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Décisions | Chambre civile

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C/1554/2020

ACJC/838/2021 du 15.06.2021 sur JTPI/8061/2020 ( OO ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1554/2020 ACJC/838/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 15 JUIN 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, France,

et

Monsieur B______*, domicilié ______ [GE],

tous deux appelants d'un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 juin 2020, comparant par Me Yasmine GNÄDINGER, avocate, Lexpro, rue Rodolphe-Töpffer 8, 1206 Genève, en l'Étude de laquelle ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. A______ et B______ ont expédié le 22 janvier 2020 au greffe du Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal) une requête commune de divorce avec accord complet, accompagnée d'une convention de divorce et de pièces.

b. En raison d'imprécisions et de pièces manquantes, le Tribunal a fixé aux parties, par ordonnance du 24 février 2020, un délai afin de compléter leurs actes et les pièces jointes.

c. Le Tribunal a entendu les parties en audience le 18 juin 2020.

d. S'agissant du domicile conjugal,les parties ont allégué, dans la partie "en fait" de leur requête en divorce, queA______ s'était constitué un nouveau domicile en France et que B______ était demeuré à l'ancien domicile conjugal. L'art. 2 de la convention de divorce dont l'homologation était requise, stipulait que l'ancien domicile conjugal était "attribué" à B______. Le procès-verbal d'audience du 18 juin 2020 précisait que B______ "avait le droit de continuer à résider dans la maison familiale ( ) sans avoir à assumer de coût pour cela. L'appartement [était] actuellement occupé par l'usufruitière, soit la mère de A______, cette dernière et sa sœur étant usufruitières (sic) de cette demeure. L'idée [était] de conférer un droit d'habitation à B______ sur cette maison familiale".

B. Par jugement JTPI/8061/2020 non motivé du 23 juin 2020, reçu par les parties le 25 juin 2020, et jugement JTPI/8061/2020 motivé "du 7 juillet 2020 (sic)", reçu par les parties le 9 juillet 2020 en leur domicile élu commun, le Tribunal a dissous le mariage contracté le ______ 1994 au C______ [GE] par les époux B______, né le ______ 1958 à D______ (VD), originaire de E______ (VD) et F______ (VD) et A______, née [A______] le ______ 1958 à Genève, originaire de E______ (VD), F______ (VD), Genève et G______ (BE) (chiffre 1 du dispositif).

Sur effets accessoires du divorce, le Tribunal a, notamment, donné acte aux parties de leur accord pour qu'un droit d'habitation non onéreux de durée indéterminée sur le logement constituant l'ancien domicile conjugal, sis ______ [GE], soit octroyé à B______ (ch. 4).

Il a également donné acte aux parties de ce qu'elles étaient convenues que B______ verserait un montant de 185'696 fr. 95 sur le compte de libre passage ouvert par A______ au titre de partage des avoirs de prévoyance LPP (ch. 5) et ordonné en conséquence à la Caisse de pension de B______, à savoir la CAISSE DE PENSIONS H______, ______ [adresse], de transférer 185'696 fr. 95 par le débit du compte de prévoyance de B______, né le ______ 1958 (n° AVS 1______) sur le compte bancaire IBAN n° 2______, n° CB 3______, SWIFT-BIC 4______, de A______, née [______ [nom de jeune fille] le ______ 1958 (n° AVS 5______) ouvert auprès de I______, ______ [adresse] (ch. 6).

Les frais, ont été arrêtés à 600 fr., compensés avec les avances effectuées par B______ (ch. 8), mis à la charge des parties à raison d'une moitié chacune (ch. 9); le Tribunal a condamné en conséquence A______ à payer la somme de 300 fr. à B______ au titre de remboursement de sa part des frais judiciaires (ch. 10) et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 11).

C. a. Contre ce jugement, A______ a déposé, le 10 juillet 2020, auprès du Tribunal, une requête en rectification portant sur le chiffre 4 du dispositif, exposant que le Tribunal avait octroyé par erreur un droit d'habitation à B______.

b. Le Tribunal a rejeté cette requête par jugement du 31 août 2020 au motif que les conditions de la rectification n'étaient pas réunies car le dispositif du jugement était conforme à ce qu'il voulait le juge, n'entrait pas en contradiction avec les considérants et ne comportait aucune erreur manifeste.

