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Décisions | Chambre civile

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C/24884/2018

ACJC/1296/2021 du 05.10.2021 sur JTPI/2272/2021 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24884/2018 ACJC/1296/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 5 OCTOBRE 2021

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 février 2021, comparant par Me Grégoire MANGEAT, avocat, Mangeat Avocats Sàrl, passage des Lions 6, case postale, 1211 Genève 3, en l'Etude duquel il fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______, intimée, comparant par Me Louis BURRUS, avocat, Schellenberg Wittmer SA, rue des Alpes 15bis, case postale 2088, 1211 Genève 1, en l'Etude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2272/2021 rendu le 22 février 2021, notifié aux parties le 25 février 2021, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a débouté A______ de toutes ses conclusions en paiement et en protection des droits de la personnalité dirigées contre B______ SA (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 3'200 fr., compensés avec les avances fournies par A______ et mis à la charge de celui-ci (ch. 2), ordonné la restitution du solde de l'avance en 7'000 fr. à A______ (ch. 3), condamné celui-ci à payer à B______ SA 2'000 fr. TTC au titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

Il a indiqué au pied de sa décision que celle-ci pouvait faire l'objet d'un appel au sens des art. 308 ss CPC.

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour) le 12 avril 2021, A______, se désignant comme le "recourant", a formé "recours" contre ce jugement et sollicité son annulation. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour ordonne à B______ SA, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, de lever la mesure d'interdiction systématique et généralisée à lui signifiée de détenir une procuration bancaire sur tout compte ouvert dans les livres de cette banque et condamne B______ SA à lui verser une indemnité pour tort moral de 5'000 fr., sous suite de frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, il a conclu à ce que la Cour constate le caractère illicite de l'interdiction susmentionnée.

b. B______ SA a conclu à ce que la Cour déclare irrecevable le "recours" de A______. Subsidiairement, elle a conclu à ce que la Cour déclare irrecevables les faits nouveaux invoqués à l'appui du "recours" et déboute A______ de toutes ses conclusions, le tout sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, et persisté dans leurs conclusions.

d. Par avis du 15 juillet 2021, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______ exerce la profession d'avocat et est inscrit au Registre des avocats du canton de Genève. Il pratique également l'activité dite "atypique" d'intermédiaire financier.

b. B______ SA est une banque ayant son siège dans le canton de ______ et des succursales, notamment, à Genève.

c. Entre 1980 et 2016, A______ était titulaire de plusieurs relations bancaires auprès de B______ SA tant à des fins privées que professionnelles. Son épouse et son fils étaient eux aussi clients de cette banque.

d. Par courrier du 2 mars 2016, B______ SA a sollicité de A______ des explications de l'arrière-plan économique de plusieurs transactions bancaires et a requis la signature de certains documents afin d'identifier des ayants droits économiques pour lesquels il agissait en tant qu'intermédiaire financier, lui impartissant un délai au 14 mars 2016 pour s'exécuter.

e. Le 14 mars 2016, A______ a sollicité un délai au 8 avril 2016 pour donner suite à la demande de renseignements de B______ SA.

f. Les 4 et 5 avril 2016, B______ SA a résilié l'ensemble des relations bancaires qu'elle entretenait avec A______, son épouse et son fils.

g. Le 7 avril 2016, une réunion a eu lieu entre les parties au sujet de cette résiliation.

h. Par courrier du 20 mai 2016, B______ SA a confirmé à A______ sa volonté de mettre un terme aux relations contractuelles les liant. Elle a fait valoir que sa décision procédait "d'une analyse des risques aux termes de laquelle [elle estimait] que les transactions effectuées par A______ ne correspond[aient] plus aux standards que souhait[ait] appliquer [la] banque".

i. En juin 2016, A______ a requis du Tribunal des mesures superprovisionnelles et provisionnelles tendant au prononcé du maintien des relations bancaires entre les parties. Le Tribunal a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles et A______ a retiré sa requête de mesures provisionnelles.

j. A______ a fait transférer ses fonds auprès de C______ AG.

k. Postérieurement à la résiliation des relations contractuelles entre les parties, A______ a été mis au bénéfice d'un pouvoir de signature sur les comptes bancaires détenus auprès de B______ SA par quatre sociétés et fondations pour lesquelles il exerçait, par le biais de la société D______, la fonction d'administrateur et/ou de membre du conseil de fondation.

l. La société E______ SA était quant à elle au bénéfice d'un mandat de gestion de fortune confié par les sociétés et fondations précitées et d'une procuration à ce titre sur leurs comptes bancaires.

m. Dans le courant du mois de mars 2017, B______ SA a informé E______ SA qu'elle ne souhaitait plus travailler avec A______ "pour des raisons commerciales". Ainsi l'alternative suivante lui a été offerte: soit elle modifiait la liste des signataires autorisés sur les comptes des sociétés susmentionnées, dont faisait partie A______, soit les relations bancaires la liant à ces sociétés seraient résiliées.

n. S'en sont suivis des échanges de courriers entre les parties, à teneur desquels A______ a estimé que les agissement de B______ SA mettaient en péril ses relations d'affaires et sa réputation, ce qu'a contesté cette dernière expliquant que sa communication était nécessaire et neutre, et ne divulguait pas d'informations relatives aux circonstances de la résiliation des relations d'affaires entre les parties.

o. Entre les 30 mars et 7 avril 2017, les sociétés et fondations susmentionnées ont résilié les mandats les liant à D______ et annulé les pouvoirs de signature de A______ sur leurs comptes bancaires.

p. Par requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles et de conciliation expédiée le 9 mai 2017, A______ a conclu notamment à ce qu'il soit ordonné à B______ SA de rectifier sa communication litigieuse faite à E______ SA et aux titulaires des comptes bancaires, subsidiairement à ce qu'il lui soit fait interdiction de la réitérer à E______ SA et aux titulaires des comptes bancaires, ainsi qu'à la condamnation d'B______ SA de lui verser divers montants.

q. Par ordonnance du 12 mai 2017, le Tribunal a partiellement admis la requête sur mesures superprovisionnelles et fait interdiction à B______ SA de réitérer sa communication litigieuse à E______ SA et la transmettre aux titulaires des comptes.

r. Par ordonnance du 16 août 2017, le Tribunal a rejeté la requête de mesures provisionnelles formée par A______.

