Aller au contenu principal

Décisions | Sommaires

1 resultats
C/11876/2025

ACJC/1263/2025 du 18.09.2025 sur JTPI/8848/2025 ( SFC ) , RENVOYE

Normes : Cst.29
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11876/2025 ACJC/1263/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 18 SEPTEMBRE 2025

 

Entre

A______, sise ______ [BE], recourante contre un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 10 juillet 2025,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée.

 


EN FAIT

A. a. Par acte expédié au Tribunal de première instance le 9 mai 2025, [l’assurance maladie] A______ a requis la faillite sans poursuite préalable de B______, se fondant sur l'art. "190 ch. 1 LP".

Elle a allégué que malgré trois tentatives, l'Office des poursuites n'avait pas été en mesure de notifier un commandement de payer à B______, qui avait quitté l'adresse dont disposait le Service de l'assurance maladie et aucun changement n'avait été annoncé auprès de l'Office cantonal de la population. Il était dès lors manifeste que B______ cherchait à se soustraire à ses obligations. Sa créance s'élevait à 54'718 fr. 30 (40'488 fr. de primes, 6'191 fr. 55 de prestations, 4'076 fr. 95 d'intérêts et 3'961 fr. 80 de frais divers).

b. Lors de l'audience devant le Tribunal du 10 juillet 2025, aucune des parties n'était présente ni représentée, étant relevé que le pli recommandé contenant la convocation adressée à B______ à la même adresse que celle à laquelle l'Office des poursuites avait tenté de notifier des commandements de payer a été retourné au Tribunal avec la mention "non réclamé".

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

B. Par jugement du 10 juillet 2025, le Tribunal a rejette la requête (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judicaires à 500 fr., compensés avec l'avance fournie (ch. 2), mis ceux-ci à charge de A______ (ch. 3), dit qu'il n'y avait pas lieu à allocation de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

Le Tribunal a relevé que B______ était une personne physique qui n'était pas inscrite au registre du commerce en l'une des qualités visées par l'art. 39 ch. 1 à 4 LP, de sorte que la requête apparaissait d'emblée infondée, la première condition nécessaire à l'application de l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP, à savoir l'existence d'un débiteur susceptible d'être mis en faillite, n'étant pas remplie. A titre superfétatoire, le Tribunal a relevé que A______ ne cherchait pas à démontrer que sa débitrice serait en cessation de paiement, alors qu'il s'agissait aussi d'une condition nécessaire à sa mise en faillite sans poursuite préalable. La requête ne pouvait ainsi qu'être rejetée dans son ensemble, aucune des conditions nécessaires n'étant remplies.

C. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 18 juillet 2025, A______ a formé recours contre ce jugement. Elle a requis de la Cour qu'elle réexamine sa demande et ordonne l'ouverture de la faillite conformément à l'art. 190 al. 1 ch. 1 LP.

b. B______ n'a pas répondu au recours dans le délai que la Cour lui avait imparti.

c. Le 24 juillet 2025, le Tribunal a transmis à la Cour un courrier que B______ lui avait adressé, daté du 21 juillet 2025, dans lequel celle-ci expose, notamment, n'avoir pris connaissance de la citation à comparaître qui lui avait été adressée que le 18 juillet 2025 et qu'elle était actuellement sans domicile fixe.

d. La Cour a gardé la cause à juger le 21 août 2025.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP et 194 al. 1 LP).

Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable.

2. La recourante soutient que le fait que l'intimée ne soit pas inscrite au registre du commerce ne constitue pas un obstacle au prononcé de la faillite en application de l'art. 190 al. 1 ch. 1 LP.

2.1
2.1.1
Selon l'art. 190 al. 1 LP, le créancier peut requérir la faillite sans poursuite préalable si le débiteur n’a pas de résidence connue, s’il a pris la fuite dans l’intention de se soustraire à ses engagements, s’il a commis ou tenté de commettre des actes en fraude des droits de ses créanciers ou celé ses biens dans le cours d’une poursuite par voie de saisie dirigée contre lui (ch. 1) ou si le débiteur sujet à la poursuite par voie de faillite a suspendu ses paiements (ch. 2).

2.1.2 L'autorité qui se refuse à statuer, ou ne le fait que partiellement, commet un déni de justice formel et viole l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 144 II 184 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_210/2024 du 13 juin 2025 consid. 3.1).

Il en va de même de l'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinente pour l'issue du litige (ATF 135 I 6 consid. 2.1; 134 I 229 consid. 2.3; 117 Ia 116 consid. 3a).

2.1.3 L'avis aux parties de l'audience de faillite avant la tenue de celle-ci (art. 168 LP) est une condition formelle de la décision de faillite. Si cet avis n'a pas lieu, le droit des parties d'être entendues, protégé par l'art. 29 al. 2 Cst., est violé, car il découle de ce droit notamment le droit d'être cité régulièrement aux débats. La fiction de notification valant en cas d'envoi recommandé ne s'applique pas à l'avis de l'audience de faillite (ATF 138 III 225 consid. 3).

La notification est effectuée par publication dans la feuille officielle cantonale ou dans la Feuille officielle suisse du commerce notamment lorsque le lieu de séjour du destinataire est inconnu et n’a pu être déterminé en dépit des recherches qui peuvent raisonnablement être exigées ou lorsqu’une notification n’est pas possible ou présente des difficultés extraordinaires (art. 140 al. 1 let. a et b CPC).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a examiné la requête de la recourante sous l'angle de l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP exclusivement et rejeté celle-ci au motif que les conditions d'application de cette disposition n'étaient pas remplies. La requête était cependant fondée sur l'art. "190 ch. 1 LP" et exposait que l'intimée n'avait pas pu être atteinte et qu'elle cherchait à se soustraire à ses obligations, hypothèse qui est visée par l'art. 190 al. 1 ch. 1 LP, et non 190 al. 1 ch. 2 LP. Le Tribunal n'a dès lors pas examiné les arguments, pertinents, de la recourante, dont elle a ainsi violé les droits résultant de l'art. 29 al. 1 Cst.

Il est au surplus relevé que le courrier recommandé contenant la convocation à l'audience du Tribunal n'a pas été réclamé par l'intimée, qui n'a dès lors pas été valablement convoquée. Il appartenait dès lors au Tribunal soit de procéder à une nouvelle notification postale, soit de procéder par voie édictale.

Au vu de ce qui précède, le jugement attaqué sera annulé et la cause renvoyée au Tribunal.

3. Au vu de l'issue du litige, les frais judiciaires de la procédure de recours seront laissés à la charge de l'État de Genève (art. 107 al. 2 CPC). L'avance fournie par la recourante lui sera restituée.

Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée qui comparait en personne, étant relevé, en tout état de cause, que l'art. 107 al. 2 CPC ne prévoit pas la possibilité de mettre les dépens à charge du canton si celui-ci n'est pas partie au procès (ATF 140 III 385 consid. 4.1).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 18 juillet 2025 par A______ contre le jugement JTPI/8848/2025 rendu le 10 juillet 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11876/2025.

Au fond :

Annule ce jugement et renvoie la cause au Tribunal de première instance.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Laisse les frais judiciaires de recours à la charge de l'État de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer l'avance de 750 fr. fournie par A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur
Laurent RIEBEN, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.