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C/27579/2024

ACJC/1507/2025 du 22.10.2025 sur JTPI/8008/2025 ( SML ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27579/2024 ACJC/1507/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERDREDI 22 OCTOBRE 2025

 

Entre

A______, sise ______,

B______, sise c/o Groupe C______, ______,

D______, sise ______,

E______, sise c/o Groupe C______, ______,

F______, sise ______,

G______, sise ______,

H______, sise ______,

C______, sise ______,

I______, sise c/o Groupe A______, ______,


 

 

J______, sise ______,

K______, sise ______,

L______, ______,

M______, sise ______,

recourantes contre un jugement rendu par la 23ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 juin 2025, représentées par Me Amélie VOCAT, avocate, rue du Scex 18, case postale 148, 1951 Sion,

et

CENTRE N______ DE O______ SA, sise ______, intimée, représentée par
Me Olivier FRANCIOLI, avocat, Etude THEVOZ AVOCATS SARL, rue Etraz 4,
Case postale, 1002 Lausanne.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/8008/2025 du 26 juin 2025, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a débouté [les assurances-maladie] A______, B______, D______, E______, F______, G______, H______, C______, I______, J______, K______, L______ et M______ de leurs conclusions en mainlevée définitive (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 750 fr., compensés avec l’avance fournie, laissés à leur charge (ch. 2 et 3), les a condamnées à verser à CENTRE N______ DE O______ SA [centre médical] 4'000 fr. à titre de dépens (ch. 4).

En substance, il a considéré qu’il n’y avait pas d’identité entre le poursuivi, soit CENTRE N______ DE O______ SA, et le débiteur mentionné dans le titre invoqué, soit P______. L’entreprise individuelle P______, inscrite au Registre du commerce genevois, avait été radiée le 1______ 2018, par suite de remise de l’exploitation, l’actif et le passif de celle-ci ayant été repris par CENTRE N______ DE O______ SA. L’arrêt rendu par le Tribunal arbitral des assurances du 21 décembre 2022, invoqué comme titre de mainlevée définitive, mentionnait cette reprise et avait condamné personnellement P______ au paiement de divers montants en faveur des Caisses d’assurances précitées.

B. a. Par acte expédié le 10 juillet 2025 à la Cour de justice, A______, B______, D______, E______, F______, G______, H______, C______, I______, J______, K______, L______ et M______ ont formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Elles ont conclu à ce que la Cour prononce la mainlevée définitive de l’opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 2______, sous suite de frais.

Elle a produit une nouvelle pièce (n. 15).

b. Dans sa réponse du 31 juillet 2024 (recte 2025), CENTRE N______ DE O______ SA a conclu au rejet du recours, sous suite de frais.

c. Par déterminations des 18 août et 1er septembre 2025, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été avisées par plis du greffe du 2 septembre 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. L’entreprise individuelle P______, inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 2014, avait pour but l’activité de N______ indépendant.

P______ a exploité entre 2015 et 2017 sous sa raison individuelle le « Centre N______ de O______ ».

L'inscription a été radiée le 1______ 2018 par suite de remise de l'exploitation, l’actif et le passif ayant été repris par CENTRE N______ DE O______ SA, selon contrat du 28 décembre 2017.

b. CENTRE N______ DE O______ SA est inscrite au Registre du commerce genevois depuis le 1______ 2018. Elle a notamment pour but l’exploitation de cabinets médicaux, de centres médico-chirurgicaux, de laboratoires et de cliniques.

c. P______ exerce à titre indépendant une activité de N______ au sein du « Centre N______ de O______ », dont il est le directeur.

A ce titre, il est inscrit au registre des codes créanciers (RCC) pour le paiement et le traitement des factures des fournisseurs de prestations médicales.

d. Le 13 juillet 2018, A______, B______, D______, E______, F______, G______, H______, C______, I______, J______, K______, L______ et M______ ont saisi le Tribunal arbitral des assurances d’une demande en paiement à l’encontre de P______, portant sur le remboursement, par le précité, de prestations jugées non économiques pour les années 2016, 2018 et 2019.

e. Par arrêt du 21 décembre 2022, le Tribunal arbitral des assurances a condamné P______ à verser à A______, B______, D______, E______, F______, G______, H______, C______, I______, J______, K______, L______ et M______, prises conjointement et solidairement, en mains de Q______ [faîtière d'assureurs-maladie], les sommes de 104'061 fr., 80'597 fr. et 75'448 fr. (ch. 4 à 6 du dispositif de l’arrêt).

f. Statuant sur recours formé par P______, le Tribunal fédéral a, par arrêt 9C_122/2023 du 23 août 2024, rejeté celui-ci.

g. A la requête de Q______ et consorts, l’Office cantonal des poursuites a notifié le 5 novembre 2024 un commandement de payer, poursuite n° 2______ à CENTRE N______ DE O______ SA, pour la somme de 260'106 fr., avec intérêts à 5% dès le 25 septembre 2024.

