Aller au contenu principal

Décisions | Sommaires

1 resultats
C/15229/2024

ACJC/1539/2024 du 29.11.2024 sur JTPI/9895/2024 ( SFC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15229/2024 ACJC/1539/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 29 NOVEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié c/o Madame B______, ______, France, recourant contre un jugement rendu par le Tribunal de première instance de ce canton le 26 août 2024,

et

C______, Service d'encaissement, sise ______ [VD], intimée.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/9895/2024 du 26 août 2024, expédié pour notification aux parties le 30 août 2024, le Tribunal de première instance, vu le commandement de payer, poursuite n° 1______, et la commination de faillite notifiée le
26 mars 2024, a déclaré A______ en état de faillite dès le 26 août 2024 à 14h15 (ch. 1), a arrêté les frais judiciaires à 150 fr., compensés avec l'avance opérée par [l'assurance maladie] C______, et les a mis à la charge de A______, condamné à en rembourser la précitée (ch. 2 et 3).

B.            Par acte du 16 septembre 2024 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement. Il a conclu à l'annulation de celui-ci, cela fait à ce que soit rejetée la requête de faillite.

Il a produit, outre la quittance du règlement, en capital, intérêts et frais, de la poursuite n° 1______, les comptes (aux 31 décembre 2022 et 2023 et au
31 mai 2024) de l'entreprise en raison individuelle dont il était titulaire, à l'enseigne D______ (dont le siège était sis avenue 2______ no. ______ au E______ [GE]), et divers devis. Les comptes 2022 montrent un bénéfice de 18'648 fr., ceux de 2023 un bénéfice de 61'164 fr. (pour un chiffre d'affaires de 187'581 fr., et moyennant paiement de salaires par 8'700 fr.), et les comptes ai 31 mai 2024 un bénéfice de 23'306 fr. (pour un chiffre d'affaires de 78'343 fr., et moyennant paiement de salaires par 14'150 fr.). Les devis portent sur des travaux en cours pour un total de l'ordre de 80'000 fr., sur des chantiers pour partie situés en France.

A titre préalable, il a conclu à la suspension de l'effet exécutoire attaché à la décision attaquée, ce qui a été ordonné par arrêt de la Cour du 19 septembre 2024, sous condition d'inventaire des biens de A______.

A la requête de la Cour, il s'est déterminé sur la liste des poursuites en cours qui lui a été transmise (celle-ci révèle huit actes de défaut de biens pour un total de 19'544 fr. 51, les créanciers étant la Confédération suisse, l'Etat de Genève, et la Suva et six poursuites payées à l'Office cantonal des poursuites et faillites dont le créancier était C______ pour des montants variant entre 1'312 fr. 60 et 4'313 fr. 20 entre 2021 et 2023). Il a fait valoir qu'il avait eu " des périodes creuses dans l'entreprise", s'étant fait déborder par des factures faute d'aide et d'organisation administratives, et qu'il s'était efforcé de rembourser au maximum, notamment plus de 16'000 fr. en octobre 2023; il s'est engagé à rembourser toutes les poursuites "le plus rapidement possible".

Le 7 octobre 2024, l'Office cantonal des poursuites a fait suivre à la Cour un procès-verbal de non-lieu d'inventaire, compte tenu du domicile de A______ en France voisine depuis le 15 septembre 2024, relevant que selon renseignement de la F______ le précité détenait un compte courant et un plan d'épargne dans cet établissement, dont les soldes étaient respectivement de 53 fr. 31 et 80 fr. 11 au
25 septembre 2024.

C______ n'a pas déposé de réponse.

Par avis du 21 octobre 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           En date du ______ 2024, le Registre du commerce a radié d'office la raison de commerce D______, en application de l'art. 934a al. 1 CO, "le délai fixé au titulaire pour régulariser la situation concernant le domicile au siège de l'entreprise étant échu sans avoir été utilisé".

 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP, par renvoi de l'art. 194
al. 1 LP).

Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Le recours a été formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 143 al. 3, 321 al. 1 et 2 CPC).

1.3 Après que la cause avait été gardée à juger, l'entreprise exploitée par le recourant a été radiée du Registre du commerce.

La personne physique titulaire (ou l'exploitant ou le chef) d'une entreprise individuelle, qui exerce une activité économique indépendante en vue d'un revenu régulier (art. 2 let. b ORC), est tenue de requérir son inscription - qui est une immatriculation - au registre du commerce (art. 934 al. 1 CO) si elle l'exploite en la forme commerciale et qu'elle obtient, sur une période d'une année, une recette brute de 100'000 fr. au moins (chiffre d'affaires annuel; art. 36 al. 1 ORC). La personne physique exploitant l'entreprise individuelle répond sur tout son patrimoine (Vianin, L'inscription au registre du commerce et ses effets, 2000,
p. 225). L'inscription au registre du commerce a pour conséquence que la personne physique titulaire (" le chef ") de la raison individuelle est assujettie à la poursuite par voie de faillite (art. 39 al. 1 ch. 1 LP; Vianin, op. cit., p. 301; arrêt du Tribunal fédéral
4A_23/2014 du 8 juillet 2014 consid. 2.1).

Selon l'art. 50 al. 1 LP, le débiteur domicilié à l'étranger qui possède un établissement en Suisse peut y être poursuivi pour les dettes de celui-ci.

L'établissement est réalisé par le débiteur domicilié à l'étranger qui est inscrit au registre du commerce en l'une des qualités de l'art. 39 (Schüpbach, CR-Poursuite et faillites, ad art. 50 n. 10), dont celle de chef d'une raison individuelle
(art. 39 al. 1 ch. 1 LP).