D. a. Par acte expédié le 7 septembre 2020 à la Cour de justice, A______ et B______ ont formé un appel conjoint contre le jugement susmentionné.

A titre principal, ils ont conclu à ce que le chiffre 4 du dispositif du jugement attaqué soit annulé et, cela fait, il soit constaté que chacun des époux s'était constitué un nouveau domicile. Subsidiairement, ils ont conclu à ce que le chiffre 4 du dispositif du jugement attaqué soit annulé et la cause renvoyée au premier juge pour nouvelle décision. Plus subsidiairement encore, ils ont conclu à ce que le jugement attaqué soit intégralement annulé.

Ils ont en substance fait grief au premier juge de ne pas avoir vérifié, conformément à ce que prévoyaient les art. 111 CC et 279 CPC, que la convention de divorce pouvait être ratifiée et que les époux n'étaient pas dans l'erreur au moment de sa conclusion car leur volonté n'était pas d'octroyer "un droit d'habitation de durée illimitée" à B______ sur l'ancien domicile conjugal. Il s'agissait en effet d'une maison familiale dont A______ était nue-copropriétaire avec sa sœur, suite à une donation, leur mère ayant conservé un droit d'usufruit sa vie durant. A______ n'était donc pas légitimée à octroyer, un droit d'habitation. Les appelants avaient uniquement voulu que B______ puisse demeurer dans l'ancien domicile conjugal, le temps qu'il se constitue un nouveau domicile, ce qui aurait été exprimé devant le premier juge. Or, celui-ci n'avait pas compris la situation, ce qui transparaissait notamment du fait qu'il avait fait inscrire au procès-verbal d'audience que A______ et sa sœur disposaient d'un droit d'usufruit sur la maison.

Le chiffre 4 du jugement devait par conséquent être déclaré nul, d'une part parce qu'il résultait d'un processus vicié de recueil de l'accord des parties par le premier juge, d'autre part parce qu'il entérinait une solution impossible au sens de l'art. 20 CO et parce qu'il était la conséquence d'une erreur essentielle des époux au sens de l'art. 23 al. 1 CO.

Les appelants expliquaient leur conclusion plus subsidiaire par le fait que si la Cour n'entendait pas autoriser la modification partielle du jugement dans le sens souhaité, ils renonçaient intégralement au divorce car il ne correspondrait pas à leur volonté dans de telles conditions.

Ils n'ont pris aucune conclusion s'agissant des frais, que ce soit de première instance ou d'appel.

b. Lors de l'audience de la Cour du 17 novembre 2020, les appelants, entendus ensemble, puis séparément, ont confirmé vouloir que le jugement de divorce soit modifié dans le sens de leurs conclusions principales.

Ils ont par ailleurs soulevé le fait que la solution retenue par le premier juge concernant le partage des avoirs de prévoyance professionnelle ne leur convenait pas car A______ aurait souhaité que les fonds qu'elle devait recevoir dans ce cadre soient versés sur un compte ordinaire et non pas un compte de libre passage. Les appelants ont toutefois renoncé à cette modification du jugement de divorce et annoncé qu'ils indiqueraient à la Cour un numéro de compte de libre passage sur lequel les avoirs devaient être versés en faveur de A______ afin de modifier le dispositif du jugement à cet égard, car le compte mentionné dans le dispositif était un compte ordinaire et non pas un compte de libre passage.

Ils ont finalement sollicité la rectification d'une erreur de transcription du n° AVS de B______ dans le dispositif du jugement qui était en réalité le n° 6______.

c. La Cour a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

d. A______ a communiqué par courrier du 18 novembre 2020 le numéro du compte de libre passage sur lequel devaient être bonifiés les montants que B______ s'était engagé à lui verser, soit le compte n° IBAN 7______ auprès de [la banque] J______, ______ [adresse], au nom de FONDATION DE LIBRE PASSAGE K______, ______ [adresse].

