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C/13995/2024

ACJC/637/2025 du 15.05.2025 sur JTPI/14653/2024 ( SML ) , CONFIRME

Normes : LP.82; CC.842
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13995/2024 ACJC/637/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 15 MAI 2025

 

Entre

A______, sise ______ [ZH], recourante contre un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 18 novembre 2024, représentée par Mes Hubertus HILLERSTRÖM et Mathieu ZUFFEREY, avocats, Walder Wyss SA, rue du Rhône 14, case postale, 1211 Genève 3,

et

SOCIETE IMMOBILIERE B______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Marco VILLA, avocat, FBT Avocats SA, rue du 31-Décembre 47, case postale 6120, 1211 Genève 6.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/14653/2024 du 18 novembre 2024, reçu par [la banque] A______ le 25 novembre 2024, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure sommaire, a rejeté la requête de la précitée en mainlevée de l'opposition formée par SOCIETE IMMOBILIERE B______ SA (ci-après: SI B______ SA) contre le commandement de payer dans la poursuite n° 1______ en réalisation de gage immobilier (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 4'000 fr., compensés partiellement avec l'avance fournie de 2'000 fr. et laissés à la charge de A______ (ch. 2 à 4), condamné la précitée à payer 2'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde des frais judiciaires, et 2'000 fr. à SI B______ SA, à titre de dépens (ch. 5 à 6), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B.            a. Par acte expédié à la Cour de justice le 5 décembre 2024, A______ a formé recours contre ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation. Cela fait, elle a conclu principalement au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée à la poursuite n° 1______, à hauteur de 19'662'022 fr. 21 avec intérêts à 6.750% dès le 1er octobre 2023 et de 481'333 fr. 44, et à ce qu'il soit dit que cette poursuite irait sa voie, sous suite de frais et dépens de première et seconde instances.

b. Dans sa réponse, SI B______ SA a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais et dépens.

c. Les parties ont répliqué, dupliqué et déposé des écritures spontanées, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. La cause a été gardée à juger le 17 mars 2025, ce dont les parties ont été avisées le jour même.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. SI B______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève qui a pour but l'achat, la vente, l'exploitation, la location et la construction d'immeubles.

C______ est l'unique administrateur de la société depuis mai 2017, avec signature individuelle.

D______ en est l'actionnaire et l'ayant droit économique, étant précisé que son nom ne figure pas sur l'extrait du Registre du commerce concernant SI B______ SA.

b. Le 23 mars 2017, SI B______ SA a constitué devant notaire une cédule hypothécaire sur papier au porteur, pour un capital de 20'000'000 fr., dont elle est la débitrice.

Cette cédule hypothécaire grève la parcelle n° 2______ de la commune de E______, sise route 3______ nos. ______, [code postal] F______, dont SI B______ SA est propriétaire.

c. Le 10 avril 2017, la cédule hypothécaire précitée a été délivrée par le Conservateur du Registre foncier genevois sous le n° 2017-4______.

d.a Au cours de l'été 2019, A______ et D______ ont signé un contrat intitulé "Contrat-cadre pour crédits hypothécaires", aux termes duquel la première a accordé au second un crédit de 20'000'000 fr.

Pour garantir ce crédit, le contrat prévoyait la mise en gage de sûretés au profit de la banque, sous la forme d'une cédule hypothécaire au porteur de 20'000'000 fr. datée du 14 avril 2017, grevant la parcelle n° 2______ de la commune de E______, "constitué[e] en garantie et en possession de la banque conformément au formulaire séparé « Transfert de propriété à fin de garantie »".

d.b En parallèle, le formulaire intitulé "Transfert de propriété à fin de garantie" devait être signé entre A______ et SI B______ SA, dont les noms étaient mentionnés sur la dernière page pour signature.

Il était stipulé dans le formulaire que la cédule hypothécaire de 20'000'000 fr. datée du 14 avril 2017 transmise à la banque offrait à celle-ci "une sûreté pour toutes les créances actuelles et futures contre D______".

Il n'est pas contesté que la signature apposée sur ce document pour le compte de SI B______ SA est celle de D______.

e. Par courrier du 7 septembre 2022 adressé au précité, A______ a résilié avec effet immédiat le contrat-cadre relatif au crédit hypothécaire de 20'000'000 fr., précisant que ce crédit devait être intégralement remboursé à sa date d'échéance, soit le 30 septembre 2022, intérêts en sus.

f. Le 30 novembre 2022, A______ a adressé un courrier de rappel à D______ l'enjoignant de régler son dû, le montant en capital échu au 30 septembre 2022 s'élevant à 19'997'395 fr. 45 et les intérêts débiteurs échus depuis la même date à 108'319 fr. 22.

g. Par courrier du 28 mars 2023, A______, par l'intermédiaire de son conseil, a dénoncé à SI B______ SA la cédule hypothécaire n° 2017-4______ pour le 30 juin 2023, le montant du prêt hypothécaire octroyé à D______ n'ayant pas été remboursé.

h. Le 15 juin 2024, A______ a fait notifier à SI B______ SA un commandement de payer, poursuite n° 1______ en réalisation d'un gage immobilier, pour les sommes de 19'662'022 fr. 21 plus intérêts à 6.750 % dès le 1er octobre 2023 et 481'333 fr. 44.

