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C/20881/2024

ACJC/1351/2025 du 02.10.2025 sur JTPI/8087/2025 ( SML ) , JUGE

Normes : LP.82
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20881/2024 ACJC/1351/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 2 OCTOBRE 2025

 

Entre

Cabinet A______/B______, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 23ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 27 juin 2025,

et

C______ SA, sise ______ [AG], intimée, représentée par Me Bastien GEIGER, avocat, Woodtli Lévy Brutsch & Geiger, rue Prévost-Martin 5, case postale 60, 1211 Genève 4.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 27 juin 2025, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l’opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), mis les frais judicaires, arrêtés à
200 fr., à la charge de Cabinet A______/B______ (ch. 2 et 3) et condamné celle-ci à verser à C______ SA 200 fr. à titre de dépens (ch. 3).

B. a. Par courrier adressé au Tribunal le 9 juillet 2025, transmis à la Cour de justice le 11 juillet 2025, Cabinet A______/B______ a formé recours contre ce jugement. Sans prendre de conclusions formelles, elle a sollicité "la reconnaissance de la nullité de la dette réclamée, en raison de la non-exécution du contrat, de la résiliation confirmée".

b. Dans sa réponse au recours du 31 juillet 2025, C______ SA a conclu à l’irrecevabilité du recours et, dans la mesure de sa recevabilité, à son rejet et à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais.

c. En l’absence de réplique, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger le 21 août 2025.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. Le 3 septembre 2019, la société en nom collectif Cabinet A______/B______ a conclu avec D______ Sàrl un "contrat de mise à disposition de matériel et/ou d’abonnement de télésurveillance et/ou maintenance", ayant pour objet un système de télésurveillance d’une partie de l’appartement de A______ et B______.

Ce contrat a été conclu pour une durée de 60 mois, soit jusqu’en septembre 2024, pour un coût mensuel de 117 fr. 40, TVA comprise.

D______ Sàrl a pris la raison sociale F______ Sàrl en juin 2020 et la faillite de cette dernière a été prononcée le 30 janvier 2023.

b. Le 3 septembre 2019, Cabinet A______/B______ et D______ Sàrl ont également signé un document dont il ressort que cette dernière cède à C______ SA "tous les droits et biens de ce contrat" et qui prévoit que tous les paiements dus au titre du contrat doivent être effectués à C______ SA, à laquelle la propriété du matériel cédé est mise à disposition.

C______ SA a pour but la conclusion d'opérations de leasing ainsi que toutes sortes d'activités financières et de prestations qui y sont liées.

 

c. Cabinet A______/B______ a opéré des versements à C______ SA jusqu’en mars 2022.

d. Par courrier du 2 juin 2022, adressé à F______ Sàrl et C______ SA, Cabinet A______/B______ a déclaré résilier le contrat avec effet immédiat au motif que le service de télésurveillance avait été interrompu durant 15 jours sans qu’il puisse être rétabli.

Selon C______ SA, le système a parfaitement fonctionné jusqu’à ce que
Cabinet A______/B______ le fasse déconnecter de la centrale de traitement des alarmes.

e. Le 3 octobre 2023, C______ SA a mis en demeure Cabinet A______/B______ de lui payer d’ici le 2 novembre 2023 la somme de 2'055 fr. 80, représentant
17 mensualités de mai 2023 à septembre 2024, précisant qu’elle avait tenu compte du paiement de 2'034 fr. 70 effectué le 24 avril 2023.

f. Le 10 juillet 2024, l’Office des poursuites a notifié à Cabinet A______/B______, sur requête de C______ SA, un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme totale de 1'643 fr. 60 représentant 14 mensualités de retard de 117 fr. 40 du 1er mai 2023 au 1er juin 2024, avec intérêts à 7% (dès diverse dates), réclamés sur la base du contrat n° 2______ conclu avec F______ Sàrl (anciennement D______ Sàrl) qui lui avait été cédé (postes 1 à 7) ainsi que 360 fr. de frais de rappel (poste 8).

