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C/3567/2025

ACJC/367/2025 du 13.03.2025 sur SQ/364/2025 ( SQP ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 09.04.2025, 5A_263/2025
Normes : LP.271.al1.ch4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3567/2025 ACJC/367/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 13 MARS 2025

 

Pour

A______ SA, sise ______ [GE], recourante contre une ordonnance rendue par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 14 février 2025, représentée par Me Laurent CHASSOT, avocat, gbf Avocats SA, route de Pré-Bois 20, case postale 1911, 1215 Genève 15 Aéroport,

 

 


EN FAIT

A. a. Le 14 février 2025, A______ SA a formé devant le Tribunal de première instance une requête de séquestre à l'encontre de B______ tendant à ce que soit ordonné, à son profit, le séquestre à concurrence de 449'174 fr. 70 de toutes créances détenues par B______ à l'encontre de l'Office des poursuites de Genève en lien avec tout encaissement perçu par ledit Office dans les poursuites n° 1______ et n° 2______ ainsi que de toutes créances à l'encontre de Me C______, relatives à des soldes de provisions d'honoraires, ainsi qu'à toutes autres sommes détenues par ce dernier pour le compte de B______, à ce qu'il soit ordonné au préposé de l'Office des poursuites de Genève de procéder immédiatement au séquestre et à ce qu'elle soit dispensée de fournir des sûretés au sens de l'art. 273 LP, le tout avec suite de frais.

a.a Elle a exposé qu'elle avait été condamnée par jugement du Tribunal de première instance du 29 juin 2022, confirmé par arrêt de la Cour de justice du 6 juin 2023, à payer à B______ la somme de 232'196,70 EUR, avec intérêts à 5% dès le 8 décembre 2016, et de 39'532 EUR, avec intérêts à 5% dès le 6 décembre 2018. Le 10 juillet 2023, elle avait formé recours au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Cour du 6 juin 2023.

a.b Afin d'éviter sa mise en faillite requise par B______ le 2 octobre 2023, le Tribunal fédéral ayant rejeté sa demande d'effet suspensif, elle avait procédé au paiement, le 21 novembre 2023, de la somme de 336'369 fr. 40 en mains de l'Office des poursuites afin de solder la poursuite n° 1______ (laquelle mentionne un jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 12 mai 2016) requise à son encontre par B______, représenté par Me C______. Le 27 et 28 mars 2024, elle avait encore payé, dans le cadre de cette poursuite, les sommes de 1'805 fr. 30 et 2'200 fr. en mains de l'Office des poursuites, ainsi que 1'800 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire le 5 août 2024. Le 29 septembre 2023, B______, représenté par Me C______, avait requis une seconde poursuite contre elle (poursuite n° 2______), en lien avec le jugement du Tribunal du 29 juin 2022, dans le cadre de laquelle elle s'était acquittée d'un montant de 107'000 fr. le 27 mars 2024.

a.c Le 5 septembre 2024, le Tribunal fédéral avait admis son recours formé le 10 juillet 2023 et annulé l'arrêt de la Cour du 6 juin 2023 en ce sens que la demande en paiement formée par B______ était rejetée.

Elle avait dès lors déposé le 20 novembre 2024 une demande en répétition de l'indu à l'encontre de B______ qui ne détenait pas à son encontre de créance ayant fondé les poursuites 1______ et 2______. Le 15 janvier 2025, le Tribunal avait imparti au précité un délai au 17 février 2025 pour répondre à sa demande, lequel avait vraisemblablement versé une provision à Me C______ en vue de la préparation de ladite réponse.

a.d Elle a invoqué l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP à l'appui de sa requête de séquestre, B______ étant domicilié en France. Elle a notamment exposé que les fonds qu'elle avait versé à l'Office des poursuites pour solder les poursuites requises contre elle par B______ devaient être transférés à Me C______. En outre, il était vraisemblable que ce dernier avait sollicité de son client une provision dans le cadre de l'action en répétition de l'indu dirigée contre lui et tant que Me C______ n'avait pas effectué les prestations lui donnant droit à des honoraires, B______ disposait d'une créance à son encontre.

B. Par ordonnance de refus partiel de séquestre du 14 février 2025, reçue le 18 février par A______ SA, le Tribunal de première instance a rejeté le séquestre en tant qu'il portait sur "toutes créances de M. B______ à l'encontre de Me C______, relatives à des soldes de provisions d'honoraires, ainsi qu'à toutes autres sommes détenues par ce dernier pour le compte de M. B______" (ch. 1 du dispositif), l'a admis pour le surplus (ch. 2), a arrêté les frais à 750 fr., les a compensés avec l'avance fournie par A______ SA et les a mis à la charge de B______, qu'il a condamné à verser ce montant à A______ SA (ch. 3), ainsi que le montant de 1'000 fr. à titre de dépens (ch. 4).