En substance, le Tribunal a considéré que la communication litigieuse n'avait été transmise qu'à une seule reprise et à l'attention d'un seul destinataire, E______ SA. En outre, cette communication n'était pas de nature à discréditer A______ aux yeux du grand public dès lors qu'elle n'avait eu lieu que dans le cadre d'une relation précise, à savoir celle entre B______ SA et cette société. Ensuite, la communication ne comportait aucune information particulière s'agissant des raisons pour lesquelles B______ SA refusait de travailler avec A______, l'indication "pour des raisons commerciales" restant neutre et imprécise. Ainsi l'atteinte alléguée était de peu d'intensité. Le Tribunal a également relevé que B______ SA était libre de décider avec qui elle souhaitait être en relation d'affaires, en vertu de sa liberté économique, malgré le fait que A______ avait perdu des mandats. Il était également dans l'intérêt privé de celle-ci de clore les relations d'affaires existantes avec A______ et de ne pas en conclure de nouvelles dans la mesure où elle avait estimé que les transactions qu'il effectuait ne correspondaient plus aux standards qu'elle appliquait. Elle avait agi de la manière la moins dommageable pour les titulaires de comptes en leur laissant le choix de changer d'intermédiaire ou de résilier la relation bancaire, de sorte qu'elle avait agi de manière proportionnelle.

A______ n'a pas déposé d'appel contre cette ordonnance.

Aucune action au fond n'a été introduite dans le délai de trois mois.

s. Par décision du 10 novembre 2017, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: TPAE) a désigné A______ aux fonctions de curateur de représentation et de gestion d'une personne protégée, avec notamment pour tâches de la représenter dans ses rapports juridiques avec les tiers et de gérer ses revenus et biens ainsi que d'administrer ses affaires courantes. Le Tribunal a rappelé que la personne protégée n'avait plus accès à ses relations bancaires, dont notamment une auprès de B______ SA, leur accès étant réservé uniquement à son curateur.

Le 20 novembre 2017, A______ s'est adressé à B______ SA afin de l'informer de sa nomination et a requis la remise des documents utiles à l'exercice de son mandat officiel, soit notamment d'un carton de signature.

La personne en charge du compte de la personne protégée au sein de B______ SA a informé A______ de ce qu'il n'obtiendrait pas la signature sur le compte en question et que la relation bancaire était résiliée.

Des échanges de courriers entre les parties s'en sont suivis, A______ s'opposant à la résiliation du compte et B______ SA maintenant qu'elle n'entendait pas être en relation d'affaires avec lui, y compris lorsqu'il représentait le titulaire d'une relation ouverte en ses livres.

A______ a entrepris des démarches en vue de l'ouverture d'une nouvelle relation bancaire au nom de la personne protégée auprès d'une banque tierce.

t. Le 15 novembre 2019, la société F______ SA, titulaire d'un compte auprès de B______ SA et dont A______ était actionnaire à hauteur de 5% et l'un des administrateurs, a été interpellée par B______ SA qui souhaitait connaître les noms de ses ayants droits économiques.

Celle-ci s'est exécutée en date du 20 novembre 2019.

Lors d'un entretien téléphonique du 28 novembre 2019, la société F______ SA a informé B______ SA de ce qu'elle entendait concentrer son activité commerciale sur des services de conseils pour des importateurs de ______ en Turquie, en Egypte, au Maroc et au Moyen-Orient.

Dans une note rédigée par le conseiller en charge de la relation bancaire, il est indiqué ce qui suit : "activité hors du modèle d'affaire de la G______ avec un potentiel trop faible pour corporate. J'informe le client qu'un Art. 18 lui sera adressé prochainement. Cas soumis à compliance pour autorisation".

Le 4 décembre 2019, B______ SA a résilié avec effet immédiat les relations d'affaires qu'elle entretenait avec F______ SA.

u. Par acte expédié aux fins de conciliation le 25 octobre 2018, non concilié le 16 janvier 2019 et introduit au Tribunal le 16 avril 2019, A______ a, en dernier lieu, réclamé à B______ SA le paiement de 5'000 fr. à titre de tort moral, après avoir formulé des conclusions initiales en plus de 100'000 fr. au total comprenant des pertes sur honoraires imputées à B______ SA et la somme de 5'000 fr. susévoquée. Il a en outre requis qu'il soit ordonné à B______ SA, sous la menace de la peine prévue à l'article 292 CP, de lever la mesure d'interdiction systématique et généralisée à lui faite de détenir une procuration bancaire sur tout compte bancaire ouvert dans les livres de B______ SA. Subsidiairement, il a conclu à la constatation du caractère illicite de l'interdiction systématique et généralisée à lui faite, par B______ SA, de détenir une procuration bancaire sur tout compte bancaire ouvert dans les livres de B______ SA, sous suite de frais judiciaires et dépens.

v. Par mémoire réponse du 11 septembre 2019, B______ SA a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

Les parties ont en outre déposé leur bordereau d'offres de preuve.

w. Par ordonnance du 27 décembre 2019, le Tribunal a dit qu'il n'y avait pas lieu à administration de preuve et a ordonné les plaidoiries finales.

x. Lors de l'audience du 1er septembre 2020, les parties ont été entendues, puis le Tribunal a ordonné, avec leur accord, le dépôt de plaidoiries écrites, un délai au 30 novembre 2020 leur étant fixé pour ce faire.

y. Dans ses plaidoiries finales écrites, A______ a persisté dans ses conclusions. Il a expressément relevé que l'administration de preuves supplémentaires n'était pas nécessaire.

