Aller au contenu principal

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/17553/2020

ACJC/1441/2021 du 02.11.2021 sur OTPI/267/2021 ( SCC ) , CONFIRME

Normes : CPC.183.al2; CPC.47.al1.letf; CPC.186
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17553/2020 ACJC/1441/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 2 NOVEMBRE 2021

 

Entre

1) La Mineure A______, représentée par ses parents, 2) Monsieur B______ et Madame C______, domiciliés avenue ______ (GE), recourants contre une ordonnance rendue par la délégation du Tribunal civil canton le 29 mars 2021 et intimés, comparant par Me Laurent NEPHTALI, avocat, rue du Mont-de-Sion 8,
1206 Genève, en l'Étude duquel ils font élection de domicile,

3) Monsieur D______, p.a. Association E______, ______, France, comparant par Me Vianney LEBRUN, avocat, cours des Bastions 5, 1205 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile, autre recourant et intimé,

et

F______ [Hôpital], sis ______[GE], intimés, comparant par Me Michel BERGMANN, avocat, rue de Hesse 8-10, case postale, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           a. Le 8 décembre 2016, C______, B______ et A______ ont déposé en conciliation une demande en paiement à l'encontre de F______ [Hôpital] (ci-après : F______), concluant à ce que le Tribunal de première instance condamne ceux-ci à leur verser, avec suite de frais judiciaires et dépens, les montants de 120'000 fr. (tort moral de l'enfant), de 60'000 fr. (tort moral de la mère) et de 60'000 fr. (tort moral du père), les trois montants portant intérêts à 5% dès le 12 janvier 2006.

Cette demande a été introduite le 19 juin 2017 devant le Tribunal, suite à l'échec de la tentative de conciliation du 20 mars 2017.

b. [L'hôpital] F______ ont conclu au déboutement de leurs parties adverses de toutes leurs conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par ordonnance de preuve ORTPI/1017/2018 du 26 novembre 2018, le Tribunal a ordonné, à la requête des deux parties, une expertise et fixé un délai aux parties pour se prononcer sur le projet de mission d'expertise et la personne de l'expert choisie, à savoir le Pr. D______.

d. A réception des déterminations des parties, par ordonnance de preuve ORTPI/694/2019 du 28 juin 2019, le Tribunal a notamment commis le Pr. D______ et autorisé ce dernier, aux fins de l'expertise, à se faire remettre l'intégralité du dossier médical constitué par le F______ relativement à C______ et A______, ainsi qu'à prendre contact cas échéant avec les parties et avec le personnel de F______ dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de son expertise.

e. Le rapport d'expertise établi par le Pr. D______ le 30 juin 2020, communiqué le 7 juillet 2020 au Tribunal, indique notamment :

-          "RCF [i.e. rythme cardiaque fœtal] n'a pas été tracé entre 03h34 et 03h40 (c’est-à-dire durant 6 minutes ayant suivi l'arrêt de la perfusion ni entre 03h43 et 03h47 ; cette non transmission de la trace du RCF durant ces 6, puis 4 minutes doit être interprétée comme le fait volontaire de ne pas transmettre la trace de deux anomalies majeures bradycardie(s) prolongée(s), indicateur caricatural à 2 reprises d'un risque majeur d'acidose fœtale, en plus de toutes les anomalies du RCF pathologique observées avant et après ce laps de temps" (p. 25 du rapport);

-          "il est noté à l'horaire 07h23 pouls 70, TA : 128/78, T° : 37°1, à l'horaire 07h27 et 30 secondes "colyte osé" ; ce qui prouve que la copie transmise a volontairement amputé 2 minutes du tracé du RCF" (p. 27 du rapport);

-          "1°) l'enregistrement du RCF réalisé entre 17h57 et 18h02 et trente secondes c’est-à-dire durant 5 minutes 30 ne lui a pas été communiqué ; 2°) cette non-transmission non fortuite a été destinée à cacher une anomalie particulièrement sévère comme un ou plusieurs ralentissement(s) prolongé(s)" (p. 31 du rapport);