Le Tribunal a considéré que A______ SA avait rendu vraisemblable sa créance et que B______ disposait d'une créance à l'encontre de l'Office des poursuites. En revanche, elle ne rendait pas vraisemblable qu'il détiendrait une créance à l'encontre de son conseil, ni que celui-ci détiendrait de l'argent pour son compte. Le séquestre ne devait donc être admis qu'en tant qu'il portait sur les créances détenues par B______ à l'encontre de l'Office des poursuites, mais pas à l'encontre de Me C______.

C. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 28 février 2025, A______ SA a formé recours contre cette ordonnance. Elle a conclu à sa réforme en ce sens que le séquestre était ordonné à concurrence de 449'174 fr. 70 à son profit de toutes créances de B______ à l'encontre de Me C______, relatives à des soldes de provisions d'honoraires ainsi que toutes autres sommes détenues par ce dernier pour le compte de B______, à ce qu'il soit ordonné au préposé de l'Office des poursuites de Genève de procéder immédiatement au séquestre et à ce qu'elle soit dispensée de fournir des sûretés au sens de l'art. 273 LP, le tout avec suite de frais.

b. La Cour a informé A______ SA le 11 mars 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1. 1.1 Contre une décision refusant un séquestre, qui est une décision finale en tant qu'elle met fin à l'instance d'un point de vue procédural, seul le recours est ouvert (art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_508/2012 du 28 août 2012 consid. 3.2; Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 1646).

En matière de séquestre, la procédure sommaire est applicable (art. 251 let. a CPC).

1.2 Le recours, écrit et motivé, doit être formé dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

Déposé selon la forme et le délai prescrits, le recours est recevable.

1.3 Au stade de la requête et de l'ordonnance de séquestre, la procédure est unilatérale et le débiteur n'est pas entendu (art. 272 LP; ATF 133 III 589 consid. 1).

Dans le cadre du recours contre l'ordonnance de refus de séquestre, la procédure conserve ce caractère unilatéral, car, pour assurer son efficacité, le séquestre doit être exécuté à l'improviste. Partant, il n'y a pas lieu d'inviter B______ à présenter ses observations, ce qui ne constitue pas une violation de son droit d'être entendu (ATF 107 III 29 consid. 2 et 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_344/2010 du 8 juin 2010 consid. 5, in RSPC 2010 p. 400, et 5A_279/2010 du 24 juin 2010 consid. 4).

1.4 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait.

En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503 et les références citées). L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait envisageable, voire préférable (ATF 136 III 552 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_48/2023 du 22 mars 2023 consid. 2.2).

1.5 La procédure de séquestre est soumise dans toutes ses phases à la maxime de disposition et à la maxime des débats (art. 58 al. 2 CPC; art. 255 CPC a contrario).

2. La recourante invoque qu'il était insoutenable de considérer, comme l'avait fait le Tribunal, qu'elle n'avait pas rendu vraisemblable que B______ détiendrait une créance à l'encontre de son conseil, sauf à exiger de sa part une probatio diabolica et, à consacrer à tout le moins une violation du degré de preuve applicable, limité à la simple vraisemblance des faits.

2.1
2.1.1
Le séquestre est une mesure conservatoire urgente, qui a pour but d'éviter que le débiteur ne dispose de ses biens pour les soustraire à la poursuite pendante ou future de son créancier (ATF 116 III 111 consid. 3a; 107 III 33 consid. 2).

Le juge du séquestre statue en se basant sur la simple vraisemblance des faits. Les faits à l'origine du séquestre sont rendus vraisemblables lorsque, se fondant sur des éléments objectifs, le juge acquiert l'impression que les faits pertinents se sont produits, mais sans qu'il doive exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_877/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.1; 5A_870/2010 du 15 mars 2011 consid. 3.2). Le point de savoir si le degré de vraisemblance requis par le droit fédéral est atteint dans le cas particulier ressortit à l'appréciation des preuves (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1; 130 III 321 consid. 5 et les références).

Le juge du séquestre procède à un examen sommaire du bien-fondé juridique, c'est-à-dire un examen qui n'est ni définitif, ni complet, au terme duquel il rend une décision provisoire (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1).

2.1.2 Selon l'art. 272 LP, le séquestre est autorisé par le juge du for de la poursuite ou par le juge du lieu où se trouvent les biens, à condition que le créancier rende vraisemblable que sa créance existe (ch. 1), qu’on est en présence d’un cas de séquestre (ch. 2) et qu’il existe des biens appartenant au débiteur (ch. 3).