B______ SA a conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande, faute d'intérêt digne de protection, et subsidiairement au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

z. Les parties ont répliqué respectivement les 14 et 17 décembre 2020 et persisté dans leurs conclusions, puis la cause a été gardée à juger.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal, après avoir constaté que l'action de A______ était recevable, a retenu, en faisant application de l'art. 28 CC, qu'une atteinte à l'honneur n'avait pas été commise par B______ SA. Celle-ci n'avait communiqué qu'à une seule reprise au gestionnaire de fortune E______ SA sur la rupture des relations d'affaires avec A______, sans en donner la raison. La résiliation de la relation bancaire liée à la curatelle n'avait été portée à la connaissance de personne et il était peu probable que le TPAE cherche à s'informer de cette résiliation. Si cela devait être le cas, A______ pourrait l'informer sans difficulté. Enfin, pour F______ SA, la résiliation de la relation bancaire n'avait aucun rapport avec A______. Le simple fait de résilier les relations bancaires avec lui, puis de refuser d'en conclure des nouvelles, n'était pas attentatoire à l'honneur, puisqu'aucune communication n'intervenait. Quant au boycott illicite invoqué, la seule situation remplissant éventuellement la qualification de boycott était le fait d'avoir imposé l'alternative à quatre titulaires de comptes, par le biais de leur gestionnaire de fortune, de modifier la liste de signataires autorisés ou de changer d'établissement bancaire. Il n'y avait ainsi eu que quatre mandats en cinq ans affectés par cette situation. Il était certes problématique, sur le plan économique, du fait de la position dominante de B______ SA sur le marché bancaire suisse, que celle-ci refuse d'entrer en relation avec A______, mais les conditions strictes de la jurisprudence pour une violation de la liberté économique n'étaient pas réalisées. La résiliation des rapports bancaires était effectuée avec les tiers, dont A______ était mandataire, et sans mention des raisons, de sorte que le risque de voir les mandats en question résiliés était minime. Tout aussi problématique, mais insuffisant pour constituer une violation de la liberté économique de A______, était le fait qu'il lui était interdit de détenir une procuration sur un compte d'un client de B______ SA, ce qui risquait de le limiter dans la conclusion de nouveaux mandats, voire de lui en faire perdre. Finalement, B______ SA faisait usage de sa liberté économique; elle n'était qu'une banque parmi tant d'autres en Suisse et ne possédait pas de monopole, malgré sa position dominante, ce qui laissait une ample latitude à A______.

EN DROIT

1. 1.1 L'acte du 12 avril 2021 est intitulé "recours" et mentionne une valeur litigieuse au dernier état des conclusions de 5'000 fr.

1.1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. au dernier état des conclusions (art. 308 al. 2 CPC).

Le recours est notamment recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l'objet d'un appel (art. 319 let. a CPC), donc, entre autres, dans les affaires patrimoniales dont la valeur litigieuse est inférieure à 10'000 fr.

Les droits fondant des prétentions non pécuniaires sont par leur nature des droits qui ne peuvent pas être estimés en argent (ATF 139 II 404 consid. 12.1; 108 II 77 conisd. 1a). Ce sont des droits qui n'appartiennent pas au patrimoine d'une personne et qui ne sont pas liés étroitement à des relations de nature pécuniaires. Le fait que le calcul précis de la valeur litigieuse ne soit pas possible ou que son estimation s'avère difficile ne suffit pas à considérer l'objet de la procédure comme non patrimonial. Il faut déterminer si, in fine, des intérêts économiques prépondérants sont visés (ATF 142 III 145 consid. 6.1; 139 II 404 consid 12.1; 118 II 528 consid. 2c). Si tel est le cas, l'on est en présence d'un litige patrimonial (ATF 135 III 578 consid. 6.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_235/2014 du 2 juillet 2014 consid. 2.3).

Les affaires portant sur la protection de la personnalité sont de nature non patrimoniale, sauf si la demande porte exclusivement sur des dommages-intérêts (ATF 142 III 145 consid. 6.1; 127 III 481 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_901/2019 du 9 juillet 2020 consid. 1) et ce même si des intérêts économiques y sont liés (arrêt du Tribunal fédéral 5A_639/2014 du 8 septembre 2015 consid. 1.1).

Ainsi, lorsqu'une procédure porte essentiellement sur une action en protection de la personnalité de nature constatatoire, mais que parallèlement des dommages-intérêts en réparation du tort moral sont réclamés, le point essentiel est celui de la violation des droits de la personnalité. Par conséquent, la cause est non pécuniaire (ATF 102 II 161 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_603/2009 du 26 octobre 2009 consid. 2).

1.1.2 En l'espèce, l'action du "recourant" porte sur des mesures tendant à la protection de sa personnalité, soit son droit à l'honneur et sa liberté économique. Il demande une réparation du tort moral à hauteur de 5'000 fr. pour l'atteinte à l'honneur qu'il prétend avoir subie, selon le dernier état des conclusions litigieuses en première instance.

Il faut donc examiner s'il l'on est en présence d'un litige patrimonial ou non patrimonial dans son ensemble.

A ce sujet, les parties divergent. L'intimée, dans sa réponse à l'appel, soutient en substance que l'action fondée sur le droit de la personnalité en cessation de l'atteinte était l'objet principal du litige, alors que le versement de 5'000 fr. susévoqué était subsidiaire. Il s'agissait donc d'une affaire non patrimoniale. De toute manière, les conclusions pécuniaires en réparation du dommage dépassaient à l'origine 100'000 fr., de sorte que, même à considérer l'affaire comme patrimoniale, il fallait considérer que la valeur litigieuse excédait 10'000 fr.

Le "recourant" admet que son action était liée à des droits de la personnalité, mais elle tendait, notamment, au versement d'une somme d'argent. Il s'agissait donc d'une action mixte, à savoir poursuivant un but idéal et économique, mais l'objectif essentiel de sa démarche était économique, soit la reprise sans entrave de son activité professionnelle.

L'on se trouve en l'occurrence en présence d'une personne physique qui invoque son droit à l'honneur et sa liberté économique. Le "recourant" développe essentiellement des considérations professionnelles à l'appui de sa prétention, mais il s'avère que ses comptes privés sont aussi concernés par le refus de contracter de l'intimée. En outre, le droit à l'honneur ne saurait s'entendre, pour un avocat par exemple et comme en l'espèce, dans une acception purement économique. Si, certes, la mauvaise réputation d'un avocat peut être de nature à lui causer un préjudice économique sous la forme de la perte de clients, l'intéressé peut aussi en souffrir en tant que personne privée et de manière non quantifiable en argent, sous réserve du tort moral. D'ailleurs, en l'espèce, le "recourant" a pris pour seule conclusion pécuniaire la réparation d'un tort moral, ce qui démontre le caractère pas seulement économique de l'atteinte dont il se plaint. Il ne se trouve donc pas dans la même situation qu'une personne morale à but lucratif dont une éventuelle atteinte à la personnalité peut n'avoir que des conséquences économiques.

