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ACJC/870/2025 du 24.06.2025 sur JTPI/3171/2025 ( SML ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/15037/2024 ACJC/870/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 24 JUIN 2025 |
Entre
A______ SÀRL, sise ______ [VD], recourante contre un jugement rendu par la 24ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 27 février 2025, représentée par B______ protection juridique,
et
C______ SÀRL, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Boris LACHAT, avocat, Lachat Marconi Muller Avocats, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219, 1211 Genève 8.
A. Par jugement du 27 février 2025, le Tribunal de première instance a débouté A______ SÀRL de toutes ses conclusions en mainlevée provisoire
(ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judicaires à 400 fr. (ch. 2), les a mis à la charge de A______ SÀRL (ch. 3) et a condamné cette dernière à verser 830 fr. TTC à C______ SÀRL à titre de dépens (ch. 4).
B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 13 mars 2025, A______ SÀRL a formé recours contre ce jugement. Elle a conclu, avec suite de frais, à sa réforme en ce sens que la mainlevée provisoire de l'opposition au commandement de payer, poursuite n° 1______, était prononcée à hauteur de 18'788 fr. 85 avec intérêts à 5% dès le 13 février 2024.
Elle a produit une pièce nouvelle, à savoir un courriel de D______ SA du 13 mars 2025.
b. C______ SÀRL a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, avec suite de frais judiciaires et dépens.
c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.
d. Elles ont été informées le 9 mai 2025 de ce que la cause était gardée à juger.
C. a. A______ SÀRL et C______ SÀRL ont conclu un contrat portant sur l'installation d'un monnayeur dans les locaux de C______ SÀRL.
b. Le 7 novembre 2023, A______ SÀRL a fait parvenir un prospectus, l'offre et une proposition de leasing, indiquant qu'il était nécessaire pour C______ SÀRL de demander à son "fournisseur de soft de caisse enregistreuse" si celle-ci fonctionnait sur Windows.
c. Le 11 janvier 2024, C______ SÀRL a signé avec la mention "bon pour accord" le devis relatif au monnayeur d'un montant de 18'788 fr. 85.
Il était indiqué, s'agissant du mode de règlement: "à la commande au vu des conditions consentis (sic) ou leasing (offre annexée)".
d. Un contrat de leasing émis par D______ AG, en tant que donneur de leasing et bénéficiaire, a été signé par C______ SÀRL comme preneur de leasing le 13 février 2024 pour des mensualités de 365 fr. par mois sur 60 mois ainsi que des frais uniques de dossier de 200 fr.
Il était mentionné que A______ SÀRL, en tant que fournisseur des objets de leasing, n'était pas autorisé à représenter le donneur de leasing et ne pouvait faire aucune déclaration engageant le donneur de leasing.
Le point 3 indiquait que le preneur de leasing confirmait que l'objet du leasing avait été livré par le fournisseur dans un état conforme à ce qui était prévu contractuellement et exempt de défaut, le donneur de leasing cédant au preneur de leasing l'ensemble des droits de garantie légale découlant du contrat de vente. D'éventuels défauts ne dispensaient pas le preneur de leasing de continuer à devoir s'acquitter des redevances de leasing.
Le point 5 du contrat prévoyait que C______ SÀRL acceptait D______ AG comme donneur de leasing et que les engagements de paiement énoncés étaient considérés comme reconnaissance de dette. Les conditions générales étaient considérées comme acceptées et faisaient partie intégrante du contrat de leasing.
Une reprise cumulative de dette était signée par la représentante de C______ SÀRL, acceptant sa responsabilité pour "toutes les créances découlant du contrat et de sa fin".
e. Il ressort des échanges de courriels subséquents que le produit vendu ne pouvait pas fonctionner dès lors que le logiciel d'encaissement utilisé par C______ SÀRL n'était pas installé sous Windows.
f. Par courriel du 17 avril 2024, C______ SÀRL a averti A______ SÀRL de ce qu'aucune installation ne serait faite sans une analyse de compatibilité entre les systèmes.
Il ressort d'un échange de courriels du 18 avril 2024 que A______ SÀRL restait dans l'attente de connaître le nom du logiciel utilisé par C______ SÀRL alors que cette dernière indiquait que si le système ne devait pas être compatible, une autre solution devait être envisagée.
g. Le 11 juin 2024, A______ SÀRL a fait notifier à C______ SÀRL un commandement de payer pour la somme de 18'788 fr. 85 avec intérêts à 5% l'an dès le 13 février 2024, poursuite n° 1______.
C______ SÀRL y a formé opposition.
h. Par requête adressée au Tribunal le 24 juin 2024, A______ SÀRL a conclu au prononcé de la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à hauteur de 18'788 fr. 85, avec intérêts à 5% dès le 13 février 2024. Elle a invoqué comme titre de la créance le devis accepté par C______ SÀRL le 11 janvier 2024.
i. Lors de l'audience devant le Tribunal du 9 décembre 2024, A______ SÀRL n'était ni présente ne représentée.
