actionnariat D______/F______", ce qui ne reflète aucune confusion dans l'appréciation des faits, contrairement à ce que soutient l'appelante.

Partant, la société agissait, à cette époque, par l'intermédiaire de ses organes (conseil d'administration et assemblée générale) en les personnes de B______ et E______ ainsi que F______, représentée par D______.

Reste à savoir si ces personnes étaient au courant du dommage allégué.

2.2.2 Au titre de dommage, l'appelante invoque la création d'une "situation privilégiée" par la SA en faveur de la SARL par la signature de la Convention du 10 mai 2006, le préjudice résidant dans la renonciation à certains revenus (recettes des horodateurs ainsi que des panneaux publicitaires) sans réelle contreprestation. Elle prétend en avoir eu connaissance au plus tôt au cours de l'année 2011, soit dans les mois qui ont suivi la fin du mandat d'administrateur des intimés et la reprise de cette fonction par les nouveaux administrateurs.

L'appelante ne peut toutefois être suivie dans son raisonnement.

En premier lieu, il s'avère que la renonciation des revenus issus d'activités accessoires, telles que les horodateurs et les panneaux publicitaires, n'a pas été instaurée par la signature de la Convention du 10 mai 2006, mais existait déjà auparavant. Dans son courrier du 25 juin 2004, O______ a en effet relevé que cette situation – par laquelle LA L______ SARL encaissait des revenus accessoires à son seul profit – était connue et acceptée de tous les actionnaires depuis des années. Le déséquilibre entre les deux sociétés était également connu, puisque O______ SA a expressément attiré l'attention de la société sur le fait que l'encaissement des revenus accessoires par la SARL ajouté au fait que celle-ci ne payait pas l'intégralité des charges liées à l'exploitation des parkings, une partie de celles-ci demeurant à la charge de la SA, représentait une prestation appréciable en argent sous la forme d'une non-entrée d'un produit. Bien que dûment avertis, l'intention des protagonistes n'était pas de changer cette situation mais, au contraire, de prévoir les mêmes montants avant qu'après l'adoption de ladite Convention, selon les déclarations du représentant de O______ SA, lequel a participé à l'établissement de la Convention litigieuse. Les actionnaires et l'administratrice ont du reste confirmé lors de la réunion du 21 septembre 2005 vouloir laisser les revenus accessoires au seul profit de la SARL, précisant que ceux-ci étaient indépendants de la SA. La teneur de la Convention a d'ailleurs dès le début mentionné la possibilité pour la SARL d'installer à son profit un automate d'encaissement et des panneaux publicitaires, sans que cela ne fasse l'objet de discussions ou de critiques, le problème étant celui de la prise en charge de la TVA.

Ainsi, il y a lieu de retenir que le déséquilibre allégué ne découle pas de la signature de la Convention et était connu, même accepté, tant de l'administratrice que de tous les actionnaires de l'appelante.

En second lieu, la Convention, aussi bien dans son projet que dans sa version définitive, contenait déjà non seulement le principe de la facturation et le montant de la redevance versée à la SA, mais également le fait que les recettes issues d'horodateurs et des panneaux publicitaires étaient laissées à la SARL. Les recettes publicitaires se trouvaient même déjà prévues dans les baux de 1991 et 2001.

Comme l'a relevé à juste titre le Tribunal, la Convention litigieuse a été élaborée de concert entre B______, les fondés de pouvoir et les actionnaires et O______ SA, étant ici rappelé que D______ représentait son épouse. Il ressort en effet des pièces du dossier que la teneur de la Convention a été débattue lors de nombreux courriers entre B______ et D______ et que l'ensemble de leur correspondance a été portée à la connaissance des autres actionnaires lors de la réunion du 14 décembre 2004. De plus, l'administratrice et l'ensemble des actionnaires ont participé aux réunions de travail consacrées à l'élaboration de ladite Convention. D______ était, pour sa part, très impliqué dans la gestion de la SA et au courant de ses affaires, comme cela ressort des nombreux courriers et témoignages ainsi que du procès-verbal d'assemblée générale du 28 février 2007. Il a même émis plusieurs propositions quant à la forme et la nature de la nouvelle organisation à mettre en place. Les actionnaires ont par la suite reçu une copie du projet de convention, dont D______ a accusé réception, ayant ainsi eu l'occasion de se déterminer à nouveau si besoin. Le fait que ce dernier ait sollicité une copie de la Convention finale signée n'est pas de nature, au vu notamment des circonstances telles que décrites ci-dessus, à retenir qu'il n'a pas été consulté, ce d'autant plus que le contenu de celle-ci était quasi identique au projet précédemment établi et qui lui avait été signifié avec accusé de réception. De surcroît, aucun élément ne permet de retenir que sa demande tendant à obtenir une copie de la version finale signée n'aurait pas été honorée. A cet égard, M______ a déclaré en audience qu'il n'existait aucune raison de ne pas lui transmettre le document en question. Sa fille, I______ a, quant elle, reconnu que son père détenait peut-être la Convention définitive tout en affirmant que ce n'était sûrement pas le cas de sa mère, ce qui au final importe peu puisque celle-ci était représentée par ce dernier.