Cabinet A______/B______ y a formé opposition le jour même.

g. Le 9 septembre 2024, C______ SA a sollicité auprès du Tribunal la mainlevée de cette opposition, avec suite de frais, se fondant sur le contrat du
3 septembre 2019 et produisant notamment un relevé de compte du 8 septembre 2023 faisant état d’un solde dû de 2'055 fr. 80.

h. Par courrier au Tribunal du 2 novembre 2024, Cabinet A______/B______ a exposé qu’elle avait conclu un contrat avec D______ Sàrl, qu’en juillet 2022, à la suite de dysfonctionnements du système, elle avait été contactée par cette dernière qui l’avait informée qu’elle ne travaillait plus avec C______ SA et lui avait demandé de dénoncer le contrat pour « non-respect d’engagement » selon l’art. 6 des conditions générales. Elle renvoie à cet égard à son courrier du 2 juin 2022 par lequel elle a dénoncé le contrat et à un courrier de F______ Sàrl du 8 juin 2022 par lequel cette dernière confirmait la résiliation du « contrat C______
n° 2______ » avec effet immédiat. Cabinet A______/B______ allègue qu’ensuite elle ne devait plus payer C______ SA, mais une nouvelle structure, F______ Sàrl, qui avait repris le contrat de C______ SA, renvoyant à cet égard au contrat du
3 septembre 2019. Elle payait désormais F______ Sàrl.

i. Le 11 novembre 2024, C______ SA a persisté dans ses conclusions, exposant que le contrat avait été conclu pour les besoins personnels des époux A______/B______, lesquels avaient pris le parti de conclure un contrat avec une société tierce pour bénéficier d’un meilleur tarif que celui pratiqué dans le contrat dont les droits lui avaient été cédés et que le système d’alarme avait parfaitement fonctionné jusqu’à ce qu’il soit débranché par les précités.

j. Cabinet A______/B______ s’est encore déterminée le 14 novembre 2024. Elle a produit un courrier de F______ Sàrl du 19 octobre 2022 selon lequel C______ SA versait les montants encaissés à une société 2SMC qui assurait le service de télésurveillance et traitait les alarmes reçues. Depuis octobre 2022, cette dernière n’avait toutefois plus traité les alarmes et F______ Sàrl avait cherché une autre société de télésurveillance afin que les alarmes de ses clients puissent être traitées. C______ SA contestait cette absence de service alors même qu’elle l’avait informée qu’elle ne traiterait plus les alarmes de ses clients dès le 30 septembre 2021.

Cabinet A______/B______ a également produit un courrier que C______ SA lui a adressé le 16 février 2023 selon lequel, à la suite de la faillite de F______ Sàrl, C______ SA avait décidé de faire appel à la société
G______ SA, laquelle devenait son référent technique, pour garantir la bonne exécution des prestations promises; un collaborateur de cette société se mettrait prochainement en contact avec elle afin de s’assurer du bon fonctionnement du système.

k. Dans son jugement du 27 juin 2025, le Tribunal a considéré que F______ Sàrl avait accepté la résiliation du contrat que Cabinet A______/B______ lui avait adressée le 2 juin 2022, ce qu'elle n'était cependant pas en mesure de faire puisque ledit contrat avait été cédé trois ans auparavant. Les paiements effectués en mains de F______ Sàrl ne libéraient par ailleurs pas Cabinet A______/B______ compte tenu de la cession du contrat. La mainlevée de l'opposition devait dès lors être prononcée.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

1.2 Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée.

Interjeté en temps utile et selon les formes prescrites, le recours est recevable, étant relevé que même si la recourante sollicite "la reconnaissance de la nullité de la dette réclamée", il ne fait pas de doute qu'elle réclame le rejet de la requête de mainlevée de l'opposition formée par l'intimée.

1.3 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs que les parties adressent à la motivation du premier jugement (ATF 144 III 394 consid. 4.1.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_10/2024 du 26 mai 2025, consid. 5.1).

1.4 La procédure sommaire étant applicable, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 al. 1 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2. La recourante invoque la non-exécution du contrat et la "résiliation confirmée".

2.1
2.1.1
En vertu de l'art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1); le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).

Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi - ou son représentant -, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1 et les références); elle peut résulter du rapprochement de plusieurs pièces, dans la mesure où les éléments nécessaires en ressortent (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 627 consid. 2 et la référence).

2.1.2 Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies (arrêt du Tribunal fédéral 5A_465/2014 du 20 août 2014 consid. 7.2.1.2) et, en particulier dans les contrats bilatéraux, lorsque le poursuivant prouve avoir exécuté les prestations dont dépend l'exigibilité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_367/2007 du 15 octobre 2007 consid. 3.1 et les références). Un contrat bilatéral ne vaut ainsi reconnaissance de dette que si le poursuivant a rempli ou garanti les obligations légales ou contractuelles exigibles avant le paiement dont il requiert le recouvrement, ou au moment de ce paiement, c'est-à-dire s'il a exécuté ou offert d'exécuter sa propre prestation en rapport d'échange (cf. ATF 116 III 72; arrêt du Tribunal fédéral 5A_326/2011 du 6 septembre 2011 consid. 3.3).

