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C/8141/2024

ACJC/172/2025 du 04.02.2025 sur JTPI/11076/2024 ( SML ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8141/2024 ACJC/172/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 4 FEVRIER 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 18 septembre 2024, représenté par Me Robert ASSAEL, avocat, c/o Mentha Avocats, rue de l'Athénée 4, case postale 330, 1211 Genève 12,

et

Madame B______, domiciliée ______ [VD], intimée, représentée par
Me Christel BURRI, avocate, ABC Avocats, rue de la Gare 18, case postale 2227,
1260 Nyon 1.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/11076/2024 du 18 septembre 2024, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, pour les deux postes mais à concurrence d'un montant de 429'000 fr. s'agissant du poste 1 (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 750 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, mis à la charge de A______, condamné à les rembourser à B______ qui en avait fait l'avance, ainsi que 1'200 fr. à titre de dépens (ch. 2 et 3) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

En substance, le Tribunal a retenu que B______ était au bénéfice de décisions définitives et exécutoires, lesquelles avaient fixé la contribution à son entretien due par A______ à 11'000 fr. par mois dès le 1er décembre 2020, ainsi qu'un montant de 2'000 fr. à titre de dépens. Au jour de la réquisition de poursuite, le montant dû à titre de contribution d'entretien s'élevait à 429'000 fr. (39 mois x 11'000 fr.) et la précitée n'avait fourni aucune explication permettant de comprendre le montant de 462'962 fr. 50 requis en poursuite. L'exception de compensation soulevée par A______ ne pouvait être admise, le montant de 551'819 fr. 45 invoqué étant contesté par l'intéressée et ne résultant pas d'un titre de mainlevée définitive.

B. a. Par acte du 3 octobre 2024 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Il a conclu à ce que la Cour déboute B______ de ses conclusions en mainlevée définitive, sous suite de frais et dépens.

b. Dans sa réponse du 29 octobre 2024, B______ a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

Elle a produit de nouvelles pièces (n. 1 à 4).

c. Par réplique et duplique des 11 et 25 novembre 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

d. Elles se sont encore déterminées les 9 et 19 décembre 2024.

e. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 17 janvier 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Par jugement JTPI/4794/2022 du 25 avril 2022, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment condamné A______ à verser, à compter du 1er décembre 2020, à titre de contribution à l'entretien de B______, 11'000 fr. par mois (ch. 3 du dispositif).

b. Saisie d'un appel de A______, la Cour a, par arrêt ACJC/1289/2022 du 28 septembre 2022, confirmé le jugement précité et condamné celui-ci à verser à B______ la somme de 2'000 fr. à titre de dépens de recours.

c. Par arrêt 5A_861/2022 du 15 juin 2023, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par A______ contre l'arrêt rendu par la Cour.

d. A la requête de B______, l'Office cantonal des poursuites a notifié le 20 février 2024 à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour les sommes de 462'962 fr. 50, avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2022 (poste 1) et 2'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 28 septembre 2022 (poste 2).

Dans la rubrique "Titre et date de la créance" figure ce qui suit : "Contributions d'entretien selon l'Arrêt de la Cour de Justice du 28 septembre 2022", s'agissant du poste 1, et "Dépens de l'Arrêt de la Cour de Justice du 28 septembre 2022", s'agissant du poste 2.

Opposition y a été formée.

e. Par requête expédiée le 3 avril 2024 au Tribunal, B______ a requis, sous suite de frais et dépens, le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer précité.

Elle a produit, outre la réquisition de poursuite et le commandement de payer, le jugement rendu par le Tribunal le 25 avril 2022, l'arrêt de la Cour du 28 septembre 2022 ainsi que l'arrêt du Tribunal fédéral du 15 juin 2023.

f. A l'audience du Tribunal du 12 août 2024, B______ a persisté dans ses conclusions et a versé une pièce complémentaire.