-          "Précisons ici que 7 minutes de la trace du RCF entre 03h34 et 03h40 n'ont pas été transmises à l'expert. Cette non-transmission, non fortuite, cache donc très probablement une anomalie majeure du RCF, pourtant déjà franchement pathologique depuis le 10.01.06 17h41 et donc à risque important d'acidose" (p. 40 du rapport);

-          "A travers l'histoire dramatique de la naissance de A______ et donc de ses parents, il est apparu à l'expert que la culture sécurité patient, communication collaborative ou réflective avec ce dernier ou entre les différents acteurs des soins obstétricaux n'était pas, pour le F______, une priorité" (p. 56 du rapport).

f. Ce rapport d'expertise a été transmis par le Tribunal aux parties le 8 juillet 2020 qui l'ont reçu le lendemain.

g. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 juillet 2020, le F______ a demandé la récusation du Pr. D______ au motif que l'expert aurait fait preuve de partialité et de prévention dans son rapport d'expertise. Il voit en outre dans les affirmations de l'expert un caractère diffamatoire.

h. Le 5 novembre 2020, le Pr. D______ a contesté les reproches adressés et s'est considéré lui-même victime de diffamation.

i. Dans leurs déterminations du 9 novembre 2020, C______, B______ et A______ ont conclu au rejet de la requête de récusation de l'expert.

j. Le 8 janvier 2021, le F______ ont répliqué, persistant dans leurs conclusions.

k. Le 25 janvier 2021, le Pr. D______ a dupliqué, persistant également dans ses conclusions.

B. Par ordonnance du 29 mars 2020, reçue par C______, B______ et A______ le 1er avril 2021 et par le Pr. D______ le 8 avril 2021, la délégation du Tribunal civil a admis la requête en récusation de D______ formée par le F______ (ch. 1 du dispositif) et ordonné la restitution de l'avance de frais de 600 fr. à F______ (ch. 2).

La délégation a retenu que la phrase en page 56 du rapport, du fait qu'elle apparaissait en guise de conclusion finale après un exposé des manquements aux règles de l'art médical à charge de F______, lui conférait un poids particulier, ce d'autant plus que l'expert avait utilisé le vocable "culture" en lien avec la sécurité du patient, et que ce terme désignait un ensemble de pratiques et d'usages communs à un groupe ou à une institution. Cette phrase pouvait donner l'impression que l'expert exprimait une remarque négative générale à l'égard de F______. De même, le fait que l'expert déduisait formellement de l'absence de certaines séquences du rythme cardiaque fœtal dans les documents communiqués que ces non-transmissions par le F______ n'étaient pas fortuites mais volontaires et qu'elles cachaient probablement des anomalies majeures, attestait une marque de défiance vis-à-vis de F______. Ces éléments suffisaient à créer une apparence de prévention et pouvait faire redouter une activité partiale éventuelle.

C. a.a Par acte déposé au greffe universel le 12 avril 2021, C______, B______ et A______ ont formé recours contre cette décision, concluant à son annulation, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Cela fait, ils ont conclu à ce que la Cour de justice renvoie la cause à l'autorité précédente pour instruction complémentaire et décision finale sur le fond basée notamment sur l'expertise judiciaire du Pr. D______ du 30 juin 2020.

a.b Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 16 avril 2021, le Pr. D______ a également formé recours contre l'ordonnance précitée, dont il a sollicité l'annulation, avec suite de frais judiciaires et dépens. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour fasse ordre au Tribunal de réintégrer et maintenir l'expertise qu'il avait déposé le 30 juin 2020 et laisse les dépens et les frais de la procédure de recours à la charge de l'Etat.

Préalablement, il a conclu à ce que la Cour ordonne la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur le recours.

Il a produit de nouvelles pièces.

b. Par réponse au recours déposé par C______, B______ et A______ le 21 mai 2021, le Pr. D______ a repris les conclusions de son propre recours.

