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Décisions | Chambre civile

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C/6270/2018

ACJC/938/2020 du 26.06.2020 sur JTPI/14725/2019 ( OO ) , JUGE

Recours TF déposé le 02.09.2020, rendu le 29.07.2021, CONFIRME, 5A_710/2020
Normes : LDIP.196.al1; aLDIP.64.al2; LDIP.15
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6270/2018 ACJC/938/2020

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 26 juin 2020

 

Entre

Monsieur A______, domicilié avenue ______, ______, France, appelant d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 octobre 2019, comparant par
Me Anne Troillet, avocate, rue de Lyon 77, case postale, 1211 Genève 13, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée avenue ______,
______, France, intimée, comparant par Me Raffaella Meakin, avocate, boulevard Helvétique 36, 1207 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1967 à ______ (France), et
B______, née le ______ 1970 à ______ (France), tous deux de nationalité française, se sont mariés le ______ 1997 à ______ (France).

Ils sont les parents de C______, né le ______ 2000, et de D______, né le
______ 2006.

Les parties ont toujours vécu en France. B______ est ______ [profession] en France. Elle a toujours travaillé à plein temps, hormis pendant quatre années lors desquelles elle a exercé à mi-temps. A______ travaille en Suisse depuis le début du mariage.

b. Le ______ 2012, B______ a déposé une demande en divorce devant le juge des affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de E______ (France).

c. Par jugement du ______ 2014, minute n°1______, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de E______ a notamment prononcé le divorce des parties, maintenu l'exercice en commun de l'autorité parentale sur les deux enfants, instauré une garde alternée, condamné A______ à payer à B______ une indemnité compensatoire de 50'000 euros ainsi qu'un montant mensuel de 300 euros par enfant à titre de contribution à leur entretien. Il a également ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des parties, renvoyant ces dernières à procéder "aimablement aux opérations de compte, liquidation et partage devant tout notaire de leur choix et, en cas de litige, à saisir le juge aux affaires familiales par assignation en partage".

Pour fixer le montant de l'indemnité compensatoire, le Tribunal a considéré qu'il existait des disparités dans les conditions de vie respectives des époux et que B______ n'allait plus pouvoir bénéficier du train de vie offert par les revenus de son époux. Il convenait ainsi de lui accorder une indemnité compensatoire en tenant compte du capital qu'elle allait recevoir dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial à la suite du partage des droits immobiliers.

d. Par arrêt du 26 mai 2015, minute n° 2______, la Cour d'appel de F______(France) a confirmé le jugement du ______ 2014, sous réserve de l'indemnité compensatoire qu'elle a fixée à 80'000 euros, précisant qu'il n'avait pas été tenu compte du montant des avoirs de prévoyance détenus par A______ dans la fixation de cette prestation en l'absence de toute précision sur ces montants. En effet, ce dernier n'avait fourni aucun justificatif de ses avoirs de prévoyance professionnelle détenus en Suisse et B______ n'avait pas non plus produit une appréciation chiffrée du montant desdits avoirs.

e. La liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux existant entre les parties, ordonnée par le juge français des affaires familiales, est actuellement en cours. Les biens devant être liquidés consistent en un compte de prévoyance liée (3a) que A______ détient auprès de G______ SA, dont les avoirs s'élevaient à près de 85'000 fr. au 31 décembre 2018, des actions de H______ Sàrl détenues par A______ dont la valeur fiscale était d'environ 21'000 fr. en décembre 2008, un bien immobilier copropriété des parties estimé à 730'000 euros en avril 2019 et les comptes bancaires des époux,
A______ admettant que ce dernier poste se soldait par une créance d'environ 15'000 euros en faveur de son ex-épouse.

B. a. Par acte déposé au greffe Tribunal de première instance de Genève le
19 mars 2018, B______ a formé une action en complément du jugement de divorce français.

