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ACJC/1171/2025 du 02.09.2025 ( SQP ) , IRRECEVABLE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/155/2025 ACJC/1171/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 2 SEPTEMBRE 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre une ordonnance rendue par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 avril 2025, représenté par Me Hervé CRAUSAZ, avocat, Chabrier Avocats Sàrl, rue du Rhône 40, case postale 1363, 1211 Genève 1,
et
Hoirie de feu Monsieur B______, soit pour elle :
1. Madame C______, domiciliée ______ [GE], et
2. Monsieur D______, domicilié ______ [GE], et
E______ LIMITED, sise ______, Channel Islands,
intimés, représentés par Mes Fedor POSKRIAKOV et Xavier FAVRE-BULLE, avocats, Lenz & Staehelin, route de Chêne 30, case postale 615, 1211 Genève 6.
A. Par ordonnance du 15 avril 2025, reçue par les parties le 17 avril 2025, le Tribunal de première instance a imparti à "feu B______" et E______ LIMITED un délai de dix jours pour rectifier leur requête de séquestre déposée le 8 janvier 2025 en indiquant les membres de l'hoirie de B______.
B. a. Le 28 avril 2025, A______ a formé recours contre cette décision, concluant principalement à ce que la Cour de justice l'annule, avec suite de frais et dépens.
b. Le 13 juin 2025, l'hoirie de feu B______, soit pour lui C______ et D______, ainsi que E______ LIMITED, ont conclu à ce que la Cour déclare le recours irrecevable, subsidiairement le rejette, avec suite de frais et dépens.
c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.
d. Elles ont été informées le 23 juillet 2025 de ce que la cause était gardée à juger par la Cour.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.
a. B______ était domicilié à Genève jusqu'à son décès survenu le ______ 2024. L'inventaire de sa succession est actuellement en cours. Ses héritiers provisoires sont C______ et D______, domiciliés à Genève.
b. E______ LIMITED est une société holding sise à Guernesey, qui était détenue à 100% par feu B______, et est actionnaire du groupe F______ actif dans la gestion de fortune.
c. Par sentence arbitrale du 26 février 2024, A______ et G______ LIMITED ont été condamnés solidairement à verser à feu B______ et E______ LIMITED 700'651 fr. 78 et 2'171,88 euros, intérêts en sus.
Feu B______ et E______ LIMITED ont pour leur part été condamnés à verser 57'171,44 USD à A______ et G______ LIMITED, intérêts en sus.
d. Le 21 mars 2024, ces derniers ont obtenu un séquestre n° 1______, à hauteur de 640'189 fr. 51, des biens de A______ en mains [de la banque] H______, de ses créances à l'égard de I______ SA sise à Genève et de l'usufruit dont il est titulaire sur une part de copropriété du bien-fonds sis chemin 2______ no. ______, à J______ [GE].
e. En validation de ce séquestre, feu B______ et E______ LIMITED ont fait notifier le 7 mai 2024 à A______ un commandement de payer, poursuite n° 3______, portant sur 640'189 fr. 51 intérêts en sus, auquel il a été formé opposition.
f. La mainlevée définitive de cette opposition a été prononcée par jugement du Tribunal JTPI/14600/2024 du 19 novembre 2024.
g. Le 12 décembre 2024, feu B______ et E______ LIMITED ont requis la continuation de la poursuite, étant précisé que le recours formé par A______ contre le jugement précité n'a pas obtenu l'effet suspensif.
h. Par décision du 3 janvier 2025, l'Office des poursuites a fait savoir à feu B______ et E______ LIMITED que le séquestre n° 1______ était devenu caduc au motif que 21 jours s'étaient écoulés entre la notification du jugement de mainlevée et la requête de continuation de la poursuite.
i. le 8 janvier 2025, les précités ont déposé par devant le Tribunal une nouvelle requête de séquestre, à concurrence de 640'189 fr. 51 plus intérêts, portant sur les biens de A______ en mains notamment de différentes institutions bancaires et financières.
j. Le séquestre a été ordonné le 9 janvier 2025, par ordonnance n° 4______.
k. Le 10 mars 2025, A______ a formé opposition à ce séquestre, concluant principalement à ce que le Tribunal constate sa nullité et ordonne à l'Office des poursuites de libérer les biens séquestrés. Il a notamment fait valoir que la demande de séquestre contenait un vice de forme irréparable car elle ne désignait pas nommément tous les membres de l'hoirie de feu B______.
1. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal, se fondant sur l'art. 56 CPC, a considéré que l'interdiction du formalisme excessif, imposait d'impartir aux intimés un délai pour rectifier leur demande de séquestre en désignant nommément les membres de l'hoirie de feu B______.
Les recourants font notamment valoir que la "rectification des parties à ce stade n'est plus envisageable ni possible dès lors qu'un jugement a déjà été rendu par le Tribunal (…) au nom d'une partie qui n'a pas la capacité civile active".
1.1 Le recours est recevable contre les ordonnances d'instruction lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).
La notion de préjudice difficilement réparable est plus large que celle de préjudice irréparable consacré par l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Ainsi, elle ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre la réalisation de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (COLOMBINI, Code de procédure civile, condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, 2018, n. 4.1.3 ad art. 319 CPC; BLICKENSTORFER, Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO], 2011, n. 39 ad art. 319 CPC; JEANDIN, Commentaire romand, 2019, n. 22 ad art. 319 CPC et références citées).
Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne constitue ainsi pas un préjudice difficilement réparable (SPÜHLER, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2024, n. 7 ad art. 319 CPC; HOFFMANN-NOWOTNY, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n. 25 ad art. 319 CPC).
Lorsque la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, la décision incidente ne pourra être attaquée qu'avec le jugement rendu au fond (Message du Conseil fédéral relatif au CPC, FF 2006 6841, p. 6984; BRUNNER, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2024, n. 13 ad art. 319 ZPO; BLICKENSTORFER, op. cit., n. 40 ad art. 319 CPC).
Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1; HALDY, Commentaire romand, n. 9 ad art. 126 CPC).
1.2 En l'espèce l'ordonnance querellée est une ordonnance d'instruction au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, susceptible de recours à condition qu'elle risque de causer au recourant un préjudice difficilement réparable.
Or celui-ci n'indique pas dans son recours en quoi l'ordonnance querellée serai susceptible de lui causer un tel préjudice.
L'on ne saurait par ailleurs considérer que l'existence d'un préjudice difficilement réparable est évidente. En effet, le recourant aura la possibilité, si il s'y estime fondé, de faire valoir ses griefs en lien avec la rectification de la requête de séquestre dans un éventuel recours contre la décision au fond qui sera rendue par le Tribunal à l'issue de la procédure d'opposition à séquestre.
Le recours est dès lors irrecevable.
2. Les frais judiciaires de recours, arrêtés à 600 fr. (art. 41 et 13 RTFMC) et compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève, seront laissés à la charge du recourant qui succombe (art. 106 al. 1 et 111 CPC).
Les dépens alloués aux intimés seront fixés à 4'000 fr., débours et TVA inclus (art. 85, 87, 88, 89 et 90 RTFMC).
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La Chambre civile :
Déclare irrecevable le recours interjeté par A______ contre l'ordonnance rendue le 15 avril 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/155/2025.
Laisse à la charge de A______ les frais judiciaires de recours, arrêtés à 600 fr. et compensés avec l'avance fournie.
Condamne A______ à verser à l'Hoirie de B______, soit pour elle C______ et D______, ainsi qu'à E______ LIMITED, pris solidairement, 4'000 fr. de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Fabienne GEISINGER-MARITHOZ, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Barbara NEVEUX, greffière.
La présidente : Fabienne GEISINGER-MARITHOZ |
| La greffière : Barbara NEVEUX |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.