En raison de son caractère mixte, la prétention litigieuse est donc non patrimoniale au sens du CPC.

Il s'ensuit que, nonobstant la valeur litigieuse des conclusions pécuniaires inférieures à 10'000 fr., la cause porte sur une affaire non patrimoniale, dans le cadre de laquelle la voie de l'appel est ouverte contre une décision finale.

1.2 L'intimée soutient que le "recourant" a introduit fautivement un recours en lieu et place d'un appel et que par conséquent son acte est irrecevable.

1.2.1 L'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 CPC) par une personne qui a un intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC). Le tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC).

1.2.2 La conversion des actes de recours erronés se résout, selon l'origine de l'erreur du choix de la voie de droit, à l'aune du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) ou de celui de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.) qui poursuit dans tous les cas les mêmes buts que le premier en tant qu'il sanctionne un comportement abusif (arrêt du Tribunal fédéral 5A_385/2019 du 8 mai 2020 consid. 4.1.3, publié in FamPra.ch 2020 p. 843 et SJ 2020 I p. 345). En application de ces principes, l'autorité de recours traite le recours irrecevable comme un recours d'un autre type s'il en remplit les conditions (arrêt du Tribunal fédéral 5A_46/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.1).

Lorsque l'erreur est le résultat d'une indication erronée de la voie de droit de la part de l'autorité elle-même, on retient, en vertu du droit à la protection de la bonne foi, que le justiciable qui se fie à une telle indication ne doit en principe subir aucun préjudice. Une partie ne peut toutefois se prévaloir de cette protection si elle s'est aperçue de l'erreur, ou aurait dû s'en apercevoir en prêtant l'attention commandée par les circonstances. Seule une négligence procédurale grossière peut faire échec à la protection de la bonne foi. Déterminer si la négligence commise est grossière s'apprécie selon les circonstances concrètes et les connaissances juridiques de la personne en cause. Les exigences envers les parties représentées par un avocat sont naturellement plus élevées: on attend dans tous les cas des avocats qu'ils procèdent à un contrôle sommaire ("Grobkontrolle") des indications relatives à la voie de droit. En revanche, il n'est pas attendu d'eux qu'outre les textes de loi, ils consultent encore la jurisprudence ou la doctrine y relative (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2 et les références; arrêts du Tribunal fédéral 5A_261/2020 du 27 août 2020 consid. 5.2; 5A_878/2014 du 17 juin 2015 consid. 3.1 et 3.2 et les autres références, non publié aux ATF 141 III 270, publié in Pra 2017 p. 285 n° 31.

En revanche, lorsque l'erreur est le résultat d'un choix délibéré d'une partie représentée par un avocat, on retient qu'il n'y a pas de formalisme excessif à refuser la conversion de l'acte en raison de l'erreur grossière (arrêt du Tribunal fédéral 5A_221/2018 du 4 juin 2018 consid. 3.3.2, publié in RSPC 2018 p. 408 n° 2148). A l'inverse, la tendance est de considérer contraire à l'interdiction du formalisme excessif le refus de la conversion alors que le choix du moyen de droit recevable présente des difficultés et n'est pas facilement reconnaissable (ATF 113 Ia 84 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_112/2010 du 4 juin 2010 consid. 3.3). En d'autres termes, on admet la conversion si les conditions de recevabilité de la voie de droit correcte sont réunies, si l'acte peut être converti dans son entier, si la conversion ne porte pas atteinte aux droits de la partie adverse et si l'erreur ne résulte pas d'un choix délibéré de la partie représentée par un avocat de ne pas suivre la voie de droit mentionnée au pied de la décision de première instance ou d'une erreur grossière (arrêt du Tribunal fédéral 5A_46/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.1.2).

1.2.3 En l'espèce, l'acte du 12 avril 2021 est intitulé "recours" et fondé sur les art. 319 ss CPC, alors que la décision du Tribunal devait être entreprise par un appel (art. 308 ss CPC), ce qui était expressément mentionné au pied de ladite décision.

Il s'agit donc d'examiner si l'acte peut être converti en appel.

A la forme, l'acte du 12 avril 2021 répond aux réquisits d'un appel, car il a été déposé dans le délai prescrit (cf. également art. 145 al. 1 let. a CPC), contient des conclusions, ainsi qu'une motivation, ce qui n'est pas contesté par l'intimée.

Celle-ci fait valoir que l'erreur dans la désignation de l'acte doit être sanctionnée par l'irrecevabilité de celui-ci, car il a été déposé par un avocat qui n'a pas respecté les voies de droit mentionnées dans le jugement entrepris.

Au vu des développements figurant au considérant 1.1supra, la réponse à la question de savoir s'il fallait déposer un appel ou un recours n'était pas d'emblée évidente et ne saurait donc être assimilée à un choix délibéré de la partie ou de son représentant.

Par conséquent, il apparaîtrait comme excessivement formaliste de déclarer irrecevable le "recours", alors que sa conversion en appel ne porte pas atteinte aux droits de l'intimée, d'autant plus que l'appelant s'est limité à des griefs juridiques comme il aurait dû le faire en présence d'une décision sujette à recours au sens des art. 319 ss CPC.

En définitive, l'acte du 12 avril 2021 est recevable en tant qu'appel.

2. L'appelant se plaint d'une violation de son droit à la preuve, soit son droit à faire entendre des témoins. En outre, il se plaint d'une mauvaise application du droit sous l'angle de la protection de son droit à l'honneur et de sa liberté économique, plus particulièrement de l'interdiction du boycott dont il serait l'objet du fait de l'intimée.

2.1
2.1.1
Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe (art. 28 al. 1 CC).