Elle a pris des conclusions sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, tendant au blocage du compte de prévoyance professionnelle de A______, dont elle a été déboutée par ordonnances des 20 mars et
17 mai 2018.

Au fond, B______ a conclu à ce que le Tribunal reconnaisse le jugement de divorce prononcé le ______ 2014 par le Juge aux affaires familiales de E______ (France), tel que modifié par arrêt de la Cour d'appel de F______(France) du 26 mai 2015, le déclare exécutoire et, cela fait, ordonne le partage par moitié de la prestation de sortie de A______ accumulée durant le mariage et jusqu'au jour de l'entrée en force du jugement de divorce, soit le 5 août 2015, et ordonne à la caisse de prévoyance professionnelle de A______, soit I______, PREVOYANCE H______, le versement en espèces, respectivement le transfert sur son compte, des montants résultant du partage de la prévoyance professionnelle.

b. A______ a conclu à l'irrecevabilité de l'action en complément de divorce déposée par B______. Il a principalement conclu à ce que le Tribunal reconnaisse l'arrêt de la Cour d'Appel de F______ (France) du
26 mai 2015 et déboute B______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et de dépens.

En substance, il a soutenu que l'arrêt de la Cour d'appel de F______ (France) n'avait pas besoin d'être complété s'agissant de la question de la prévoyance professionnelle puisque B______ n'avait pas cherché à établir le montant de ses avoirs durant la procédure en France et qu'il avait déjà été condamné à lui payer une prestation compensatoire.

c. A la demande des parties, le Tribunal a gardé la cause à juger sur la question de la recevabilité de la demande en complément de divorce déposée par B______.

d. Par jugement du 11 octobre 2018, le Tribunal a déclaré recevable l'action en complément de divorce déposée par B______ et renvoyé la décision sur les frais à la décision finale.

Le Tribunal a constaté qu'il y avait place pour une action en complément de divorce dès lors que les autorités françaises avaient expressément indiqué qu'il n'avait pas été tenu compte des avoirs de prévoyance professionnelle acquis en Suisse par A______ dans la fixation du montant de l'indemnité compensatoire. Par conséquent, le fait que l'ex-épouse ait bénéficié, en France, d'une indemnité compensatoire n'excluait pas le droit au partage des avoirs de prévoyance. Il ne pouvait être reproché à B______ de ne pas avoir produit les documents établissant le contenu des avoirs de prévoyance professionnelle d'A______ devant les tribunaux français puisqu'elle n'y avait pas accès.

Le premier juge a retenu que la demande en complément de jugement de divorce ayant été déposée le 19 mars 2018, soit après l'entrée en vigueur du nouveau droit de la prévoyance professionnelle intervenue le 1er janvier 2017, les tribunaux suisses étaient compétents pour en connaître selon le nouvel art 64 al. 1bis LDIP qui institue la compétence exclusive des tribunaux suisses pour connaître du partage des prétentions de prévoyance professionnelle envers une institution suisse de prévoyance professionnelle. A______ ayant comparu sans contester la compétence du Tribunal de première instance à raison du lieu, alors que son institution de prévoyance est sise dans le canton de Vaud, celle-ci devait être admise.

e. A______ n'a pas appelé de ce jugement.

f. Dans ses plaidoiries finales du 4 septembre 2019, B______ a conclu à ce qu'il soit ordonné à I______ PREVOYANCE H______ de verser en espèces, respectivement de transférer sur son compte J______
n° 3______, le montant de 208'280 fr. 80. Elle a subsidiairement conclu à ce que le partage par moitié de la prestation de sortie de A______ accumulée durant le mariage et jusqu'au jour de l'introduction de la requête en divorce, soit le 13 février 2012, soit ordonné et a par conséquent requis en sa faveur le versement en espèces du montant de 139'257 fr. 30.

g. Dans ses plaidoiries finales du 4 septembre 2019, A______ a persisté dans ses conclusions en déboutement de B______, sous suite de frais et dépens.