EN DROIT

1. Interjeté contre un jugement de divorce rendu sur requête commune de divorce, soit une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans une cause non patrimoniale ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1, art. 289, art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC; Tappy, Commentaire Romand, CPC, 2019, n° 8, 9 et 15 ss ad art. 289 CPC), dans le délai utile de trente jours – compte tenu de la suspension des délais du 15 juillet au 15 août inclus – et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, art. 142 al. 1 et 3, art. 145 al. 1 let. b et art. 311 al. 1 CPC), l'appel est formellement recevable.

2. L'appel ne vise que les effets accessoires du divorce, soit plus spécifiquement le sort de l'ancien domicile conjugal, réglé par le chiffre 4 du dispositif du jugement attaqué.

Les appelants articulent des griefs de deux ordres contre le chiffre 4 du dispositif du jugement attaqué. Par le premier grief, ils reprochent au premier juge d'avoir entériné un accord sans avoir vérifié s'il correspondait à la volonté des parties et sans avoir compris la situation de fait sur laquelle il reposait. Les autres griefs relèvent de l'impossibilité (art. 20 CO) et de l'erreur essentielle (art. 23 CO), soit des motifs d'invalidation de l'accord pour vices de la volonté.

2.1.1 Lorsque l'appel vise le principe du divorce, la décision de divorce sur requête commune ne peut faire l'objet que d'un appel pour vice du consentement (art. 289 CPC).

En revanche, lorsque l'appel vise les effets accessoires, les griefs ne sont pas limités et la ratification de la convention sur les effets accessoires du divorce peut être remise en cause dans le cadre d'un appel – ou d'un recours, selon la valeur du litige – pour violation de l'art. 279 al. 1 CPC, soit pour des griefs visant le processus d'homologation de la convention de divorce par le juge, ou pour vices de la volonté (arrêts du Tribunal fédéral 5A_74/2014 du 5 août 2014 consid. 2; 5A_683/2014 du 18 mars 2015 consid. 6.1; 5A_187/2013 du 4 octobre 2013 consid. 5 = FamPra.ch 2014, 409; Tappy, op. cit., n° 15 et ss ad art. 289 CPC).

2.1.2 Selon l'art. 279 al. 1 CPC, le juge doit notamment veiller à ce que la convention soit claire, complète et qu'elle ne soit pas manifestement inéquitable. Il doit également vérifier qu'elle a été conclue par les parties après mûre réflexion, c'est-à-dire qu'il doit avant tout contrôler que les époux ont compris les dispositions de leur convention et les conséquences qu'elles impliquent, veillant notamment à ce que celle-ci n'ait pas été conclue dans la précipitation ou acceptée par lassitude. Avant de ratifier la convention, le juge doit en outre s'assurer que les époux l'ont conclue de leur plein gré, c'est-à-dire qu'ils ont formé leur volonté et l'ont communiquée librement (arrêt 5A_74/2014 du 5 août 2014 consid. 4.1 et les références). Cette condition présuppose qu'ils n'ont conclu leur convention ni sous l'emprise d'une erreur (art. 23 ss CO; cf. arrêt 5A_688/2013 du 14 avril 2014 consid. 7 et 8 = SJ 2014 I 369), ni sous celle du dol (art. 28 CO) ou de la menace (art. 29 s. CO) (arrêts du Tribunal fédéral 5A_683/2014 du 18 mars 2015 consid. 6.1 et 5A_721/2012 du 17 janvier 2013 consid. 3.3.1).

2.1.3 Dans le cadre de l'appel contre une décision sur les effets accessoires du divorce sur requête commune, la juridiction de deuxième instance peut substituer à celle du premier juge sa propre appréciation sur l'admissibilité de l'accord des parties en refaisant les contrôles de la convention requis par les art. 279 ss CPC et ainsi réparer un éventuel défaut d'examen (arrêts du Tribunal fédéral 5A_683/2014 du 18 mars 2015 consid. 6.1 et 5A_721/2012 du 17 janvier 2013 consid. 3.3.1).

2.2 En l'espèce,les parties sont d'accord pour dire qu'en raison d'une incompréhension avec le premier juge lors de l'audience, le jugement ne correspondait pas à leur réelle volonté en ce qui a trait au sort de l'ancien domicile conjugal. La Cour entérinera donc les termes de leur accord tel que formulé dans leurs conclusions d'appel.