Il a produit de nouvelles pièces.

c. Dans leurs réponses du 25 mai 2021 aux deux recours, le F______ a conclu à ce que la Cour confirme l'ordonnance querellée, avec suite de frais judiciaires et dépens.

d. Le Pr. D______ a répliqué le 11 juin 2021, persistant dans ses conclusions.

Il a encore produit une nouvelle pièce.

e. Les parties ont été informées par pli du greffe de la Cour du 8 juillet 2021 de ce que la cause était gardée à juger pour les deux recours.

EN DROIT

1. Dirigés contre la même ordonnance et comportant des liens étroits, le recours de de C______, B______ et A______ (ci-après : les recourants) et le Pr. D______ (ci-après : l'expert) seront traités dans un seul arrêt (art. 125 let. c CPC).

1.1 Les décisions statuant sur une demande de récusation sont uniquement susceptibles de faire l'objet d'un recours, écrit et motivé, auprès de la Chambre civile de la Cour de justice dans un délai de 10 jours à compter de leur notification (art. 50 al. 2 et 321 al. 1 et 2 CPC; art. 13 al. 2 LaCC), la procédure sommaire étant applicable (cf. art. 49 al. 1 CPC; Wullschleger, in Kommentar zur schweizerischen Zivilprozessordnung, Sutter-Somm/Hasenböhler/ Leuenberger (éd.), 3ème éd. 2016, n. 5 ad art. 50 CPC; Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile commenté, 2ème éd., 2019, n. 21 et 29 ad art. 50 CPC).

La partie qui s'oppose à une récusation finalement admise dispose de la qualité pour recourir (Tappy, op. cit., n° 33 ad art. 50 CPC). Un expert a un intérêt financier direct à ne pas être récusé (Tappy, op. cit., n° 34 ad art. 50 CPC). Il dispose ainsi de la qualité pour recourir (Hofmann/Lüscher, Le Code de procédure civile, 2ème éd., 2015, p. 147).

1.2 Déposés dans le délai légal, par des parties qui ont un intérêt digne de protection, et répondant aux exigences de forme, les recours sont recevables.

1.3 Dans le cadre d'un recours au sens des art. 319 ss CPC, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 CPC).

En l'espèce, les pièces nouvelles produites par l'expert sont par conséquent irrecevables. On ne saurait à cet égard considérer que leur production aurait été rendue nécessaire par la décision contestée, dès lors que la problématique sur laquelle elles portent était déjà au cœur du litige soumis à l'autorité de première instance.

1.4 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait.

2. L'expert sollicite la suspension de la procédure de première instance jusqu'à droit jugé sur le recours.

2.1 A teneur de l'art. 126 CPC, le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent. La procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès (al. 1). L'ordonnance de suspension peut faire l'objet d'un recours (al. 2).

2.2 En l'espèce, la requête de suspension concerne la procédure de première instance, de sorte que la Cour n'est pas compétente pour ordonner la suspension de la procédure en l'absence d'un recours contre une ordonnance statuant sur cette question.

Partant, la requête de l'expert tendant à la suspension de la procédure de première instance est irrecevable.

3. Les recourants et l'expert contestent l'apparence de prévention et de partialité dans le rapport d'expertise.

3.1 Selon l'art. 183 al. 2 CPC, les motifs de récusation des magistrats et des fonctionnaires judiciaires sont applicables aux experts.

Malgré le texte de l'art. 183 CPC, toutes les dispositions en matière de récusation (art. 47ss CPC) s'appliquent (Hofmann/Lüscher, op. cit., p. 146).

3.1.1 A teneur de l'art. 47 al. 1 CPC, les magistrats et les fonctionnaires judiciaires se récusent lorsqu'ils ont un intérêt personnel dans la cause (let. a) ou pourraient être prévenus de toutes autres manières, notamment en raison d'un rapport d'amitié ou d'inimitié avec une partie ou son représentant (let. f).