Il a soutenu, en substance, que le droit français était applicable à la demande et que la prestation compensatoire perçue par B______ durant la procédure de divorce était supérieure aux 30 % de la part des avoirs de prévoyance professionnelle qui aurait pu lui être allouée par les tribunaux suisses. Enfin, si le droit suisse devait s'appliquer, A______ a considéré qu'un partage par moitié de sa prestation de sortie serait inéquitable.

C. Par jugement JTPI/14725/2019 du 17 octobre 2019, le Tribunal a complété le jugement de divorce rendu le ______ 2014 par le Juge aux affaires familiales de E______ (France), minute n° 1______, tel que modifié par arrêt de la Cour d'Appel de F______(France) du 26 mai 2015, minute n° 2______, opposant B______ à A______ (ch. 1 du dispositif), ordonné le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle acquis par A______ durant le mariage et jusqu'au dépôt de la demande en divorce le
______ 2012 et ordonné en conséquence à I______ PREVOYANCE H______, c/o K______ SA, chemin ______, ______ [VD], de transférer le montant de 139'257 fr. 30 par le débit du compte de prévoyance de A______ (AVS n° 4______) sur un compte de libre passage à ouvrir par B______ (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 3'000 fr., les a répartis à raison de la moitié à la charge de chaque partie et les a compensés partiellement avec l'avance effectuée par B______, condamné A______ à payer à B______ un montant de 125 fr. ainsi qu'une somme de 1'375 fr. à l'Etat de Genève (ch. 3), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions
(ch. 5).

Le Tribunal a constaté que rien ne s'opposait à la reconnaissance du jugement de divorce rendu le ______ 2014 par le Juge aux affaires familiales de E______ (France), minute n° 1______, tel que modifié par arrêt de la Cour d'Appel de F______ (France) du 26 mai 2015, minute n° 2______.

Il avait d'ores et déjà été statué, par jugement du 11 octobre 2018, que le Tribunal était compétent pour connaître de la procédure en complément du jugement de divorce initiée par B______.

Le droit suisse était applicable, dès lors que la demande en complément de divorce avait été déposée après l'entrée en vigueur du nouveau droit le
1er janvier 2017. L'arrêt du Tribunal fédéral (ATF 145 III 109) dont se prévalait A______ pour plaider l'application du droit français n'était pas pertinent en l'espèce puisque dans cette décision le Tribunal fédéral avait exclusivement statué sur la question de la reconnaissance d'un jugement dans lequel le juge français avait procédé au partage des avoirs de prévoyance en application de l'ancien droit. Or, dans le cas présent, le juge français n'avait pas statué en tenant compte des avoirs de prévoyance professionnelle que A______ avait acquis en Suisse, de sorte que c'était le droit applicable au complément du jugement de divorce qui devait être examiné.

A______ avait accumulé, entre le jour du mariage et le dépôt de la demande en divorce le ______ 2012, 278'514 fr. 60 d'avoirs de prévoyance professionnelle. B______ était donc en droit de percevoir la moitié dudit montant, soit 139'257 fr. 30. Il n'y avait pas lieu de faire application de l'art. 124b al. 2 CC dès lors que le partage par moitié ne s'avérait pas inéquitable. A______ bénéficiait d'une prévoyance plus conséquente que B______, qui n'avait cotisé ni à la prévoyance professionnelle suisse, ni à un 3ème pilier en Suisse. Certes, les parties devaient encore procéder à la liquidation de leur régime matrimonial, lequel comprenait notamment un bien immobilier en copropriété, de sorte que la fortune de l'ex-épouse allait augmenter. Elle avait également perçu une indemnité compensatoire de 80'000 euros, tenant compte du capital qu'elle allait percevoir dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial. Néanmoins, le Tribunal a considéré qu'il ne se justifiait pas d'attribuer à B______ moins de la moitié de la prestation de sortie de A______.

D. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 20 novembre 2019, A______ appelle de ce jugement, reçu le 21 octobre 2019. Il conclut à l'annulation des chiffres 1 à 3 de son dispositif et, cela fait, à ce que le jugement de divorce rendu le ______ 2014 par le Juge aux affaires familiales de E______ (France), tel que modifié par arrêt de la Cour d'Appel de F______ (France) du 26 mai 2015, soit reconnu, à ce qu'il soit constaté qu'il n'existe aucun motif s'opposant à une telle reconnaissance et au déboutement de B______ de toutes ses conclusions. Il conclut également à ce que B______ soit condamnée en tous les frais de première instance et d'appel.

Il produit des pièces nouvelles, soit des simulations des rentes qu'il percevra en prenant sa retraite respectivement à 58 ans, 60 ans ou 65 ans.

b. B______ a conclu à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais et dépens d'appel.

c. Dans leurs réplique et duplique les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Les parties ont été informées par plis du 27 mars 2020 de ce que la cause était gardée à juger.

E. Les faits pertinents suivants résultent également du dossier soumis à la Cour :

a. Lorsqu'elle atteindra l'âge légal de la retraite en France, soit à 62 ans, B______ devrait percevoir une rente vieillesse d'un montant mensuel brut d'environ 1'600 euros.

Elle percevra également un versement unique de 7'623 euros de prévoyance complémentaire.

b. A______ travaille en Suisse depuis 1997.

Entre le jour du mariage et le dépôt de la demande en divorce le ______ 2012, il a accumulé 278'514 fr. 60 d'avoirs de prévoyance professionnelle, ce qui n'est pas contesté devant la Cour.

 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de 30 jours (art. 142 al. 1 et 2 et 311 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), à l'encontre d'une décision finale (art. 308 al. 1 let. a CPC) qui porte sur des conclusions supérieures à 10'000 fr.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

Le juge établit les faits d'office pour toutes les questions qui touchent à la prévoyance professionnelle (art. 277 al. 3 CPC), étant précisé que la maxime d'office et la maxime inquisitoire ne s'imposent cependant que devant le premier juge (arrêts du Tribunal fédéral 5A_18/2018 du 16 mars 2018 consid. 6 et 5A_862/2012 du 30 mai 2013 consid. 5.3.2 et 5.3.3). En seconde instance, les maximes des débats et de disposition, ainsi que l'interdiction de la reformatio in pejus, sont applicables (ATF 129 III 481 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_478/2016 du 10 mars 2017 consid. 10.1). Dans le cadre de la maxime de disposition, le juge ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse (art. 58 CPC).

2. L'appelant a produit des pièces nouvelles en appel.

A teneur de l'article 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

En l'espèce, les simulations de rentes produites par l'appelant auraient pu être présentées en première instance, en faisant preuve de la diligence requise. Elles sont donc irrecevables, ainsi que les faits qui s'y rapportent.

3. Dans les considérants de la décision querellée, le Tribunal a constaté que rien ne s'opposait à la reconnaissance du jugement de divorce rendu le ______ 2014 par le Juge aux affaires familiales de E______ (France), minute n° 1______, tel que modifié par arrêt de la Cour d'Appel de F______ (France) du 26 mai 2015, minute n° 2______. Il a toutefois omis de prononcer cette reconnaissance dans le dispositif du jugement de sorte qu'il y sera remédié dans le présent arrêt. A relever que ce point n'a pas été valablement critiqué en appel par l'intimée, cette dernière s'étant limitée à conclure à la confirmation du jugement, sans remettre en cause la reconnaissance.

4. Il a d'ores et déjà été définitivement statué sur le fait qu'il y avait place pour une procédure en complément du jugement de divorce et que les autorités genevoises étaient compétentes pour en connaître, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y revenir.

5. Les parties s'opposent quant au droit applicable - ancien droit ou nouveau droit - à la procédure en complément de divorce portant sur le sort des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par l'appelant.