Les titres de créances invoqués par A______ étaient les suivants : "Créance abstraite portant intérêts à 12 [sic] de l'an incorporée dans la cédule hypothécaire sur papier au porteur de premier rang n° 2017-4______ (2017 5______/0), ID.2017//6______ de CHF 20'000'000 au taux d'intérêt maximal de 12 [sic], datée du 10 avril 2017 (objet du gage : parcelle inscrite au feuillet du registre foncier n° 2______, route 3______ nos. ______, [code postal] E______)" et "Intérêts moratoires à 3.25% impayés du 01.01.23 au 30.09.2023".

Ce commandement de payer a été frappé d'opposition totale.

i. Par requête formée le 6 juin 2024 devant le Tribunal, A______ a sollicité le prononcé de la mainlevée provisoire de cette opposition, avec suite de frais et dépens.

j. Lors de l'audience du 30 septembre 2024, SI B______ SA a conclu à l'irrecevabilité, respectivement au rejet de la requête de mainlevée, avec suite de frais et dépens. Elle a fait valoir diverses objections concernant, d'une part, le rapport de base entre la banque et l'emprunteur des fonds et, d'autre part, la cédule hypothécaire, considérant que le transfert à titre de garantie en faveur de la banque n'était pas valable, le document "Transfert de propriété à fin de garantie" n'ayant pas été signé par l'administrateur de SI B______ SA, mais par D______.

A______ a réfuté ces objections et persisté dans ses conclusions.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

k. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a rejeté la requête en mainlevée pour plusieurs motifs. Premièrement, la banque n'avait pas établi par titres le montant de la dette de base, en capital et intérêts, et son caractère exigible. Une reconnaissance de dette précise faisait ainsi défaut. Deuxièmement, la banque n'avait pas démontré la validité du transfert de propriété de la cédule hypothécaire aux fins de garantie, le contrat y relatif ayant été signé par un tiers non organe formel de SI B______ SA et sans qu'un titre attestant de ses pouvoirs ne soit produit à la procédure. Finalement, la banque n'avait pas établi par titres avoir dénoncé la cédule tant envers le débiteur du rapport de base que vis-à-vis du tiers propriétaire.


 

EN DROIT

1.             1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

En l'espèce, interjeté dans le délai et selon la forme prescrits par la loi (art. 130, 131 et 142 al. 1 CPC), le recours est recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.3 Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2.             La recourante se plaint d'une constatation manifestement inexacte des faits en tant que le Tribunal aurait omis de prendre en compte certains faits, valablement allégués et prouvés, relatifs à la créance abstraite.

2.1 Selon l'art. 320 let. b CPC, le recours est recevable pour constatation manifestement inexacte des faits.

En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1; 136 III 552 consid. 4.2).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a énuméré les preuves que la recourante avait offertes à l'appui de sa requête, en reprenant les éléments de leur contenu utiles à la résolution du litige. Il a ignoré d'autres moyens de preuve produits, dans la mesure où ceux-ci n'étaient pas propres à modifier sa décision.

L'état de fait ci-dessus a été complété dans la mesure utile, en précisant que la débitrice de la cédule hypothécaire au porteur était l'intimée. Pour le surplus, les autres faits prétendument mal constatés sont sans pertinence au vu de l'issue du litige, de sorte qu'ils seront ignorés.

3.             La recourante reproche au Tribunal d'avoir considéré que les titres produits ne valaient pas reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP. Elle soutient que seule la créance cédulaire devait être prouvée par titres et non la créance causale, qu'elle devait être présumée propriétaire fiduciaire de la cédule hypothécaire indépendamment du défaut de signature du contrat par l'administrateur de l'intimée et que la cédule n'avait pas à être dénoncée envers D______.

3.1.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP). Le juge prononce la mainlevée si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP).

Le juge de la mainlevée provisoire doit vérifier d'office l'existence matérielle d'une reconnaissance de dette (ATF 142 III 720 consid. 4.1; 139 III 444 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_940/2020 du 27 janvier 2021 consid. 3.1), l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1).