L'art. 28a al. 1 CC prévoit que le demandeur peut requérir le juge d'interdire une atteinte illicite, si elle est imminente (ch. 1), de la faire cesser, si elle dure encore (ch. 2) et d'en constater le caractère illicite, si le trouble qu'elle a créé subsiste (ch. 3).

Une atteinte est illicite, à moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi (art. 28 al. 2 CC). L'atteinte résultant de faits inexacts n'est en principe jamais licite (ATF 132 III 645 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_641/2011 du 23 février 2012 consid. 7.2.2.1). En outre, une atteinte n'est en aucun cas licite du seul fait que l'auteur croyait de bonne foi que ses informations étaient exactes (ATF 126 III 209 consid 3a).

Les normes générales de protection de la personnalité sont de natures subsidiaires par rapport aux normes spéciales, telles celles de la LCD. Le fait qu'un comportement tombe sous le coup de la LCD n'empêche pas la victime d'actionner l'auteur sur la base de l'art. 28a CC. Les dispositions générales de protection de la personnalité et la réglementation spéciale de la LCD ne s'excluent pas (arrêt du Tribunal fédéral 5A_376/2013 du 29 octobre 2013 consid. 2.1).

Selon l'article 28a al. 3 CC, l'action en réparation du tort moral est réservée.

2.1.2 L'art. 28 CC protège entre autres le sentiment qu'une personne a de sa propre dignité ("honneur interne"), ainsi que toutes les qualités nécessaires à une personne pour être respectée dans son milieu social ("honneur externe"). Il s'agit de la protection de la personnalité affective et sociale. L'honneur externe comprend, non seulement le droit d'une personne à la considération morale, c'est-à-dire le droit à sa réputation d'honnête homme pour son comportement dans la vie privée ou publique, mais aussi le droit à la considération sociale, à savoir notamment le droit à l'estime professionnelle, économique ou sociale. L'honneur dépend ainsi de deux facteurs variables: la position sociale de la personne touchée et les conceptions du milieu où elle évolue. Pour juger si une déclaration est propre à entacher une réputation, il faut utiliser des critères objectifs et se placer du point de vue du citoyen moyen, en tenant compte des circonstances, en particulier du contexte dans lequel la déclaration a été émise. La protection est plus étendue que celle du droit pénal (ATF 134 III 193 consid. 4.5; 129 III 49 consid. 2.2; 127 III 481 consid. 2b/aa; 126 III 209 consid. 3a in fine; arrêt du Tribunal fédéral 4A_248/2019 et 4A_398/2019 du 25 août 2020 consid. 10.1; Kirchschläger, Haftpflichtkommentar - Kommentar zu den schweizerischen Haftpflicht-bestimmungen, 2016, n. 13 et 17 ad art. 28 et 28a CC).

L'"atteinte" au sens de l'art. 28 al. 1 CC est réalisée par tout comportement humain, tout acte de tiers, qui cause de quelconque manière un trouble aux biens de la personnalité d'autrui en violation des droits qui la protègent (ATF 120 II 369 consid. 2).

L'atteinte à l'honneur peut résulter d'allégations de fait ou d'appréciations subjectives, sans qu'il importe de savoir, dans un premier temps, si les faits allégués sont vrais, incomplets ou inexacts, ou si les critiques sont justifiées ou non (cf. ATF 122 III 449 consid. 3a). Le mode d'expression (geste, voix, écrit ou dessin) est aussi indifférent. Il suffit qu'aux yeux d'un observateur moyen la considération dont jouit une personne soit diminuée; la véracité des faits allégués ou le bien-fondé d'une critique jouent cependant un rôle important pour décider si l'atteinte est illicite ou non (ATF 103 II 161 consid. 1c; 91 II 401 consid. 3). Les opinions, commentaires et jugements de valeur sont admissibles, autant qu'ils apparaissent soutenables au regard de l'état de fait auquel ils se réfèrent, à moins que leur forme ne rabaisse inutilement la personne visée (ATF 126 III 305 consid. 4b/bb et les arrêts cités; arrêts du Tribunal fédéral 5A_605/2007 du 4 décembre 2008 consid. 2.1 et 5A_76/2018 du 29 mars 2018 consid. 2).

En pratique, il faut procéder en deux étapes : déterminer si une atteinte à la personnalité existe, puis vérifier l'existence d'un motif justificatif. Le fardeau de la preuve de l'atteinte à la personnalité est supporté par le demandeur, le défendeur devant démontrer qu'il existe un motif justificatif (ATF 136 III 410 consid. 2.2.1 et 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_76/2018 du 29 mars 2018 consid. 2).

2.1.3 L'art. 28 CC protège également le droit à la liberté économique, à savoir le droit de toute personne d'exercer librement, mais dans les limites de la loi, une activité économique qui lui permette d'acquérir les moyens d'existence pour elle et les siens, ce qui l'habilite à s'en prévaloir contre tout tiers qui remettrait cette liberté en cause (Meili, Basler Kommentar - ZGB I, 6ème éd. 2018, n. 31 ad art. 28 CC; Jeandin, Commentaire Romand - CC I, 2010, n. 49 ad art. 28 CC).

2.1.4 La liberté contractuelle est l'un des piliers de l'ordre juridique suisse, voire "l'une des pierres angulaires de la vie en société". Elle se situe par conséquent à l'intersection du droit constitutionnel - en tant qu'elle relève de la liberté économique (art. 27 Cst.), voire d'autres droits fondamentaux telle la liberté personnelle (art. 10 Cst.) - et du droit des obligations - l'objet du contrat pouvant, selon l'art. 19 al. 1 CO, être librement déterminé, dans les limites de la loi (Guillod/Steffen, Commentaire Romand - CO I, 2ème 2012, n. 5 ad art. 19 et 20 CO; Martenet, Commentaire Romand - Cst., 2021, n. 55 ad art. 27 Cst.; Pfister, Approche constitutionnelle de l'obligation de contracter, in Vertrauen - Vertrag - Verantwortung - Festschrift für Hans Caspar von der Crone, 2007, p. 130 s. ; pour la liberté contractuelle comme liberté économique : ATF 131 I 223 consid. 4.1). La liberté contractuelle présente diverses facettes : liberté de contracter, liberté de l'objet du contrat ou de sa forme et liberté de mettre fin aux relations contractuelles (ATF 129 III 35 consid. 6.1 in JdT 2003 I p. 127).

