Aller au contenu principal

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/7184/2020

ACJC/911/2021 du 09.07.2021 sur ORTPI/255/2021 ( OO ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : IRRECE
Normes : CPC.319
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7184/2020 ACJC/911/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 9 JUILLET 2021

Entre

Monsieur et Madame A______ et B______ et leurs enfants mineurs C______, D______ et E______, domiciliés ______, recourants contre une ordonnance rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 11 mars 2021, comparant par Me Thomas BARTH, avocat, BARTH & PATEK, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel ils font élection de domicile,

et

Les F______, Direction générale, ______, intimés, comparant par
Me Marc HOCHMANN FAVRE, avocat, Harari Avocats, rue du Rhône 100, case postale 3403, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance ORTPI/255/2021 du 11 mars 2021, reçue par B______ et A______ et leurs enfants C______, D______ et E______ (ci-après les consorts A______) le 12 mars 2021, le Tribunal de première instance a ordonné une expertise médicale portant notamment sur la question de savoir si les F______ ont violé leur devoir de diligence dans la prise en charge de l'enfant C______ et a fixé la mission d'expertise. Il a nommé comme expert le CENTRE G______, dont le siège est au CENTRE H______, soit pour lui I______.

B. a. Le 22 mars 2021, les consorts A______ ont formé recours contre cette ordonnance concluant à ce que la Cour l'annule en tant qu'elle désigne le G______, soit pour lui la prof. I______ en qualité d'expert, admette leur requête tendant à ce que soit désigné en qualité d'expert un spécialiste hors du canton de Genève et d'un établissement hospitalier et renvoie la cause au Tribunal à cette fin, le tout avec suite de frais et dépens.

Ils ont produit quatre pièces nouvelles.

b. Le 11 mai 2021, les F______ ont conclu à ce que la Cour déclare le recours irrecevable, subsidiairement le rejette.

c. Le 25 mai 2021, les consorts A______ ont répliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Les parties ont été informées le 10 juin 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. Le 16 mars 2020, les consorts A______ ont déposé en conciliation une demande en paiement à l'encontre des F______, concluant à ce que le Tribunal condamne ceux-ci à verser 30'000 fr. à l'enfant C______ à titre de dommages-intérêts et tort moral et 5'000 fr. à ses parents et à ses deux sœurs à titre de tort moral, intérêts en sus.

Cette demande a été introduite le 31 juillet 2020 devant le Tribunal, suite à l'échec de la tentative de conciliation du 3 juillet 2020.

Les consorts A______ allèguent notamment que les F______ ont commis une erreur médicale dans la prise en charge de leur fille C______, ce qui leur a causé un préjudice que les F______ sont tenu de réparer.

b. Les F______ ont conclu au déboutement de leurs parties adverses de toutes leurs conclusions.

c. Par deux ordonnances du 4 janvier 2021, le Tribunal a retenu qu'il se justifiait d'ordonner une expertise et a soumis aux parties un projet de mission d'expertise. Il proposait de désigner le "G______" en qualité d'expert.

Le 5 février 2021, les consorts A______ ont relevé que la désignation du H______ comme expert n'était pas envisageable "pour des raisons bien évidentes de collaboration étroite entre les deux établissements hospitaliers concernés". Il convenait de choisir un expert hors du canton de Genève et d'un établissement hospitalier afin de s'assurer de son indépendance.

Le 17 février 2021, les F______ ont indiqué que, même s'il existait une certaine coopération entre le H______ et les F______, cela ne suffisait pas à considérer que l'activité d'un expert du H______ ne présenterait pas toutes les garanties d'impartialité.

d. Le 23 mars 2021, les consorts A______ ont requis du Tribunal la récusation de l'expert nommé par ses soins dans l'ordonnance du 11 mars 2021, à savoir le G______, soit pour lui la prof. I______, faisant valoir que cette entité était directement affiliée aux F______ et que la prof. I______ officiait en tant que cheffe de service au sein des F______.

