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Décisions | Chambre civile

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C/25496/2020

ACJC/880/2021 du 01.07.2021 sur OTPI/211/2021 ( SP ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 11.08.2021, rendu le 05.11.2021, CONFIRME, 5A_632/2021
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25496/2020 ACJC/880/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 1ER JUILLET 2021

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'une ordonnance rendue par la 20e Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 4 mars 2021, comparant par Me Elizaveta ROCHAT, avocate, Place de la Taconnerie 5, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié c/o C______, ______ [GE], intimé, comparant par Me Gustavo DA SILVA, avocat, gdsavocats, Rue de la Fontaine 13, Case postale 3186, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance OTPI/211/2021 du 4 mars 2021, notifiée à A______ le 8 mars 2021, le Tribunal de première instance a, statuant par voie de procédure sommaire, débouté A______ de ses conclusions sur mesures provisionnelles (ch.1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 800 fr., mis à charge de A______ et compensé ces frais avec l'avance fournie (ch. 2), condamné A______ à des dépens en faveur de B______ à hauteur de 800 fr. (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

En substance, le Tribunal a retenu une identité économique entre A______ et la société D______ LTD conduisant à ne pas reconnaître que les chances de succès de l'action intentée par le premier seraient nettement meilleures que celles de la partie adverse, de sorte que la suspension sollicitée de la poursuite ne devait pas être prononcée.

B.    a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 18 mars 2021, A______ appelle de cette ordonnance.

Principalement, il conclut à l'annulation de l'ordonnance, au prononcé de la suspension de la poursuite n°1______ diligentée par B______ à son encontre et au déboutement de sa partie adverse de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'ordonnance et au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision, sous suite de frais judiciaires et dépens.

En substance, il soutient que le Tribunal a violé la loi, voire commis l'arbitraire, en considérant qu'il était débiteur du poursuivant et en ayant fait application spontanément du principe du Durchgriff, n'ayant par ailleurs pas rendu les parties attentives au fait qu'il pourrait appliquer ce principe. Il devait être reconnu qu'il n'était pas le débiteur du poursuivant mais qu'une société tierce l'était, de sorte que la poursuite devait être suspendue.

b. Dans sa réponse du 26 avril 2021, B______ conclut au déboutement de A______ de toutes ses conclusions et à la confirmation de l'ordonnance entreprise, sous suite de frais judiciaires et dépens.

En substance, il soutient que le Tribunal n'a commis aucune violation de la loi en rendant l'ordonnance querellée.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par pli du greffe de la Cour du 20 mai 2021.

C. Les faits pertinents suivants ressortent pour le surplus du dossier soumis à la Cour.

a. A______ est directeur de D______ Ltd, société dont on ignore le but social précis avec siège aux British Virgin Islands (BVI), dont il est l'ayant-droit économique.

b. En date du 15 juin 2018 A______ et B______ ont signé une reconnaissance de dette par laquelle A______ reconnaissait devoir à B______ la somme de 150'000 fr. s'engageant à la rembourser d'ici au 30 juin 2018.

Le même jour B______ a conclu avec D______ LTD, soit pour elle A______, directeur, deux contrats de prêt, le premier portant sur un montant de 100'000 fr. et le second portant sur un montant de 50'000 fr..

c. L'argent prêté a été versé sur le compte de D______ LTD auprès de la "Banque E______" (E______) à Luxembourg les 20 et 21 juin 2018 et débité le 21 juin 2018 en faveur d'une société F______ SA, dont on ignore tout.

d. Les prêts n'ont pas été remboursés à la date du 30 juin 2018.

Le compte de B______ a été crédité de 50'000 fr. le 14 septembre 2018 avec mention "virement D______ LTD (...) remboursement de prêt".

Le 27 septembre 2018 et le 11 octobre 2018 A______ a versé deux fois 5'000 fr. à B______ sans mention particulière.

Un transfert a eu lieu de la part de D______ LTD en faveur de B______ en date du 28 décembre 2018 pour un montant de 50'000 fr.

e. En date du 28 octobre 2019, B______ a fait notifier à A______ un commandement de payer, poursuite n°2______ portant sur la somme de 40'000 fr., plus intérêts, dommage supplémentaire et frais. A______ y a fait opposition totale.

f. Par requête du 23 décembre 2019, B______ a requis la mainlevée provisoire de l'opposition, mainlevée prononcée le 6 juillet 2020 par le Tribunal, dont le jugement a été confirmé par la Cour de céans le 12 octobre 2020 (ACJC/1441/2020).

g. En date du 11 décembre 2020, A______ a introduit une action en annulation de poursuite au sens de l'art 85a LP, concluant à la constatation qu'il n'est pas débiteur du montant réclamé, à l'annulation de la poursuite et, à titre superprovisionnel et provisionnel, à la suspension de la poursuite, soutenant ne pas avoir reçu la somme de 150'000 fr., laquelle avait été versée à la société D______ LTD.

Le Tribunal a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles le 11 décembre 2020.

Les parties ont été entendues lors de l'audience du 2 mars 2021 du Tribunal à l'issue de laquelle l'ordonnance querellée a été rendue.