A______, représenté par son conseil, a conclu au déboutement de la précitée de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens. Il a produit des pièces, soit un extrait du Registre foncier relatif à l'appartement propriété de B______ à C______, un courrier de [la banque] D______ à la précitée du 23 mars 2018, acceptant le remboursement du prêt hypothécaire, valeur au 1er octobre 2018, deux avis de débit du compte de A______ en faveur de B______, sans mention de cause, des 5 avril et 27 septembre 2018, un avis de débit du compte de la précitée en faveur de la D______, ainsi qu'une demande en divorce et son complément.

Il a excipé de compensation, pour une somme de 551'819 fr. 45, correspondant au montant total des frais qu'il disait avoir consentis à B______.

B______ a plaidé et persisté dans ses conclusions, contestant la réalisation des conditions prévues par l'art. 81 al. 1 LP, le paiement de l'appartement par A______ étant pour le surplus intervenu à titre gratuit.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

Le recours a été formé dans le délai et la forme prévus par la loi, de sorte qu'il est recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl/De Poret Bortolaso/Aguet, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

La maxime des débats s'applique et la preuve des faits allégués doit être apportée par titre (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et 254 CPC). En outre, la maxime de disposition s'applique (art. 58 al. 1 CPC).

1.3 Conformément à l'art. 326 al. 1 CPC, les faits nouvellement allégués par l'intimée, ainsi que les pièces nouvellement produites sont irrecevables. Ils ne sont au demeurant pas pertinents pour l'issue de litige.

2.  Le recourant reproche au Tribunal d'avoir prononcé la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer, motif pris de l'absence d'admission de ses créances compensantes.

2.1.1 En vertu de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition. Sont assimilées à des jugements les décisions des autorités administratives suisses (art. 80 al. 2 ch. 2 LP).

Le juge saisi d'une requête de mainlevée définitive doit notamment vérifier si la créance en poursuite et résultant du jugement produit est exigible (Abbet/ Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2017, n. 22 et 34 ad art. 80 LP; Stücheli, Die Rechtsöffnung, Zurich 2000, p. 198; Staehelin, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 2010, n. 39 ad 80 LP).

2.1.2 En vertu de l'art. 81 al. 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que, notamment, l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte postérieurement au jugement.  

Par extinction de la dette, la loi ne vise pas seulement le paiement, mais aussi toute autre cause de droit civil, en particulier la compensation; un tel moyen ne peut toutefois être retenu que si la créance compensante résulte elle-même d'un titre exécutoire ou qu'elle est admise sans réserve par le poursuivant (ATF
136 III 624 consid. 4.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4D_85/2024 du 12 novembre 2024 consid. 4.1; 5A_756/2022 du 20 février 2023 consid. 5.3). Par titre exécutoire prouvant l'extinction par compensation, on entend celui qui justifierait lui-même la mainlevée définitive ou à tout le moins la mainlevée provisoire (ATF 115 III 97 consid. 4; arrêts précités 4A_85/2024 ibid; 5A_756/2022 consid. 5.3). À cet égard, on peut préciser que pour constituer un titre de mainlevée définitive, le jugement ou titre assimilé (p. ex. la transaction judiciaire; ATF 143 III 564 consid. 4.4.4) doit clairement obliger définitivement le débiteur au paiement d'une somme d'argent déterminée, c'est-à-dire chiffrée. Le juge de la mainlevée doit uniquement décider si une telle obligation de payer ressort clairement du jugement exécutoire produit. Il ne lui appartient pas de se prononcer sur l'existence matérielle de la prétention ou sur le bien-fondé du jugement, ni de trancher des questions délicates de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important (ATF 149 III 258 consid. 6.1.1). 

Il incombe au poursuivi d'établir par titre, non seulement la cause de l'extinction, mais encore le montant exact à concurrence duquel la dette en poursuite est éteinte (ATF 149 III 258 consid. 6.1.2; 136 III 624 consid. 4.2.3). Contrairement à ce qui vaut pour la mainlevée provisoire (art. 82 al. 2 LP), le poursuivi ne peut se contenter de rendre vraisemblable sa libération (totale ou partielle), mais doit en apporter la preuve stricte (ATF 149 III 258 consid. 6.1.2; 136 III 624 consid. 4.2.1). 