Une entreprise individuelle ne peut pas être partie à une procédure; seul est partie le titulaire de cette entreprise (ATF 142 III 96 consid. 3.3.3).

Selon l'art. 40 al. 1 LP, les personnes qui étaient inscrites au registre du commerce et qui en ont été rayées demeurent sujettes à la poursuite par voie de faillite durant les six mois qui suivent la publication de leur radiation dans la Feuille officielle suisse du commerce. Selon l'art. 40 al. 2 LP lorsque, avant l'expiration de ce délai, le créancier a requis la continuation de la poursuite, celle-ci se continue par voie de faillite. Ainsi, la date déterminante pour choisir le mode de la poursuite est celle de la réquisition de continuer la poursuite (art. 159 LP). Pour que le débiteur soit sujet à la poursuite par voie de faillite, il suffit donc que la date de réquisition de continuer la poursuite s'inscrive encore dans le délai de l'art. 40 al. 2 LP
(arrêt du Tribunal fédéral 5A_83/2024 du 13 mars 2024, consid. 3.1).

1.4 En l'occurrence, le recourant, en sa qualité de chef d'une raison individuelle a été inscrit au registre du commerce en mai 2022; il en a été radié le ______ novembre 2024. La date de la réquisition de continuer la poursuite est manifestement antérieure à la commination de faillite du 26 mars 2024, de sorte que le recourant demeure sujet à la faillite et que la procédure peut se poursuivre.

2. 2.1 En vertu de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler le jugement de faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que l'une des conditions suivantes a été remplie, à savoir que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité de recours à l'intention du créancier (ch. 2) ou que le créancier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ainsi, le débiteur ne doit pas seulement prouver le paiement de la dette à l'origine de la faillite, mais également rendre vraisemblable sa solvabilité. Ces deux conditions sont cumulatives
(arrêts du Tribunal fédéral 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2 in fine; 5A_126/2010 du 10 juin 2010 consid. 6.2).

Le poursuivi doit rendre vraisemblable sa solvabilité, en produisant des titres immédiatement disponibles.

En principe, s'avère insolvable le débiteur qui, par exemple, laisse des comminations de faillite s'accumuler, fait systématiquement opposition et ne paie pas même des montants peu élevés. De simples difficultés passagères de paiements ne font en revanche pas apparaître insolvable le débiteur, à moins qu'il n'y ait aucun indice important permettant d'admettre une amélioration de sa situation financière et qu'il semble manquer de liquidités pour une période indéterminée. L'appréciation de la solvabilité repose sur une impression générale fondée sur les habitudes de paiement du failli (arrêts du Tribunal fédéral 5A_153/2017 du 21 mars 2017 consid. 3.1, 5A_118/2012 du 20 avril 2012
consid. 3.1, 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, publié in SJ 2012 I p. 25). Pour rendre vraisemblable qu'il est solvable, le débiteur doit notamment établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012
consid. 3.1 et 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).

Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1). Pour l'annulation du prononcé de faillite, cela signifie que la solvabilité du débiteur doit être plus probable que son insolvabilité. Dans ce domaine, il ne faut pas poser d'exigences trop sévères, en particulier lorsque la viabilité de l'entreprise endettée ne saurait être déniée d'emblée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2011 du
11 août 2011 consid. 2, traduit et publié in SJ 2012 I 25; Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III p. 130 s.).

2.2 En l'espèce, il est établi que la dette faisant l'objet de la poursuite intentée par l'intimée a été acquittée, en capital, intérêts et frais. La première condition posée par l'art. 174 LP est ainsi réalisée.

Par ailleurs, le recourant a montré qu'il avait pu régler, en 2023, des poursuites de créanciers institutionnels, qui étaient nombreuses dans de brefs laps de temps, pour des montants inférieurs à 4'000 fr. environ. Il a cependant accumulé des actes de défaut de biens.

La récente radiation intervenue d'office de l'entreprise exploitée par le recourant, sans que celui-ci ne se manifeste, n'est pas signe d'une activité de continuation des affaires. Le non-lieu de prise d'inventaire, dont résulte qu'il n'y a pas de biens utiles à l'exploitation commerciale, faute vraisemblablement d'un local, ni d'avoirs bancaires du recourant, va dans le même sens.

Dès lors, la solvabilité du recourant n'est pas rendue vraisemblable.

Le recours sera donc rejeté, et la décision de faillite confirmée.

Compte tenu de l'effet suspensif accordé, la faillite prendra effet à la date du prononcé du présent arrêt (arrêt du Tribunal fédéral 5A_92/2016 du 17 mars 2016 consid. 1.3.2.1).

3. Les frais judiciaires de recours - arrêtés à 220 fr. - seront mis à la charge du recourant, qui succombe, et compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève (art. 61 al. 1 OELP, art. 105 al. 1, 106 al. 1 et 111 al. 1 CPC).

L'intimée, non représentée, ayant renoncé à se déterminer devant la Cour, il n'y a pas lieu de lui allouer des dépens de recours (art. 95 al. 3 let. b CPC).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 16 septembre 2024 par A______ contre le jugement JTPI/9895/2024 rendu le 26 août 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15229/2024-19 SFC.

Au fond :

Rejette ce recours.

Confirme le jugement attaqué, la faillite de A______ prenant effet le
29 novembre 2024.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 220 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indifférente (art. 74 al. 2 let. d LTF).