5.1.1 En matière internationale, la compétence des autorités judiciaires suisses et le droit applicable sont régis par la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP; RS 291), sous réserve des traités internationaux (art. 1 al. 1 let. a et b et al. 2 LDIP). Les droits en matière de prévoyance professionnelle ne tombent pas sous le coup de la Convention de Lugano (arrêt du Tribunal fédéral 5A_461/2010 consid. 3).

5.1.2 L'art. 196 al. 1 LDIP dispose que les faits ou actes juridiques qui ont pris naissance et produit tous leurs effets avant l'entrée en vigueur de cette loi sont régis par l'ancien droit.

Cette disposition, qui consacre le principe de non-rétroactivité, est également applicable lorsque le législateur adopte une modification de la LDIP sans l'assortir de règles transitoires (Bucher, Commentaire Romand, Loi sur le droit international privé et la Convention de Lugano, 2011, n. 1 ad art. 196-199 LDIP).

Les nouvelles dispositions légales de la LDIP relatives à la prévoyance professionnelle (art. 63 al. 1bis et 2 et 64 al. 1bis et 2 LDIP) sont entrées en vigueur le 1er janvier 2017 (RO 2016 2313).

5.2 En l'espèce, les parties sont de nationalité française et domiciliées en France. La cause présente donc des éléments d'extranéité, de sorte que la LDIP est applicable, puisque la Convention de Lugano ne s'applique pas en matière de prévoyance professionnelle.

L'intimée prétend au partage des avoirs de prévoyance professionnelle que l'appelant a accumulés entre le ______ 1997 et le ______ 2012. Quant au divorce des parties, il a été prononcé le ______ 2014. Tous les faits pertinents se sont ainsi produits avant le 1er janvier 2017, date d'entrée en vigueur du nouveau droit de la prévoyance professionnelle. Le fait que l'intimée ait attendu - sans expliquer pourquoi - plusieurs années pour agir en complément du divorce pour finalement déposer sa demande après le 1er janvier 2017 n'est pas relevant.

Dès lors, conformément à l'art. 196 al. 1 LDIP, l'examen du sort des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par l'appelant doit être examiné sous l'angle de l'ancien droit.

6. 6.1.1 A teneur de l'art. 64 al. 2 aLDIP, l'action en complément du divorce est régie par le droit applicable au divorce. Sont réservées les dispositions de la LDIP relatives au nom (art.37 à 40), à l'obligation alimentaire entre époux (art.49), au régime matrimonial (art.52 à 57), aux effets de la filiation (art.82 et 83) et à la protection des mineurs (art.85).

Selon la jurisprudence, le partage de la prestation de sortie de la prévoyance professionnelle ne tombe pas sous la réserve en faveur des règles touchant à l'obligation d'entretien ou au régime matrimonial; c'est donc le droit applicable au divorce qui trouve en principe application (ATF 134 III 661 consid. 3.1 ; 131 III 289 consid. 2.4 in SJ 2005 I 452).

6.1.2 La clause d'exception prévue par l'art. 15 LDIP habilite le juge à ne pas appliquer le droit auquel renvoie la règle de conflit de lois lorsque, au regard de l'ensemble des circonstances, il est manifeste que la cause n'a qu'un lien très lâche avec cette législation et qu'elle se trouve dans une relation beaucoup plus étroite avec un autre droit (al. 1). Cette clause n'intervient que de façon restrictive
(ATF 121 III 246 consid. 3c et la jurisprudence mentionnée); elle ne tend pas, en particulier, à obvier aux conséquences indésirables du droit matériel (ATF 134 III 661 consid. 3.1; 131 III 289 consid. 2.5 in SJ 2005 I 452).

Dans les rapports internationaux, des questions aussi complexes que celles découlant de la prévoyance professionnelle ne doivent pas être d'emblée soumises au régime juridique de la prévoyance, comme cela a été soutenu dans la doctrine. En revanche, si on les soumet en principe au régime du divorce et que l'on constate ensuite, par l'examen de la clause d'exception, qu'elles ont un lien beaucoup plus étroit avec un autre droit, on aboutira à une solution adéquate
(ATF 131 III 289 consid. 2.5 in SJ 2005 I 452).

