Saisie de deux recours formés à l’encontre du dispositif d’urgence en cas de pics de pollution introduit aux art. 13A et 15A à 15I de la Loi d’application de la loi fédérale sur la protection de l’environnement (LaLPE - K 1 70) et d’un recours, avec demande d’effet suspensif, formé à l’encontre du règlement régissant le dispositif d’urgence en cas de pics de pollution atmosphérique (RPics - K 1 70.09), la chambre constitutionnelle de la Cour de justice rejette l’un des recours et admet partiellement les deux autres.
Dans deux arrêts rendus le 27 août 2020, la chambre constitutionnelle a examiné la constitutionnalité du dispositif d’urgence adopté par le canton de Genève en cas de pics de pollution. En tant qu’elles correspondent aux valeurs limites d’immission prévues par l’OPair, les valeurs d’intervention fixées par le droit cantonal s’agissant du dioxyde d’azote (80 microgrammes par mètre cube) et des poussières fines (50 microgrammes par mètre cube) sont contraires au droit fédéral. D’après la jurisprudence du Tribunal fédéral, suivie en cela par la doctrine, les seuils fixés par le droit cantonal doivent nécessairement être supérieurs à ceux fixés par l’OPair. Le Tribunal fédéral a notamment relevé que les cantons étaient, en principe, autorisés à prendre des mesures à court terme pour lutter contre les pics de pollution si les valeurs limites d’immission étaient dépassées de moitié (facteur 1.5). Ce facteur a été respecté s’agissant de l’ozone (valeur d’intervention de 180 microgrammes par mètre cube) de sorte que les mesures urgentes ont été maintenues en cas de dépassement de la concentration de ce polluant. Compte tenu du caractère cassatoire du recours en contrôle abstrait des normes, la chambre constitutionnelle a annulé les valeurs d’intervention prévues pour le dioxyde d’azote et les poussières fines introduites dans l’art. 13A al. 4 LaLPE, à charge pour le législateur cantonal d’en fixer de nouvelles, cas échéant au moyen d’études récentes sur la question. Cette annulation a entraîné celle des dispositions réglementaires prises sur la base de cette disposition et destinées à en préciser les modalités pratiques d’application.
La chambre constitutionnelle a retenu en revanche que l’instauration de zones environnementales, le régime de la circulation différenciée - impliquant une interdiction de circuler d’une partie du parc automobile - et l’introduction d’un macaron environnemental, n’étaient pas contraires à la répartition constitutionnelle des compétences législatives entre la Confédération et les cantons. Ces mesures portent certes atteinte à la liberté économique des personnes physiques ou morales dont l’activité professionnelle implique le déplacement au moyen de véhicules, mais elles sont justifiées par un intérêt public important de protection de la santé de la population et proportionnées au but visé. Le déclenchement du dispositif d’urgence dans le canton de Genève sur la base de valeurs d’intervention mesurées dans d’autres cantons romands prévu par le règlement d’exécution (RPics) ne viole, au demeurant, ni le principe de proportionnalité ni la séparation des pouvoirs.
Enfin, s’agissant de la contravention de CHF 500.- prévue dans la loi (LaLPE) et son règlement d’exécution (Rpics), la chambre constitutionnelle a procédé à une interprétation conforme de la Constitution. Dans la mesure où elles touchent au domaine de la circulation routière, certaines infractions prévues par la LaLPE (véhicules circulant sans macaron à l’intérieur du périmètre de la moyenne ceinture) et le RPics (circulation dans la zone précitée sans le macaron approprié permettant d’y accéder) ne peuvent être sanctionnées que sur la base du droit fédéral et doivent être réprimées par une amende d’ordre de CHF 100.-. Il reste néanmoins certains états de fait qui peuvent donner lieu à une contravention de droit cantonal, de sorte que les dispositions cantonales correspondantes ont été maintenues. En revanche, en tant qu’elle permet de sanctionner les personnes morales, la disposition correspondante figurant dans le règlement d’exécution (RPics) ne constitue pas une base légale suffisante, de sorte qu’elle a également été annulée.
Le texte des arrêts sera disponible très prochainement sur le site Internet du Pouvoir judiciaire.