Lorsque le débiteur poursuivi se prévaut du fait que le créancier poursuivant n'a pas exécuté sa prestation, il conteste que le contrat synallagmatique produit revête la qualité de reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP. Un tel titre ne constitue en effet pas en soi une reconnaissance de dette pure et simple, mais suppose que le poursuivant ait fourni sa prestation. Sous cet angle, la question de la fourniture de la prestation du poursuivant ne ressortit pas à un moyen libératoire au sens de l'art. 82 al. 2 LP que le débiteur devrait rendre vraisemblable. Elle relève de la contestation d'une exigence mise à l'admission d'un contrat bilatéral parfait comme titre de mainlevée provisoire au sens de
l'art. 82 al. 1 LP. Or, il incombe au créancier poursuivant de justifier qu'il dispose d'un tel titre (ATF 145 III 20, consid. 4.3.2 et les références citées). Ainsi, lorsque le débiteur se prévaut de l’inexécution du contrat, l’opposition ne peut être levée que si le créancier poursuivant démontre avoir exécuté ou offert d’exécuter sa propre prestation (Bovey/Constantin, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2ème éd., 2025, n. 28 ad art. 82 LP).

2.2 En l'espèce, la manière dont le contrat était exécuté est particulièrement peu claire dans la mesure où il ressort des explications des parties que le service de surveillance, qui constitue pourtant l'objet du contrat, n'était pas assuré par l'intimée qui, à bien la comprendre, s'occupait uniquement des aspects financiers, et non techniques, de la relation contractuelle, quand bien même le contrat lui avait été cédé.

La recourante soutient que l'intimée n'a plus assuré le service de surveillance dès le mois de mai 2022, alors que cette dernière soutient que la cause en est que le système a été débranché par la recourante. Il ne peut être déterminé en l'état qui est effectivement responsable de l’interruption du service qui se serait produite à cette époque. En tout état de cause, il ressort du courrier de l'intimée à la recourante du 16 février 2023 qu'à la suite de la faillite, le 30 janvier 2023, de F______ Sàrl qui s'occupait des aspects techniques de la relation contractuelle, l'intimée avait fait appel à une société G______ SA en vue de garantir la bonne exécution des prestations promises et qu'un collaborateur de cette société allait se mettre en contact avec la recourante afin de s’assurer du bon fonctionnement du système. L'intimée, à qui il appartenait de démontrer qu'elle avait fourni sa prestation pour prétendre disposer d'un titre de mainlevée, n'a cependant fourni aucun élément permettant de retenir que la prise de contact avait effectivement eu lieu et que le système de sécurité avait été par la suite pleinement opérationnel.

Dans ces circonstances, dans la mesure où la mainlevée de l'opposition est requise pour des mensualités qui seraient dues dès le 1er mai 2023, soit postérieurement à la date à laquelle un technicien aurait dû contacter la recourante, l'intimée n'a pas démontré qu'elle a exécuté le contrat qui lui a été cédé et, par conséquent, qu'elle dispose d'un titre de mainlevée provisoire de l'opposition.

Dans ces circonstances, les conditions pour le prononcé de la mainlevée de l'opposition ne sont pas remplies. Le jugement attaqué sera donc annulé et la requête formée par l'intimée sera rejetée.

3. L'intimée, qui succombe, sera condamnée aux frais de première et seconde instances (art. 106 CPC).

Les frais judiciaires de première instance seront arrêtés à 200 fr. et ceux de recours à 300 fr. (art. 48 et 61 OELP). Ils seront compensés avec l'avance fournie par l'intimée devant le Tribunal, alors que l'avance fournie par la recourante devant la Cour lui sera restituée. L'intimée sera condamnée à verser 300 fr. à l'État de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée qui comparaît en personne et n'a pas allégué avoir effectué des démarches le justifiant (art. 95 al. 3 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 9 juillet 2025 par Cabinet A______/B______ contre le jugement JTPI/8087/2025 rendu le 27 juin 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/20881/2024.

Au fond :

Annule le jugement attaqué et, cela fait:

Rejette la requête de mainlevée provisoire formée par C______ SA le
9 septembre 2024 à l'encontre de Cabinet A______/B______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la procédure de première et seconde instances à 500 fr., les met à la charge de C______ SA, et dit qu'ils sont partiellement compensés avec les avances fournies, qui restent acquises à l'État de Genève à concurrence de 200 fr.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 300 fr. à Cabinet A______/B______.

Condamne C______ SA à verser 300 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Barbara NEVEUX, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.