Décisions | Sommaires
ACJC/874/2025 du 24.06.2025 sur JTPI/2431/2025 ( SML ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/22095/2024 ACJC/874/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 24 JUIN 2025 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 31 janvier 2025,
et
Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé.
A. Par jugement JTPI/2431/2025 du 31 janvier 2025, reçu par A______ le 27 février 2025, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a débouté la précitée des fins de sa requête de mainlevée provisoire contre B______ (ch. 1 du dispositif) et laissé les frais judiciaires - arrêtés à 200 fr. - à sa charge (ch. 2 et 3).
Il a retenu que les titres produits ne valaient pas reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, de sorte que la requête de mainlevée devait être rejetée.
B. a. Le 7 mars 2025, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à son annulation et au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée à la poursuite n° 1______.
Elle a allégué des faits nouveaux.
b. Dans sa réponse du 26 mars 2025, B______ a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais.
c. Par détermination spontanée du 9 avril 2025, A______ a réduit ses conclusions, sollicitant que la mainlevée provisoire soit prononcée à concurrence de 1'400 fr. (poste 1 du commandement de payer).
Elle a allégué des faits nouveaux et produit une pièce nouvelle (pièce 7), à savoir des captures d'écran de son téléphone portable.
d. La cause a été gardée à juger le 28 avril 2025, ce dont les parties ont été informées le même jour.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.
a. C______ SARL, société inscrite au Registre du commerce de Genève depuis le ______ 2024, a pour but l'achat, la vente, l'importation, l'exportation, la représentation et la distribution de produits agricoles et alimentaires, ainsi que le commerce de tous produits et les services, conseils et prestations y relatifs.
B______ en est l'associé-gérant, avec signature individuelle.
b. Le 4 septembre 2024, A______ a fait notifier à C______ SARL un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme de 1'400 fr. avec intérêt à 5% dès le 5 août 2024, réclamée au titre de "prêt au nom de la société C______ SARL, dont le représentant/responsable est M. B______ (argent demandé par le débiteur pdt son séjour en Sicile)" (poste 1), ainsi que divers montants totalisant 807 fr. 70, réclamés au titre de frais liés à un voyage en Sicile (billets d'avion et de train, taxi, restaurant, etc.) (postes 2 à 8).
Ce commandement de payer a été frappé d'opposition totale.
c. Par requête du 23 septembre 2024 dirigée contre B______, A______ a sollicité du Tribunal qu'il prononce la mainlevée provisoire de cette opposition.
Elle a annexé plusieurs pièces à sa requête, soit des courriels/messages WhatsApp échangés par les parties, un relevé de carte de crédit, des justificatifs de paiement non signés (factures, quittances) et un relevé bancaire attestant d'un virement de 1'400 fr. opéré en faveur de C______ SARL le 5 juillet 2024. Elle a aussi produit :
(i) un courrier du 15 août 2024, adressé à "C______ SARL, à l'attention de Monsieur B______", par lequel elle sommait ce dernier de lui rembourser le montant de 2'226 fr. qu'elle lui avait prêté pour un voyage en Sicile;
(ii) un courrier de C______ SARL du 26 août 2024, par lequel la société, représentée par B______, a contesté devoir le montant de 2'226 fr. réclamé par A______, soulignant n'avoir aucune dette envers celle-ci;
(iii) un courrier du 26 août 2024, par lequel B______ s'est adressé en ces termes à A______ : "Dans les faits, je conteste toute dette, motifs et délai envers toi. En effet, tu m'as offert le voyage, en échange je t'ai payé énormément de choses sur place. (…) Par souci de paix, et afin de ne plus subir tes insultes, calomnies, harcèlements, etc. je te propose de te verser 1'400 CHF afin de régler cette situation à l'amiable. (…). Au vu de ma situation personnelle, je pourrais effectuer le premier paiement en date de 01.10.2024 à hauteur minimum de 50.- par mois. Je promets solennellement à travers cette lettre de régler cette somme de 1'400 CHF le plus vite possible en fonction de l'évolution de ma situation personnelle. Je te demande en échange de cette somme, de ne plus m'approcher, de ne plus m'écrire, de ne plus contacter ma famille, mes collègues, ou de me harceler de quelconque manière sur mon lieu de travail (…)".
d. Lors de l'audience du 31 janvier 2025, à laquelle B______ n'a pas comparu, A______ a persisté dans ses conclusions.
Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.
1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique
(art. 251 let. a CPC).
Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1
et 2 CPC).
En l'espèce, le recours a été formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi, de sorte qu'il est recevable.
1.2 Devant l'autorité de recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).
En conséquence, les faits nouveaux et les pièces nouvelles dont la recourante se prévaut devant la Cour sont irrecevables.
1.3 L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (art. 320 CPC; HOHL, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).
1.4 La procédure sommaire étant applicable, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 al. 1 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).
2. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir retenu que les pièces produites ne valaient pas titre de mainlevée provisoire au sens de l'art. 82 al. 1 LP.
2.1.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP). Le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP).
2.1.2 La procédure de mainlevée provisoire est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire. Le juge de la mainlevée provisoire examine seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle - et non la validité de la créance - et lui attribue force exécutoire si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires
(ATF 145 III 160 consid. 5.1).
Le juge de la mainlevée doit vérifier d'office l'existence matérielle d'une reconnaissance de dette (ATF 142 III 720 consid. 4.1; 139 III 444 consid. 4.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_940/2020 du 27 janvier 2021 consid. 3.1).
Pour que la mainlevée provisoire soit prononcée, il faut que le poursuivant soit au bénéfice d'une reconnaissance de dette qui, outre les caractéristiques relatives à l'obligation de payer du débiteur (cf. infra consid. 2.1.3), réunisse les trois identités, soit l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné, et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté (ATF 143 III 221 consid. 4; 142 III 720 consid. 4.1; 139 III 444 consid. 4.1.1). Le créancier doit être aisément déterminable au moment de l'élaboration de la reconnaissance de dette, son identité devant ainsi figurer sur le titre. En outre, l'auteur de la reconnaissance de dette doit être identique au poursuivi désigné sur le commandement de payer; il suffit pour cela qu'il ait signé la reconnaissance de dette. Enfin, la prétention figurant sur le commandement de payer doit être identique à la prétention figurant sur le titre (ABBET/VEUILLET, La mainlevée de l'opposition, 2022 n. 74, 81 et 92 ad art. 82 LP et les réf. citées).
2.1.3 Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1).
Cette volonté doit résulter clairement des pièces produites et non d'actes concluants. A défaut, elle ne peut être déterminée que par le juge du fond et la mainlevée doit être refusée. Cela étant, il n'est pas nécessaire que le titre contienne une promesse de payer la dette; il suffit qu'il atteste du fait que le poursuivi se considère obligé de payer cette dette. Il en va ainsi de la lettre par laquelle le débiteur sollicite la remise de tout ou partie de sa dette ou un délai de paiement sans contester la dette elle-même (ABBET/VEUILLET, op. cit., n. 36 et 37 ad art. 82 LP et les réf. citées).
2.2 En l'espèce, c'est à bon droit que le Tribunal a rejeté la requête de mainlevée.
Il est en effet constant que la poursuite n° 1______ est dirigée contre C______ SARL, société dont l'intimé est l'associé-gérant, et non contre l'intimé lui-même. Il est également constant que la requête de mainlevée est dirigée contre l'intimé et non contre la société poursuivie. Or, si la recourante entendait obtenir la mainlevée de l'opposition formée à cette poursuite, il lui incombait d'assigner la débitrice poursuivie (i.e. C______ SARL) et non une tierce personne qui ne fait pas l'objet de la poursuite litigieuse (i.e. l'intimé).
Au surplus, le recourante ne se prévaut d'aucun acte sous seing privé signé par la société poursuivie, d'où ressortirait sa volonté de lui payer, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et échue. Au contraire, dans son courrier du 26 août 2024, C______ SARL a expressément contesté devoir de l'argent à la recourante.
C'est ainsi avec raison que le Tribunal a refusé de prononcer la mainlevée provisoire de l'opposition formée à la poursuite n° 1______.
Le recours, infondé, sera rejeté.
3. Les frais judiciaires de recours, arrêtés à 300 fr. (art. 48 et 61 OELP), seront mis à la charge de la recourante, qui succombe, 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
Il ne sera pas alloué de dépens de recours à l'intimé qui plaide en personne et n'a pas effectué de démarches justifiant leur allocation (art. 95 al. 3 let. c CPC).
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La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 7 mars 2025 par A______ contre le jugement JTPI/2431/2025 rendu le 31 janvier 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22095/2024-8 SML.
Au fond :
Rejette ce recours.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judicaires de recours à 300 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.
Le président : Laurent RIEBEN |
| La greffière : Marie-Pierre GROSJEAN |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.