A plusieurs reprises, le Tribunal fédéral, partant de l'applicabilité de principe de la loi du divorce, a fait application de la clause d'exception de l'art. 15 al. 1 LDIP pour appliquer le droit suisse qui, selon lui, était le mieux adapté à la séparation de la prestation de sortie (Dutoit, Droit international privé suisse, 2016, n. 8ss
ad art. 64 LDIP; Bucher, Divorce international et prévoyance professionnelle, in La famille dans les relations transfrontalières, 2013, p. 99 ss citant les arrêts ATF 131 III 291 ; 134 III 663 ; arrêts du Tribunal fédéral 5C.297/2006 du 8 mars 2007 cons. 3, in RSDIE 2007 322, obs. Bucher et 5A_874/2012 du 19 mars 2013
cons. 4.2).

Le Tribunal fédéral a examiné les conditions d'application de l'art. 15 al. 1 LDIP non pas au regard de la cause dans son ensemble, mais sous celui de la prévoyance uniquement (Leuba, Le partage de la prévoyance professionnelle dans le cadre d'un divorce comportant des éléments d'extranéité, in Journée de droit civil 2011, 2012, p. 116).

Dans l'arrêt ATF 131 III 289 (SJ 2005 I 452), les époux, citoyens suisses, s'étaient mariés en Suisse et y avaient vécu plusieurs années avant de transférer leur domicile en France, où ils avaient résidé les dix dernières années de leur vie commune. Le mari avait continué de travailler en Suisse comme il le faisait précédemment. Durant son séjour en France, l'épouse n'avait pas eu d'activité professionnelle, prenant soin des deux enfants du couple. Les époux avaient vécu ensemble durant 18 ans. Le divorce des époux avait été prononcé en France sans que n'ait été réglé le sort des avoirs accumulés par le mari dans une caisse de pension en Suisse. Dans ce cas, le Tribunal fédéral, après avoir constaté que le droit français était en principe applicable, a fait application de l'art. 15 LDIP et statué selon le droit suisse. Pour ce faire, il a constaté que les liens les plus étroits étaient manifestement avec la Suisse, étant donné la durée du mariage, la longue activité professionnelle de l'époux en Suisse et le fait que la prévoyance des époux n'avait pas été assurée par une assurance privée ou par un patrimoine constitué à cet effet.

Dans l'arrêt 5C.297/2006 du 8 mars 2007, les époux étaient de nationalité espagnole et le mariage avait duré plus de trente ans. L'épouse avait toujours vécu en Espagne au domicile conjugal et n'avait jamais exercé d'activité lucrative, se consacrant à l'éducation des quatre enfants du couple. Le mari travaillait en Suisse et y résidait lorsqu'il travaillait, retournant en Espagne pour voir sa famille. Le Tribunal fédéral a considéré que la situation de ces époux était comparable à celle de l'arrêt paru aux ATF 131 III 289 s'agissant des points décisifs. Ces derniers étaient la longue durée du mariage, le travail en Suisse du mari depuis de longues années et l'obligation y afférente d'affiliation à une caisse de pension, le fait que l'épouse se soit chargée de l'éducation des enfants et de la tenue du ménage, de sorte qu'elle n'avait pas exercé d'activité professionnelle lucrative, ainsi que l'absence de prévoyance complémentaire sous forme d'une assurance volontaire ou de la constitution d'un capital approprié, le montant que l'épouse avait reçu au titre de la liquidation du régime matrimonial et en tant que contribution d'entretien ne pouvant être considéré comme tel. Il apparaissait ainsi clairement que les avoirs du mari auprès de sa caisse de pension étaient déterminants pour lui et sa famille sur le plan de la prévoyance. Le Tribunal fédéral a donc jugé que le sort de la prestation de sortie de l'époux relevait du droit suisse, cette question étant en relation particulièrement étroite avec celui-ci, la nationalité espagnole des parties ne pouvant parler en défaveur de la clause d'exception.