EN DROIT

1. Les recourants font valoir que le G______ est une entité directement affiliée aux intimés et que la prof. I______ est médecin-cheffe de service au sein du Département de médecine de premier recours des F______. L'expert nommé par le Tribunal ne disposait dès lors pas de l'indépendance nécessaire pour mener à bien sa mission, de sorte que sa récusation devait être prononcée, conformément à l'art. 47 al. 1 CPC.

Ils ajoutent qu'ils subiraient un préjudice difficilement réparable s'ils devaient attendre que l'expertise soit diligentée pour en contester la qualité, car cela occasionnerait une perte de temps et d'argent considérable. Il convenait en outre d'éviter que l'enfant doive être examinée par deux experts successifs.

1.1.1 Le recours est recevable contre les ordonnances d'instruction lorsque celles-ci peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b CPC).

La notion de préjudice difficilement réparable au sens de cette disposition est plus large que celle de préjudice irréparable consacré par l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Elle ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre la réalisation de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (COLOMBINI, Code de procédure civile, condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, 2018, n. 4.1.3 ad art. 319 CPC; JEANDIN, Commentaire romand, n. 22 ad art. 319 CPC).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (SPÜHLER, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, n. 7 ad art. 319 CPC; HOFFMANN-NOWOTNY, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, n. 25 ad art. 319 CPC).

La décision refusant ou admettant des moyens de preuve offerts par les parties ne cause en principe pas de préjudice irréparable puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à tort ou d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier (ATF 141 III 80 consid. 1.2 et les arrêts cités).

1.1.2 Selon l'art. 183 al. 2 CPC, les motifs de récusation des magistrats sont applicables aux experts.

Toutes les dispositions en matières de récusation (art. 47 ss CPC) s'appliquent aux experts (Hofmann /Lüscher, Le Code de procédure civile, Berne 2009, p. 95).

Les motifs de récusation des experts sont prévus à l'art. 47 CPC.

La partie qui entend obtenir la récusation d'un expert doit la demander au tribunal aussitôt qu'elle a eu connaissance du motif de récusation (art. 49 al. 1 CPC).

Si le motif de récusation est contesté, le tribunal statue (art. 50 al. 1 CPC). Cette décision peut faire l'objet d'un recours (art. 50 al. 2 CPC).

1.2 En l'espèce, la décision attaquée est une ordonnance d'instruction, de sorte que la recevabilité d'un recours immédiat contre celle-ci implique l'existence d'un préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b CPC.

Cette condition n'est pas réalisée dans le cas particulier.

En effet, les recourants ont déjà saisi le Tribunal d'une demande de récusation de l'expert désigné par l'ordonnance du 11 mars 2021, invoquant des motifs identiques à ceux qu'ils font valoir dans le cadre du présent recours.

Lorsque le Tribunal aura statué sur leur requête, et à supposer qu'ils n'obtiennent pas satisfaction, les recourants pourront, si ils s'y estiment fondés, former le moment venu un recours contre cette décision, conformément à l'art. 50 al. 2 CPC.

A cela s'ajoute que les recourants allèguent, au titre de préjudice difficilement réparable, un risque de prolongation de la procédure et un risque de préjudice financier.

Or, il ne s'agit pas là en principe de préjudices difficilement réparables au sens de l'art. 319 let b CPC.

Le présent recours, prématuré, est dès lors irrecevable.

2. Les frais judiciaires de recours, arrêtés à 600 fr., et compensés avec l'avance de 1'000 fr. versée par les recourants, acquise à l'Etat de Genève à due concurrence, seront mis à charge de ceux-ci, qui succombent (art. 106 al. 1, 111 al. 1 CPC;
7 et 41 RTFMC).

Le solde de l'avance en 400 fr. leur sera restitué.

Il ne sera pas alloué de dépens aux intimés qui n'en ont pas requis.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


Déclare irrecevable le recours interjeté par A______ et B______ et leurs enfants mineurs C______, D______ et E______ contre l'ordonnance
ORTPI/255/2021 rendue le 11 mars 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7184/2020.

Met à la charge des recourants les frais judiciaires de recours, arrêtés à 600 fr. et compensés avec l'avance versée, acquise à due concurrence à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer aux recourants le solde en 400 fr. de l'avance de frais.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Roxane DUCOMMUN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.