C'est en vain que l'appelante prétend que le courrier 28 juillet 2005 de O______ SA, mettant en garde contre le déséquilibre entre les prestations des sociétés, n'aurait pas été communiqué aux intéressés. Si ce courrier a certes été envoyé à B______ seulement, une réunion de direction s'est tenue, le 21 septembre 2005, en présence des actionnaires, dont les discussions portaient précisément sur la suite à donner audit courrier (l'ordre du jour mentionnant: "Projet de convention SI-SARL suite courrier SI/O______"). On ne peut raisonnablement retenir qu'une réunion se soit tenue et que des discussions aient été menées sur le sujet, sans que le contenu du courrier n'ait été porté à la connaissance des intéressés.

Quant au grief selon lequel B______ aurait maintenu le flou s'agissant des circonstances entourant la Convention litigieuse, force est de constater qu'il ne trouve pas d'assise dans le dossier. Au contraire, il en ressort que B______ a été transparente en donnant lecture aux actionnaires de toutes les correspondances échangées avec D______ sur la teneur que devait revêtir ladite Convention, que plusieurs séances de discussions ont été spécialement organisées entre tous les intéressés afin de discuter de la Convention litigieuse et de son contenu, et ce également en présence de O______ SA, qui a ainsi pu exposer sa position à l'ensemble des actionnaires. B______ a aussi tenu compte des propositions faites par D______ en les communiquant à O______ SA, transmis à l'ensemble des actionnaires le projet de convention et a encore répondu aux diverses questions et sollicitations, notamment lors de la réunion d'actionnaires du 9 mai 2006 et de l'assemblée générale du 21 juin 2006. Elle a par ailleurs fourni à D______, à la demande de celui-ci, le 10 février 2006, les pièces comptables 2005 de la SA. Enfin, elle s'est montrée disponible en recevant le conseil de F______ en 2007 afin de répondre à ses questions. Dans ces circonstances, on ne discerne pas en quoi B______ aurait failli à son devoir d'information ni quels éléments auraient été dissimulés aux actionnaires.

S'il est certes vrai que le dossier ne laisse pas apparaitre une participation de H______ dans l'élaboration de la Convention litigieuse, cela demeure sans incidence dans la mesure où il ne revêtait, à cette époque, aucune fonction au sein la société appelante, n'étant alors ni d'administrateur ni actionnaire.

Il y a donc lieu de retenir que tant l'administratrice que l'ensemble des actionnaires de l'époque connaissaient les tenants et aboutissants de la Convention du 10 mai 2016, pour avoir participé à son élaboration.

A cela s'ajoute le fait que lors des assemblées générales des 21 juin 2006 et 28 février 2007, lors desquelles l'entier de l'actionnariat était représenté, des discussions ont encore eu lieu s'agissant de la Convention et de la redevance dont la SARL était débitrice envers la SA. Le montant de celle-ci a été explicitement chiffré et discuté. Par ailleurs, l'assemblée générale a accepté à l'unanimité les comptes 2005 et 2006 de la SA, lesquels devaient, en toute logique, contenir la redevance perçue de la SARL.