C______ SÀRL a déclaré confirmer son opposition au commandement de payer. Lorsqu'elle avait signé l'offre, elle n'était pas informée du fait que le logiciel devait fonctionner sous Windows et cela ne ressortait pas de l'offre. La prestation n'avait pas été offerte par A______ SA. Elle a produit une pièce.
j. Dans son jugement du 27 février 2024, le Tribunal a considéré que C______ SÀRL avait accepté le devis par sa signature pour le montant indiqué. Toutefois, s'agissant de l'exigibilité de la dette, le document signé prévoyait des modalités de paiement par le biais d'un contrat de leasing, lequel avait été conclu entre D______ AG et C______ SÀRL. Il n'apparaissait pas que ce contrat avait été résilié, les conditions générales n'étant en outre pas produites. A______ SA n'était pas partie à ce contrat. Elle n'établissait dès lors pas l'exigibilité de la créance alléguée et elle devait donc être déboutée de ses conclusions.
1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique
(art. 251 let. a CPC).
1.2 Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée.
Interjeté en temps utile et selon les formes prescrites, le recours est recevable.
1.3 Selon l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables.
La pièce nouvelle produite par la recourante devant la Cour (pièce n° 6) est donc irrecevable.
1.4 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).
1.5 La procédure sommaire étant applicable, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 al. 1 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).
2. La recourante invoque une constatation manifestement inexacte des faits quant à la conclusion d'un contrat de leasing entre l'intimée et D______. Elle soutient qu'il y avait eu une simple proposition de leasing, qui n'avait jamais abouti, comme le prouvait le courriel de D______ du 13 mars 2025.
Cette pièce est toutefois nouvelle est, partant, irrecevable (cf. supra consid. 1.3) et elle n'est dès lors pas apte à rendre arbitraire la constatation indiquée. Il ressort par ailleurs du courriel de la recourante du 18 avril 2024 que celle-ci se réfère au "contrat de leasing signé par [l'intimée] le 13 février 2024".
Il ne peut dès lors être considéré que le Tribunal a arbitrairement retenu qu'un contrat de leasing avait été conclu entre l'intimée et D______.
3. La recourante invoque à titre de reconnaissance de dette le devis du
11 janvier 2024. Elle avait notamment offert d'exécuter sa prestation en contactant l'intimée pour convenir d'une date d'installation, offre que cette dernière avait refusé en invoquant une incompatibilité du monnayeur avec son système informatique.
3.1
3.1.1 Selon l'art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1); le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).
Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi – ou son représentant -, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1 et les références). Une reconnaissance de dette peut résulter du rapprochement de plusieurs pièces, dans la mesure où les éléments nécessaires en résultent (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 627 consid. 2 et la référence).
Pour que la mainlevée provisoire soit prononcée (art. 82 LP), il faut que le poursuivant soit au bénéfice d'une reconnaissance de dette qui, outre les caractéristiques relatives à l'obligation de payer du débiteur, réunisse les trois identités, soit l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné, et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1; arrêt 5A_58/2015 du 28 avril 2015 consid. 3, non publié aux ATF 141 III 185).
3.1.2 Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies (ATF 145 III 20, consid. 4.1.1).
3.1.3 Le contrat de leasing est le contrat par lequel une personne cède à une autre, pour une période déterminée, l'usage et la jouissance d'une chose mobilière acquise auprès d'un tiers, moyennant le paiement de redevances périodiques. Le bien est livré par le fournisseur directement au preneur de leasing, exécutant de la sorte le contrat de vente. Le bien est propriété du crédit-bailleur et mis à disposition du preneur. Le crédit-bailleur paie le prix au fournisseur et acquiert seul la propriété de la chose (Tercier/Bieri/Carron, Les contrats spéciaux,
5ème éd. 2016, p. 1053 s).
3.2 En l'espèce, l'argumentation juridique de la recourante, qui se fonde sur un état de fait différent de celui du jugement attaqué quant à la conclusion d'un leasing par l'intimée en lien avec la vente du monnayeur par la recourante, dont elle n'a pas démontré qu'il serait arbitraire, est irrecevable.
La recourante relève elle-même, à juste titre, que si un contrat de leasing a été conclu par l'intimée – ce qui a été retenu sans arbitraire –, aucun litige s'y rapportant ne peut survenir entre elle et l'intimée. En effet, dans le cadre d'un contrat de leasing, le bien vendu, soit en l'espèce un monnayeur, est acquis par le donneur de leasing, qui en devient propriétaire et est créancier des redevances dues par le preneur de leasing, soit en l'occurrence l'intimée, à titre du prix de vente. Le donneur de leasing, soit D______ AG, est réputée avoir acquis le monnayeur auprès du vendeur, de sorte que ce dernier, soit en l'occurrence la recourante, n'est plus créancière de l'intimée pour le prix de vente.
Dans ces circonstances, en l'absence d'identité entre le créancier et la poursuivante, la requête de mainlevée n'est pas fondée, de sorte que c'est à bon droit que le Tribunal a débouté la recourante de toutes ses conclusions en mainlevée provisoire.
Le recours sera dès lors rejeté.
4. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires
(art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 600 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'État de Genève.
La recourant sera également condamnée à verser à l'intimée un montant de 500 fr. à titre de dépens (art. 85, 89 et 90 RTFMC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 13 mars 2025 par A______ SÀRL contre le jugement JTPI/3171/2025 rendu le 27 février 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15037/2024-24 SML.
Au fond :
Rejette ce recours.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires de recours à 600 fr., les met à la charge de A______ SÀRL, et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'État de Genève.
Condamne A______ SÀRL à verser à C______ SÀRL la somme de 500 fr. à titre de dépens de recours.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.
Le président : Laurent RIEBEN |
| La greffière : Marie-Pierre GROSJEAN |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.