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Décisions | Sommaires

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C/6438/2024

ACJC/1570/2024 du 06.12.2024 sur JTPI/8976/2024 ( SFC ) , RENVOYE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6438/2024 ACJC/1570/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 6 DECEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 août 2024, représenté par Me François MEMBREZ, avocat, WAEBER AVOCATS, rue
Verdaine 12, case postale, 1211 Genève 3,

et

L'OFFICE DES FAILLITES, agissant pour la masse en faillite de B______ SARL, sise route de Chêne 54, case postale, 1211 Genève 6, intimée.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/4340/2024 du 8 avril 2024, le Tribunal de première instance a déclaré la société B______ SARL en état de faillite dès le même jour à 15 heures.

b. Le 25 juin 2024, l'Office des faillites a déposé, par-devant le Tribunal, une requête en suspension de la liquidation de la faillite susvisée, en raison de l'insuffisance d'actifs, ceux-ci ne permettant pas de garantir les frais de liquidation sommaire.

Etaient annexés à cette requête le procès-verbal d'interrogatoire de l'associé-gérant de la faillie, dont il ressort que celle-ci détenait 68'000 fr. d'avoirs auprès de [la banque] C______, ainsi que l'inventaire dressé par l'Office des faillites le 18 juin 2024.

A teneur dudit inventaire, la faillie détenait deux comptes bancaires auprès de C______, qui avait "procédé aux compensations des montants de 30'320 fr. 69 et 38'775 fr. 70 correspondant aux soldes créanciers, au jour de la faillite, des comptes n° 1______ et n° 2______, en faveur du crédit Covid-19 n° 5078.16.29 (voir courrier du 25 avril 2024)". Les deux comptes bancaires étaient ainsi estimés à 1 fr. chacun. Une prétention litigieuse d'un montant de 109'157 fr. 07 à l'encontre de D______ SA était également inventoriée et estimée à 1 fr. L'estimation totale des biens de la faillie s'élevait donc à 3 fr.

c. Par jugement JTPI/8976/2024 du 8 août 2024, le Tribunal a prononcé la suspension de la liquidation de la faillite de B______ SARL (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 80 fr., mis à la charge de la masse en faillite (ch. 2), et condamné celle-ci à verser ce montant aux Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 3).

Le Tribunal a considéré qu'il était vraisemblable que la masse en faillite ne suffirait pas à couvrir les frais de liquidation sommaire.

d. Ce jugement a été publié dans la FOSC le ______ août 2024.

e. Par acte expédié le 26 août 2024 au greffe de la Cour de justice, A______, créancier de la faillie, a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Cela fait, il a conclu à ce qu'il soit ordonné à l'Office des faillites de s'opposer à la déclaration de compensation de C______ du 25 avril 2024 et à ce que la liquidation sommaire de la faillite de B______ SARL soit ordonnée, sous suite de frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, il a sollicité le renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

Il a produit des pièces nouvelles.

Préalablement, il a requis l'octroi de l'effet suspensif à son recours, requête rejetée par arrêt de la Cour ACJC/1072/2024 du 4 septembre 2024, réservant le sort des frais à la décision au fond.

f. L'Office des faillites a conclu au rejet du recours et a produit des pièces nouvelles.

g. A______ a répliqué en persistant dans ses conclusions et a produit des pièces nouvelles.

h. Par avis du 4 octobre 2024 du greffe de la Cour, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC).

Tant la décision du juge de suspendre la faillite faute d'actifs que celle ordonnant la liquidation sommaire ou ordinaire de la faillite sont des décisions finales, susceptibles de recours, au sens de l'art. 319 let. a CPC (Wyss, Kollektive Beteiligungsrechte der Gläubiger im Konkurs- und Nachlassverfahren unter besonderer Berücksichtigung der Revision im Sanierungsrecht, in Zürcher Studien zum Verfahrensrecht, 2013, p. 50).

1.2 Les créanciers ont le droit de recourir contre une décision de suspension de la faillite au sens de l'art. 230 al. 1 LP (ATF 141 III 590 consid. 3).

1.3 Le recours a été formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1 et 2 CPC), de sorte qu'il est recevable.

2. Le recours est ouvert pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) et la maxime inquisitoire est applicable (art. 255 let. a CPC).

3. Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Il s'ensuit que l'ensemble des pièces nouvelles produites par les parties, de même que les faits s'y rapportant, sont irrecevables.

4. Le recourant fait grief au Tribunal de ne pas avoir considéré que les actifs de la masse en faillite étaient suffisants pour couvrir les frais de la liquidation sommaire de la faillite.

4.1.1 Après la prise d'inventaire des biens du failli (art. 221 LP), l'Office des faillites examine si ceux-ci suffisent à couvrir les frais d'une éventuelle liquidation sommaire au sens de l'art. 231 LP.