La procédure de mainlevée provisoire est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire. Le juge de la mainlevée provisoire examine seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle - et non la validité de la créance - et lui attribue force exécutoire si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires (ATF 145 III 160 consid. 5.1). En d'autres termes, le prononcé de la mainlevée ne sortit que des effets de droit des poursuites et ne fonde pas l'exception de chose jugée (res iudicata) quant à l'existence de la créance. La décision du juge de la mainlevée provisoire ne prive pas les parties du droit de soumettre à nouveau la question litigieuse au juge ordinaire (art. 79 et 83 al. 2 LP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_595/2021 du 14 janvier 2022 consid. 6.1 et les arrêts cités).

3.1.2 La cédule hypothécaire est une créance personnelle garantie par gage immobilier (art. 842 al. 1 CC). Elle prend la forme d'une cédule sur papier ou de registre (art. 843 CC). Dans le premier cas, il s'agit d'un papier-valeur qui incorpore à la fois la créance et le droit de gage immobilier qui en est l'accessoire (ATF 140 III 180 consid. 5).

En cas d'utilisation d'une cédule hypothécaire en garantie fiduciaire, le titulaire de la créance de base devient titulaire de la créance cédulaire; il conserve la créance de base, mais s'engage à ne faire valoir la créance cédulaire qu'aux fins de garantie de la créance de base. Une cédule existante peut aussi être cédée au titulaire de la créance de base et les parties conviennent, dans une convention de sûreté, que la cédule n'est destinée qu'à la garantie de la créance de base (déjà existante ou qui va prendre naissance); on parle dans ce cas d'un "transfert aux fins de garantie" de la cédule (arrêt du Tribunal fédéral 5A_894/2021 du 20 avril 2022 consid. 4.2.1). La créance de base peut aussi être la dette d'un tiers, ce qui se déterminera, le cas échéant, selon l'accord passé entre le créancier cédulaire et le débiteur cédulaire (Steinauer, Les droits réels Tome III, 2021, p. 399, ch. 4662; Staehelin, in BSK ZGB II, 2023, n° 54 ad art. 842 ZGB).

La créance cédulaire doit faire l'objet d'une poursuite en réalisation de gage immobilier, tandis que la créance causale doit faire l'objet d'une poursuite ordinaire (ATF 136 III 288 consid. 3.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_894/2021 du 20 avril 2022 consid. 4.2.1).

3.1.3 Dans la poursuite en réalisation de gage immobilier pour la créance abstraite, la cédule hypothécaire au porteur est une reconnaissance de dette au sens de
l'art. 82 al. 1 LP et vaut titre de mainlevée pour la créance incorporée à l'encontre du débiteur figurant dans ce titre, mais seulement dans la mesure où le débiteur est inscrit (ATF 134 III 71 consid. 3 = JdT 2007 II 51 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_398/2010 du 31 août 2010 consid. 3.1; 5A_226/2007 du 20 novembre 2007 consid. 5.1). Un titre de mainlevée pour la créance causale n'est en principe pas nécessaire (ATF 140 III 180 consid. 5.1.2; VEUILLET/Abbet, La mainlevée de l'opposition, 2022, n° 223 ad art. 82).

Il appartient au créancier d'établir par titre que la créance abstraite a été valablement dénoncée et qu'elle était exigible lors de la notification du commandement de payer. La créance causale doit également être exigible, selon les conditions de dénonciation fixées dans le contrat de prêt ou dans les conditions générales auxquelles il se réfère (arrêt du Tribunal fédéral 5A_894/2021 du 20 avril 2022 consid. 4.2.2).

3.1.4 Pour qu'il puisse valablement se prévaloir de la créance abstraite dans une poursuite en réalisation de gage immobilier, le créancier poursuivant doit être le détenteur de la cédule hypothécaire. En cas de transfert, l'acquéreur devient titulaire de la cédule hypothécaire, c'est-à-dire de la créance cédulaire et du droit de gage qui la garantit (art. 864 CC). Le transfert d'une cédule au porteur s'effectue par le biais d'un titre d'acquisition (généralement un contrat de transfert), valable sans forme particulière (arrêt du Tribunal fédéral 5A_894/2021 du 20 avril 2022 consid. 4.2.2). Les parties qui ont réservé la forme écrite sont réputées en avoir fait une condition de la validité du contrat (art. 16 al. 1 CO). Le contrat soumis à la forme écrite doit être signé par toutes les personnes auxquelles il impose une obligation (art. 13 CO cum 16 al. 2 CO).