Le pendant de la liberté contractuelle est l'obligation de contracter. Celle-ci peut découler soit d'un contrat - plus précisément et en général, un "pré-contrat" - ou de la loi (ATF 129 III 35 consid. 6.1).

Parmi les obligations légales de contracter, il faut distinguer celles qui résultent d'une base légale expresse (par exemple les art. 13 ss de la loi fédérale sur la poste prévoyant le service universel fourni par celle-ci) ou des principes généraux de droit privé, à savoir en particulier la protection de la liberté de commerce (art. 28 CC) ou la protection des bonnes mœurs (ATF 129 III 35 consid. 6.2).

La jurisprudence a dégagé quatre conditions cumulatives fondant une obligation de contracter dans le cadre des principes généraux de droit privé et en l'absence de base légale expresse. L'admission d'une obligation de contracter suppose d'abord qu'un entrepreneur offre des marchandises ou des services d'une manière générale et publique. Deuxièmement, l'obligation de contracter ne peut concerner que des biens ou des services qui relèvent d'un besoin normal, ce par quoi il faut comprendre les biens et services accessibles à pratiquement tout le monde et utilisés au quotidien. Troisièmement, il faut que la personne souhaitant la conclusion du contrat ne puisse pas, en raison de la position dominante de l'entrepreneur sur le marché, disposer d'autres moyens envisageables de satisfaire ses besoins normaux. Une telle position dominante est admise lorsqu'un seul entrepreneur est suffisamment accessible ou lorsque tous ceux qui entrent en ligne de compte refusent également de conclure un contrat avec la personne intéressée. Quatrièmement, l'entrepreneur doit contracter s'il n'est pas en mesure d'indiquer des motifs objectivement justifiés pour expliquer son refus. L'admission d'une obligation de contracter doit demeurer exceptionnelle (ATF 129 III 35 consid. 6.3).

Ainsi, le Tribunal fédéral a admis que l'association qui souhaitait recourir aux services de la Poste pour distribuer un tout ménage, soit un service pour lequel il n'existait pas d'obligation légale expresse de contracter, remplissait les conditions qui précèdent et pouvait exiger de contracter avec la Poste, car le refus de celle-ci contrevenait à la protection des bonnes mœurs (ATF 129 III 55 consid. 6.4).

Cette jurisprudence envisage une dérogation au caractère en principe seulement négatoire des atteintes à la personnalité (Aebi-Müller, Personen- und Familienrecht - Partnerschaftsgesetz Art. 1-456 ZGB - PartG - Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, 3ème éd. 2016, n. 7 ad art. 28 CC).

2.1.5 Le boycott consiste dans l'abstention concertée de relations économiques avec une personne qui se livre à une activité industrielle ou commerciale ou avec un employé afin de les forcer à faire un acte déterminé ou à s'en abstenir ou de les punir pour un certain acte ou une certaine abstention. Tout boycott non permis suppose le fait de mésuser de la liberté de contracter, soit qu'il s'agisse de la défense intimée par une union à ses membres ou à des tiers de conclure des marchés avec une personne déterminée (boycott indirect), soit que la mesure consiste, pour une union qui possède un monopole de fait, à ne pas conclure de contrats ou à en aggraver les conditions (boycott direct). Mais boycotter, ce n'est pas simplement s'unir entre plusieurs pour ne pas conclure de marchés avec telle ou telle personne. Il y a plus que cela: c'est l'évincement organisé d'un industriel, d'un commerçant ou d'un employé pour l'amener à faire quelque chose ou à s'en abstenir, - que ce soit afin qu'il abandonne ou n'entreprenne pas une certaine activité économique (boycott d'anéantissement ou boycott d'évincement), ou afin qu'il exerce cette activité conformément aux conditions qui lui sont imposées (boycott d'assujettissement). Celui qui, par des mesures collectives, se propose d'empêcher, durablement ou temporairement, autrui de prendre part au jeu de la libre concurrence ou qui met des entraves à cette compétition, ou encore qui impose au concurrent les conditions de sa participation, celui-là porte atteinte aux intérêts personnels de cet individu et à son droit à la liberté du commerce et de l'industrie. Mais cette liberté ne lui confère pas le droit à une existence économique assurée; elle ne le protège point contre les conséquences d'une compétition économique qui se déroule selon les règles de la bonne foi, où il se heurte soit à un autre compétiteur, soit a un ensemble de concurrents. Le boycott dépasse précisément les limites de ce que chacun doit supporter dans le jeu normal de la libre concurrence. Le boycotteur se propose de supprimer le concurrent sur le marché par une coercition organisée, de l'évincer ou de l'assujettir ou encore de le punir. Le boycott viole le droit de la personnalité tendant au libre exercice d'une activité économique; il est donc en principe illicite. Seul n'agit pas d'une manière contraire au droit celui qui, par le moyen du boycott, défend des intérêts légitimes manifestement prépondérants et qu'il ne peut sauvegarder d'aucune autre manière. La preuve des motifs justifiant le boycott incombe à l'auteur de celui-ci (art. 8 CC) (ATF 86 II 365 consid. 3 et 4 in JdT 1961 I 165 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1458/2020 du 7 avril 2021 consid. 1.5).

Il en découle que, selon le Tribunal fédéral, le boycott n'est envisageable que s'il résulte d'une abstention organisée de plusieurs acteurs du marché : le refus de contracter d'un seul, même en situation de monopole sur le marché, ne constitue pas un boycott (Bengtsson-Bänziger, Der Konsumentenboykott im Wettbewerb, 2008, n. 37).

La jurisprudence relative au boycott économique a finalement trouvé son expression dans la loi fédérale sur les cartels (LCart), soit plus particulièrement aux art. 6 et 7 LCart (Büchler, ZGB Kommentar Schweizerisches Zivilgesetzbuch, 3ème éd. 2016, n. 8 ad art. 28 CC), plus précisément et expressément à l'art. 7 al. 2 let. a LCart.