Lorsqu'il est probable que la masse ne suffira pas à couvrir les frais de liquidation sommaire, le juge qui a ordonné la faillite prononce la suspension de celle-ci à la demande de l'Office des faillites (art. 230 al. 1 LP).

La suspension de la faillite nécessite une enquête préalable plus approfondie que celle précédant la prise d'inventaire. La décision de suspension n'est prononcée qu'après vérification de la situation par le juge. Celui-ci apprécie les éventuelles revendications de tiers et les chances de succès des actions révocatoires. Directement ou par l'intermédiaire de l'office, le juge peut exiger du failli des renseignements complémentaires (Vouilloz, Commentaire romand LP, 2005, n° 2 ad art. 230 LP).

Le juge doit ainsi contrôler attentivement si la proposition de l'Office des faillites repose sur des investigations suffisamment sérieuses, approfondies et complètes pour justifier la suspension faute d'actifs (ATF 141 III 590 consid. 3.3).

L'Office des faillites publie la décision de suspension. Cette publication indique que la faillite sera clôturée si, dans les dix jours, les créanciers n'en requièrent pas la liquidation et ne fournissent pas la sûreté exigée pour les frais qui ne seront pas couverts par la masse (art. 230 al. 2 LP).

4.1.2 Aux termes de l'art. 213 al. 1 LP, le créancier a en principe le droit de compenser sa créance avec celle que le failli peut avoir contre lui.

La compensation suppose toutefois la réalisation des conditions générales des art. 120 et ss CO. La créance compensée et la créance compensante doivent être deux créances réciproques exigibles de même espèce, et dont la compensation n'est exclue ni par la loi (par ex. art. 125, 573 et 614 al. 2 CO), ni par contrat (Jeanneret, Commentaire romand LP, 2005, n° 9 ad art. 213 LP).

Selon l'art. 125 ch. 1 CO, ne peuvent être éteintes par compensation contre la volonté du créancier, les créances ayant pour objet soit la restitution, soit la contre-valeur d'une chose déposée, soustraite sans droit ou retenue par dol.

4.2 En l'espèce, le recourant fait valoir que le premier juge n'a pas mené les investigations nécessaires pour justifier le prononcé de la suspension de la liquidation de la faillite. Selon lui, la compensation de créance effectuée par [la banque] C______ ne serait pas valable, de sorte que la masse disposerait des avoirs bancaires de la faillie auprès de cette banque, qui suffiraient à couvrir les frais de liquidation.

A teneur de l'inventaire annexé à la requête de suspension de la faillite, le montant total de 69'069 fr. 39 figurant au crédit des comptes de la faillie auprès de C______ a été compensé par celle-ci, avec "un crédit Covid-19", selon un courrier de la banque du 25 avril 2024.

Or, la requête soumise au premier juge ne contient pas le courrier susvisé, ni les conditions générales de la banque, qui autoriseraient éventuellement celle-ci à procéder à une telle compensation. L'Office des faillites n'a pas non plus fourni d'explication sur les circonstances entourant cette compensation, intervenue, qui plus est, après l'ouverture de la faillite de la société le 8 avril 2024.

Ces éléments auraient dû éveiller l'attention du premier juge. En application de la maxime inquisitoire, il lui incombait de demander des renseignements complémentaires au sujet de cette compensation avant de rendre sa décision, en convoquant l'Office des faillites à une audience ou en sollicitant des titres. Il n'était pas fondé à se contenter de la seule mention de cette compensation à l'inventaire pour retenir qu'il n'existait pas suffisamment d'actifs afin d'ordonner la liquidation sommaire.

Le jugement querellé sera en conséquence annulé et la cause renvoyée au Tribunal pour instruction dans le sens des considérants et nouvelle décision (art. 327 al. 3 CPC).

5. Les frais judiciaires du recours, comprenant ceux de la décision rendue sur effet suspensif, seront arrêtés à 400 fr. (art. 53 et 61 OELP) et laissés à la charge de l'Etat de Genève, dans la mesure où ils ne sont pas imputables aux parties (art. 107 al. 2 CPC). L'avance de même montant versée par le recourant lui sera donc restituée.

Il ne sera pas alloué de dépens de recours, l'art. 107 al. 2 CPC ne permettant pas de mettre des dépens à la charge de l'Etat de Genève (Tappy, Commentaire romand CPC, 2019, n° 34 ad art. 107 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 26 août 2024 par A______ contre le jugement JTPI/8976/2024 rendu le 8 août 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6438/2024.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Renvoie la cause au Tribunal pour instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 400 fr. et les met à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 400 fr. à A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indifférente (art. 74 al. 2 let. d LTF).