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ACJC/1510/2024 du 26.11.2024 sur JTPI/10157/2024 ( SML ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/8505/2024 ACJC/1510/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 26 NOVEMBRE 2024 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par le Tribunal de première instance de ce canton le 11 septembre 2024,
et
B______ SA, sise ______ [BE], intimée.
A. Par jugement JTPI/10157/2024 du 11 septembre 2024, le Tribunal de première instance, considérant que la pièce produite par B______ SA était un titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 LP, a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à hauteur de 4'708 fr. 45 avec intérêts à 12% dès le 23 juin 2017, 211 fr. 90 et 101 fr. 30 (ch. 1), arrêté les frais judiciaires à 200 fr., compensés avec l'avance effectuée par B______ SA, mis à la charge de A______, condamné à en rembourser la précitée (ch. 2 et 3), et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4).
B. Par acte du 18 septembre 2024 envoyé le 19 septembre 2024 à la Cour de justice, A______ a formé "opposition" contre le jugement précité. Il a, entre autres, nouvellement allégué que son adresse mentionnée dans le "jugement" du Tribunal de "décembre 2017" était erronée, et demandé qu'il soit fait application de l'art. "128 LP/CO".
B______ SA s'est déterminée dans le sens du "maintien de [sa] position".
Par avis du 29 octobre 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
C. Il résulte de la procédure de première instance les faits pertinents suivants:
a. Le 9 avril 2024, B______ SA a saisi le Tribunal d'une requête de mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, par A______.
Elle a produit copie de ce commandement de payer frappé d'opposition, portant sur 4'808 fr. 45 avec intérêts à 12% dès le 23 juin 2017 (poste 1), 211 fr. 90 (poste 2) et 101 fr. 30 (poste 3). La rubrique "titre de la créance ou cause de l'obligation" portait les indications respectives suivantes: "créance selon proposition de jugement PJTPI/63/2017 du 07.12.2017 entré en force, facture impayée de la carte C______ au nom de Monsieur A______. Créance cédée de C______ rue 2______ no. ______ [code postal] D______ [ZH]", "frais de rappel" et "frais selon jugement".
Elle a également déposé copie de la proposition de jugement du Tribunal du 7 décembre 2017, dans la cause C/3______/2017; celle-ci, rendue entre elle-même et A______ (domicilié rue 4______ no. ______ à Genève), lequel n'était ni présent ni représenté à l'audience, a notamment condamné le précité à lui verser 4'708 fr. 45 avec intérêts à 12% dès le 23 juin 2017, 211 fr. 90 et 101 fr. 30, et portait mention que la proposition de jugement serait acceptée et déploierait les effets d'une décision entrée en force lorsqu'aucune des parties ne s'y serait opposée dans un délai de 20 jours dès sa communication, ainsi qu'un certificat délivré le 22 février 2018 par le Tribunal portant sur le caractère exécutoire de cette proposition de jugement.
Ladite proposition de jugement retient que A______ restait devoir des impayés de factures correspondant à des achats réalisés au moyen d'une "carte de paiement sans espèces" C______, créances non contestées cédées à B______ SA.
b. Le 22 août 2024, A______ a spontanément fait parvenir au Tribunal une détermination et des pièces. Parmi celles-ci figure copie d'un commandement de payer, poursuite 5______, frappé d'opposition, notifié par l'Office cantonal des poursuites le 28 novembre 2023 à la requête de B______ SA à A______, portant sur une créance de 4'808 fr. 45 avec intérêts moratoires à 12% dès le 25 novembre 2023, des intérêts moratoires jusqu'au 24 novembre 2023 par 3'766 fr. 75 et des frais de poursuite par 142 fr. 93.
Il a notamment invoqué l'art. 128 CO, et annoncé qu'il serait présent à l'audience convoquée par le Tribunal le 30 août suivant, "contrairement à [s]on absence de l'audience précédente pour laquelle [il] n'avai[t] jamais reçu de convocation".
c. A l'audience du Tribunal du 30 août 2024, les deux parties étaient présentes. B______ SA a persisté dans ses conclusions. Aucune détermination de A______ n'a été portée au procès-verbal.
Sur quoi, il a été noté que le Tribunal prononçait la mainlevée définitive de l'opposition à hauteur de 4'708 fr. 45 "avec intérêts à 12% dès le 25 novembre 2023 [sic]", 211 fr. 90 et 101 fr. 30.
d. Les parties ont encore fait parvenir des courriers au Tribunal.
B______ SA s'est exprimée en ces termes: "Lorsque vous avez mentionné les intérêts moratoires relatifs à la créance due depuis 2023, cette mention m'a surpris mais au moment où vous alliez clore la séance, je n'ai pas eu l'opportunité de réagir et de vous interroger sur l'origine des informations relatives aux intérêts indiqués dans le commandement de payer du 23.11.2023. […] Le commandement de payer où figurent les intérêts de 2023 est celui portant la référence 5______, cependant notre demande de mainlevée se base sur le commandement de payer n°1______ […]. La première poursuite a été retirée simplement parce qu'elle était mal libellée, avec des montants ne correspondant pas au jugement […]".
A______ a relevé qu'il n'avait pas pu "[s]'exprimer pour [s]a défense" et s'est notamment prévalu de l'art. "128 CO". Il a notamment observé ce qui suit: "Le requérant a introduit une 1ère poursuite n° 5______ en 2017, voire déjà en 2016. Suite à mon opposition, une demande de mainlevée fut jugée le 07.12.2017. Pour un montant de 4'808,45 (et non pas 4'708,45)", et a fait référence à une "annulation [par B______ SA] de la poursuite initiale malgré un jugement lui étant favorable".
1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC).
Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, compte tenu de l'application de la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).
Le recours a été formé en temps utile. Emanant d'un justiciable procédant en personne, il sera considéré comme recevable, dans la mesure où la Cour parvient à déceler que le recourant conteste la motivation du premier juge portant sur le caractère de titre au sens de l'art. 80 LP de la proposition de jugement entrée en force, en raison, à bien le comprendre, d'une supposée nullité de celle-ci, et répète son argument en lien avec la prescription de la créance, non expressément abordé par le premier juge.
1.2 Le recours étant instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a; 335 al. 3 et 339 al. 2 CPC), la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1,
255 a contrario et art. 58 al. 1 CPC).
1.3 Le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 PC).
2. Outre divers développements sans pertinence, le recourant fait valoir qu'il n'aurait pas été convoqué à l'audience du Tribunal ayant précédé le jugement du 7 décembre 2017, et que la créance de base, datant de 2016, serait prescrite.
2.1 Le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (art. 80 al. 1 LP). Lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81 al. 1 LP).
Une décision nulle ne sortit aucun effet juridique (ATF 129 I 361 consid. 2.3). Dès lors, pour s'opposer à la continuation de la poursuite, le poursuivi peut invoquer la nullité de la décision présentée comme titre de mainlevée définitive (arrêt 5P.178/2003 du 2 juin 2003 consid. 3.1). En effet, cette nullité doit être constatée d'office, en tout temps et par toutes les autorités chargées d'appliquer le droit, y compris dans la procédure de mainlevée d'opposition. L'absence de l'usage d'une voie de droit ne fait pas obstacle à la recevabilité de ce moyen (ATF
133 II 366 consid. 3.1; 129 I 361 consid. 2 in initio; arrêt du Tribunal fédéral 5D_213/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.2, publié in SJ 2019 I p. 85).
La nullité d'une décision ne peut être retenue qu'à titre exceptionnel, si le vice qui l'affecte est particulièrement grave, s'il est manifeste ou du moins facilement décelable et si, de surcroît, la sécurité du droit n'est pas sérieusement mise en danger par l'admission de la nullité. De pareils motifs résident dans l'incompétence qualifiée (fonctionnelle ou matérielle) de l'autorité ou la violation grossière de règles de procédure (ATF 138 II 501 consid. 3.1; 137 I 273 consid. 3.1; 133 précité consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5D_213/2017 précité consid. 2.2).
2.2 L'art. 127 CO prévoit que toutes les actions se prescrivent par dix ans lorsque le droit fédéral n'en dispose pas autrement.
Selon l'art. 128 CO, se prescrivent par cinq ans, les loyers et fermages, les intérêts de capitaux et toutes autres redevances périodiques (ch. 1), les actions pour fournitures de vivres, pension alimentaire et dépenses d'auberge (ch. 2), les actions des artisans pour leur travail, des marchands en détail pour leurs fournitures, des médecins et autres gens de l'art, pour leurs soins, des avocats procureurs, agents de droit et notaires pour leurs services professionnels, ainsi que celles des travailleurs pour leurs services (ch. 3).
La prescription est interrompue lorsque le créancier fait valoir ses droits par des poursuites, par une requête de conciliation, par une action ou une exception devant un tribunal ou un tribunal arbitral ou par une intervention dans la faillite (art. 135 ch. 2 CO).
L'art. 137 CO dispose qu'un nouveau délai commence à courir dès l'interruption (al. 1). Si la dette a été reconnue dans un titre ou constatée par un jugement, le nouveau délai de prescription est toujours de dix ans (al. 2).
2.3 En l'espèce, le Tribunal a retenu que l'intimée disposait d'un titre de mainlevée définitive, à savoir une condamnation du recourant, résultant d'une proposition de jugement exécutoire.
Le recourant, en première instance dans des écritures qu'il n'avait pas été acheminé à déposer et dont l'absence de recevabilité ne paraît pas avoir été constatée, à tort, par le premier juge, a évoqué ne pas avoir été convoqué par l'autorité de conciliation en charge de la procédure C/3______/2017 en 2017, sans alléguer qu'il n'aurait pas reçu copie de la proposition de jugement. A en croire sa deuxième détermination adressée au Tribunal, il aurait eu connaissance de cette proposition de jugement, sans l'avoir remise en cause.
Dans son recours, il répète qu'il n'aurait pas été convoqué, en alléguant pour la première fois, et donc de façon irrecevable (cf art. 326 CPC), que l'adresse mentionnée n'aurait pas été celle de son domicile. A supposer que cet allégué ait été recevable, il ne pourrait en être tiré aucune conséquence convaincante, puisqu'il s'agit de l'adresse que le recourant indique lui-même dans la présente procédure.
Dès lors, la proposition de jugement du 7 décembre 2017, que le recourant n'a pas allégué ne pas avoir reçue ni attaquée, est exécutoire et n'est pas frappée de nullité. Elle représente un titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 LP.
La dette du recourant, constatée dans cette décision rendue en décembre 2017, a fait partir un délai de prescription de dix ans, qui n'est pas échu. Le recourant se prévaut donc en vain de prescription.
Les griefs élevés dans le recours ne sont dès lors pas fondés. Partant, le recours sera rejeté.
3. Le recourant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), supportera les frais de son recours, arrêtés à 300 fr. (art. 48, 61 OELP), compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
Il ne sera pas alloué de dépens, l'intimée n'étant pas représentée et n'en ayant pas requis.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé le 19 septembre 2024 par A______ contre le jugement rendu le 11 septembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8505/2024–20 SML.
Au fond :
Rejette ce recours.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais du recours à 300 fr., compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève.
Les met à la charge de A______.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Barbara NEVEUX, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.