La partie qui entend obtenir la récusation d'un magistrat ou d'un fonctionnaire judiciaire la demande au tribunal aussitôt qu'elle a eu connaissance du motif de récusation. Elle doit rendre vraisemblables les faits qui motivent sa demande (art. 49 al. 1 CPC).

Les actes de procédure auxquels a participé une personne tenue de se récuser doivent être annulés et renouvelés si une partie le demande dans les dix jours après qu'elle a eu connaissance du motif de récusation (art. 51 al. 1 CPC).

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée dans le respect des principes de la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 6 par. 1 CEDH et 30 al. 1 Cst. (ATF 140 III 221 consid. 4.2; 139 III 433 consid. 2.2; pour l'expert judiciaire voir aussi les arrêts du Tribunal fédéral 4A_278/2018 du 5 novembre 2018 consid. 5 et 4A_352/2017 du 31 janvier 2018 consid. 4.1). Ladite garantie permet au plaideur d'exiger la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur son impartialité; elle tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 116 Ia 135 consid. 2; 140 III 221 consid. 4.1; 140 I 240 consid. 2.2; 138 I 1 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_278/2018 du 5 novembre 2018 consid. 5).

Les déclarations de l'expert à l'encontre d'une personne ou le comportement d'une partie peuvent remettre en cause son impartialité quand le contenu ou les modalités de la communication dénotent une sympathie ou antipathie marquée à leur égard. De telles communications peuvent intervenir avant, pendant ou après l'expertise ou dans l'expertise elle-même. N'est pas en revanche un motif de récusation le fait que l'expert est parvenu à des conclusions défavorables à une partie (ATF 132 V 93 consid. 7.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 1B_123/2013 du 26 avril 2013 consid. 3.2; 8C_781/2010 du 15 mars 2011 consid. 7.1; Bohnet, CPC commenté, 2016, n. 9 ad art. 183 CPC).

3.1.2 L'expert peut, avec l'autorisation du tribunal, procéder personnellement à des investigations. Il en expose les résultats dans son rapport (art. 186 al. 1 CPC). Le tribunal peut, à la demande d'une partie ou d'office, ordonner que les investigations de l'expert soient effectuées une nouvelle fois selon les dispositions applicables à l'administration des preuves (art. 186 al. 2 CPC).

Il s'agit des cas où les investigations de l'expert posent problème ou que leur produit est contesté ou douteux. C'est le cas, par exemple, si l'expert tente de prendre des renseignements pertinents auprès d'une personne qui refuse de répondre à ses questions alors qu'elle en aurait le devoir en vertu de son obligation de collaborer, lui barre l'accès à un objet (mobilier ou immobilier) qu'il s'agit d'examiner impérativement dans l'esprit de l'expert, ou s'il se heurte à toute autre forme d'obstruction qu'il n'a pas le pouvoir de lever et qui porte sur un fait pertinent contesté. Dans ce cas, le tribunal peut ordonner une administration de preuve de type classique, c'est-à-dire non déléguée à l'expert (Schweizer, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 9
ad art. 186 CPC; Vouilloz, Petit commentaire Code de procédure civile, 2020,
n. 10 ad art. 186 CPC). L'expert peut également proposer cette réitération et elle peut être ordonnée en cours d'expertise (Vouilloz, op. cit., n. 8 et 10
ad art. 186 CPC). Les investigations de l'expert doivent en revanche entrer dans le mandat d'expertise ou lui être étroitement liées; elles ne sont pas destinées à corriger les omissions procédurales des parties (Vouilloz, op. cit., n. 6
ad art. 186 CPC).

3.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que les intimés ont sollicité en temps utile la récusation de l'expert, l'annulation de l'expertise du 30 juin 2019 et la nomination d'un nouvel expert. Il y a lieu dès lors d'examiner si les propos tenus par l'expert dans son rapport suffisent à faire apparaître une prévention à l'égard de l'une des parties et ainsi à faire douter de son impartialité.