 

EN DROIT

1.      1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles si la valeur litigieuse est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

1.2 En l'espèce, l'appelant conteste devoir payer la somme de 40'000 fr., plus intérêts, dommage supplémentaire et frais, de sorte que la valeur litigieuse est atteinte.

Par ailleurs, l'exception prévue par l'art. 309 lit. b ch. 4 CPC concernant l'art. 85 LP est précise et ne s'étend volontairement pas à l'action prévue par l'art. 85a LP (Bodmer/Bangert, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs I, 2010, n. 6a ad art. 85a LP; Jeandin, CR-CC, Bâle 2019, n. 12 ad art. 309 CPC).

Il s'ensuit que la voie de l'appel est en principe ouverte (art. 308 al. 1 lit. b CPC).

Interjeté dans le délai utile de 10 jours (art. 314 al. 1 CPC), l'appel est de ce point de vue recevable.

1.3 L'appel doit être motivé (art. 311 al.1 CPC). La motivation est une condition de recevabilité de l'appel, qui doit être examinée d'office (arrêts du Tribunal fédéral 5A_438/2012 du 27 août 2012 consid. 2.2 et 2.4; 4A_651/2012 du 7 février 2013 consid. 4.2; 4A_659/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3).

2.    L'appelant reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu pour vraisemblable qu'il n'était pas débiteur de la créance déduite en poursuite, d'avoir appliqué à tort le principe du Durchgriff et d'avoir violé ce faisant son droit d'être entendu, en ne faisant pas porter les débats sur ce point préalablement au prononcé de sa décision.

2.1.1 Aux termes de l'art. 85a al. 1 LP, le débiteur poursuivi peut agir en tout temps au for de la poursuite pour faire constater que la dette n'existe pas ou plus, ou qu'un sursis lui a été accordé. S'il admet la demande, le tribunal ordonne l'annulation ou la suspension de la poursuite (art. 85a al. 3 LP).

L'action fondée sur l'art. 85a LP a une double nature. D'une part, en tant qu'action de droit matériel, elle tend à faire constater soit l'inexistence de la dette, soit l'octroi d'un sursis; d'autre part, elle produit des effets en droit des poursuites, étant donné qu'elle tend à faire annuler ou suspendre la poursuite, ce qui constitue son but principal, raison pour laquelle elle n'est ouverte que si la poursuite est pendante, à savoir jusqu'à la distribution des deniers ou l'ouverture de la faillite (ATF 132 III 89 consid. 1.1; 127 III 41 consid. 4a; 125 III 149 consid. 2c; arrêts du Tribunal fédéral 5A_270/2013 du 26 juillet 2013 consid. 1; 5P.337/2006 du 27 novembre 2006 consid. 4, publié in Pra 2007 (59) p. 393).

Pour que la suspension provisoire puisse être ordonnée, il faut dès lors que le fondement de la demande apparaisse comme très vraisemblable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_473/2012 c.1.1). Littéralement, cela signifie que le degré de preuve requis dépasse la simple vraisemblance, sans pour autant que la certitude ni la preuve stricte soit exigée (SCHMIDT, op. cit., n. 9 ad art. 85a LP, GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillite, 1999, n. 71 ad art. 85a LP).

Il convient d'être exigeant dans l'interprétation de la haute vraisemblance afin de prévenir des actions abusives et des requêtes dilatoires. Il faut que les chances du requérant apparaissent nettement meilleures que celles de sa partie adverse ou, du moins, très bonnes et que le juge, après un examen prima facie, incline à partager le point de vue du requérant (arrêts du Tribunal fédéral 4A_286/2020 c. 3.1; 4A_580/2019 c. 3.1). 

3. C'est à bon droit que le juge de première instance a rejeté la demande de mesures provisionnelles de l'appelant.

En effet, il ressort de la procédure que, sans même devoir à ce stade faire appel à la notion de Durchgriff entre lui et la société D______ LTD, l'appelant a signé une reconnaissance de dette en faveur de son poursuivant de laquelle il découle qu'en aucun cas il peut être considéré que la demande d'annulation, respectivement de suspension de la poursuite, introduite par lui est très vraisemblablement fondée, de sorte à prononcer une suspension provisoire de celle-ci.

On relève par ailleurs, que l'appelant, qui fait face à une poursuite dont l'opposition a fait l'objet d'un prononcé de mainlevée provisoire, n'a pas jugé utile d'intenter une action en libération de dette.

Par conséquent, l'appel doit être rejeté sous suite de frais et dépens.

4.      Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 800 fr. (art. 17 et 35 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile, RTFMC – RS Ge E 1 05.10) et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 95 al. 2 et 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par l'appelant, qui demeure acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelant sera également condamné à payer à l'intimé la somme de 1'000 fr. à titre de dépens d'appel (art. 105 al. 2 CPC; art. 85, 89 et 90 RTFMC).

 

* * * * * *



 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme

Déclare recevable l'appel interjeté le 18 mars 2021 par A______ contre l'ordonnance rendue le 4 mars 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25496/2020.

Au fond

Confirme l'ordonnance attaquée.

Sur les frais

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais fournie, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à payer à B______ la somme de 1'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Roxane DUCOMMUN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000.