Il s'ensuit que tant l'administratrice, que l'ensemble des actionnaires, de même que l'assemblée générale de la société appelante ont eu connaissance, lors de l'élaboration de la Convention et au plus tard lors de l'assemblée générale du 28 février 2007, du montant de la redevance et du fait que les recettes issues d'horodateurs et des panneaux publicitaires étaient laissées à la SARL. Ces faits constituent les éléments essentiels propres à apprécier le dommage allégué. Le seul fait que les revenus accessoires précités ne soient pas chiffrés n'est pas déterminant, dans la mesure où il n'est pas nécessaire de connaître le montant exact du dommage, celui-ci pouvant être estimé. C'est d'ailleurs ce que l'appelante a fait en sollicitant le versement d'un gain manqué de 100'000 fr. par an sur la base d'une estimation et non de chiffres précis. L'appelante serait du reste malvenue de se prévaloir du fait qu'elle ignorait ce montant, dès lors qu'elle aurait pu aisément l'estimer, comme elle l'a fait dans sa présente action, ou requérir une expertise. Au lieu de cela, la société, par son administratrice, ses actionnaires et son assemblée générale, a constamment acquiescé au fait de laisser ces revenus à la SARL.

En définitive, la Cour retiendra que la société, soit pour elle non seulement son administratrice, mais aussi l'assemblée générale, avaient connaissance de toutes les circonstances propres à fonder et à motiver son action en justice au plus tard le 28 février 2007. La prescription étant une question de droit, le juge n'est pas lié par la date du 15 mai 2007 indiqué par l'intimée, ce d'autant plus qu'elle a mentionné cette date avec la mention "au plus tard". Quoi qu'il en soit, dans un cas comme dans l'autre, l'issue du litige demeure identique.

2.2.3 L'appelante soutient qu'à défaut de pouvoir agir en justice, la prescription ne pouvait commencer à courir.

En application de l'art. 134 al. 1 ch. 6 CO, la prescription ne court pas tant qu'il est impossible, pour des raisons objectives, de faire valoir la créance devant un Tribunal.

Certes, l'appelante était administrée, de 2003 à 2008, par B______, soit la signataire de la Convention litigieuse et donc l'auteure du dommage allégué, de sorte qu'il n'était pas concevable qu'elle agisse en justice (pour la société) à son propre encontre.

Cet empêchement de l'appelante d'agir en justice par son conseil d'administration était ainsi due à sa propre organisation, donc à une cause dépendante de sa situation personnelle. Il ne s'agit dès lors pas d'un motif objectif, propre à fonder une cause de suspension au sens de l'art. 134 al. 1 ch. 6 CO, étant rappelé que la nature objective de l'empêchement doit être interprétée restrictivement.

Le législateur a du reste expressément prévu ce cas de figure en permettant à chaque actionnaire d'intenter l'action en responsabilité (action sociale) pour le dommage causé à la société (art. 756 al. 1 CO). Il existait dès lors une possibilité pour la société d'agir en justice au travers de son assemblée générale ou de tout actionnaire, ce que l'appelante perd de vue dans son argumentation. Si ni le conseil d'administration ni les actionnaires de l'époque n'ont décidé d'entreprendre une telle action, leur décision lie la société, le nouveau conseil d'administration devant se voir opposer la prescription.

Par conséquent, le délai de prescription de cinq ans n'a pas été suspendu. Il est donc arrivé à échéance au plus tard le 28 février 2012. Partant, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que l'action, déposée le 20 novembre 2012 par l'appelante, était prescrite.

Le jugement sera dès lors confirmé.

3. Les frais de l'appel seront arrêtés à 5'000 fr., compte tenu de la valeur litigieuse et du fait que l'examen de la cause a été limité à la question de la prescription (art. 7, 17 et 35 RTFMC), et mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 106 CPC). Ils seront partiellement compensés avec l'avance fournie à hauteur de 3'000 fr. par cette dernière, laquelle demeure acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC). L'appelante sera par conséquent condamnée à verser le solde de 2'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Vu l'issue du litige, l'appelante sera, en outre, condamnée aux dépens de ses parties adverses, arrêtés à 2'000 fr. pour B______ et à 2'000 fr. également pour C______ (art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC), étant relevé que le contenu de leurs écritures est, pour l'essentiel, similaire.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 2 juin 2021 par A______ SA contre le jugement JTPI/5255/2021 rendu le 23 avril 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25051/2012.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 5'000 fr., les met à la charge de A______ SA et dit qu'ils sont partiellement compensés avec l'avance de frais fournie par cette dernière, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser la somme de 2'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde de frais judiciaires.

Condamne A______ SA à verser à B______ 2'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Condamne A______ SA à verser à C______ 2'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.