Dans l'arrêt 5A______/2012 du ______ 2013, les époux étaient de nationalité portugaise et le mariage avait duré trente-deux ans. L'épouse avait toujours vécu au Portugal, élevant les douze enfants du couple. L'époux avait travaillé en Suisse, où se trouvait également son dernier domicile. Le Tribunal fédéral a considéré que seul le mari avait été en mesure de se constituer une prévoyance professionnelle. L'époux avait résidé en Suisse pendant plus de la moitié de la durée du mariage et y résidait toujours. L'épouse avait vécu la plupart du temps au Portugal, où elle était toujours domiciliée. Cependant, elle avait résidé en Suisse pour une courte période, de sorte que le dernier domicile conjugal commun des parties se trouvait en Suisse. Le facteur décisif était que l'ensemble des prestations de retraite des deux conjoints était exclusivement lié à la Suisse et non au Portugal. Le Tribunal fédéral a donc fait application du droit suisse.

Si ces arrêts ont été largement approuvés par la doctrine quant à leur résultat, la méthode adoptée pour y parvenir a été critiquée. En effet, le Tribunal fédéral avait, dans tous ces cas, fait fi des conditions d'application de l'art. 15 al. 1 LDIP, notamment celle d'un lien lâche avec le droit désigné par l'art. 61 LDIP. Or le rôle de l'art. 15 LDIP n'est pas de permettre l'application du droit matériel le plus satisfaisant afin d'éviter que l'application du droit étranger du divorce aboutisse à une situation injuste, privant l'épouse d'une partie du capital de prévoyance constitué par le mari en Suisse (Dutoit, op. cit., n. 11 ad art. 64 LDIP; Bucher, op. cit.; Romano, Aspect de droit international privé de la réforme de la prévoyance professionnelle, in La pratique du droit de la famille, 2017, p. 6).

6.1.3 Aux termes de l'art. 270 du Code civil français (ci-après : CCF), l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant que possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation correspond autant à un dédommagement qu'à une indemnité d'entretien (ATF 131 III 289 consid. 2.8). La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux qui y prétend et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. La situation des parties en matière de pensions de retraite est ainsi prise en considération (art. 271 CCF).

S'il n'a pas été tenu compte des avoirs de prévoyance professionnelle de l'époux dans le calcul de la prestation compensatoire, l'épouse peut éventuellement prétendre, au regard du droit français, à un supplément de prestation compensatoire, en espèces, ou tout au plus sous forme de rente, mais non pas au partage par moitié et en nature des avoirs litigieux (Romano, op. cit.).

6.2 En l'espèce, les deux époux sont de nationalité française et ils ont vécu sans discontinuer en France. Le seul lien entre la présente cause et la Suisse est le fait que l'époux y travaille depuis de nombreuses années et qu'il s'est, de la sorte, constitué des avoirs de prévoyance professionnelle.

Du point de vue de la seule prévoyance, puisque le Tribunal fédéral examine l'application de l'art. 15 al.1 LDIP sous cet angle, la présente cause diffère des cas où il a été fait application du droit suisse. En effet, contrairement aux situations tranchées par le Tribunal fédéral, l'intimée a toujours travaillé pendant le mariage, même si elle a réduit son activité durant quatre ans. Elle s'est, de la sorte, constituée une prévoyance conforme à ce que prévoit la législation française, pays dont elle est originaire, où elle travaille et réside. La situation des parties est donc différente de celle des époux espagnols et portugais ayant donné lieu à la jurisprudence citée ci-dessus, cas dans lesquels l'un des époux avait fait le choix de quitter son pays d'origine pour s'installer et travailler en Suisse, afin de faire bénéficier, à terme, toute la famille d'une prévoyance adéquate. En l'absence de l'époux, l'épouse avait tenu seule le ménage et élevé les enfants, renonçant à travailler, de sorte qu'elle n'avait pu se constituer une prévoyance dans son pays. La situation des parties n'est également pas identique à celle de l'arrêt paru aux ATF 131 III 289, puisqu'en l'espèce les anciens époux ne sont pas de nationalité suisse et n'ont jamais vécu en Suisse, alors que dans l'arrêt précité, le seul élément qui reliait les parties à la France était leur dernier domicile commun, tous les autres éléments étant en lien avec la Suisse.