A moins que sa possession ne soit suspecte ou équivoque, le détenteur d'une cédule hypothécaire au porteur qui s'en prétend propriétaire - même à titre fiduciaire - est présumé en avoir acquis la propriété en vertu de l'art. 930 al. 1 CC et, partant, être titulaire de la créance, garantie par gage immobilier, incorporée dans le papier-valeur. Il incombe alors au débiteur de renverser cette présomption, en rendant à tout le moins vraisemblable sa libération (arrêt du Tribunal fédéral 5A_734/2018 et 5A_736/2018 du 4 décembre 2018 consid. 4.3.3). La présomption tombe dès que la possession est équivoque. Lorsque les circonstances de la possession sont peu claires, le possesseur ne peut pas simplement invoquer sa possession; il doit bien plus se justifier en lien avec le droit invoqué. On peut ainsi exiger du possesseur qu'il s'explique sur l'origine de sa possession. La partie qui conteste la présomption de propriété doit toutefois alléguer et prouver les faits qui s'opposent à la présomption, sans que l'on doive poser des exigences trop strictes à cet égard
(ATF 141 III 7 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_279/2008 du 16 septembre 2008 consid. 6.2; Pichonnaz, in CR CC II, 2016, n° 19 ad art. 930 CC).

3.2 En l'espèce, la recourante soutient être propriétaire de la cédule hypothécaire datée du 10 avril 2017 grevant la propriété de l'intimée en garantie d'un prêt de 20'000'000 fr. octroyé à D______ selon le "Contrat-cadre pour crédits hypothécaires". La cédule lui aurait été transférée en exécution de l'acte de "Transfert de propriété à fin de garantie" conclu entre elle-même et l'intimée.

Bien que le transfert d'une cédule au porteur s'effectue par le biais d'un titre d'acquisition valable sans forme particulière, il n'en demeure pas moins que la forme convenue entre les parties doit être respectée. A cet égard, le "Contrat-cadre pour crédits hypothécaires" stipulait que la remise des sûretés à la banque, sous la forme d'une cédule hypothécaire de 20'000'000 fr. datée du 14 avril 2017, devait intervenir conformément au formulaire "Transfert de propriété à fin de garantie". Ce document prévoyait à sa dernière page la signature de la recourante et de l'intimée, toutes deux parties au transfert de la cédule hypothécaire. Il y a ainsi lieu de retenir que les parties ont réservé la forme écrite, qui est au demeurant nécessaire pour fonder une reconnaissance de dette dans le cadre de la mainlevée provisoire.

Or, celles-ci s'accordent sur le fait que cet acte n'a pas été signé par l'administrateur unique de l'intimée, C______, mais par D______, qui était certes actionnaire de l'intimée, mais sans pouvoir de signature selon le Registre du commerce genevois. Ainsi que l'a constaté le Tribunal, la recourante n'a produit aucun titre attestant d'un éventuel pouvoir de signature, tel qu'une procuration, octroyé par l'intimée à D______.

La recourante soutient nouvellement dans son recours que l'intimée aurait ratifié le contrat de transfert par actes concluants, en remettant la cédule hypothécaire à la banque. L'intimée conteste pourtant la validité du contrat de transfert de la cédule, au motif que son administrateur unique n'aurait jamais signé, ni même vu ce document, de sorte que l'on ignorait sur quelle base il aurait remis la cédule à la banque, si tant est qu'il l'ait fait. D'ailleurs, les circonstances de la remise en possession de la cédule hypothécaire à la recourante n'ont pas été clairement établies, cette dernière s'étant bornée à alléguer dans sa requête de mainlevée que la cédule hypothécaire lui avait été remise, sans autre précision. L'intimée contestant la présomption de propriété, il incombait à la recourante de justifier la licéité de sa possession et la renonciation des parties à la forme écrite, conformément aux principes exposés ci-dessus.

A cela s'ajoute, qu'en sus du défaut de signature valable sur le titre d'acquisition, tant le formulaire de "Transfert de propriété à fin de garantie" que le "Contrat-cadre pour crédits hypothécaires" font référence à une cédule hypothécaire datée du 14 avril 2017, alors que la cédule hypothécaire produite à l'appui de la requête en mainlevée provisoire date du 10 avril 2017.

Au vu des éléments qui précèdent, la recourante échoue à démontrer - par titres et sous l'angle de la vraisemblance - la validité du transfert de propriété de la cédule aux fins de garantie, de sorte qu'elle ne peut, en l'état, se prévaloir de cette cédule pour fonder une poursuite en réalisation du gage.

Ce motif suffit à entraîner le rejet du recours, de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant les autres griefs soulevés par la recourante.

4. Les frais judiciaires de recours seront fixés à 3'000 fr. (art. 48 et 61 OELP), mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés à due concurrence avec l'avance fournie par celle-ci, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 aCPC en relation avec les art. 405 al. 1 et 407f CPC). La recourante se verra restituer le solde de son avance en 3'000 fr.

Elle sera en outre condamnée à verser à l'intimée 1'500 fr., débours et TVA inclus, à titre de dépens de recours (art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC; 23 et 25 LaCC).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 5 décembre 2024 par A______ contre le jugement JTPI/14653/2024 rendu le 18 novembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13995/2024–10 SML.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 3'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 3'000 fr. à A______.

Condamne A______ à verser 1'500 fr. à SOCIETE IMMOBILIERE B______ SA à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.