2.1.6 Conformément à l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves : elle peut ainsi ordonner que des preuves administrées en première instance le soient à nouveau devant elle, faire administrer des preuves écartées par le tribunal de première instance ou encore décider l'administration de toutes autres preuves. Néanmoins, cette disposition ne confère pas au recourant un droit à la réouverture de la procédure probatoire et à l'administration de preuves. Le droit à la preuve, comme le droit à la contre-preuve, découlent de l'art. 8 CC ou, dans certains cas, de l'art. 29 al. 2 Cst., dispositions qui n'excluent pas l'appréciation anticipée des preuves (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1, ATF 133 III 189 consid. 5.2.2, ATF 133 III 295 consid. 7.1; ATF 129 III 18 consid. 2.6).

En vertu du principe de la bonne foi applicable en procédure (art. 52 CPC), l'instance d'appel peut aussi refuser d'administrer un moyen de preuve régulièrement offert en première instance lorsque la partie a renoncé à son administration, notamment en ne s'opposant pas à la clôture de la procédure probatoire (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_801/2019 du 26 mai 2020 consid. 6.3; 5A_272/2015 du 5 juillet 2015 consid. 2.2.1; 5A_906/2012 du 18 avril 2013 consid. 5.1; 5A_597/2007 du 17 avril 2008 consid. 2.3). En d'autres termes, si l'audition requise de témoins n'est pas mentionnée dans l'ordonnance de preuves, il incombe à la partie requérante d'indiquer au tribunal qu'elle maintient sa réquisition d'audition. En ne formulant pas une telle réquisition à l'audience des débats principaux, ou en ne se plaignant pas de l'omission d'entendre les témoins, et en attendant l'issue de la procédure, elle perd le droit de se plaindre de ce vice dans la procédure de recours (arrêt du Tribunal fédéral 4D_5/2015 du 2 octobre 2015 consid. 2.2).

2.2 En l'espèce, l'appelant développe trois griefs dans l'ordre suivant : une violation de son droit d'être entendu, une violation de son droit à l'honneur et une atteinte à sa liberté économique.

Il se justifie de traiter le dernier de ses griefs en premier, puisque la détermination d'une obligation de contracter de l'intimée conditionne l'analyse des deux autres griefs, ainsi qu'on va le voir.

2.2.1 En substance, l'intimée a rompu toutes relations contractuelles existant avec l'appelant et refuse, depuis, d'en conclure de nouvelles, sous quelque forme que ce soit.

Contrairement à l'opinion de l'appelant, l'on ne se trouve pas, juridiquement parlant, en présence d'une situation de boycott. En effet, même à retenir une position dominante de l'intimée sur le marché bancaire suisse, il n'existe aucune concertation avec des tiers dans son refus de contracter avec l'appelante. Ainsi, les éléments constitutifs d'un boycott ne sont pas réalisés. De surcroît, l'on pourrait s'interroger sur la compétence du Tribunal de se saisir, en première instance, d'une telle question sous l'angle du boycott, qui relève expressément de l'art. 7 al. 2 LCart. En effet, ce domaine du droit est réservé à l'instance cantonale unique en vertu de l'art. 5 let. b CPC, soit à Genève, la Cour (art. 120 al. 1 let. a LOJ).

Il s'agit plutôt d'examiner si l'intimée peut être contrainte à contracter avec l'appelant. Les conclusions de celui-ci, formulées sous un aspect négatoire ("lever la mesure d'interdiction systématique"), visent en réalité une obligation de faire, soit de contracter avec lui.

Dès lors qu'il n'existe aucune base légale expresse obligeant l'intimée à contracter, il faut vérifier l'application des quatre conditions cumulatives décrites plus haut et dégagées par le Tribunal fédéral des principes généraux du droit, soit, entre autres, de l'art. 28 CC et de la protection des droits de la personnalité.

Dans le domaine des comptes courants et procurations bancaires, l'intimée offre ses services d'une manière générale et publique, dès lors qu'elle constitue un groupe bancaire offrant des services à toute la population. Il s'agit aussi de services quotidiens et accessibles au plus grand nombre, ces besoins relevant de l'usage normal. Dès lors que l'appelant entend faire usage de certains services de l'intimée à titre professionnel, ceux-ci pourraient éventuellement et en partie ne pas constituer des services répondant au besoin de toute la population, voire à un usage normal. Néanmoins, au vu de ce qui suit, cette question peut être laissée ouverte.

La troisième condition posée par la jurisprudence n'est pas réalisée : l'appelant est en mesure de satisfaire ce besoin par un autre biais, puisqu'il existe plusieurs établissements bancaires en Suisse offrant des services similaires à ceux de l'intimée. Il est superflu de déterminer si l'intimée occupe une position dominante sur le marché bancaire suisse, puisqu'elle n'est qu'un établissement parmi d'autres à fournir les services bancaires auxquels l'appelant demande l'accès. L'appelant prétend qu'il n'existerait que trois autres établissements bancaires en Suisse capables de fournir les mêmes services que l'intimée. Cette allégation n'est pas établie. En toute hypothèse, cela ne semble pas conforme à la réalité, puisque les services bancaires en question ne sont pas uniquement proposés par les grandes banques. De plus, l'appelant allègue n'avoir perdu qu'un seul client en plus de cinq ans, ce qui démontre qu'il est en mesure de continuer à exercer son activité en ayant recours à d'autres établissements bancaires. Il en est allé d'ailleurs ainsi avec le mandat de curatelle qu'il évoque : le changement d'établissement bancaire n'a causé à l'appelant aucun dommage concret.

Il est donc superflu d'examiner la quatrième condition, relative aux motifs pour lesquels l'intimée refuserait de contracter.

Il s'ensuit qu'il n'existe aucun fondement pour obliger l'intimée à contracter avec l'appelant.