L'art. 271 al. 1 LP envisage plusieurs cas de séquestre. Il dispose notamment que le créancier d’une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsque le débiteur n’habite pas en Suisse et qu’il n’y a pas d’autre cas de séquestre, pour autant que la créance ait un lien suffisant avec la Suisse ou qu’elle se fonde sur une reconnaissance de dette au sens de l’art. 82 al. 1 LP (ch. 4).

Conformément à l'art. 271 al. 1 LP, un séquestre ne peut frapper que les "biens du débiteur". Ne sont des biens du débiteur que les choses et droits qui, selon les allégations que le créancier rend vraisemblables, lui appartiennent juridiquement, et pas seulement économiquement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_629/2011 du 26 avril 2012 consid. 5.1). Doivent donc être considérés comme biens de tiers tous ceux qui, en vertu des normes du droit civil, appartiennent à une personne physique ou morale autre que le débiteur; en principe, seule l'identité juridique est déterminante en matière d'exécution forcée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_876/2015 du 22 avril 2016 consid. 4.2; 5A_873/2010 du 3 mai 2011 consid. 4.2.2; 5A_654/2010 du 24 novembre 2011 consid. 7.3.1).

2.2 En l'espèce, seule est litigieuse la question du séquestre d'une créance de B______ en mains de son conseil, Me C______.

La recourante soutient à cet égard qu'il est hautement vraisemblable que les sommes qu'elle a payées à l'Office des poursuites ont été remises à Me C______ qui avait été mandaté pour défendre les intérêts de B______ et que ledit conseil détenait ainsi de l'argent pour le compte de son client, relevant que la LP prévoit que les sommes payées auprès de l'Office doivent remises au créancier poursuivant dans un délai de trois jours. Cela étant, la recourante a effectué ses paiements à l'Office des poursuites en novembre 2023 et en mars 2024. Dès lors si les sommes payées ont été transférées à l'avocat de B______, elles lui ont été versées il y a plusieurs mois. Il n'est donc pas vraisemblable, vu l'écoulement du temps, que ledit avocat dispose encore des montants qu'il aurait reçus pour le compte de son client et qu'il devait lui restituer, conformément à ses obligations de mandataire (cf. art. 400 al. 1 CO), la recourante n'alléguant aucun motif permettant de rendre vraisemblable qu'il aurait pu conserver un montant total de plus de 400'000 fr.

La recourante soutient par ailleurs qu'il est d'usage que les avocats réclament une provision à leur client, de sorte qu'il était très vraisemblable que B______ en avait versé une à son avocat pour la préparation de la réponse à sa demande en répétition de l'indu. Il était donc insoutenable de considérer, comme l'avait fait le Tribunal, qu'elle n'avait pas rendu vraisemblable que B______ détiendrait une créance à l'encontre de son conseil.

A cet égard, la recourante allègue, vraisemblablement à raison, qu'il est d'usage qu'un avocat réclame une provision à son client. Elle n'a en revanche allégué aucun élément permettant de retenir, ne serait-ce que sous l'angle de la simple vraisemblance, que, dans le cas d'espèce, cet usage aurait été respecté Les relations entre B______ et son avocat et leurs arrangements ne sont pas connus et l'avocat pouvait renoncer pour des motifs qui lui sont propres à solliciter une provision. En l'absence de toute allégation à cet égard, la recourante n'a donc pas rendu suffisamment vraisemblable le versement d'une provision dans le cas particulier. La recourante avait, en tout état de cause, indiqué dans sa requête de séquestre que tant que Me C______ n'avait pas effectué les prestations lui donnant droit à des honoraires, B______ disposait d'une créance à son encontre. Or, l'avocat disposait d'un délai au 17 février 2025 pour déposer sa réponse à la demande. Au jour du dépôt du recours, soit le 28 février 2025, ce délai était ainsi échu et l'avocat avait donc vraisemblablement déposé la réponse de B______ à la demande de la recourante. L'avocat ayant effectué sa prestation, B______ ne disposerait donc vraisemblablement plus d'une créance à l'encontre de son conseil en lien avec l'avance qu'il aurait versée, étant relevé que les allégations de la recourante ne permettent pas de savoir quelle aurait été l'étendue de la provision qui aurait été demandée et quelle activité elle était destinée à couvrir.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal pouvait retenir sans arbitraire qu'il n'était pas vraisemblable que le conseil de B______ détenait de l'argent pour le compte de son client. Le recours n'est pas fondé, de sorte qu'il sera rejeté.

3. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires du recours, arrêtés à 1'125 fr. et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'État de Genève.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 28 février 2025 par A______ SA contre l'ordonnance SQ/364/2025 rendue le 14 février 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3567/2025–13 SQP.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute A______ SA de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'125 fr., les met à la charge de A______ SA et dit qu’ils sont compensés avec l'avance fournie, laquelle reste acquise à l'État de Genève.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.