Dans la rubrique « Titre et date de la créance » a été mentionné : « Montant dû conformément à l’arrêt du 21 décembre 2023 rendu par le tribunal arbitral de Genève, confirmé par l’arrêt du 23 août 2024 du Tribunal fédéral (9C_122/2023), soit CHF 104'061 pour l’année 2016 CHF 80'595 pour l’année 2018 CHF 75'448 pour l’année 2019 ».

Opposition y a été formée.

h. Le 15 novembre 2024, A______, B______, D______, E______, F______, G______, H______, C______, I______, J______, K______, L______ et M______ ont saisi le Tribunal d’une requête de mainlevée définitive de l’opposition formée au commandement de payer précité, à l’encontre de CENTRE N______ DE O______ SA.

Elles ont joint un chargé de pièces, comportant, outre le commandement de payer en cause, l’arrêt rendu par le Tribunal arbitral des assurances du 21 décembre 2022 et l’arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 23 août 2024.

i. A l’audience du Tribunal du 28 mars 2025, A______, B______, D______, E______, F______, G______, H______, C______, I______, J______, K______, L______ et M______ ont persisté dans leurs conclusions et ont produit de nouvelles pièces.

CENTRE N______ DE O______ SA a conclu au rejet de la requête, sous suite de frais.

Les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l’issue de l’audience.

EN DROIT

1. 1.1 La présente procédure de recours est régie par le CPC dans sa version révisée, entrée en vigueur le 1er janvier 2025, dès lors que le jugement attaqué a été communiqué aux parties après cette date (art. 405 al. 1 CPC).

1.2 Seule la voie du recours est ouverte en matière de mainlevée d'opposition (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

En l'espèce, le recours a été interjeté dans le délai et selon la forme prescrits par la loi, de sorte qu'il est recevable.

1.3 Le recours peut être formé pour violation du droit (art. 320 al. 1 CPC) et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 al. 2 CPC).

La constatation manifestement inexacte des faits équivaut à l'arbitraire. La constatation des faits ou l'appréciation des preuves est arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 137 III 226 consid. 4.2).

1.4 Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC; cf. infra consid. 2.1.1) et les maximes des débats et de disposition sont applicables (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 255 let. a a contrario CPC).

1.5 La procédure de mainlevée définitive ou provisoire est une procédure sur pièces ("Urkundenprozess") (art. 254 al. 1 CPC) dont l'objet est l'existence d'un titre exécutoire. Le poursuivant peut se borner à produire un tel titre : l'examen du contenu de ce document, de son origine et de ses caractéristiques extérieures suffit pour conduire au prononcé de la mainlevée. C'est également par titres que le poursuivi peut et doit prouver ou rendre vraisemblables ses moyens libératoires. La preuve de l'existence d'un titre de mainlevée définitive ou provisoire ne peut que résulter d'un titre au sens étroit, à savoir un écrit; il en va de même pour les moyens de défense dans la mainlevée définitive (Abbet/Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2022, n. 58 ad art. 84 LP).

1.6 Conformément à l'art. 326 al. 1 CPC, la pièce nouvellement produite par les recourantes est irrecevable, ainsi que les allégués de fait s’y rapportant.

2.  Les recourantes reprochent au Tribunal de ne pas avoir prononcé la mainlevée définitive de l’opposition formée au commandement de payer.

2.1 Selon l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition. Le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81 al. 1 LP).

2.2.1 Est exécutoire au sens de l'art. 80 al. 1 LP le prononcé qui a non seulement force exécutoire, mais également force de chose jugée – qui se détermine exclusivement au regard du droit fédéral –, c'est-à-dire qui est devenu définitif, parce qu'il ne peut plus être attaqué par une voie de recours ordinaire qui, de par la loi, a un effet suspensif (ATF 131 III 404 consid. 3; 131 III 87 consid. 3.2).

2.2.2 Le juge doit examiner d'office l'existence des trois identités : l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté (ATF 142 III 720 consid. 4.1; 139 III 444 consid. 4.1.1).

En principe, la mainlevée ne peut être prononcée que contre la personne que le jugement désigne comme débitrice, principe qui connaît toutefois quelques exceptions (Abbet/Veuillet, op. cit., n. 84 ad art. 80 LP). Tel est notamment le cas de la reprise de dette (art. 175 ss CO) qui doit permettre la mainlevée contre le reprenant sur la base du jugement prononcé à l’encontre du débiteur si le créancier peut démontrer immédiatement par titre la qualité de reprenant du poursuivi (Abbet/Veuillet, op. cit., n. 86 ad art. 80 LP).

2.3 Celui qui acquiert un patrimoine ou une entreprise avec actif et passif devient responsable des dettes envers les créanciers, dès que l’acquisition a été portée par lui à leur connaissance ou qu’il l’a publiée dans les journaux (art. 181 al. 1 CO).

La cession d’un patrimoine ou d’une entreprise appartenant à des sociétés commerciales, à des sociétés coopératives, à des associations, à des fondations ou à des entreprises individuelles qui sont inscrites au registre du commerce, est régie par les dispositions de la loi du 3 octobre 2003 sur la fusion (LFus) (art. 181 al. 4 CO).