Au vu de ce qui précède, il ne saurait être retenu que la cause n'a qu'un lien très lâche avec le droit français et qu'elle se trouve dans une relation beaucoup plus étroite avec le droit suisse. Il ne se justifie donc pas d'appliquer la clause d'exception de l'art. 15 LDIP, de sorte que c'est bien le droit français qui est applicable. A défaut, le seul fait de détenir des avoirs de prévoyance professionnelle en Suisse conduirait à l'application du droit suisse, ce qui n'était pas la volonté du législateur.

Le droit français ne connaissant pas le partage de la prévoyance professionnelle tel que prévu par les art. 122 ss CC, l'intimée sera déboutée de ses conclusions en partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par l'appelant durant le mariage.

Par conséquent, les chiffres 1 et 2 du dispositif du jugement querellé seront annulés et l'intimée sera déboutée de ses conclusions en partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par l'appelant durant le mariage.

7. L'appelant reproche au Tribunal de l'avoir condamné au paiement de la moitié des frais de première instance alors que l'intimée a succombé dans ses conclusions sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, qui ont donné lieu à deux ordonnances dont le Tribunal a tenu compte pour fixer le montant des frais judiciaires de première instance. Il ne critique en revanche pas le jugement en tant qu'il n'a pas alloué de dépens.

7.1 La Cour statue sur les frais judiciaires et les répartit d'office (art. 104 et
105 CPC). Ces frais sont, en règle générale, mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Toutefois, lorsque le litige relève du droit de la famille, le juge peut s'écarter des règles générales sur la répartition des frais
(art. 107 al. 1 let. c CPC).

Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

7.2 En l'espèce, le montant des frais judiciaires de première instance, fixé à
3'000 fr., n'est pas remis en cause par les parties et est conforme au règlement fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC E 1 05.10), de sorte qu'il sera confirmé. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'625 fr. (art. 95 al. 2 et
105 al. 1 CPC; art. 30 et 35 RTFMC). Les frais de première instance et d'appel seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe, et seront compensés avec l'avance de frais de 1'625 fr. versée par l'intimée et par celle de 3'000 fr. versée par l'appelant, qui restent acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimée sera donc condamnée à verser 3'000 fr. à l'appelant à titre de frais judiciaires.

Compte tenu de la nature familiale du litige, du fait que l'appelant n'a pas critiqué le jugement sur ce point et qu'il n'a pas pris de conclusions en versement de dépens en appel, chaque partie supportera ses propres dépens de première instance et d'appel.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 21 octobre 2019 par A______ contre le jugement JTPI/14725/2019 rendu le 17 octobre 2019 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6270/2018-13.

Au fond :

Annule ce jugement, et statuant à nouveau :

Prononce la reconnaissance en Suisse du jugement de divorce rendu le ______ 2014 par le Juge aux affaires familiales de E______ (France), minute n° 1______, tel que modifié par arrêt de la Cour d'Appel de F______ (France) du 26 mai 2015, minute n° 2______, opposant B______ à A______.

Déboute B______ de ses conclusions en partage par moitié de la prestation de sortie de A______ accumulée durant le mariage.

Arrête les frais judiciaires de première instance et d'appel à 4'625 fr. et les met à la charge de B______.

Les compense avec les avances de frais de 1'625 fr. versée par B______ et de 3'000 fr. versée par A______, qui restent acquises à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à payer à A______ la somme de
3'000 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Christel HENZELIN, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.