L'autorité précédente a notamment retenu que la déduction tirée par l'expert de l'absence de transmission par les intimés de séquences du RCF – soit le caractère volontaire de cette carence – trahissait de sa part une défiance à l'égard de ces derniers.

Il ressort à cet égard du dossier que les relevés RCF remis par les intimés à l'expert, conformément à l'ordonnance d'expertise, étaient incomplets en ce sens que plusieurs périodes – pour des raisons qui n'ont pas à être élucidées dans le cadre de la présente décision – n'étaient pas documentées. Une telle absence pouvait objectivement avoir différentes explications au nombre desquelles, certes, une volonté de la part des intimés de dissimuler des éléments défavorables à leur thèse en violation de leurs obligations procédurales, mais également une simple négligence de leur part, un disfonctionnement des appareils de mesures, etc. Or l'expert, sans motif objectif reconnaissable, a non seulement tenu pour avérée la première hypothèse mais, surtout, l'a présentée dans son rapport comme établie avec certitude, toute autre explication, telle une cause fortuite, étant expressément exclue. La question n'est pas de savoir si, constatant le caractère incomplet du dossier qui lui avait été remis, l'expert aurait dû s'adresser une nouvelle fois aux intimés pour obtenir les documents manquants ou des explications sur leur absence, ou s'il pouvait se borner à retenir cette absence dans son rapport : l'une et l'autre de ces manières de procéder n'aurait en effet pas eu d'effet sur son apparence d'impartialité. Elle n'est pas non plus de savoir quelle est en définitive la raison pour laquelle le dossier communiqué était incomplet. Est en revanche déterminant, sous l'angle de la récusation, le fait que l'expert, sans motif objectif reconnaissable, a attribué aux intimés un comportement procédural volontairement déloyal sans envisager lui-même ni mentionner dans son rapport d'autres explications, a priori possibles et ne mettant pas en cause l'intégrité morale des intimés. Cette attitude est de nature à éveiller le soupçon d'une prévention à l'égard des intimés, avec pour conséquence que l'expert ne présente plus l'apparence d'impartialité nécessaire à l'accomplissement de sa mission. Sa récusation étant donc fondée sur cette base, il n'est pas nécessaire d'examiner si la phrase inscrite dans la conclusion en page 56 du rapport fait également naître un soupçon de partialité.

Compte tenu de ce qui précède, l'ordonnance querellée sera confirmée.

4. Les recourants et l'expert, qui succombent, seront condamnés aux frais judiciaires du recours, arrêtés à 800 fr. par recours (art. 13, 23 et 39 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile – RTFMC) et compensés avec les avances fournies, qui restent acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Les recourants, pris solidairement, seront condamnés à verser aux intimés la somme de 800 fr. au titre de dépens de recours, débours et TVA compris. L'expert sera également condamné à verser aux intimés la somme de 800 fr. à titre de dépens, débours et TVA compris (art. 106 al. 1 CPC, art. 20, 25 et 26 LaCC; art. 84, 86, 87 et 90 RTFMC).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 12 avril 2021 par C______, B______ et A______ contre l'ordonnance rendue le 29 mars 2021 par la délégation du Tribunal civil dans la cause C/17553/2020-4.

Déclare recevable le recours interjeté le 16 avril 2021 par D______ contre l'ordonnance précitée.

Au fond :

Les rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judicaires des deux recours à 1'600 fr., soit 800 fr. par recours, les répartit par moitié à la charge de C______, B______ et A______, pris solidairement, d'une part, et par moitié à la charge de D______ d'autre part, et dit qu'ils sont compensés avec les avances fournies par les parties, qui restent acquises à l'Etat de Genève.

Condamne D______ à verser 800 fr. à F______ [Hôpital] à titre de dépens de recours.

Condamne C______, B______ et A______, pris solidairement, à verser 800 fr. à F______ à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX,
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Camille LESTEVEN

 

 


 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.