3. Les parties ont sollicité à l'audience des rectifications dans le chiffre 6 du dispositif du jugement entrepris.

L'appel ne visait pas le rééquilibrage des avoirs de prévoyance professionnelle et la Cour n'est donc pas valablement saisie de conclusions à cet égard. Leur formulation à l'audience est tardive et ne se justifie pas par des faits nouveaux au sens de l'art. 317 LPC. Finalement, le juge d'appel, contrairement au juge de première instance, n'a pas à statuer d'office sur un tel objet (arrêts du Tribunal fédéral 5A_18/2018 du 16 mars 2018 consid. 6 et 5A_862/2012 du 30 mai 2013 consid. 5.3.2 et 5.3.3).

Il apparaît que les modifications requises de manière concordante par les parties sont d'ordre purement formel. Afin d'éviter toute difficulté d'exécution du chiffre 6 du dispositif du jugement il sera procédé aux rectifications des coordonnées du compte de libre passage de A______ sur lequel les fonds issus des avoirs de prévoyance de B______ doivent être transférés et du n° AVS correct de B______.

4. Par souci de clarté, la Cour annulera intégralement les chiffres 4 et 6 du dispositif du jugement attaqué puis statuera à nouveau afin de les reformuler conformément aux considérants qui précèdent.

5. La Cour statue dans sa décision finale sur les frais, qui comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95, 104, 105 CPC).

Ils sont en règle générale mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). La Cour peut toutefois s'écarter de cette règle et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC) et en fonction de l'issue du litige (106 al. 2 CPC).

5.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Dès lors que ni la quotité ni la répartition des frais judiciaires et dépens de première instance n'ont été remises en cause en appel et que ceux-ci ont été arrêtés conformément aux règles légales (art 95, 96, 104 al. 1, 107 al. 1 let. c CPC, art. 30 RTFMC), le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

5.2 Les frais judiciaires d'appel seront fixés à 600 fr. (art. 96 CPC, art. 19 LACC, art. 30 et 35 RTFMC), couverts par l'avance de frais opérée par l'appelant de 600 fr., laquelle demeure acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

Pour des motifs d'équité liés à la nature et à l'issue du litige, ils seront répartis à parts égales entre les parties (art. 106, 107 al. 1 let. c CPC). Il n'y a pas lieu d'envisager de les mettre à la charge du canton au sens de l'art. 107 al. 2 CPC car on ne saurait imputer au seul premier juge les approximations du jugement, les parties n'ayant pas présenté une convention de divorce exempte de défauts et mûrement réfléchie.

L'intimée sera par conséquent condamnée à rembourser à l'appelant la moitié des frais judiciaires d'appel dont il a fait l'avance (art. 111 al. 2 CPC).

5.3 Il ne sera pas alloué de dépens d'appel, les parties n'y ayant pas conclu et étant de surcroît représentées par le même conseil dans le cadre de conclusions communes.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ et B______ contre le jugement JTPI/8061/2020 rendu le 23 juin 2020, sans motivation, et le 7 juillet 2020, avec motivation, par le Tribunal de première instance dans la cause C/1554/2020.

Au fond :

Annule les chiffres 4 et 6 dudit jugement et, statuant à nouveau :

Donne acte aux parties de ce qu'elles se sont constitué de nouveaux domiciles.

Ordonne à la Caisse de pension de B______, à savoir la CAISSE DE PENSIONS H______, ______ [adresse], de transférer 185'696 fr. 95 par le débit du compte de prévoyance de B______, né le ______ 1958 (n° AVS 6______) sur le compte libre passage n° IBAN 7______ auprès de [la banque] J______, ______ [adresse], au nom de FONDATION DE LIBRE PASSAGE K______, ______ [adresse], en faveur de A______, née [A______] le ______ 1958 (n° AVS 5______).

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 600 fr., les compense avec l'avance de frais de même montant effectuée par B______ et les met à la charge des deux parties à raison d'une moitié chacune.

Condamne A______ à rembourser à B______ la somme de 300 fr. à titre de frais judiciaires.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 


 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires supérieure à 30'000 fr.