Les sociétés et entreprises individuelles inscrites au registre du commerce, les sociétés en commandite de placement collectif et les sociétés d’investissement à capital variable peuvent transférer tout ou partie de leur patrimoine avec actifs et passifs à un autre sujet de droit privé (art. 69 al. 1 LFus).

Ce transfert nécessité un contrat de transfert (art. 70 ss LFus) et une inscription de ce transfert de patrimoine au registre du commerce (art. 73 al. 1 LFus).

Selon la doctrine, le transfert de patrimoine peut porter tant sur des éléments de l’actif que sur des passifs, lesquels comprennent les dettes, les charges et certaines obligations de fournir une prestation personnelle (Bahar, Commentaire LFus, 2005, n. 5 ad art. 69 LFus).

Les effets du transfert de patrimoine se produisent dès l’inscription de celui-ci au registre du commerce (art. 73 al. 2 1ère phr. LFus) et consistent en une succession universelle partielle (arrêt du Tribunal fédéral 4A_601/2019 du 25 novembre 2020 consid. 3.1 ; 4A_130/2015 du 2 septembre 2015 consid. 3.1).

2.4 En l’espèce, les recourantes font grief au Tribunal d’avoir constaté les faits de manière manifestement inexacte, en retenant, d’une part, qu’il n’y avait pas d’identité entre poursuivi et débiteur, et, en omettant, d’autre part, de retenir qu’une reprise de dette valable était intervenue entre P______ et CENTRE N______ DE O______ SA. En réalité, les recourantes se plaignent d'une mauvaise appréciation des preuves, grief qui sera examiné ci-après.

Il est constant que l’intimée a repris le passif de l’entreprise individuelle P______, selon contrat du 28 décembre 2017. Il n’est pas contesté que le Tribunal arbitral des assurances a, par arrêt du 21 décembre 2022, définitif et exécutoire, condamné le précité à verser aux recourantes un montant total de 260'106 fr. Les recourantes ont dirigé leur demande contre P______ et non contre l’intimée. Elles n’ont pas, en cours de procédure arbitrale, requis la constatation de la substitution de parties, du fait de la reprise des actifs et passifs de l’entreprise individuelle par l’intimée.

Elles ont fait notifier à l’intimée un commandement de payer et se sont prévalues, comme titre de la créance, de l’arrêt rendu par le Tribunal arbitral précité. Il n’existe ainsi, à ce stade, pas d’identité entre le débiteur mentionné dans le titre (P______) et le débiteur poursuivi (l’intimée). Il convient donc d’examiner si, comme le soutiennent les recourantes, une reprise de dettes, du fait du transfert des passifs de P______ à l’intimée, serait intervenue postérieurement à l’ouverture de la procédure arbitrale.

Selon l’arrêt rendu par le Tribunal arbitral des assurances, les recourantes ont saisi ledit Tribunal le 13 juillet 2018, soit après la reprise des passifs par l’intimée, intervenue en décembre 2017. Cette reprise de dette est donc intervenue antérieurement et non pas postérieurement à la saisine du Tribunal arbitral. Par ailleurs, les dettes issues de l’arrêt précité n’étaient pas établies au 28 décembre 2017, de sorte qu’en tout état elles ne pouvaient pas être reprises, à cette date, par l’intimée.

Le commandement de payer fait mention de l’intimée à titre de poursuivie, et non de P______.

Par conséquent, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré qu’il n’y avait pas d’identité entre le poursuivi et le débiteur mentionné dans le titre de mainlevée.

2.5 Infondé, le recours sera dès lors rejeté.

3. 3.1 Les recourantes qui succombent, seront condamnées, solidairement entre elles, aux frais du recours (art. 106 al. 1 et 3 CPC).

En vertu de l'art. 61 al. 1 OELP, la juridiction supérieure à laquelle sont déférées les décisions rendues dans une procédure sommaire en matière de poursuite peut prélever un émolument n'excédant pas une fois et demie l'émolument que peut prélever l'autorité de première instance.

Le premier juge a fixé l'émolument de première instance - non contesté - à 750 fr. Partant, l'émolument de la présente décision sera fixé à 1’125 fr. et compensé avec l'avance de frais du même montant fournie, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

3.2 Les recourantes seront, en outre, solidairement entre elles, condamnées à verser à l'intimée un montant de 2'000 fr. à titre de dépens de recours, débours et TVA compris (art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______, B______, D______, E______, F______, G______, H______, C______, I______, J______, K______, L______ et M______ contre le jugement JTPI/8008/2025 rendu le 26 juin 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/27579/2024–23 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 1'125 fr., compensés avec l’avance de frais fournie, acquise à l’Etat de Genève, et les met à la charge de A______, B______, D______, E______, F______, G______, H______, C______, I______, J______, K______, L______ et M______, solidairement entre elles.

Condamne A______, B______, D______, E______, F______, G______, H______, C______, I______, J______, K______, L______ et M______, solidairement entre elles, à verser à CENTRE N______ DE O______ SA 2'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.