2.1.3 Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP, en particulier, l'acte sous seing-privé, signé par le poursuivi ou son représentant, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable et exigible (ATF 148 III 145 consid. 4.1.1; 145 III 20 consid. 4.1.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_688/2022 du 23 novembre 2022 consid. 4.1.1). Il peut s'agir soit d'une reconnaissance de dette formelle (art. 17 CO), soit d'un ensemble de pièces dans la mesure où il en ressort les éléments nécessaires (ATF 139 III 297 précité).

La reconnaissance de dette peut découler du rapprochement de plusieurs pièces, pour autant que les éléments nécessaires en résultent, ce qui signifie que l'acte signé doit se référer ou renvoyer clairement et directement aux documents qui indiquent le montant de la dette (ATF 132 III 480 consid. 4.1; 130 III 87, SJ 2004 I 209 consid. 3.1; 122 II 126 consid. 2). Ainsi, pour valoir titre de mainlevée provisoire, une reconnaissance de dette doit chiffrer de manière précise le montant de la prétention déduite en poursuite ou renvoyer à un document écrit qui permet au juge de la mainlevée de déterminer avec exactitude le montant dû (Abbet/ Veuillet, op. cit., n. 27, 47 et 48 ad art. 82 LP et les références citées).

La reconnaissance de dette sous seing privé doit porter la signature du débiteur, apposée à la main. Le message électronique ne portant pas la signature électronique qualifiée ne vaut pas titre de mainlevée (Abbet/ Veuillet, op. cit., n. 15a, 17 et 30 ad art. 82 LP). Des factures - non signées par le débiteur - ne valent pas reconnaissance de dette et ce, même si elles ne sont pas contestées (arrêt du Tribunal fédéral 5P.290/2006 du 12 octobre 2006 consid. 3.2 et les références citées).

2.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'intimée est au bénéfice d'un titre de mainlevée définitive et que le recourant a été condamné à verser, à titre de contribution à l'entretien de celle-là, 11'000 fr. par mois depuis décembre 2022. Le recourant n'a pas non plus remis en cause l'absence de versement de la contribution d'entretien, objet de la poursuite en cause.

Le recourant soutient disposer de créances compensantes, exigibles d'un montant de 551'819 fr. 45. Il allègue avoir prêté à l'intimée ce montant afin de rembourser le crédit hypothécaire dont celle-ci était débitrice, de régler les indemnités de résiliation anticipée du crédit et pour que l'intéressée procède au rachat de son deuxième pilier. Pour fonder ses créances, il a produit des avis de débit de son compte, en faveur de l'intimée, ne comportant aucune cause, ainsi que la confirmation par la banque du remboursement du crédit hypothécaire.

Contrairement à ce que soutient le recourant, il ne dispose pas de titre de mainlevée définitive constatant les montants dont il se prévaut. Il n'est pas non plus au bénéfice d'une reconnaissance de dette. Les documents qu'il a versés ne comportent pas la signature de l'intimée et cette dernière conteste en être débitrice, arguant de ce que ces sommes auraient été données par le recourant. Par ailleurs, les paiements sont antérieurs à la poursuite dès lors qu'ils ont été effectués en 2018.

C'est ainsi avec raison que le Tribunal a considéré que le recourant n'avait pas rendu vraisemblable sa libération.

2.3 Par conséquent, le recours, infondé, sera rejeté.

3.  Les frais judiciaires de recours, arrêtés à 1'125 fr. (art. 48 et 61 OELP), seront mis à la charge du recourant, qui succombe, 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Le recourant sera condamné à verser à l'intimée la somme de 1'500 fr. à titre de dépens de recours (art. 95 al. 3 CPC; art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC; art. 20 et 23 al. 1 LaCC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 3 octobre 2024 par A______ contre le jugement JTPI/11076/2024 rendu le 18 septembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8141/2024–13 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 1'125 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______.

Condamne A______ à verser à B______ 1'500 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.