Par son argumentation, l'appelant entend soutenir qu'il se trouverait dans une position particulière en vertu de son activité professionnelle. Cependant, la Cour ne discerne pas les raisons qui imposeraient de traiter différemment, en l'espèce, un professionnel de toute autre personne se prévalant de ses droits de la personnalité. Puisque les dispositions prohibant la concurrence déloyale ne sont ni invoquées, ni applicables, un traitement différent de l'appelant en tant qu'acteur du marché ne s'impose pas et ne justifie pas une extension de l'obligation de contracter en défaveur de l'intimée.

Par conséquent, celle-ci est fondée à refuser de conclure quelque contrat que ce soit avec l'appelant.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

2.2.2 Reste à examiner l'atteinte à l'honneur dont se plaint l'appelant.

Celui-ci fait valoir que le simple fait qu'il doive communiquer à des tiers que l'intimée refuse d'entrer en relations d'affaires avec lui ou que l'intimée puisse être amenée à communiquer sur ce point serait attentatoire à l'honneur. De telles communications étant amenées à se répéter, cette répétition constituait, selon lui, un élément qui devait être pris en compte dans l'appréciation de la gravité des atteintes.

Par son raisonnement, l'appelant part du principe que des tiers apprenant qu'il n'est plus en relation avec l'intimée en déduiraient nécessairement qu'il adopte ou a adopté un comportement contraire à l'honneur. Or, cela n'est pas prouvé, ni notoire. Certes, s'il n'est pas exclu que des tiers puissent imaginer que la rupture des relations contractuelles entre les parties résulte du fait que l'appelant s'est comporté de façon répréhensible à l'égard de l'intimée, il ne s'agit que d'une possibilité parmi d'autres. En effet, la rupture des relations contractuelles entre deux partenaires peut provenir de toutes sortes de causes émanant de l'un ou l'autre d'entre eux. A suivre l'appelant, chaque fois qu'une personne refuse de conclure ou de poursuivre des rapports contractuels avec une autre et qu'elle en informe des tiers directement intéressés, elle se rendrait coupable d'une atteinte à l'honneur. Une telle conception procède d'une interprétation trop extensive de la notion d'honneur et tendrait à introduire un nouveau fondement à une obligation de contracter, auquel il ne peut être souscrit, à savoir qu'un partenaire serait obligé de contracter pour ne pas commettre une atteinte à l'honneur.

Il ne peut être exclu que l'appelant ou l'intimée soit amené à communiquer à des tiers que leurs relations contractuelles sont rompues. Cela étant, même sans entrer dans l'examen détaillé de la fréquence exacte de ces communications, les quelques occurrences intervenues - même à suivre les chiffres avancés par l'appelant - depuis cinq ans n'atteignent pas le seuil permettant de retenir une atteinte à l'honneur. De plus, en se limitant à partager l'information avec des personnes ciblées auxquelles il était nécessaire de la transmettre et à invoquer des raisons "commerciales", soit une explication neutre, l'intimée n'a pas outrepassé ces limites.

C'est en vain que l'appelant soutient que la communication de l'intimée aurait pu être partagée par un tiers avec d'autres tiers et qu'il serait lui-même appelé à transmettre cette information à des tiers. En effet, l'intimée ne pourrait pas être tenue pour responsable de la transmission de cette information inter alios, voire par l'appelant lui-même.

Enfin, le grief en lien avec la société F______ SA est difficilement compréhensible : l'on ne discerne pas en quoi l'appelant aurait qualité pour se plaindre de la rupture des relations contractuelles entre l'intimée et cette société. En tout état, cet aspect de la cause ne change rien aux considérations qui viennent d'être développées.

Par conséquent, le Tribunal a jugé à bon droit qu'il n'existait pas d'atteinte à l'honneur de l'appelant. Le jugement sera confirmé sur ce point également.

2.2.3 S'agissant des offres de preuves de l'appelant, celui-ci a requis l'audition de témoins en première instance, puis a accepté le dépôt de plaidoiries finales à l'issue de la procédure probatoire, sans réitérer cette offre de preuve. Dans ses plaidoiries finales, il a renoncé à l'audition de ces témoins.

Il s'ensuit que l'appelant a, par sa passivité, puis sa renonciation expresse, perdu le droit d'obtenir l'audition des témoins qu'il demande dans ses écritures d'appel.

En tout état de cause, les preuves que l'appelant reproche au Tribunal de n'avoir pas administrées portent sur des faits sans pertinence sur l'issue du litige.

L'audition du témoin H______ était censée porter sur le volet F______ SA de la cause, dont on vient de voir qu'il ne faisait pas l'objet de griefs suffisamment motivés de l'appelant, lequel n'a de toute manière pas la qualité de se plaindre de la rupture des relations contractuelles entre F______ SA et l'intimée.

Il n'en va pas différemment de l'audition des témoins I______ et J______, puisque ceux-ci pouvaient, selon l'appelant, attester du refus de l'intimée de contracter avec lui - ce qui n'est pas contesté - et du fait que ce refus a été communiqué non pas à une, mais à quatre personnes morales, qui est, ainsi qu'il l'a été vu, dénué de pertinence.

Les griefs de l'appelant sont donc en toute hypothèse infondés.

L'intimée a soulevé l'irrecevabilité de certains faits invoqués en lien avec ces témoignages : au vu du sort réservé aux griefs de l'appelant, il est superflu d'examiner les conclusions en irrecevabilité de l'intimée.

3. Le jugement entrepris sera entièrement confirmé.

4. 4.1 Compte tenu de l'ampleur et de la complexité des questions juridiques abordées, les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 2'000 fr. (art. 18 et 35 RTFMC). Les frais judiciaires seront partiellement compensés avec l'avance en 1'000 fr. fournie par l'appelant (art. 111 al. 1 CPC), qui demeure acquise à l'Etat de Genève, et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). L'appelant sera condamné à verser le solde de 1'000 fr. (art. 111 al. 1 2nde phr. CPC).

4.2 L'appelant sera en outre condamné à verser à l'intimée, 2'000 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens d'appel (art. 86 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 12 avril 2021 par A______ contre le jugement JTPI/2272/2021 rendu le 22 février 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/24884/2018-4.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense partiellement avec l'avance de 1'000 fr. que celui-ci a versée et qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 1'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde des frais judiciaires d'appel.

Condamne A______ à verser 2'000 fr. à B______ SA à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.